Trois #prix littéraires en deux semaines! #littérature #concours #revues #poésie #Rilke

Belle moisson de succès ces derniers temps pour mes créations! Petit à petit, l’oiselle fait son nid et se sent chanceuse de cette reconnaissance par ses pairs!

Merci tout d’abord à l’ami Pierre Perrin qui, en juin dernier, a eu la gentillesse d’accueillir ma plume dans sa magnifique revue Possibles! Quel bonheur que de figurer dans le numéro 36 de cette très belle parution, aux côtés de grands noms dont vous trouverez la liste dans le sommaire!

http://possibles3.free.fr/num36.php

Pierre Perrin est non seulement éditeur, mais aussi un merveilleux poète doublé d’un romancier, qui a aussi ajouté à ses cordes une activité de critique littéraire. Il avait été lauréat en 1996 du prix Kowalski pour un recueil intitulé La vie crépusculaire. J’ai la chance de le compter parmi mes « amis Facebook » et il nous régale régulièrement de sa plume douce et très juste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Perrin_(%C3%A9crivain)

La revue Possibles, crée en 1975, rassemble ainsi au gré de ses numéros poésie et prose, fragments, textes courts, réflexions, et permet aussi souvent de retrouver un hommage particulier à une autrice ou à un auteur. Je vous invite à découvrir les cheminements de ces amoureux de notre langue française que Pierre sait si judicieusement faire cohabiter.

La rentrée de septembre apporta son lot d’allégresses avec la mise en ligne de la formidable émission de France Culture concoctée par Julien Thèves, qui est d’ailleurs un confrère en écriture, consacrée à Paula Modersohn-Becker: j’ai eu la chance de participer à l’émission et d’y côtoyer non seulement mes amis curateurs de Brême et de Worpswede, mais les magnifiques autrices que sont Maïa Brami et Marie Darrieussecq, ainsi que la peintre Maude Maris. Nous avons essayé de brosser un portrait à la hauteur de « notre Paula », si fantastique, dont une œuvre vient justement d’être vendue aux enchères pour plusieurs millions d’euros! Quelle belle reconnaissance !

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/paula-modersohn-becker-1876-1907-la-peinture-absolument-9049725

https://www.artmajeur.com/fr/magazine/2-actualites-artistiques/quand-l-art-degenere-triomphe-l-autoportrait-de-paula-modersohn-becker-pulverise-son-record-aux-encheres/340057

Un honneur ne venant, à l’instar du bonheur, jamais seul, j’ai eu la joie de recevoir dernièrement le premier prix de la section « anacréontique » des superbes Joutes poétiques de la société des Rosati d’Arras! Ces joutes sont la version « nordique » de nos Jeux Floraux toulousains, et je vous laisse imaginer ma joie d’y avoir été distinguée.

De Toulouse vers cette perle du Nord le chemin est bien long, et, si je n’ai pas eu le loisir de me rendre à la remise des prix, j’ai pu recevoir la lecture de mon texte en vidéo, que je vous partage ici:

Lecture de mon texte par Madame Francine Grosdenis

Tu es devenu le soleil à la Meuse

Tu es devenu le soleil à ma Meuse

Il fera doux ce jour comme un printemps lilas

Ma jupe sera courte et mon panty de soie

Je ne sais plus vivre sans me dire amoureuse

Tu es devenu le soleil à ma Meuse

Toi mon Rimbaud brûlant mon astre imaginé

Nos textos échangés font de moi Sévigné

Tant de lettres à l’amant tant de tendres murmures

Je ne veux plus parler ouvre la fermeture

Laissons glisser les soies déchire ce corset

Prends moi là nue offerte envahie de baisers

Je veux déshabiller ton corps d’éphèbe aimant

Ne plus craindre les doutes habiter dans l’instant

Tu auras un regard comme brasier heureux

Tes mains seront tisons embrasés dans le feu

Ton souffle inachevé enfin sera tempête

Sur mes seins délivrés tu glisseras ta tête

Nous serons symphonie toccata et arpèges

Mes soupirs voleront comme flocons de neige

Tes émerveillements ta douceur tes morsures

Mes encorbellements le bonheur qui rassure

Nos mots nous le disaient nos corps le prouveront

Tu remontes à ma source au Mont Gerbier de Jonc

Je t’amène bateau ivre en voyage immobile

Cette étreinte attendue aura couleur des îles.

La société des Rosati est donc une société littéraire d’Arras, fondée le 12 juin 1778. Elle est célèbre pour avoir compté Lazare Carnot et Maximilien de Robespierre ainsi que Maurice Fombeure parmi ses membres, et surtout très reconnue pour sa participation active à la vie culturelle et artistique de la région.

On est admis dans la société par cooptation, en étant présenté par une marraine ou un parrain. Dans un souci de perpétuer la philosophie du « Gay savoir » et de préserver la cohésion du groupe, l’admission se fait à l’unanimité.

Les Rosati du XXIè siècle continuent de respecter le rite de réception créé en 1787. La première fois, trois jeunes filles présentèrent au public une rose, une coupe de vin rosé et donnèrent un baiser fraternel. Aujourd’hui, ce sont de jeunes ballerines portées par l’hymne des Rosati, écrit par Marcel Legay, « Écoute ô mon cœur », qui évoluent sur la scène lors du gala de remise des prix. Je vous livre ici le livret de l’édition 2026:

Un autre de mes textes a retenu l’attention d’un jury lors du premier concours de poésie de la ville de Gruissan!

Cette première édition a été inaugurée avec brio par un florilège de créations superbes et par une très jolie brochure dans laquelle une citation de Paul Celan, si cher à mon coeur puisque compatriote de Rose Ausländer, côtoie les mots des organisateurs: « Je ne fais pas de différence entre un poème et une poignée de main. »

C’est bien ce sentiment de fraternité littéraire qui a porté les esprits et les âmes autour des éblouissantes lumières de la Méditerranée, grâce à l’association Les Voix de l’Orgue et à la municipalité de Gruissan dont le maire, Didier Codorniou, écrit: « La poésie est un souffle qui réunit. » Nos textes seront de plus mis en musique, ce qui représente toujours une belle synesthésie artistique…

https://www.delphe-arts-philo.org/

Lien vers le site de la municipalité de Gruissan:

Enfin, il faudra patienter quelques mois avant que je ne vous révèle mon classement à un superbe concours de nouvelles dont je sais d’ores et déjà que je suis lauréate. Rendez-vous au printemps pour l’annonce définitive du palmarès et pour la lecture de ma nouvelle…

Je l’avoue: j’aime ce petit frisson des concours littéraires, cette idée de se colleter avec d’autres esprits autour d’un thème ou d’une région… Oh, bien sûr, ce n’est pas le Goncourt, et je suis bien souvent évincée ou seulement second couteau, mais ce petit aiguillon de l’émulation nous pousse à nous dépasser! Et puis ça me rappelle sans doute l’agrégation à laquelle je me suis inscrite (sans la travailler vraiment…) tant de fois! Car je n’aimais rien tant que ces sept heures d’écriture autour d’un sujet donné lors des épreuves de dissertation, avec cette pression temporelle et cette obligation de rendre une copie parfaite! (On notera que le jour où j’ai compris qu’en fait, ce que je désirais, c’était avant tout écrire – et, au passage, être lue! -, j’ai à la fois réussi le concours et commencé mon cheminement d’autrice…)

Et c’est aussi très porteur que de n’être pas simplement seul dans cet acte de création, mais, au bout du compte, souvent associé.e à d’autres talents dans les revues et brochures où l’on peut découvrir les textes lauréats… C’est pourquoi je continue à jouer le jeu des concours d’écriture! Ce n’est pas tant la récompense qui compte que le fait d’oser participer, même si l’on n’arrive pas sur le podium des lauréats…

Vous pouvez retrouver mes textes sur de nombreux supports, comme dans les magnifiques recueils de nouvelles du Prix de la Nouvelle George Sand, concours dans lequel mes textes ont été régulièrement distingués et auquel je participer quasi religieusement! Mes nouvelles « L’enfant des Matelles », « Puella sum » ou « Les mains de Baptistin » (les deux derniers textes sont aussi à retrouver sur ce blog…) y figurent, par exemple…

https://www.concours-georgesand.fr/publication.html

https://www.concours-georgesand.fr/publication/7/-ricochets-

https://la-nouvelle-george-sand.jimdosite.com/actualites/

Mon texte « Le rossignol et la burqa » se trouve dans l’un des recueils publiés par L’Encrier Renversé de Castres, et il en va de même pour certains de mes poèmes à retrouver en revues…

https://www.ladepeche.fr/article/2012/03/05/1297774-un-joli-cru-pour-l-encrier-renverse.html

Pour retrouver tous les prix que j’ai eu le bonheur de remporter:

https://www.sabineaussenac.com/cv/portfolios/cv-litteraire-2024-25

Je profite de ce petit résumé littéraire pour vous annoncer la prochaine parution de ce qui constituera j’espère un magnifique ouvrage autour du Tarn et de mes racines paysannes paternelles, un opus mêlant poésies dédiées aux personnalités et aux lieux emblématiques de ce beau département et proses racontant la vie de mes ancêtres, gens de peu, paysans, journaliers de la vallée de l’Agoût, jusqu’au début du dix-neuvième siècle. Ce livre paraîtra en 2026 dans une superbe maison d’édition, en français…et en occitan, puisque je traduis mes textes dans la « lenga nostra » à laquelle je suis très attachée! Plus d’infos très prochainement!

J’aimerais en ce 4 décembre conclure ces miscellanées littéraires par un hommage à mon cher Rainer Maria Rilke, né le 4 décembre 1875 dans la merveilleuse ville de Prague et dont nous commémorerons en 2026 le centenaire de la mort (il s’est éteint le 29 décembre 1926 à Montreux.)

Photo du poète devant le musée du Barkenhoff à Worpswede, Basse-Saxe

Vous savez, si vous me lisez, que je travaille assidument à ma thèse de doctorat en recherche-création autour de la colonie d’artistes de Worpswede et de trois de ses créatrices, Paula Modersohn-Becker, Martha Vogeler et… Clara Westhoff-Rilke, qui fut l’épouse du poète! Ce dernier consacra d’ailleurs une célèbre monographie aux artistes de Worpswede et à ce lieu envoûtant; en juillet, lors de mon séjour Erasmus d’un mois (je suis partie, invitée par l’association des musées de Worpswede, interviewer des artistes et des responsables curatoriaux, et ces entretiens, dont certains sont en ligne, feront aussi partie intégrante de la pièce de théâtre qui sera présentée lors de ma soutenance…) j’ai été très émue de tenir entre mes mains un des premiers exemplaires de ce texte, lors de ma visite à la Fondation Paula Modersohn-Becker.

https://www.pmb-stiftung.de/

Si Clara Westhoff et Rainer Maria Rilke ne vécurent ensemble que très peu de temps et que bien d’autres femmes occupèrent le cœur du poète, ils ne divorcèrent pas et conservèrent un lien affectif et intellectuel majeur. Clara s’éloigna d’ailleurs à peine de Worpswede et partit s’installer avec leur fille Ruth à Fischerhude, un autre village de Basse-Saxe. Sa maison, devenu un café, se nomme toujours « Das Rilke-Haus »…

http://www.cafe-im-rilke-haus.de/

Et dans cette dénomination aussi on peut percevoir l’invisibilisation de la sculptrice, dont la présence en ce lieu est éclipsée par la renommée de son auguste époux – cette thématique fait partie des fils conducteurs de ma thèse…

Clara Westhoff-Rilke et Rainer Maria Rilke

Cependant, en ce jour d’anniversaire, l’heure n’est pas à la polémique mais à l’hommage!

Un dieu le peut… 

Un dieu le peut. Mais comment, dis,
l’homme le suivrait-il sur son étroite lyre ?
Son esprit se bifurque. Au carrefour de deux
Chemins du cœur il n’est nul temple d’Apollon.

Le chant que tu enseignes n’est point désir :
ni un espoir, enfin comblé, de prétendant.
Chanter c’est être. C’est au dieu facile.
Mais quand sommes-nous ? Et quand

met-il en nous la terre et les étoiles ?
Non, ce n’est rien d’aimer, jeune homme, même si
ta voix force ta bouche, — mais apprends

à oublier le sursaut de ton cri. Il passe.
Chanter vraiment, ah ! c’est un autre souffle.
Un souffle autour de rien. Un vol en Dieu. Un vent.

Cité dans

https://www.eternels-eclairs.fr/poemes-rilke.php

J’en profite pour mettre le lien vers une création digitale autour de Rilke présentée il y a quelques mois lors d’une journée d’études, dont le texte figurera bientôt dans une grande revue universitaire; en cliquant sur ma chaîne, vous retrouverez les vidéos autour de Worpswede déjà mises en ligne.

Je me permets enfin de reposter ce texte de 2011, avec sa splendide mise en mots par mon amie Corinne… Je ne suis ni Rilke ni détentrice d’un « grand » prix littéraire, mais j’ai commis cette brève réécriture des célèbres « Lettres à un jeune poète »:

Chère jeune poétesse!

Vous me demandez si vos poèmes méritent d’être nommés poèmes. Vous me demandez si vous êtes une poétesse.

Que vous répondre, chère jeune poétesse, que vous répondre, si ce n’est que la nuit vous sera vie.

La nuit, lorsque soufflera l’Autan et que Garonne gémira comme femme en gésine, vous le saurez.

La nuit, lorsque seul le rossignol entendra vos soupirs, vous le vivrez.

Vous vivrez ces instants où le mot se fait Homme, où quand d’un corps malade jaillit cette étincelle que d’aucuns nomment Verbe, quand certains la dédaignent; les étoiles apparaissent, et des mondes s’éteignent.

Vous me demandez, jeune amie, si vous êtes faite pour ce métier d’écrivain.

Mais écrire, belle enfant, ce n’est point un métier, ce n’est pas un ouvrage.

Poésie et argent ne font pas bon ménage, poésie est jalouse, et le temps est outrage.
Vous verrez le soleil dédaigner vos journées, et les ors, les fracas, les soirées et les fêtes, bien des autres y riront, se payant votre tête.

Seule au monde et amère, comme un fauve en cavale, vous lirez, vous irez, sachant mers et campagnes, portant haut vos seins doux, vos enfants en Cocagne. Loin de vous les amours, parfois quelque champagne.

Mais les mots, jeune amie, les mots, ils seront vôtres.

Vous les malaxerez comme on fait du pain frais, vous les disposerez en lilas et bouquets, vous en ferez des notes, des sonates, des coffrets.

Et quand au jour dernier vous serez affaiblie, vos mains seules en errance, votre bouche enfiévrée, on vous murmurera qu’on vous a tant aimée.

Mais il sera trop tard: vos vers auront fugué.

Alors soudain des peuples chanteront vos ramages, on vous récitera, des statues souriront; un écolier ému relira quelque page. Et un soir, quelque part, au fin fond d’un village, ou dans un bidonville, enfumé et bruyant, une jeune fille timide osera les écrire, ses premiers vers d’enfant, vous prenant en modèle.

Alors ma jeune amie, ce jour-là, doucement, comme en ronde éternelle:

vous serez poétesse.

Vous trouverez peut-être que cet article part dans tous les sens… Mais je n’ai jamais su choisir entre mes deux pays, entre toutes mes passions, et « il me faudrait mille ans » pour écrire tout ce dont j’ai envie de parler, comme le raconte ce texte ou ces méli-mélo de poèmes…

https://www.poesie-sabine-aussenac.com/

Et si vous aussi, vous tentiez votre chance en écriture??

** Lien vers un site répertoriant tous les concours de nouvelles:

** Lien vers un site collectant les concours de poésie, et autre lien vers nos chers Jeux Floraux toulousains!

http://www.poetika17.com/concourspoesie.html

Rose Ausländer, retour sur la tournée littéraire de juillet 2023#RoseAusländer #poésie #francoallemand #devoirdemémoire

Devant le buste de Rose AuslÄnder dans le Nordpark de Düsseldorf, crédits Sandra Voß

Plus d’un an après, il est plus que temps de faire le bilan de la superbe tournée littéraire autour de Rose Ausländer, rendue possible par la bourse reçue par la Société Rose Ausländer du Fonds Citoyen Franco-Allemand en juillet 2023. Si j’ai attendu autant de temps pour finaliser ce résumé, c’est d’une part car je ne voulais pas « faire de l’ombre » au site du FCFA (mais ils n’ont finalement pas mis notre projet en ligne, dommage…), et d’autre part car cette année a été bien agitée et difficile, entre une opération ratée et la perte de mon père.

En ces temps incertains où les armes résonnent tout autour de nous, non loin de la Bucovine de Rose sise aujourd’hui en Ukraine et bien sûr en Israël, à Gaza, au Liban, quelques jours après la commémoration des abominations du 7 octobre 2023, alors que des dizaines de milliers d’innocentes victimes sont mortes du fait de la folie des hommes, quand la peste brune sévit partout en Europe et que les actes antisémites se multiplient chaque jour, il me paraît aussi très important de revenir sur ce pari de la bonté, de la résilience et de la réconciliation qui fonde mes recherches au sujet de cette poétesse et sur lequel mes parents franco-allemands ont bâti sur relation.

Enfin, me voilà heureuse retraitée et pleine de temps libre pour revenir sur cette magnifique aventure!

Le travail d’organisation de la tournée avait été considérable, car cela a pris un temps infini de démarcher des dizaines d’interlocuteurs avant de réussir à finaliser les choix des dates, les lieux et les intervenants. Mais cela en valait la peine! Car les résultats de cette magnifique aventure vont bien au-delà de nos espérances!

Car outre la richesse des rencontres, la beauté des soirées musicales et les découvertes faites tout au long du séjour en Rhénanie, notre aventure a attiré l’attention des médias, et même d’un éditeur outre-rhénans! Et nous espérons sincèrement que cette tournée aura aussi des répercussions en France et nous permettrons de trouver un port d’accueil pour les traductions des poèmes de Rose et pour le roman.

« Rose, entre le ciel et ici », a permis l’extraordinaire rencontre de cultures, de peuples, de religions, puisque chaque soirée littéraire a donné l’occasion de chiasmes franco-allemands, avec des lectures bilingues, et de passionnantes discussions autour de l’histoire européenne et mondiale, du dialogue interreligieux, et, bien sûr, de la poésie et de la littérature.

De gauche à droite: Eva-Susanne Ruoff, Sabine Aussenac et Yael Anspach, dans la salle « Stadtfenster » du KAPP1.

La soirée du 4 juillet, à la bibliothèque de Düsseldorf, introduite par le Directeur, Klaus-Peter Hommes, puis modérée par Helmut Braun, le découvreur, l’ami et l’éditeur de Rose, fut un éblouissement artistique, grâce au violoncelle de la talentueuse Eva-Susanne Ruoff qui avait su choisir des pièces musicales s’harmonisant parfaitement aux textes lus à cette occasion. Pour chaque représentation, nous avions choisi des poèmes différents, afin de créer une atmosphère particulière. Yael Anspach, qui a remplacé Ruth Schiefenbusch, hélas malade, au pied levé, sut mettre toute sa fougue d’ancienne Sabra dans sa belle lecture des textes de Rose.

Le salut des artistes, crédits photo Barbara Schmitz

Les miscellanées de Wuppertal, le 6 juillet, furent tout aussi riches, malgré un public clairsemé! L’atmosphère estivale de l’arrière-cour de la librairie GlücksBuchladen et les accords du saxophone de Thomas Voigt, qui nous accompagna grâce au financement de la Else Lasker-Schüler-Gesellschaft, s’accordèrent aux cris des hirondelles pour envelopper la poésie ausländerienne de lumière bienveillante. C’est Helmut Braun qui prêta sa voix aux lectures en allemand, et sa connaissance des textes en permit une lecture pointue et parfaite.

https://www.facebook.com/sabine.aussenac/videos/1327387941185175

Voici le déroulé audio complet de la soirée, avec l’intégralité des lectures bilingues:

https://www.poesie-sabine-aussenac.com/cv/portfolios/rose-tour-lesung-wuppertal

Enfin, le 8 juillet, le happening musical et littéraire de la dernière rencontre aux alentours de Duisburg, accueilli au « Plus am Neumarkt » du Kreativquartier Ruhrort par le charismatique Heiner Heseding, accompagné par les bienveillances de la Société franco-allemande de Duisbourg, avec nos lectures croisées en deux langues, et par le talent infini du jeune chanteur Philipp Eisenblätter, se révéla vraiment comme le Climax de la tournée, avec un public vaste et varié, composé en partie par d’anciens ouvriers de la sidérurgie rencontrés lors d’une manifestation, venus en nombre! Wolfgang Schwarzer, l’ancien président de la « Voilà-Gesellschaft », avait retravaillé avec moi certaines traductions avant de partager la scène bilingue, tandis que Waltraud Schleser, actuellement à la tête de cette organisation qui porte haut les couleurs du franco-allemand, ouvrit le bal avec un beau discours.

Petit aperçu de l’ambiance:

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Philipp nous enchanta avec sa reprise de sa chanson phare « Duisburg » et avec sa mise en musique de l’un des poèmes de Rose.

Quelle belle surprise aussi de voir ma famille allemande venue découvrir Rose, et une journaliste de Deutschlandfunk Kultur assise au premier rang pour couvrir l’événement! Il faut dire que la presse avait grandement annoncé les différents événements de la tournée et que j’avais même donné une interview dans une télévision locale la veille!

Voici quelques liens vers la presse:

Pas peu fière d’avoir été annoncée dans die Rote Fahne, le journal fondé par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht!

https://www.rf-news.de/2023/kw27/literarische-buchlesung-einer-engagierten-kaempferin-gegen-rassismus-und-antisemitismus

Heiner Heseding avait lui aussi annoncé la soirée duisbourgeoise:

https://www.lokalkompass.de/event/duisburg/c-kultur/rose-zwischen-himmel-und-hier-lesetour_e300098

Entre les différentes dates, j’ai pu comme prévu poursuivre mes recherches autour de Rose et faire quelques lectures de textes et de poèmes en différents lieux.

Enfin, peu de temps avant mon retour à Toulouse, la journaliste Sandra Voß a souhaité faire une nouvelle interview, et nous avons passé un délicieux moment devant le buste de Rose dans le Nordpark de Düsseldorf. L’intégralité de cette rencontre est disponible en podcast:

https://www.deutschlandfunkkultur.de/rose-auslaender-roman-resilienz-aussenac-100.html

Merci encore une fois à toutes les participantes et à tous les participants de ce beau projet qui a fait résonner l’Europe, le franco-allemand et le Devoir de Mémoire. Merci à mon amie de toujours, Marie-Claude Camatta, d’avoir fait cette belle affiche, merci à Barbara Schmitz pour les photos, merci à l’infatigable Helmut Braun de son soutien précieux, merci à la société Else Lasker-Schüler et à la société franco-allemande de Duisburg, avec une grande reconnaissance à Wolfgang Schwarzer, merci à Yaël, merci à Heiner Heseding, à Sandra Voß, aux camarades de la Rote Fahne, au studio 47, et bien entendu un tout grand merci aux talentueux artistes:

* la fabuleuse Eva-Susanne Ruoff!

http://esrohlfing.de/

* le talentueux Thomas Voigt!

http://www.dein-saxophonist.de/

* l’extraordinaire Philipp Eisenblätter!

Sa dernière vidéo:

Et le clip de ma chanson préférée, celle à travers laquelle j’ai découvert cette pépite de la chanson allemande!

Et surtout, merci au Fonds Citoyen franco-allemand de son soutien!

https://www.fondscitoyen.eu/

En conclusion, mon poème dédié à Rose Ausländer:

Une vie à réinventer… #retraite #enseignement

Dernières heures.

Dernières minutes.

Dernières secondes.

Dernière surveillance.

Après les dernières heures de cours, les derniers conseils.

40 ans. 40 ans qui se terminent comme ça, doucement, en catimini, dans le silence feutré entrecoupé de quintes de toux et de stylos qui tombent, dans le clair obscur d’une salle où transpirent de jeunes esprits qui se collètent avec une épreuve de spécialité, dans les moiteurs et les empressements.

Pas d’au-revoir, pas de pot de départ, pas d’annonce claironnante quand tu n’es que TZR ( un peu comme contractuel, mais en fait agrégée en fin de carrière sans poste fixe).

Dehors, ces trombes d’eau qui transpercent un ciel de fin du monde, un ciel presque jaune, en étrange début d’été aux allures de Toussaint.

Demain ce sera la fête de la musique, comme lors de ta première, celle où tu avais aussi vu Crosby Stills and Nash au Zénith de la ville rose. Comme ces années sont passées vite…

1984, année de mon CAPES…

Tu as encore en tête le goût de ton tout premier cours, celui avant lequel un collègue pressé t’avait dit ‘ Tiens, voilà les clefs et la salle de ronéo, tu prends les craies chez le concierge!’. Tu te souviens de la bouille ronde de ces sixièmes comme autant de petits chats, attachants et joueurs, comme tu te souviendras toujours de cette dernière cuvée, des étreintes, le dernier jour, avec trois filles de seconde, de leurs petits mots gentils, du sourire de tes premières si reconnaissants et des échanges adorables et forts avec tes terminales.

Tu prévois peut-être un récit, un livre. 40 ans! 40 ans!!!!! 40 ans à raison d’une cinquantaine à plus d’une centaine de têtes blondes à accompagner par année, au gré des réformes diverses, à naviguer entre collège, lycée et BTS, à avancer, à se renouveler, à toujours croire en EUX, en leur potentiel de jeunes humains en devenir. À essayer de ne jamais les décevoir.

Tu te souviens de cette époque d’avant internet, quand déjà tu leur faisais faire des cassettes audio que tu écoutais en faisant ton repassage avant Ciel mon mardi. Tu n’as jamais oublié les montages que certains faisaient en utilisant les chansons de Grönemeyer…

Tu te souviens de ces élèves des petits collèges de campagne, si naïfs et gentils. De tes élèves de ZEP qui disaient ´ Ich liebe dich’ durant l’appel, ou ´Ich bin ein Berliner!’ De tes élèves de CHAM, les sections musique, brillantissimes et drôles, de Sissi qu’ils adoraient, de leurs rêves immenses. De cette élève de Roubaix dont le grand rêve, justement, était de devenir caissière.

De ceux qui sont morts, de celle qui a eu un accident de scoot, de celui qui s’est tiré un coup de fusil dans le ventre, de celui que son père a tué entre midi et deux d’un coup de fusil de chasse avec sa mère, de celui qui n’a jamais quitté ton cœur, dont la voiture s’est emboutie sous un camion. Maud, Jérôme, Michel, je dis vos noms.

Tu te souviens des repas de classe, quand tu étais jeune prof et que tu allais à ceux de tes Terminales qui avaient presque ton âge, quand ton collègue de philo faisait mine en te voyant de te prendre pour une nouvelle élève, et puis cette guitare dans ton jardin quand Vincent jouait La fille du coupeur de joints et Mistral gagnant sous le grand catalpa.

Tu te souviens du CD de la Traviata qu’on t’a offert devant le lac du jardin Lecoq. L’auteur de ce présent est toujours ton ami. Merci, Jean.

Tu te souviens des fous-rires, tellement innombrables, tellement plus que tu ne te souviens des heures difficiles. Bien sûr, elles ont existé aussi, ces classes désagréables dès la rentrée, ces moments de luttes intestines répétitives et usantes, comme si certains groupes parfois espéraient sonner l’halali en t’acculant à la colère, mais jamais tu ne cédas ni ne renonça au dialogue. Et tu préfères d’ailleurs te souvenir des farces de celui que tu avais eu presque 6 ans ( 2 secondes, 2 premières etc….!) et qui un jour avait mis une poubelle remplie d’eau en équilibre sur le haut de la porte:)

Dans cette même classe, les garçons avaient aussi écrit un jour ´ Ich liebe dich’ sur leurs paupières, on le lisait quand ils fermaient les yeux!

Tu te souviens, de ces mêmes années, du groupe d’élèves No name, dont tu avais d’ailleurs écrit le nom sur ta trousse, que tu avais écouté dans un bar non loin du lycée. Le guitariste est devenu connu, je le salue au passage!

Et puis les chaussettes musicales qui faisaient un chant de noël que toi aussi tu as portées une année, pour leur faire une farce à ton tour !

Tu te souviens des langages codés si créatifs, des ´chutez-vous’ en lieu et place de ´chut’ de tes élèves des quartiers! Et de certains visages inoubliables: ma chère Ophélia devenue une amie de mon fils, ma talentueuse Clarisse, ma douce Sèverine qui me doit sa famille (😎), et puis celui qui venait en cours en cravate et savait qu’il étudierait à Oxford, en 4e, et les brillantissimes, et tous ces cancres adorables…

Tu te souviens à peine des collègues, car somme toute ce sont les élèves, surtout, qui t’ont portée et soutenue lors de cette longue carrière! C’est sans doute lié au fait que tu as, au bout de dix ans, perdu ton poste fixe pour ne jamais en retrouver un. Mais tu garderas contact, c’est certain, avec quelques profs au grand cœur rencontrés au gré de tes affectations, et avec ce magnifique groupe FB de profs d’allemand, si riche en échanges et en conseils! Et tu n’as pas oublié l’accompagnement précieux de l’Institut Goethe durant toutes ces années, avec ton inoubliable stage à Berlin, ni les engagements forts et incessants de l’ADEAF…

https://www.adeaf.fr/#

Tu as une pensée émue pour tes chefs d’établissement, surtout pour deux d’entre eux disparus, eux aussi. Pour toutes les âmes qui portent à bout de bras les établissements où tu as travaillé, les petites mains qui nettoient et qui servent les repas, les piliers que sont les secrétaires de direction, les AESH qui accompagnent les élèves différents, la ruche bourdonnante de la vie scolaire, les sourires des personnels d’accueil…

Tu te souviens de ces petits matins blêmes quand, vers 4 h 30, tu te levais avant de prendre bus, métro, train et car pour rallier St Girons et longer les eaux vives du Salat. Et des centaines de trajets en TER entre Auch et Toulouse. Tu te souviens des milliers de copies corrigées, et de tous ces oraux de bac…

Trajet entre mon lieu de vie à Auch et trois postes, gare de l’Isle-Jourdain…

Tu te souviens du sms reçu par un élève dont le père était gendarme, quelques minutes après la tuerie de Merah à l’école juive. Tu te souviens d’Imagine chanté par tes élèves après le Bataclan.

https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/myriam_199095.html

Tu te souviens des cris de joie des bacheliers, des fronts soucieux des sixièmes, des confidences entre deux cours, de toutes les marques de confiance. Des gâteaux de l’Aïd apportés par les mamans, des Plätzchen de Noël faits par les élèves, des flashmobs et des repas allemands à la cantine.

https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/je-devins-une-enfant-de-l-europe_10388.html

Tu te souviens du café pris au soleil devant la salle des profs, devant la grande cours de Blaise, en écoutant U2 au Walkman, et de la fois où tu t’es infiltrée à la soirée bac au Diam’s. De la Perdrix et du Phydias, et du bar Chez l’Ogre, où les frontières se faisaient floues.

Montage fait par un Terminale qui savait ma passion pour U2…

Tu te souviens des inspections, de celle où tes filles avaient eu une gastro toute la nuit et où tu avais réparé ta branche de lunettes avec du scotch.

https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/vous-avez-dit-cayenne_466.html

Tu te souviens des dizaines d’expositions faites au gré des semaines franco-allemandes ou des semaines des langues, et des magnifiques soirées passées avec les assistants étrangers ou avec les parents durant les échanges…

https://annexeplochingen.blogspot.com/

***

Le thème de la dernière nouvelle que tu as écrite pour un concours était… Nouveau départ.

Oui, c’est bien cela, tu vas prendre un nouveau départ, et d’ailleurs tu te sens exactement comme à 18 ans, puisque, sans conjoint, sans maison, tu es libre comme l’air ( bon, presque, car encore très nantie de parents et d’enfants 😇) et donc capable, en théorie, d’enfin faire ce qui te plaît plaît plaît… Vas-tu voyager enfin, le faire, ce road trip à travers les States? Découvrir le Japon dont tu rêves, ou, plus prosaïquement, le Portugal? Enfin aller à Rome ou en Écosse?

Prendras-tu le temps de démarcher les éditeurs pour tes trois romans, pour les centaines de nouvelles et les milliers de poèmes? Seras-tu invitée au Marché de la Poésie ou aux Voix Vives de Sète, aux foires du livre? Quitteras-tu un jour les briques rouges pour les rives du Rhin?

Dernières heures.

Dernières minutes.

Dernières secondes.

La pendule marque presque la fin de l’épreuve et de ma fonction d’enseignante du secondaire.

Il va falloir trouver un temps nouveau, ne plus s’accrocher à ce découpage des agendas au papier tout neuf qui fleurent bon vendanges, des conseils de classe aux parfums de mandarine d’avant Noël, des ponts du mois de mai et des examens où l’on devine déjà la ligne bleue de Mare nostrum…

Ma vie est à réinventer.

( …et d’ailleurs ma date de départ à la retraite est le… premier octobre!!! Mais je pense que le mois de septembre se passera à couvrir des livres dans un C.D.I…😎 )

http://www.jimlepariser.fr/l%E2%80%99hymne-a-la-joie/

Et deux interviews dans le Café Pédagogique:

https://www.cafepedagogique.net/2024/06/27/sabine-aussenac-professeure-dallemand-jai-ete-une-prof-heureuse/

https://www.cafepedagogique.net/2024/07/04/sabine-aussenac-professeure-dallemand-jai-ete-une-prof-heureuse-2/

Arroser les souvenirs irisés

R êver aux jours

E ncore si proches et pourtant

T rès lointains,

R ire en se souvenant de mille joies,

A rroser les souvenirs

I risés qui rassemblent

T endresses et douleurs:

E nfanter vie nouvelle…

**

Florilège des superbes travaux réalisés par les élèves au fil des ans…:

https://lallemagnetoutunpoeme.blogspot.com/2024/02/ma-belle-allemagne.html

Pas(s)age(s)#bonneannée #2024 #happynewyear

Pas(s)age(s)

En m’excusant du « s » surnuméraire à « année-s »!

Pas sages

non, nous n’avons pas été sages

avant ce passage

des ombres de l’an vieil aux

lumières de l’an

neuf.

Encore une année des chaos, quand

hurlent les vents des sirènes au

milieu des fracas, quand meurent

 innocents, enfants martyrisés, femmes

violentées, pays ravagés.

*

Mais il y a eu aussi le Beau : ces abeilles en

printemps butinant

espérances, ces nouveaux-nés potelés

comme angelots, et puis les rencontres, les rires, les rivages

où dérivent nos vies en devenirs…

Accueillons-nous, cueillons les fruits sans cesse

renouvelés du temps, osons nous regarder

et faire de notre terre un meilleur

monde. Soyons rivières et coquelicots,

névés et blancheurs, débordons de

candeurs pour radier les nuits noires.

Éclairons-nous au feu

des âtres parfumés. Soyons les

allumeurs de réverbères !

Bel an neuf à vous et vos aimés !

Le texte a été lu en deux langues, avec ma traduction poétisée vers l’allemand, sur la radio canadienne CKCU. Merci à Hans Ruprecht ! La version allemande se trouve juste un peu plus bas.

https://cod.ckcufm.com/programs/414/63427.html

Cliquer sur « Listen now » ou suivre ce lien:

(Weg)weise(r)

Nicht weise,

nein, wir waren nicht weise, bevor

wir vor diesem Wegweiser zum neuen

Jahr standen, wo die Schatten des alten Jahres zu

Lichtern des neuen werden.

Wieder ein Jahr des Chaos: Heulende

Winde der Alarmsirenen

inmitten von Leben Fetzen, sterbende

Unschuldige, gemarterte Kinder, vergewaltigte Frauen, verwüstete Länder .

*

Aber es gab auch das Schöne:

 diese Bienen im Frühling wie

summende Hoffnungen,

diese pummeligen Neugeborenen, mit Pausbacken

wie Engelchen,

und dann  Begegnungen, das Lachen, die Küsten, an denen unser Dasein so sanft

hin und her schaukelt…

Lasst uns einander willkommen heißen

und die immerwährenden Früchte der Zeit

ernten, wagen wir es, uns selbst zu achten und aus unserer Erde

eine bessere Welt zu machen. Lasst uns Flüsse und Mohnblumen

sein, strahlende Firne, lasst uns von Unschuld

überquellen und

die dunklen Nächte auslöschen.

Lasst uns im Feuer leuchten

der duftenden Kamine.

Seien wir die Laternenanzünder!

Es lebe 2024! Alles Gute für Euch und Eure Liebsten!

https://sabine-aussenac-dichtung.blogspot.com/2024/01/wegweiser-alles-gute-zum-neuen-jahr.html

Rose Ausländer aux Cahiers de Colette #rencontrelittéraire #Paris #librairie

Comme elle aurait été heureuse, ma Rose, de revoir Paris! En 1939, déjà, si peu de temps avant la canonnade, elle avait rendu visite à la ville lumière. Et lors de son grand tour d’Europe de 1957, son séjour parisien, avec sa rencontre avec Paul Celan, avait fait partie de ses dates clefs…

Quelle fierté pour moi que d’être reçue dans l’antre de Colette, dans cette librairie phare, adresse incontournable de tout lecteur parisien qui se respecte…

http://www.lescahiersdecolette.com/

Merci à cette grande dame des lettres parisiennes de son accueil, et des sourires de Nicolas et Thomas – Thomas qui vient du Sud-Ouest, lui aussi ! – . La rencontre, présentée par Antoine Spire, le directeur de la collection Judaïsmes, qui héberge mon essai, a permis de mettre en perspective quelques-uns des thèmes développés par l’ouvrage et de mettre en avant la personnalité de cette poétesse encore trop peu lue en France, malgré les remarquables travaux universitaires qui lui ont été consacrés.

Ce fut un régal que de répondre à ses questions autour du livre, puisque Antoine Spire, l’une des voix de France Culture, est bien entendu plus qu’à l’aise dans l’exercice ! J’ai pu compter aussi sur le précieux soutien du préfacier, Laurent Cassagnau, de l’ENS Lyon, qui a eu la gentillesse de nous apporter ses pertinentes réflexions.

Merci encore aux amis qui sont venus nous écouter parler de Rose…

Et comme il n’y a pas de hasard, c’est bien le sourire d’Anne Frank qui a veillé sur cette rencontre, puisque juste avant le début de la conférence j’ai enfin découvert le Jardin d’Anne, non loin de la librairie et du mahJ… Anne grâce à laquelle « tout a commencé », lorsque j’avais découvert, enfant, à la lecture de son Journal, que mon deuxième pays, l’Allemagne, avait abrité l’Indicible…

Voici quelques photos qui ont immortalisé l’événement aux Cahiers de Colette, et les liens vers les vidéos mises en ligne. Merci à Sarah et Julie, les photographes ! (Les photos sont en libre accès FB)

Pour aller plus loin, deux articles de Laurent Cassagnau au sujet de Rose Ausländer:

« Rose Ausländer et la poésie américaine » in Etudes germaniques 58 (2003) 2, p.211-232

« Mémoire et souvenir: à propos de Schnee im Dezember de Rose Ausländer » in Rose Ausländer. Lectures d’une oeuvre (sous la dir. de J. Lajarrige et M.-H. Quéval), Nantes: Editions du Temps, 2005, pp. 101-115

https://sortir.telerama.fr/paris/lieux/boutiques/les-cahiers-de-colette,25231.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Spire

À la Une

Rose Ausländer, une grande voix juive de la Bucovine #essai #poésie #judaïsme #RoseAusländer #Allemagne #Ukraine

https://www.editionsbdl.com/produit/rose-auslander/

Enfin! Mon essai est sorti, tout bleu comme un ciel d’été enrobé du cercle stellaire! Merci à Jean-Luc Veyssy et aux éditions du Bord de l’Eau d’accueillir Rose et ses poèmes, et d’avoir permis l’existence de cet ouvrage passerelle entre poésie et judéité. Merci à Antoine Spire, le directeur de la superbe collection Judaïsme, pour son accompagnement, et à Laurent Cassagnau de l’ENS Lyon pour sa très belle préface. Voici la présentation de l’éditeur:

« Rose Ausländer, dont les poèmes sont traduits dans le monde entier, fait partie des figures majeures de la littérature allemande du vingtième siècle. Sa voix demeure pourtant quasi ignorée en France en dehors de cercles universitaires, alors même que son ami et compatriote Paul Celan la portait en haute estime et qu’elle est considérée comme l’une des grandes poétesses de la Shoah, au même titre que Nelly Sachs. C’est cette injustice que Sabine Aussenac a voulu réparer en retraçant les flamboyances culturelles de Czernowitz, la « petite Vienne » de la Bucovine, avant de fixer les béances du ghetto, de la Shoah et de l’exil, jusqu’à la renaissance en poésie de Rose Ausländer. Et c’est bien autour de cette césure fondamentale du génocide et de la problématique de la judéité que se noue le lien passionné de la poétesse à son public allemand, en miroir du rapport intime et universel la liant à son peuple et à sa religion. Lire cette poésie, c’est aussi se sentir transporté aux confins de la Mitteleuropa ou dans le staccato de l’exil new yorkais avant de se recueillir dans l’atmosphère épurée et stellaire de la langue-souffle d’une poétesse dont la voix ne vous quittera plus. »

J’ai voulu, en écrivant ce texte qui est aussi l’antichambre du roman que j’espère un jour publier autour de Rose, faire découvrir cette femme exceptionnelle et ses milliers de poèmes à un vaste lectorat francophone, tout en articulant ma recherche autour des liens entre sa poésie et le judaïsme.

La voix de Rose bouleversera les âmes sensibles à la poésie; son destin saura aiguiser la curiosité des passionnés d’Histoire; sa langue émerveillera les germanophiles; sa résilience, miroir d’une époque, inspirera tous les exilés, tous les opprimés; son courage devant la guerre, lors de la Shoah et face à la maladie forcera l’admiration de tous.

Et chacun de ses textes, petite lumière en écho aux étoiles qu’elle aimait tant, nous offre en quelque sorte la possibilité de devenir un Mensch… Mon essai, en effet, s’inscrit aussi dans une lutte incessante contre l’antisémitisme.

Enfin, n’oublions pas que Czernowitz, capitale de la Bucovine, se situe aujourd’hui en Ukraine… Lire Rose, c’est aussi dire non à toutes les guerres!

N’hésitez pas à me contacter via le formulaire de ce blog si vous souhaitez acquérir un ouvrage dédicacé. 

Un dernier appel à destination de l’édition: Helmut Braun, le découvreur, l’ami et le légataire de Rose Ausländer, devenu aussi un proche collaborateur, m’a chargée de traduire certains recueils de Rose… Nous sommes donc à la recherche d’un accueil en poésie….

https://www.lyrikline.org/de/gedichte/noch-bist-du-da-555

Noch bist du da

Wirf deine Angst
in die Luft

Bald
ist deine Zeit um
bald
wächst der Himmel
unter dem Gras
fallen deine Träume
ins Nirgends

Noch
duftet die Nelke
singt die Drossel
noch darfst du lieben
Worte verschenken
noch bist du da

Sei was du bist
Gib was du hast

Pour le moment tu es encore là

Jette ta peur
en l’air

Bientôt
ton temps sera passé
bientôt
le ciel poussera
sous l’herbe
tes rêves tomberont
dans le Néant

Pour le moment encore
l’oeillet embaume
la grive chante
pour le moment encore
tu as la chance d’aimer
d’offrir des mots
pour le moment tu es encore là

Sois ce que tu es
Donne ce que tu as

https://avecmavalisedesoieroseauslander.home.blog/2019/05/11/avec-la-valise-de-soie-un-voyage-sur-les-traces-de-rose-auslander/

sabine-aussenac-dichtung.blogspot.com

Rose Ausländer, une grande voix juive de la Bucovine #poésie #essai #judäisme #Shoah

J’ai la grande joie de vous annoncer que mon essai sur Rose Ausländer, « Rose Ausländer, l’autre grande voix juive de la Bucovine », paraîtra courant 2022 dans une superbe collection de la très belle maison d’édition Le Bord de l’Eau

Lire Rose, c’est tout d’abord être aveuglé par l’empreinte de ce linceul lancinant de la Shoah, décryptant dans cet ossuaire testimonial l’itinéraire cette exilée, de la Bucovine à NY jusqu’à l’Allemagne qui deviendra paradoxalement sa terre d’accueil. Cependant, au fil de la découverte plus pointue de l’œuvre abondante de cette poétesse atypique, au gré de l’hétérogénéité de cette langue éclatée et polymorphe, allant de la célébration rilkéénne des débuts à l’indicible pneuma caractérisant les dernières productions poétiques, on en vient à comprendre le silence ausländerien, cette légèreté de l’essence poétique d’une survivante chantant encore le lilas de l’enfance malgré « le lait noir de la mémoire ».

C’est justement cet équilibre entre l’être et le néant, cette force résiliente qui sous-tend toute l’œuvre de la « poétesse de Düsseldorf », voix majeure de la littérature allemande : « Ecrire, c’était vivre. C’était survivre. »

https://www.editionsbdl.com/

« Inventer

un

poème

signifie

être mis au monde

et courageusement chanter

d’une naissance à l’autre »

Quant à mon roman sur Rose, il est toujours en cours d’écriture…

https://avecmavalisedesoieroseauslander.home.blog/

Écrire…#littérature #poésie #hommage #prixlittéraires #Goncourt #Fémina #édition #éditeurs

Écrire.
Parce que ça brûle et que les mots mangent les miasmes mortels.
Parce que je me consume.
Écrire.
Pour hurler les insupportables injustices d’une vie entre chien et loup, pour appeler tous les soleils.
Écrire.
Pour respirer les lilas et les roses, parce que consommer ne suffit plus.
Écouter la petite fille de sept ans qui déjà dans une rédaction voulait « son nom écrit en lettres d’or »
Écouter l’adolescente rondelette qui savait qu’elle ne serait jamais starlette, mais que son esprit avait la grâce des vents.
Écouter la jeune fille qui noircissait cahiers et carnets de poèmes et d’intimes.
Faire taire les médisants et les jaloux, ceux qui ricanent en disant « tu fais encore tes poèmes ? » et ceux qui ne lisent jamais.


Écrire.
Sentir les mots qui fusent dans mes veines comme autant de petits shoots, les modeler comme je respire, les coucher tous neufs sur le papier de soie de l’imaginaire.
Les voir s’embouteiller pare choc contre pare choc sur le bitume de mes nuits, les regarder décoller ou décolérer, me prendre soi-même par la main.
M’amener au parc Monceau des mémoires et manger des mots tagadas.
Écrire.
Exister.
Survivre.
Se sentir relié au vivant. Microcosme dans le macrocosme des auteurs. Relire Rilke, Desnos, Sophocle, jouer dans la cour des grands.
La solitude n’existe plus, dès lors que les lettres ont pris forme dans un cerveau d’enfant. Je me souviens de cet immense chagrin : et comment ferai-je pour « tout » lire ? Le fait de ne jamais visiter la Patagonie ou les Maldives me tourmentait bien moins que l’idée de ces milliards de pages que je n’aurais jamais le temps de parcourir…


Écrire.
Pour te parler.
Pour vous parler.
Pour les méridiens célaniens autour d’une terre murmurante et dialogique.
Pour bousculer les idées reçues et pas pour recevoir des prix.
Pour maculer les neiges et éblouir les nuits.
Pour faire basculer dans le vide les parachutes dorés.
Par devoir d’insolence.
Par malice ou par fierté, par respect ou culpabilité.
Écrire.
Pour le poids des mots, le choc des idées, pour les mots tocsins et les caresses d’âmes.
écrire.
Te toucher dans le mille. Te bouleverser. Te traverser. Te tournebouler. Te secouer jusqu’à l’extrême. Pour t’inventer, te rencontrer, te trouver. Pour te parler.

https://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/liberte-etat-animal_b_1917609.html


Écrire.
T’écrire.
Oublier ceux qui m’accusaient de verbiage. De me répéter. D’oser communiquer par le bais des mots couchés en lieu et place d’une discussion franche.
Relever la tête des mots. Leur apprendre à défiler comme sur un podium, entre insolence et grâce.
Couper les franges, outrer les regards, charbonner les yeux, raccourcir les jupes. Mots de filles, mots de femme libre, créatrice, mannequin et cliente : j’écris et m’habille comme bon me chante.
Mots de blonde, mots de bombe. Mes mots bombent le torse et s’affichent en talons aiguilles.
T’écrire, te dire.
Écrire les envies aussi, les désirs, les folies. Ecrire le feu, écrire par le feu. Et les frissons tentants.


Écrire.
Partout. Sur des bouts de papier volés, sur la nappe des restaurants, griffonner, noircir, exploser.
Sentir la brûlure de l’urgence quant l’idée naissante se présente dans la maïeutique du quotidien.
Oser réclamer du papier au magasin de fleurs, et griffonner sur tout support possible. Les chéquiers se font Nobels en puissance, le plan de Paris devient Goncourt.
Écrire encore à la main, pour le plaisir des volutes de l’encre et de la sensualité des lettres papiers. Envoler des majuscules gracieuses sur des enveloppes ensuite personnalisées. Et parfumer la lettre, bien sûr, en synesthésie malicieuse de femme amoureuse.


Écrire.
Frapper aux portes du ciel. Détourner les avions du quotidien. Se faire chasseurs d’orages. Devenir le hacker de sa propre vie, pirater ses données pour ne jamais les formater. Souffler sur ses rêves jusqu’à tisonner l’impossible.
Mots silex.
Guerre du feu de l’imaginaire.
Devenir tribu.
La horde, c’est vous.
Garder le feu, se faire caverne et découvreur de mythes.
Écrire.
Rassembler les possibles, croiser le fer contre la banalité.
Devenir peuplade inconnue, terre vierge.
Mots berceau de l’humanité.
Écrire.
Se faire parchemin, tablette, vélin.
Devenir Table de la Loi, Torah, Coran.
Mots buisson Ardent.
Révélations.


Écrire.
Etre l’historien des mondes et un monde en soi.
Bâtisseur de cathédrales et patron de start up.
Écrire le vent et les villes, les sables et le froid, écrire les pertes et les dons, le pardon et la grâce.
Écrire pour trouver grâce à tes yeux.
Écrire pour que tu me manges des yeux.
Écrire qu’il n’est jamais trop tard.
Pour faire fleurir le désert des Tartares.
Écrire.
Pour que tu me déshabilles du regard.
Pour que tu me lises très tard.
Écrire.
Pour que tu devines mes lettres dans le noir.
Pour que tu devines mes formes le long des soirs.
Écrire.
Pour que tu aies envie de me prendre la main.
Pour que tu sentes soudain la roue du destin.
Écrire.
Pour que mes mots te soient caresses, pour que tu sentes mes tendresses.
Pour que ma lune te soit soleil.
Pour que mes étoiles deviennent arc-en-ciel.

http://www.poesie-sabine-aussenac.com/

http://www.poesie-sabine-aussenac.com/cv/portfolios/ich-liebe-dich
Écrire.
Pour apaiser mes creux au ventre.
Pour te dédier l’inextinguible.
Pour te faire sentir que je tremble.
Écrire.
Pour allumer tous nos possibles.
Pour que la nuit nous soit complice.
Pour te murmurer des serments, pour que tu m’embrasses dans le cou.
Pour que tu deviennes fou.
Écrire pour que tu me trouves belle.
Pour devenir ciel et enfer de ta marelle.
Pour te susurrer des images.
Écrire pour trouver le passage.
Écrire pour ne pas être sage.
Écrire pour t’aimer, nous aimer, aimer.
Écrire.


Et vivre.

PS: les # du titre ne sont là que pour la visibilité du texte:) Je n’ai aucune prétention:) -et ce texte date de 2009…

Estivales…Antisémitisme, musique, poésie, action…

Un été passé sur les traces de la poétesse allemande Rose Ausländer m’a quelque peu éloignée de mes briques roses…

Voici le projet de départ : En parallèle de l’écriture d’un roman autour de Rose Ausländer, j’avais imaginé la création d’un événement participatif en rédigeant une sorte de « journal de voyage », de Düsseldorf à Czernowitz (où je me rendrai dans un an), en passant par des lieux de mémoire juifs -Berlin, Vienne, où Rose a vécu, Prague, pour respirer l’air de la « Mitteleuropa », et en partageant sur « les réseaux sociaux » (Facebook, Twitter, Instagram) le récit et des photos et vidéos de ma quête, afin de sensibiliser aussi les jeunes publics à cette démarche, un peu à la manière de « Eva-stories » sur Instagram..

Tous les quinze jours, un cimetière juif est profané outre-Rhin… Ma démarche s’inscrit dans une actualté brûlante, car rien n’est acquis… Et les dérives des populismes, dans le monde entier, de Bolsonaro au Brésil à Salvini en Italie, m’amènenet à penser que j’ai raison de vouloir écrire au sujet de Rose…

https://www.tagesspiegel.de/politik/antisemitismus-in-deutschland-jede-zweite-woche-wird-ein-juedischer-friedhof-geschaendet/24865114.html

Le ministre des affaires étrangères Heiko Maas lui-même a récemment appelé à une extrême vigilance… Le rabbin Yehuda Teichtal, prsident du centre d’éducation juive Chabad de Berlin, a été en effet violemment agressé…

https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1564643189-allemagne-le-rabbin-yehuda-teichtal-agresse-a-berlin

Car quand un rabbin reçoit des insultes et des crachats, c’est toute la communauté juive allemande qui est visée, et toute l’Allemagne qui ressent honte et dégoût… Heiko Maas affirme que le pire serait l’indifférence face à ces actes ignobles, car c’est bien l’indifférence qui a amené à la Shoah…

https://www.juedische-allgemeine.de/politik/judenfeindlichkeit-ist-gift-fuer-unsere-gesellschaft/

Le réusmé anglais de mon projet:

Rose Ausländer

Rose Ausländer is a Jewish poet from Chernivtsi. Despite her encounter with the horrors of the Shoah, she believed that the power of the word would relay a message of hope to humanity, perfect example of resilience; as a survivor from the Holocaust she has translated her hope through her poetic words. In our time of terrorism and antisemitism, it’s important to share ways of resilience, and poetry can be an amazing way to trust in life again. I would like to write a novel about her, not a biography, but a kind of polysemic work, mixing translations of her texts and romanced story of her life, and parallel to this writing I will share this process on digital ways, reading some of her texts on videos, sharing pics and a diary of my European travel on social medias. I will meet Rose’s editor, a performer, a musician and members from the Jewish community in Berlin, Vienna and Prague…

Ce blog est à retrouver ici :

https://avecmavalisedesoieroseauslander.home.blog/

Voilà les liens vers les trois derniers articles :

** Dans « Un rossignol à Düsseldorf », j’ai relaté ma formidable rencontre avec le musicien Jan Rohlfing et son épouse, qui ont monté un projet de lecture musicale des textes de Rose.

Extraits :

Jetzt ist sie eine Nachtigall

Nacht um Nacht höre ich sie

im Garten meines schlaflosen Traumes…

**

Maintenant elle est un rossignol

Nuit après nuit je l’entends

dans le jardin de mon rêve dans sommeil…

Meine Nachtigall, mon rossignol

https://www.lyrikline.org/de/gedichte/meine-nachtigall-547

***

https://griot-verlag.de/rose-auslaender-wirf-deine-angst-in-die-luft.html

C’est autour d’un gâteau aux framboises et au müsli que Eva-Susanne Ruoff et Jan Rohlfing m’ont reçue le lendemain de mon arrivée à Düsseldorf, dans leur merveilleuse maison non loin de Ratingen, dont l’immense séjour accueille aussi des concerts privés.

(…)

La création de ce “Hörbuch” va d’ailleurs bien au-delà de la simple mise en musique des textes de Rose Ausländer, et c’est aussi ce qui transparaît à la fois lors des multiples concerts donné par l’orchestre de chambre portant le projet – composé de neuf musiciens – et dans le succès du CD; car on retrouve dans ce travail non seulement la modeste magnificence des textes de la poétesse, considérée en Allemagne comme l’une des voix majeures de la poésie du vingtième siècle, mais aussi tous ces thèmes d’une brûlante actualité que sont l’idée de la patrie, de l’identité et de la langue maternelle perdues, de l’exil, des réfugiés…

(…)

Chaque plage s’ouvre sur une lecture de texte, et le silence des pauses, si important pour que l’auditeur s’imprègne de l’anastomose entre lyrisme et musique, s’ouvre ensuite sur les compositions qui varient entre la profusion instrumentale de certains titres et le minimalisme d’autres plages plus épurées. Et l’on se sent transporté aux confins de la Mitteleuropa au rythme des accents yiddish rappelant des violons de Chagall, puis, dans le staccato new yorkais des cuivres et de la batterie, on plonge, au son des notes jazzy rappelant l’exil, dans l’humeur chaloupée de l’outre-atlantique avant de se recueillir dans l’atmosphère feutrée et mono instrumentale des textes tardifs de la poétesse, passant ainsi, au gré des arrangements de Jan Rohlfing, par les mille émotions procurées par cette vie d’artiste.

(…)

Si vous aimez la musique et la poésie, je vous invite à lire l’intégralité du texte en cliquant sur le lien plus haut et à découvrir cette aventure passionnante !

** Dans « Une journée particulière », j’ai raconté l’incroyable journée passée en compagnie de l’éditeur et ami de Rose, Helmut Braun, aujourd’hui en charge du fonds Ausländer et responsable de la Rose Ausländer Gesellschaft.

http://www.roseauslaender-gesellschaft.de/

Helmut m’a accueillie à Düsseldorf et a pris le temps de me montrer tous les lieux de mémoire autour de la vie de Rose, depuis la pension de famille où elle arriva en 1965 au cimetière où elle repose, en passant par la maison de retraite juive dans laquelle elle passa de longues années, grabataire mais toujours incroyablement active en écriture. J’ai pu aussi visiter une superbe exposition consacrée aux poèmes anglais de Rose et, le soir, assister à un concert autour de ces mêmes textes.

Extraits :

Le 12 juillet, en attendant Helmut Braun, j’ai pu tranquillement me plonger dans la superbe exposition consacrée par Helmut Braun aux regards croisés sur Rose Ausländer et sur la poétesse américaine Marianne Moore, entre lettres, images d’archives et textes traduits. Marianne Moore a joué un rôle essentiel lors du changement de style opéré par Rose Ausländer, de nombreux écrits en témoignent et évoquent les textes anglais de notre poétesse, préludes à son retour vers l’écriture en langue allemande après la césure du silence, conséquence de la Shoah. Le livre « Liebstes Fräulein Moore /Beautiful Rose », bien plus que le catalogue de cette exposition, riche et dense, dirigé par Helmut Braun, est disponible aux bien nommées éditions Rimbaud :

https://www.rimbaud.de/neuer.html#liebstesfraeuleinmoore

J’ai pu aussi découvrir les locaux de cette intéressante fondation consacrée au rayonnement et à la mémoire de la culture des anciens territoires de l’Est de l’Allemagne, ainsi que des territoires occupés par des Allemands dans l’Europe du Sud, et à toutes les personnes déplacées lors des grandes migrations autour des deux guerres mondiales.

(…)

Des mots bien différents de ses poèmes de jeunesse, orphelins des rimes et de l’enfance, ayant traversé l’Holocauste et les années d’exil et sans doute aussi influencés par « la » rencontre avec Paul Celan… En témoigne ce poème dont le titre est aussi celui du recueil rassemblant les œuvres de 1957 à 1963 :

Die Musik ist zerbrochen

In kalten Nächten wohnen wir

mit Maulwürfen und Igeln

im Bauch der Erde

In heißen Nächten

graben wir uns tiefer

in den Blutstrom des Wassers

Hier sind wir eingeklemmt zwischen Wurzeln

dort zwischen den Zähnen der Haifische

Im Himmel ist es nicht besser

Unstimmigkeiten verstimmen

die Orgel der Luft

die Musik ist zerbrochen

La musique est brisée

Dans de froides nuits nous vivons

avec des taupes et des hérissons

dans le ventre de la terre

Dans de froides nuits

nous nous enterrons plus profondément

dans le flux sanglant de l’eau

Ici nous sommes coincés entre des racines

là entre les dents des requins

Au ciel ce n’est pas mieux

des dissonances désaccordent

les orgues de l’air

la musique est brisée

Nous remontons en voiture. Je suis très émue de concrétiser le lien qui me lie à Rose depuis tant d’années en posant mon regard sur ce qui a été sa vie…

(…)

De 1972 à sa mort, en 1988, Rose demeurera donc en ce lieu assez spécifique, puisque d’une part magnifiquement situé, et d’autre part empreint d’une réelle philosophie de vie, comme en témoigne ce bel article que je vous invite à lire.

https://journals.openedition.org/tsafon/409?lang=fr#text

Certes, suite à des transformations, la chambre dans laquelle Rose séjourna, grabataire mais toujours active en écriture, n’existe plus, mais un petit salon porte encore son nom, et j’ai eu plaisir à marcher sous les frondaisons des arbres du Nordpark qu’elle affectionnait tant…

Le foyer Nelly Sachs, maison de retraite juive de Düsseldorf

(…)

J’aime infiniment les cimetières allemands, et celui-là ne déroge pas à la règle : paisible, ombragé par d’immenses arbres, on peut y flâner comme dans une forêt… Rose est morte le 3 janvier, le jour de mon anniversaire, en 1988… Elle repose parmi d’autres tombes juives, et je vais déposer un petit caillou sur la pierre tombale, la matzevah, selon la tradition hébraïque. Le caillou provient du Waldfriedhof de Duisbourg, dans lequel est enterré mon grand-père allemand… En accomplissant ce geste hautement symbolique au regard de mon histoire personnelle et de mon lien avec le judaïsme, j’ai l’impression qu’une boucle est bouclée…

La tombe de Rose, au Nordfriedhof

(…)

Pour découvrir plus précisément la vie de Rose, je vous renvoie donc vers cet article détaillé et illustré…(cliquer sur le lien plus haut!)

** Enfin, dans « Nausicaa, Rose Ausländer et Ai Weiwei: „Wo ist die Revolution“? (« Où est la révolution ? ») », j’ai thématisé ma rencontre avec l’artiste Ai Weiwei, au gré d’une monumentale exposition consacrée en partie à l’exil et aux Migrants, vue au K20 et au K21… J’ai été bouleversée par les passerelles entre le travail de ce dissident chinois et les écrits de Rose…

Extraits :

Nausikaa

Schilf und Zikadensilber

Schnuppen die Blaubucht entlang

Der Wandrer erwacht

Zersplitterte Sterne im Blick

Nausikaas Antlitz aus Tau

taucht auf

und spiegelt sich doppelt

in seinen Pupillen

Ihr Haar löst sich

von den Strähnen der Meteore

strömt nieder und schwemmt

die Jahrzehnte weg

Ihre Hand voll Muscheln und Meerschaum

lässt alles fallen

Sie sammelt das Meer

Gestirn und Gestade

und setzt sie zusammen

Sie sammelt den Fremden

Zelle um Zelle

und setzt ihn zusammen

Sie färbt die Erde

mit Nausikaa-Atem

hängt das Amulett

um Odysseus‘ Hals

und führt ihn zum Vater

im neugeschliffenen Weltall

Nausicaa

Le roseau et l’argent des cigales

Respirations le long de la baie bleue

Le randonneur s’éveille

des étoiles éparpillées dans le regard

Le visage tout en rosée de Nausicaa

émerge

et se reflète doublement

dans les pupilles du promeneur

Sa chevelure se détache

des écheveaux des météores

vogue vers les grands fonds et nage

le long des décennies

Sa main pleine de coquillages et d’écume de mer

laisse tout choir

Elle recueille la mer

les constellations et les rives

et les rassemble

Elle recueille l’étranger

cellule après cellule

et en fait un tout

Elle colorie la terre

avec le souffle de Nausicaa

accroche l’amulette

au cou d’Ulysse

et le conduit vers le père

dans l’univers remodelé

Rose Ausländer, de „Blinder Sommer“ (traduction Sabine Aussenac)

Ces quelques jours passés à Düsseldorf en compagnie de Rose sont aussi l’occasion d’accompagner mon fils dans la découverte de la région de son futur Master (il a obtenu une bourse Erasmus) et de voir quelques musées…

(…)

Ces saynettes rappellent l’arrestation, le 3 avril 2011, de l’artiste, et miment donc le regard d’un surveillant de prison sur les moments du terrible quotidien d’un prisonnier politique. Comment, pour moi, ne pas penser à la jeune Rose, rentrée des États-Unis où elle aurait pu librement demeurer, perdant d’ailleurs la nationalité américaine du fait de son séjour à nouveau hors des USA,  pour revenir en Bucovine, aux côtés de sa mère, et croupissant ensuite durant de longues années dans le ghetto de Czernowitz, en partie cachée dans une cave…

Photo de l’exposition S.A.C.R.E.D

(…)

En parcourant les différentes salles, une émotion submerge le visiteur, avec cette évidence de l’Universel qui si souvent vient percuter l’individu, le briser, lui, fétu de paille malmené par les dictatures ou les colères de la terre, et c’est bien la voie et la voix de l’art que de dénoncer malversations, injustices et brisures…

Certes, le poing levé d’Ai Weiwei et ses doigts d’honneur devant différents monuments du monde peuvent sembler bien loin des murmures poétiques de Rose Ausländer, qui jamais ne « s’engagea » réellement politiquement, tout en thématisant tant de fois la césure de la Shoah… Mais jamais le lecteur ne se trouve non plus dans la mouvance parnassienne de l’art pour l’art, tant les passerelles vers le monde et les hommes, leurs souffrances et leurs malheurs, sont nombreuses…

Performance frondeuse de l’artiste…

(…)

Je fais lentement le tour de ce navire, lisant attentivement des citations inscrites sous la poupe et la proue, dont les mots évoquent les dangers et les aléas de ces exils, pensant bien sûr aux naufragés de mon cher Exodus… C’est bien le livre de Leon Uris, relatant l’épopée tragique de ses passagers, que mon grand-père allemand, qui avait fait le Front de l’Est, m’avait offert l’année de mes treize ans, avant que je ne plonge à mon tour dans l’histoire tourmentée de mes ancêtres… Cet Exodus dont j’ai bien des fois admiré la plaque commémorative à Sète… Et je songe aussi aux transatlantiques empruntés par notre Rose lors de ses allers-retours entre l’Europe et son exil…

Un enfant du camp d’Idomeni, en Grèce…

(…)

Il faut lire le texte entier pour se plonger dans l’univers démesuré d’Ai Weiwei et découvrir les incroyables similitudes entre les destinées des exilés…(Il suffit de cliquer sur le lien en haut du pragraphe…)

Lien vers kes photos de l’exposition

Je mettrai d’autres textes en ligne au fil de mon travail de recherches, tout en continuant à écrire, bien sûr, sur d’autres sujets…

Une merveilleuse fin d’été à toutes les lectrices et à tous les lecteurs qui passeront sur ce blog…

Dame Garonne…

Cézanne, ouvre-toi !

Cet éclat de lune qui me baigne de joie. Ne jamais l’échanger contre un néon sordide.

Se souvenir de l’âpreté des vents, des houppelandes grises où grelottaient nos rêves. Blottis en laine feutrée, ils attendent leurs printemps.

Bien sûr il faudra se soumettre. Et puis s’alimenter, raison garder, louvoyer en eaux troubles. Mais nous ne baisserons pas la garde de nos avenirs.

Aquarelliste, dentellière, allumeuse de réverbères, souffleur de verre : il n’y a pas de sot métier !

Ne jamais renoncer au Beau. Décréter la laideur hors-la-loi : nous deviendrons chasseurs de rimes.

Cercles chamaniques des promesses tenues. Ne pas abjurer notre foi aux mots ; prendre la clé des chants.

Rester l’étudiant russe et la danseuse, ne pas devenir la ménagère et le banquier. Oser ne jamais pénétrer dans un lotissement.

Les soirs bleus d’été respirer les foins lointains et aimer l’hirondelle. Se faire Compostelle : nous sommes notre but à défaut de chemin.

Rêver nos vies toujours ; et veiller aux chandelles : seul celui qui connaît la nuit deviendra rossignol.

L’indécence n’est pas d’être riche ; il n’est pas interdit de préférer le luxe à la misère. Ne pas oublier de partager les soleils.

Aimer la pluie avant qu’elle ne tombe, et la chaleur de l’arc-en-ciel ; s’enhardir en bord de nuit, jusqu’aux mystères d’Eleusis.

Trouver belle celle qui a enfanté et qui est devenue terre et mère ; aimer celui qui a parcouru ses mondes : le printemps est de soie mais l’automne est velours.

Bannir les sordides et ensemencer nos âmes de sublimes ; vivre comme si la mer était à nos portes, en terre océane. Cézanne, ouvre-toi !

(Sabine Aussenac)

L’autre côté de moi sur la rive rhénane… #Europe #9mai

La noce, 9 août 1959: à la petite chapelle de Saint-Hippolyte, dans le Tarn.

 

J’ai dix ans.

Je suis dans le jardin de mes grands-parents allemands, à Duisbourg. Plus grand port fluvial d’Europe, cœur de la Rhénanie industrielle, armadas d’usines crachant, en ces années de plomb, des myriades de fumées plus noires les unes que les autres, mais, pour moi, un paradis…

Allemagne, année zéro: Anneliese et Erich, juste après la guerre…

J’adore la grande maison pleine de recoins et de mystères, la cave aménagée où m’attendent chaque été la poupée censée voyager en avion tandis que nous arrivons en voiture-en fait, la même que chez moi, en France !-, la maison de poupées datant de l’enfance de ma mère, avec ses petits personnages démodés, les magnifiques têtes en porcelaine, la finesse des saxes accrochés dans le minuscule salon… J’aime les tapis moelleux, la Eckbank, ce coin salle à manger comportant une table en demi lune et des bancs coffre, les repas allemands, les mille sortes de pain, les charcuteries, les glaces que l’on va déguster chez l’Italien avec mon arrière-grand-mère…

Yvan le terrible, à l’ENSET de Cachan…

Gesche, la petite « Romy »…Jeune fille au pair chez Piem, à Paris…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je savoure avec un infini plaisir les trajets dans la quatre cent quatre familiale, les maisons qui changent d’allure, les briquettes rouge sombre remplaçant peu à peu notre brique toulousaine et la pierre, les seaux de chocolat Côte-d’or achetés à Liège, les petites barrières en croisillon de bois, les longues formalités à la Douane- c’est surtout au retour que mon père cachait des appareils Grundig et le Schnaps !

Ma mère, Gesche; à gauche « Oma Wieb », mère de ma grand-mère, assise au fond à droite; à côté d’elle ma tante Elke…

Une « surpat’ dans la cave aménagée de Duisbourg, fifties rugissants…

 

 

 

 

 

 

 

 

J’aime aussi les promenades au bord du Rhin, voir défiler les immenses péniches, entendre ma grand-mère se lever à cinq heures pour inlassablement tenter de balayer sa terrasse toujours et encore noircie de scories avant d’arroser les groseilliers à maquereaux et les centaines de massifs… J’adore cette odeur d’herbe fraîchement coupée qui, le reste de ma vie durant, me rappellera toujours mon grand-père qui tond à la main cette immense pelouse et que j’aide à ramasser le gazon éparpillé… Et nos promenades au Bigger Hof, ce parc abondamment pourvu de jeux pour enfants, regorgeant de chants d’oiseaux et de sentes sauvages, auquel on accède par un magnifique parcours le long d’un champ de blés ondoyants… C’est là tout le paradoxe de ces étés merveilleux, passés dans une immense ville industrielle, mais qui me semblaient azuréens et vastes.

Yvan à Paris…

 

Gesche avant une ‘Radtour’, une randonnée en vélo…C’est ainsi qu’elle avait rencontré Yvan…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je parle allemand depuis toujours, puisque ma mère m’a câlinée dans la langue de Goethe tandis que mon père m’élevait dans celle de Molière. Ce bilinguisme affectif, langagier, culturel, me fonde et m’émerveille.

C’est une chance inouïe que de grandir des deux côtés du Rhin…

De gauche à droite « Papu », mon grand-père, Peter, Elke, « Mutti », ma grand-mère que nous appelions tous ainsi, et mes parents; fiançailles…

J’aime les sombres forêts de sapins et les contes de Grimm, mais aussi les lumières de cette région toulousaine où je vis et les grandeurs de cette école de la République dont je suis une excellente élève, éduquée à l’ancienne avec des leçons de morale, les images d’Épinal de Saint-Louis sous son chêne et tous les affluents de la Loire… Ma maman a gardé toutes les superbes traditions allemandes concernant les fêtes, nos Noëls sont sublimes et délicieux, et elle allie cuisine roborative du sud-ouest et pâtisseries d’outre-Rhin pour notre plus grand bonheur, tandis que même Luther et la Sainte Vierge se partagent nos faveurs, puisque ma grand-mère française me lit le Missel des dimanches et ma mère la Bible pour enfants, ce chiasme donnant parfois lieu à quelques explications orageuses…

Bien sûr, il y a les autres. Les enfants ne sont pas toujours tendres avec une petite fille au visage un peu plus rond que la normale, parfois même habillée en Dindl, ce vêtement traditionnel tyrolien, qui vient à l’école avec des goûters au pain noir et qui écrit déjà avec un stylo plume- je serai je pense la première élève tarnaise à avoir abandonné l’encrier…

Les noces européennes…Albert et Marie-Louise, mes grands-parents français; Janine, ma tante, et Jacques, le frère de mon père.

Un jour enfin viendra où l’on m’appellera Hitler et, inquiète, je commencerai à poser des questions…Bientôt, vers onze ans, je lirai le Journal d’Anne Franck et comprendrai que coule en moi le sang des bourreaux, avant de me jurer qu’un jour, j’accomplirai un travail de mémoire, flirtant longtemps avec un philosémitisme culpabilisateur et avec les méandres du passé. Mon grand-père adoré, rentré moribond de la campagne de Russie, me fera lire Exodus , de Léon Uris, et je possède aujourd’hui, trésor de mémoire, les longues et émouvantes lettres qu’il envoyait depuis l’Ukraine, où il a sans doute fait partie du conglomérat de l’horreur, lui-même bourreau et victime de l’Histoire… Il écrivait à ma courageuse grand-mère, qui tentait de survivre sous les bombes avec quatre enfants, dont le petit Klaus qui mourra d’un cancer du rein juste à la fin de la guerre, tandis que ma maman me parle encore des avions qui la terrorisaient et des épluchures de pommes de terre ramassées dans les fossés…

Erich et Anneliese, lors d’un voyage dans les Alpes…

Cet été là, je suis donc une fois de plus immergée dans mon paradis germanique, me gavant de saucisses fumées et de dessins animés en allemand, et je me suis cachée dans la petite cabane de jardin, abritant des hordes de nains de jardin à repeindre et les lampions de la Saint-Martin. J’ai pris dans l’immense bibliothèque Le livre de la jungle en allemand, richement illustré, et je compte en regarder les images. Dehors, l’été continental a déployé son immense ciel bleu, certes jamais aussi limpide et étouffant que nos cieux méridionaux, mais propice aux rêves des petites filles binationales… Le Brunnen, la fontaine où clapote un jet d’eau, n’attend plus qu’un crapaud qui se transformerait en prince pour me faire chevaucher le long du Rhin et rejoindre la Lorelei. Je m’apprête à rêver aux Indes flamboyantes d’un anglais nostalgique…

Mes deux grands-pères: Albert, le résistant; Erich, soldat de la Wehrmacht.
Ils construisent ensemble la maison de campagne de mes parents, dans le Tarn…

Papu et Papi, et la plaque « DU »: Duisbourg…

Je jette un coup d’œil distrait à la première page du livre et, soudain, les mots se font sens. Comme par magie, les lettres s’assemblent et j’en saisis parfaitement la portée. Moi, la lectrice passionnée depuis mon premier Susy sur la glace, moi qui ruine ma grand-mère française en Alice et Club des cinq , qui commence aussi déjà à lire les Pearl Buck et autres Troyat et Bazin, je me rends compte, en une infime fraction de seconde, que je LIS l’allemand, que non seulement je le parle, mais que je suis à présent capable de comprendre l’écrit, malgré les différences d’orthographe, les trémas et autres SZ bizarroïdes…

Un monde s’ouvre à moi, un abîme, une vie.

C’est à ce moment précis de mon existence que je deviens véritablement bilingue, que je me sens tributaire d’une infinie richesse, de cette double perspective qui, dès lors, ne me quittera plus jamais, même lors de mes échecs répétés à l’agrégation d’allemand… Lire de l’allemand, lire en allemand, c’est aussi cette assurance définitive que l’on est vraiment capable de comprendre l’autre, son alter ego de l’outre-Rhin, que l’on est un miroir, que l’on se fait presque voyant. Nul besoin de traduction, la langue étrangère est acquise, est assise, et c’est bien cette richesse là qu’il faudrait faire partager, très vite, très tôt, à tous les enfants du monde.

Parler une autre langue, c’est déjà aimer l’autre.

Oma, la mère d’Erich: mon arrière-grand-mère allemande, Sophie.

Je ne sais pas encore, en ce petit matin, qui sont Novalis, Heine ou Nietzsche. Mais je devine que cette indépendance d’esprit me permettra, pour toujours, d’avoir une nouvelle liberté, et c’est aussi avec un immense appétit que je découvrirai bientôt la langue anglaise, puis le latin, l’italien… Car l’amour appelle l’amour. Lire en allemand m’aidera à écouter Mozart, à aimer Klimt, mais aussi à lire les auteurs russes ou les Haïkus. Cette matinée a été mon Ode à la joie.

Cet été là, je devins une enfant de l’Europe.

Janine, Marie-Louise, Gesche et la petite Sabine sur la terrasse de la maison de Saint-Hippolyte …

**

Toute l’histoire de mes parents:

Lorelei et Marianne, j’écris vos noms: Duisbourg, le 18 juillet 1958

Limoges mes croissants

Limoges mes croissants.

La quatre-cent-quatre de papa, et presque la Belgique. Chocolat Côte d’Or en apnée frontalière.

Les gouttes se chevauchent sur la vitre embrumée.

Les briques se font brunes, Ulrike ma poupée a pris l’avion.

Au réveil, je suis au bled : mon métissage à moi a la couleur du Rhin.

***

L’autre côté de moi

 

L’autre côté de moi sur la rive rhénane. Mes étés ont aussi des couleurs de houblon.

Immensité d’un ciel changeant, exotique rhubarbe. Mon Allemagne, le Brunnen du grand parc, pain noir du bonheur.

Plus tard, les charniers.

Il me tend « Exodus » et mille étoiles jaunes. L’homme de ma vie fait de moi la diseuse.

Lettres du front de l’est de mon grand-père, et l’odeur de gazon coupé.

Mon Allemagne, entre chevreuils et cendres.

***

Petite nixe sage

 

Cabane du jardinier. Petite nixe sage, je regarde

les images.

Les lettres prennent sens. La langue de Goethe, bercée à mon cœur, pouvoir soudain la lire.

Allégresse innommable du bilinguisme. L’Autre est en vous. Je est les Autres.

Cet été là mon Hymne à la joie.

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