21 mesures pour réconcilier les élèves français avec l’apprentissage de l’allemand

21 mesures pour réconcilier les élèves français avec l’apprentissage de l’allemand -petit texte écrit d’après les 21 mesures de Cédric Villani autour des mathématiques

 

« Sehnsucht », de Heinrich Vogeler
  • 1 Il conviendrait avant tout de mettre en place la liberté d’enseignement des langues vivantes dès l’école maternelle, réellement, pas simplement sur le papier (et ne pas favoriser les langues régionales et/ou les langues maternelles des enfants issus de l’immigration au détriment de l’enseignement de l’allemand, de l’italien, du russe…) : Toutes les langues devraient être mises sur un pied d’égalité, chaque enfant devrait pouvoir apprendre l’arabe, l’italien, l’allemand, le bulgare, l’occitan…. Dans chaque ville et village de France, chaque école se devrait d’accueillir les enfants au son des langues du monde. Sus à l’hégémonie de l’anglais, à la frilosité culturelle, et vive l’Europe !

 

  • 2 Il faudrait ensuite permettre un continuum d’apprentissages de l’allemand dans le même sens, et permettre ainsi à l’élève ayant commencé une initiation à l’allemand en maternelle de continuer l’apprentissage de cette langue au primaire, puis au collège. Un élève changeant de région devrait pouvoir continuer à apprendre la et les langues choisies.

 

  • 3 Enfin, il faudrait remiser le système des « bilangues » aux oubliettes et par extension ce fameux « primat de l’anglais », avec une LV1 « anglais » obligatoire et permettre un large choix de langues dès la sixième, comme c’était le cas il y a une vingtaine d’années encore.

 

  • 4 Élargir par extension cet apprentissage à toutes les régions et à tous les niveaux coulerait de source : car c’est justement AUSSI dans les filières professionnelles que les élèves auraient intérêt à apprendre l’allemand, au vu de toutes les possibilités de stages et/ou d’emplois offertes non seulement outre-Rhin, mais aussi en Suisse…

 

  • 5 Afin de favoriser ces apprentissages, il conviendrait de permettre dans toutes les académies l’enseignement de l’allemand en maternelle et en primaire par les enseignants du second degré, et ne pas réduire cette fonction à la pratique des professeurs des écoles qui, de façon pyramidale, n’ont eux-mêmes souvent pas bénéficié de l’apprentissage de l’allemand et ne sont donc pas aptes à l’enseigner. Ce n’est que par ce biais qu’une telle réforme pourrait progressivement gagner l’ensemble des écoles, collèges et lycées de la République ; c’est déjà le cas dans certaines académies dans lesquelles, justement l’allemand se porte mieux d’ailleurs…

 

  • 6 En parallèle, il faudrait oser mettre en place une véritable campagne de communication nationale au sujet de l’apprentissage de l’allemand, campagne de publicité qui allierait les savoir-faire de l’éducation nationale et les supports logistiques des communautés territoriales et locales et qui pourrait s’appuyer sur des fonds d’investissement du privé, puisque nombre entreprises déjà partenaires du franco-allemand -AIRBUS, SIEMENS…- et engagées dans le fait européen auraient tout à gagner en s’associant à ce projet.

 

  • 7 Cette campagne de communication viserait aussi à restaurer une image « positive » de notre voisin allemand aux yeux du public ; car l’Allemagne est encore trop souvent vilipendée par certains extrémismes politiques – cf le pamphlet de Jean-Luc Mélenchon, « Le hareng de Bismarck », sous-titré « Le poison allemand » …- tout en demeurant terra incognita au niveau touristique, le tout mâtiné parfois de vagues relents revanchards, quand ce n’est pas « Angie » qui traitée de « Grosse Bertha »… Des affichages sur les panneaux publicitaires municipaux -abris bus, etc.- et des encarts dans la presse locale pourraient impacter favorablement les familles.

 

  • 8 Ainsi, tout comme l’Espagne qui s’affiche partout au niveau publicitaire comme « la » destination tourisme, l’Allemagne, mais aussi l’Autriche et la Suisse pourraient devenir des destinations touristiques prisées, et non pas de vagues entités qui, sur une carte de l’Europe, ne font rêver que les Migrants… Combien de Français ont-ils déjà passé un mois de vacances sur une île de la Baltique ou dans un village du Tyrol ? L’Allemagne, qui recèle pourtant des joyaux architecturaux, géographiques et culturels innombrables, demeure, aux yeux du Français lambda, aussi mystérieuse que la Papouasie… Nous aurions donc besoin de partenariats avec des offices de tourismes, de brochures traduites, de guides, de croisières, de circuits, bref, cet engouement pour l’outre-Rhin et Danube irait de pair avec un foisonnement économique qui ferait aussi le bonheur des filières touristiques (BTS tourisme et hôtellerie…)

 

  • 9 Justement, il serait temps aussi de renouer avec les partenariats, jumelages, échanges qui faisaient florès dans les années soixante et quatre-vingt et qui se sont étiolés au fil des ans… Toulouse, ma merveilleuse ville rose, n’est même pas jumelée avec une ville allemande ! Toulouse, capitale d’Airbus, fleuron du partenariat franco-allemand, vous avez bien lu, n’est PAS jumelée à une ville outre-rhénane… Et c’est la même chose au niveau des établissements scolaires qui, suite à la précarisation de notre fonction enseignante et à la multiplication des « BMP » – Blocs de Moyens Provisoires, entendez quelques heures sauvées face aux langues régionales et/ou émergentes… -depuis la disparition des bilangues et surtout depuis la nomadisation des enseignants titulaires devenus « TZR » (entendez Titulaires sur Zone de Remplacement et changeant chaque année de crèmerie), ne sont tout simplement plus en mesure de faire perdurer des échanges qui pourtant avaient fait le bonheur de générations d’élèves…

Car les échanges sont le sel de nos apprentissages, la mise en œuvre ultime de nos enseignements, la prise en main de la langue au niveau du quotidien, ils sont aux langues ce que le boulier est aux apprenants en mathématiques : on y devient synesthète, au-delà de l’intra-muros de l’école.

Heureusement, les assistants de langue sont là, souvent, pour pallier le manque d’interactivité réelle avec le pays partenaire. Il faudrait doubler, voire tripler leur nombre, afin que chaque collège et lycée de l’hexagone puisse bénéficier de cet encadrement vivifiant et concret.

 

  • 10 En effet, que vaut l’apprentissage d’une langue qui devient presque une langue morte si elle n’est parlée que dans le cadre scolaire et jamais in situ ? De la même façon que chaque élève devrait pouvoir chaque année partir quelques jours dans le pays des langues qu’il apprend, il faudrait aussi que cesse l’hégémonie culturelle de l’anglais dans les médias, la presse, dans le paysage audiovisuel hexagonal….

À quand la diffusion de chansons allemandes sur les radios françaises, à quand des émissions de variété – Nagui, si tu me lis… – où seraient invités aussi des chanteurs et des groupes allemands -et autrichiens… Car non, la variété allemande ne se résume pas à Camillo avec son « Sag warum » et aux marches militaires, et/ou aux chants traditionnels en culotte de cuir… Il y a eu de grands chansonniers que très peu d’élèves connaissent, mais il y a aussi des dizaines de groupes de rap, rock, indé, blues, soul, jazz, il y a de la vériétoche, des stars…Pourquoi cette omerta envers la culture musicale de nos voisins qui contribue grandement à la méconnaissance de l’Autre… ? À Toulouse, le festival « Rio Loco », qui invite chaque année des musiciens de différentes parties du globe, variant les tendances planétaires, pourrait par exemple ouvrir, une année, sa scène aux artistes allemands, autrichiens, suisses…

 

  • 11 À quand aussi une majorité de films que l’on pourrait voir sur toutes les chaînes, pas seulement sur ARTE, en VO ? Car les oreilles de nos petits élèves français, contrairement à celles de nos voisins des pays nordiques, ne sont absolument pas éduquées dans la langue de l’Autre… C’est très tôt que se forme l’habitude de l’écoute des langues étrangères, des sonorités nouvelles, et ce serait superbe si le PAF pouvait enfin s’ouvrir à ces différences…

Il serait bon aussi que nos programmes scolaires intègrent davantage le cinéma et la télévision allemande à leurs lignes directrices… Je me souviens de mon père qui, sans avoir jamais appris un seul mot de la langue de Goethe à l’école, se targuait d’avoir progressé à la vitesse de l’éclair par la seule écoute de la télévision regardée chez ses beaux-parents, à Duisbourg… Certes, dans nos cours, nous évoquons bien Wim Wenders par ci et Fatih Akin par-là, mais ce serait tellement bien d’avoir un réel accès à leurs œuvres via des sites dédiés… De même que nous pourrions utiliser bien davantage, via les nouvelles technologies, des émissions de télévision qui seraient aptes à faire progresser très rapidement les élèves !

À propos des TICE, il est dommage que si peu d’enseignants soient formés à toutes les innovations qui pourraient faire de nos cours de réels cyberespaces connectés… Il y a encore énormément de frilosités et de méconnaissances des nouvelles technologies, alors qu’elles sont bien entendu une aide précieuse. Lors d’un récent sondage que j’ai réalisé au sujet de l’ENT, il s’avère par exemple que nombre de collèges ne savent pas qu’une fonction « blog » est opérante sur notre espace de travail.

 

  • 12 Renouer avec un apprentissage de l’allemand passerait aussi par une réappropriation de la culture germanophone dans son ensemble… Pourquoi nos programmes hexagonaux sont-ils si poreux en ce qui concerne la littérature étrangère ? Apprendre les langues « étrangères » devrait aussi passer par le « culturel », par un maillage éducatif qui, très tôt, permettrait aux élèves du primaire de découvrir de petits poèmes d’auteurs allemand, aux élèves du collège de visiter des musées allemands, aux élèves du lycée de lire aussi du Rilke, du Thomas Mann, et pas simplement le contenu « factuel » des manuels d’apprentissage qui, s’ils permettent un apprentissage actanciel et actionnel et la mise en œuvre d’automatismes linguistiques, ne plongent pas assez les apprenants au cœur de la culture du pays partenaire. Ainsi, il est très rarement proposé l’option « littérature étrangère en langue étrangère » en allemand en filière L…

 

  • 13 C’est vrai, l’apprentissage des langues étrangères a réellement progressé… J’ai assisté récemment à une passionnante journée académique qui nous a proposé d’enseigner « la grammaire autrement ». Nous sommes si loin des listes de vocabulaire et des tableaux de déclinaison qui, une fois ingurgités, demeureraient lettre morte et produisaient l’inverse de l’effet escompté, à savoir des Français incapables de « pratiquer » la langue étrangère apprise à l’école… Cependant, en plus de 33 ans de service au sein de l’éducation nationale, j’ai vu passer mille et une réformes et j’ai « tout connu », depuis la période où l’on n’avait « pas le droit de faire écrire les élèves avant la Toussaint » -sic- au primat de l’écrit, et j’ai toujours habilement contourné les instructions officielles, faisant par exemple faire des « fichiers oraux » avant l’heure sur des cassettes que j’écoutais sur mon magnéto en faisant mon repassage, ou faisant lire un livre d’un auteur allemand -en français, mais en rédigeant ensuite un résumé-commentaire en allemand- dès le collège, pour que les élèves fassent connaissance avec la littérature allemande… Je pense que chaque professeur développe au fil de sa carrière des stratégies d’apprentissage qui lui sont propres et qui visent à « faire réussir ses élèves », et que de nos jours, grâce aux nouvelles technologies, plus aucun cours de langue ne peut passer pour « ennuyeux » ou « poussiéreux ». Il faut faire savoir cela aux parents, le leur marteler via des réunions d’information dès la maternelle, leur dire que « l’allemand, ce n’est pas difficile », qu’au contraire son enseignement est recommandé par les orthophonistes pour les élèves en difficulté (car c’est une langue « à tiroirs », logique…), bref, il faut dédiaboliser la langue qui, souvent encore, a mauvaise presse.

 

  • 14 Justement, et si la télévision arrêtait ENFIN de diffuser « La grande vadrouille » tous les quatre matins ? Car nous sommes bien au cœur du « paradoxe français », celui fait de notre pays à la fois le cancre en queue d’étude PISA et le fleuron des élites des « grandes écoles » et de l’obtention des Nobels… Ce même paradoxe fait que les médias continuent de nous abreuver avec des films réduisant les Allemands à de sombres abrutis décérébrés éructant en uniforme nazi alors même que malgré l’enseignement de la Shoah nombre d’élèves demeurent incapables de comprendre l’ampleur des génocides commis par le troisième Reich… Il faudrait à la fois réfléchir à cet ancrage historique du devoir de mémoire et à la vision d’une « nouvelle Allemagne » qui, justement, a su transcender son passé, par exemple en accueillant à bras ouverts des millions de Migrants. Il y a quelques jours encore des élèves de lycée n’ont su me dire à quoi correspondait le mot « Buche », cela ne leur évoquait rien, même associé au mot « Wald », (nous étions en pleine séquence « mythes et héros » sur la forêt allemande), jusqu’à ce qu’un élève, après que j’eus prononcé à la française le terme « Buchenwald » ne se souvienne d’un « truc nazi », sic… En première… Je rêverais d’un nouvel équilibre en ce sens : accomplir nos obligations de transmissions mémorielles tout en réhabilitant un engouement pour l’Allemagne d’aujourd’hui, tolérante, ouverte, engagée, humaine.

 

  • 15 Il faudrait aussi former TOUS les écoliers au fait européen, et ne pas réserver cette matière à une vague option destinée à quelques lycéens… Car c’est dès l’école primaire que devrait s’accomplir la certitude que notre Europe, loin d’être une entité impalpable, se doit d’être soutenue, connue de tous les citoyens, parcourue par un esprit de solidarité qui, forcément, passe aussi par la connaissance des langues de l’Autre. Et qui mieux que le « couple franco-allemand » pourra porter loin ce flambeau européen ?

 

  • 16 Ainsi, il faudrait que la « semaine de l’Europe » devienne enfin un événement visible, et pas seulement une action axée vers les milieux éducatifs et politiques. À quand une semaine de l’Europe maillant tous les territoires, intégrant par exemple l’associatif, les domaines médicaux, juridiques, commerciaux ? Pourquoi ne pas imaginer des partenariats en ce sens ?

 

  • 17 De même, la fameuse « semaine franco-allemande » demeure trop souvent un domaine réservé, se lovant par conséquent dans l’intra-muros du giron de l’EN… Tous les acteurs du système éducatif, su MEN aux établissements, se démènent pour célébrer l’anniversaire du Traité de l’Élysée, mais souvent les actions, pourtant superbes, restent cantonnées aux établissement, et c’est un peu « les franco-allemands parlent aux franco-allemands » : l’impact est minime. Cette semaine se devrait d’être réellement médiatisée et portée sur le devant de la scène.

 

  • 18 D’ailleurs, pourquoi toujours réduire l’enseignement de l’allemand à ce partenariat franco-allemand ? Les autres pays de langue allemande gagneraient aussi à être davantage mis en lumière dans les programmes, du collège au supérieur… J’ai cette année construit ma séquence « Mythes et héros » autour de l’Autriche, et il y aurait mille et une façons d’intégrer la Suisse, l’Autriche, et pourquoi pas la région germanophone de la Belgique dans des programmes d’échanges ou dans les manuels scolaires.

 

  • 19 Bien entendu, afin que l’enseignement des langues vivantes soit profitable, il faut aussi se donner les moyens de la réussite… Et franchement, avec deux heures par semaine en première et en terminale et avec si peu d’heures dès le collège, c’est tout simplement une gageure que de vouloir espérer que nos élèves atteignent un jour le niveau attendu par PISA ou simplement la réelle capacité de s’exprimer, oralement et à l’écrit, dans une langue étrangère. Cessons de nous voiler la face : ce n’est pas en mettant chaque année nos exigences au rabais (j’ai failli pleurer en corrigeant le bac blanc cette année, tant les items linguistiques étaient négligés au profit de la « compréhension » … ) que nos élèves, avec des heures de cours qui se réduisent comme peau de chagrin, parleront allemand, anglais ou arabe correctement !

 

  • 20 Il importe donc de revoir les dotations horaires à la hausse, et urgemment, afin que nous puissions enfin consacrer le temps nécessaire à la transmission. Et il serait intelligent, je trouve, de revenir, en langues aussi, aux fondamentaux prônés par Monsieur le Ministre de l’éducation en primaire… Et ces fondamentaux passeraient sans doute par une révision de nos exigences, car franchement, là, on lâche après le baccalauréat des élèves qui, souvent, se contentent d’un bagage minimum… Peut-être faudrait-il aussi réhabiliter la traduction… Oh, je ne demande pas que nous traduisions tous nos textes, mais enfin, il faut savoir raison garder et demeurer cohérents : La traduction est un exercice qui sera demandé dans la majorité des concours que nos étudiants passeront après le baccalauréat. La traduction est aussi un art, un moyen de transmission merveilleux, permettant à des milliards d’êtres humains de lire les ouvrages de l’Autre, de voir des films des autres cultures… Par quel miracle est-elle …interdite en cours de langue ?!

 

  • 21 Apprendre à parler allemand ne peut se résumer à savoir commander un coca à l’aéroport de Berlin, à pouvoir lire un extrait de Die Zeit ou à passer la « certification » pour déterminer si l’on a le niveau A2 ou B1. Non, apprendre une langue, c’est plonger vers l’Autre, se colleter avec son altérité qui fait aussi notre richesse, et c’est bien au travers de l’art, de toutes ces dimensions artistiques, culturelles et patrimoniales que l’élève se sentira apte à comprendre la langue du pays partenaire. J’espère ainsi que le rapport « Comment rénover l’enseignement des langues vivantes en France ? », dont seront en charge Madame l’Inspectrice Générale Chantal Manes Bonnisseau et Monsieur Alex Taylor nous ouvrira de vastes perspectives de réussite au service de nos apprenants. Certes, ce sont deux anglicistes qui ont été choisis pour mener à bien cette mission, mais je ne doute pas de leur objectivité.

 

Je précise que j’ai rédigé ces mesures il y a quelques semaines, après la sortie du rapport de Cédric Villani dans la presse, et que je ne comptais pas les publier sur mon blog avant la fin de l’année scolaire, afin de ne pas interférer dans une décision très attendue, mais que je profite de la nomination des responsables du rapport pour publier ce petit article, comme cela m’a été demandé par de nombreux collègues après une intervention sur un réseau social.

Participation au Printemps des Poètes d’un élève de collège
Exposé fait par un élève de seconde
Exposé d’un élève de première

« Je jette un coup d’œil distrait à la première page du livre et, soudain, les mots se font sens. Comme par magie, les lettres s’assemblent et j’en saisis parfaitement la portée. Moi, la lectrice passionnée depuis mon premier « Susy sur la glace », moi qui ruine ma grand-mère française en « Alice » et « Club des cinq », qui commence aussi déjà à lire les Pearl Buck et autres Troyat et Bazin, je me rends compte, en une infime fraction de seconde, que je LIS l’allemand, que non seulement je le parle, mais que je suis à présent capable de comprendre l’écrit, malgré les différences d’orthographe, les trémas et autres « SZ » bizarroïdes…

Un monde s’ouvre à moi, un abîme, une vie. C’est à ce moment précis de mon existence que je deviens véritablement bilingue, que je me sens tributaire d’une infinie richesse, de cette double perspective qui, dès lors, ne me quittera plus jamais, même lors de mes échecs répétés à l’agrégation d’allemand…Lire de l’allemand, lire en allemand, c’est aussi cette assurance définitive que l’on est vraiment capable de comprendre l’autre, son alter ego de l’outre-Rhin, que l’on est un miroir, que l’on se fait presque voyant. Nul besoin de « traduction », la langue étrangère est acquise, est assise, et c’est bien cette richesse là qu’il faudrait faire partager, très vite, très tôt, à tous les enfants du monde. Parler une autre langue, c’est déjà aimer l’autre.

Je ne sais pas encore, en ce petit matin, qui sont Novalis, Heine ou Nietzsche. Mais je devine que cette indépendance d’esprit me permettra, pour toujours, d’avoir une nouvelle liberté, et c’est aussi avec un immense appétit que je découvrirai bientôt la langue anglaise, puis le latin, l’italien…Car l’amour appelle l’amour. Lire en allemand m’aidera à écouter Mozart, à aimer Klimt, mais aussi à lire les auteurs russes ou les Haïkus. Cette matinée a été mon ode à la joie. Cet été là, je devins une enfant de l’Europe. »

 http://plus.lefigaro.fr/note/le-jour-ou-jai-su-lire-en-allemand-20100310-151834

** Quelques textes au service de l’enseignement de l’allemand ici:

http://www.sabine-aussenac.com 

https://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/professeur-allemand-la-grande-vadrouille-des_b_1252919.html

** Poésie allemande:

http://sabine-aussenac-dichtung.blogspot.fr/2015/04/komm-lass-uns-nach-worpswede-wandern.html

http://lallemagnetoutunpoeme.blogspot.fr/

** Textes autour de l’Allemagne et du franco-allemand:

Ich bin eine Berlinerin!

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2018/03/01/duisbourg-ma-jolie-ville-en-barque-sur-le-rhin/

http://raconterletravail.fr/recits/une-enfance-franco-allemande/#.WuTS4qSFPIV

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2014/07/20/nos-voisins-ces-inconnus-la-famille-klemm/

Lorelei et Marianne, j’écris vos noms: Duisbourg, le 18 juillet 1958

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« la révolte consiste à fixer une rose »…Mon année 2015

la révolte consiste à fixer une rose

à s’en pulvériser les yeux : mon année 2015…

A4 prends soin mon amour de la beauté du monde

Je me souviens.

De nos larmes et de l’effroi, de nos rires assassinés en ce 7 janvier 2015, de mon incommensurable chagrin devant la liberté souillée.

De la peur défigurant les visages, de ces hurlements, de l’innocence conspuée au gré d’un étalage.

De nos marches au silence bouleversant, de ces bougies qui veillent, de l’union sacrée du monde devant Paris martyrisée.

(….) la ville alors cessa

d’être. Elle avoua tout à coup

n’avoir jamais été, n’implorant

que la paix.

Rainer Maria Rilke, Promenade nocturne.

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Je me souviens.

De mes vacances de février en outre-Rhin, les premières depuis dix ans. Enfin sortie d’un épuisant burn-out social et financier, j’osai enfin revenir au pays de l’enfance.

De la maison de mes grands-parents allemands revisitée comme une forêt de contes, du souvenir des usines au bord du Rhin comme autant de merveilles.

Du froid glacial dans ce grand cimetière empli de sapins et d’écureuils où, en vain, je chercherai la tombe de mon grand-père.

De ma joie d’enfant en mordant dans un Berliner tout empreint du sucre des mémoires.

Un étranger porte toujours

sa patrie dans ses bras

comme une orpheline

pour laquelle il ne cherche peut-être

rien d’autre qu’un tombeau

Nelly Sachs, Brasiers d’énigmes.

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Je me souviens.

Des cris parsemant ce mois de mars qui jamais n’aura aussi bien porté le nom de guerre.

Des sourires explosés des corps d’athlètes de Florence, Camille et Alexis dans cet hélicoptère assassin. De tous ces anonymes mutilés au grand soleil de l’art, du Bardo couleur de sang.

Des 142 victimes yéménites si vite oubliées en cette Afrique au cœur devenu fou.

Des coups inutiles contre une porte blindée et de l’abominable terreur des enfants et des jeunes prisonniers d’un avion cercueil.

Un regard depuis l’égout

peut-être une vision du monde

 

la révolte consiste à fixer une rose

à s’en pulvériser les yeux

Alejandra Pizarnik, Arbre de Diane.

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Je me souviens.

De Mare nostrum présentée à mon fils de 16 ans qui n’avait jamais vu la Méditerranée, oui, c’est possible, en 2015, même dans les meilleures familles si elles sont confrontées à une paupérisation.

De l’éblouissant soleil de Sète et des mouettes qui rient au-dessus du Mont Saint-Clair.

Des tombes grisonnantes et moussues du cimetière marin, où nous entendons la voix de Jean Vilar et le vent qui bruisse dans les pins en offrande.

De la plaque de l’Exodus devant la mer qui scintille et de mon émotion devant les couleurs de l’été des enfances, enfin retrouvées au cœur de cet avril.

Pourtant non loin de là 700 Migrants mouraient dans ces mêmes eaux turquoises, ma mer bien aimée devenue fosse commune en épouvante.

Et ailleurs aussi le vacarme déchirait l’innocence, quand 152 étudiants supplièrent en vain leurs bourreaux de Garissa, quand 7800 Népalais et touristes suffoquaient au milieu des drapeaux de prières aux couleurs de linceuls, quand une seule fillette, Chloé, succombait à la perversité d’un homme.

 

Un manteau de silence, d’horreur, de crainte sur les épaules. On est regardé jusqu’à la moelle.

Paul Valéry, Forêt.

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Je me souviens.

De ce contrat faramineux autour d’avions de chasse, pourtant signé par ma République avec un pays aux antipodes de la démocratie, qui maltraite les ouvriers et musèle les femmes.

Des voix d’outre-tombe de  Germaine Tillon, Genviève De-Gaulle-Antonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette entrant au Panthéon, quand je tentai d’expliquer à des élèves malveillants la beauté du don de soi, au milieu de ricanements d’adolescents désabusés. De ma désespérance devant la bêtise insensible au sacrifice et aux grandeurs.

De ce mois de mai aux clochettes rougies par un énième « drame familial », dans le Nord, celui-là, deux tout petits assassinés par un père, comme chaque mois, silencieux hurlement au milieu du génocide perpétré dans le monde entier, depuis des millénaires, par les hommes violant, tuant, égorgeant, mutilant, vitriolant, brûlant vives leurs compagnes et souvent leurs enfants.

Je vous salue, ma France aux yeux de tourterelle(…)

Ma France, mon ancienne et nouvelle querelle,

Sol semé de héros, ciel plein de passereaux…

Louis Aragon.

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Je me souviens.

Des révisions du bac de mon puîné, des dissertations et des textes à apprendre, de Rimbaud et de Proust, de Verlaine et Stendhal, comme un collier de perles toujours renouvelé.

De ces adolescents déguisés en marquis pour une fête baroque, des duchesses et des contes, des froufrous et des rires, quand les joues de l’enfance en disputent avec les premières canettes de bière, quand on hésite entre un joint et un dessin animé…Chuuuuuuut. Prenez le temps…Profitez…On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans le jour de la Saint-Jean…

Du soleil fou de Sousse qui voit mourir les sourires des touristes, de la plage rougie, et de la tête en pique d’un patron français, quand cet Islam qui prétend vivre la foi n’est que mort absurde et gratuite.

Des gospels montant vers ce ciel rougi de Charleston, quand un homme fauchera des vies noires dans une église, insulte à l’Amérique des droits civiques : j’ai fait un cauchemar, encore un…

 

Ce matin de juin s’est posé sur mon cœur

comme un vol de colombes sur la vieille petite église,

frémissant d’ailes blanches et de roucoulements d’amour

et de soupirs tremblants d’eau vive.

Louisa Paulin, Lo bel matin

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Je me souviens.

Du chapeau blanc de Dylan et de sa voix éraillée, d’Albi la Rouge toute vibrionnante des accords de Pause Guitare, de cette nuit passée sur un banc avec un « Conteux » acadien, et du sourire de Zachary Richard, aussi pur que dans nos adolescences lorsqu’il clamait « travailler, c’est trop dur ».

De notre conversation téléphonique où déjà la poésie avait traversé l’Atlantique au rythme des échanges, et de son incroyable présence, quand il offre au monde tous les ouragans de Louisiane et toutes les histoires de son peuple oublié.

De la brique rouge et de Sainte-Cécile comme un vaisseau dans la nuit, du Tarn empli d’accords virevoltants et de notes insensées, de ce mois de juillet aussi gai qu’un violoneux un soir de noces.

 

La nuit, quand le pendule de l’amour balance

entre Toujours et Jamais,

ta parole vient rejoindre les lunes du cœur

et ton œil bleu

d’orage rend le ciel à la terre.

Paul Celan, in Poésie-Gallimard

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Je me souviens.

De la Bretagne qui danse comme une jeune mariée au son de la Grande Parade, de Lorient enrubanné, des guipures et de l’océan dentelé qui tangue au son des binious.

Des flûtiaux et des cornemuses, de l’âme celte qui m’enivre, des jambes levées sous les robes de crêpe et des verts irlandais ; des Canadiens qui boivent et de la lune qui rit, des roses trémières caressées par la joie et de mon fils si heureux de danser le quadrille.

D’un autre port, au bout du monde, où 173 personnes périront dans les explosions causées par l’incurie des hommes.

Du courage de ces passagers de l’improbable, quand des boys modernes rejouent le débarquement dans un Thalys sauvé de justesse de la barbarie.  Quand un 21 août ressemble à une plage de Normandie.

 Le Bleu ! c’est la vie du firmament(…)

Le Bleu ! c’est la vie des eaux-l’Océan

et tous les fleuves ses vassaux(…)

John Keats, Poèmes et poésies.

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Je me souviens.

Du calme d’Angela Merkel annonçant qu’elle devenait la mère de l’Europe en ouvrant les bras de l’Allemagne aux réfugiés et Migrants.

D’une Mère Courage qui soudain fait du pays de l’Indicible celui de l’accueil, quand 430 000 personnes ont traversé la Méditerranée entre le 1er janvier et le 3 septembre 2015, et qu’une seule photo semble avoir retourné les opinions publiques…

Du corps de plomb du petit Aylan et des couleurs vives de ses vêtements, dormeur du val assassiné par toutes les guerres des hommes, à jamais bercé par les flots meurtriers de notre Méditerranée souillée.

De mon étonnement toujours renouvelé en cette rentrée de septembre, quand soudain chaque journée de cours me semble thalasso, tant c’est un bonheur que d’enseigner la langue de Goethe à ces enfants musiciens, surdoués et charmants, toute ouïe et en demande d’apprentissages : ma première année scolaire agréable dans mes errances de « TZR », sans trajets insupportables et sans stress pédagogique.

 

Il n’est d’action plus grande, ni hautaine, qu’au vaisseau de l’amour.

Saint-John Perse, Amers.

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Je me souviens.

De ces pauvres gens morts noyés en voulant sauver une voiture quand des enfants de Migrants continuent, eux, en ce mois d’octobre, à n’être sauvés par personne…

Des hurlements d’Ankara, quand 102 personnes perdent la vie au pied de la Mosquée Bleue, le Bosphore rougi de tout ce sang versé.

De cette famille lilloise décimée par le surendettement, un Pater Familias ayant utilisé son droit de mort sur les siens, mais nous sommes tous coupables, nous, membres de cette odieuse société de surconsommation.

Du silence de ma cadette en cet anniversaire de notre rupture de cinq longues années, de sa frimousse enjouée et de son bonnet rouge lors de notre dernière rencontre, il y a un siècle, avant qu’elle ne rompe les ponts. Du petit bracelet de naissance qui dort dans ma trousse et ne me quitte jamais. De ma décision de vivre, malgré tout.

Argent ! Argent ! Argent ! Le fol argent céleste de l’illusion vociférant ! L’argent fait de rien ! Famine, suicide ! Argent de la faillite ! Argent de mort !

Allen Ginsberg, in Poètes d’aujourd’hui, Seghers.

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 Je me souviens.

« De nos larmes et de l’effroi, de nos rires assassinés en ce 13 novembre 2015, de mon incommensurable chagrin devant la liberté souillée.

De la peur défigurant les visages, de ces hurlements, de l’innocence conspuée au gré d’une terrasse.

De nos marches au silence bouleversant, de ces bougies qui veillent, de l’union sacrée du monde devant Paris martyrisée. »

De cette structure cyclique qui a mutilé la Ville Lumière, de notre sidération, de la peur de mes enfants et des larmes de mes élèves, de la chanson « Imagine » entonnée en pleurant.

De Bamako et Tunis endeuillées elles aussi, de nos désespérances devant tant de victimes, et puis la terre, n’oublions pas la terre, qui se lamente aussi.

De la COP 21 qui passe presque inaperçue au milieu de tous ces bains de sang.

Si tu mérites ton nom

Je te demanderai une chose,

« Oiseau de la capitale » :

La personne que j’aime

Vit-elle ou ne vit-elle plus ?

Ariwara no Narihira, 825-879, in Anthologie de la poésie japonaise classique.

Place du Capitole, 14 novembre 2015
Place du Capitole, 14 novembre 2015

 

Je me souviens.

Du visage grimaçant de la haine et de la barbarie qui heureusement ne s’affichera PAS dans le « camembert ».

De nos piètres victoires, de mon pays où des jeunes votent comme des vieux aigris, de ma République en danger.

De toutes ces mitraillettes à l’entrée des églises, des santons menacés par les « laïcards » et par les djihadistes, d’un Noël au balcon, comme sous les tropiques.

De ces sabres lasers prétendument rassembleurs, quand tous ces geeks pourraient se retrousser les manches, réfléchir et agir.

D’une partie de croquet dans un jardin baigné de lumière et de douceur un 26 décembre, les maillets et les boules étant ceux de mon enfance allemande, le regard bienveillant de nos quatre grands-parents comme posé sur nous, microcosme familial dans le macrocosme de l’Europe si fragile, du monde si vacillant, de l’Univers si mystérieux.

De nos espérances.

De nos forces.

De nos amours.

Je me souviens de 2015.

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À la lumière de nos aïeux nous marchons.

Elle nous éclaire comme les étoiles de la nuit guidant le marcheur.

Al-Hutay’a, in Le Dîwân de la poésie arabe classique.

 

 

Enfin cette phrase, dédiée à tous ces disparus :

Je t’aimais. J’aimais ton visage de source raviné par l’orage et le chiffre de ton domaine enserrant mon baiser. (…) Aller me suffit. J’ai rapporté du désespoir un panier si petit, mon amour, qu’on a pu le tresser en osier.

René Char, La compagne du vannier.

 

 

 

C’est ce jeune en colère, qui apprend le mot « Mai »…

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C’est ce jeune en colère, qui apprend le mot « Mai »…

C’est cette radio qui se met à danser, musicale et nouvelle, sans les flashs mortifères des infos répétées.

C’est cet enfant joyeux, un ballon à la main, qui commence à sourire en voyant les drapeaux.

C’est cette femme âgée, qui dodeline de la tête, qui en quelques instants se revoit en 36 : lorsque la joie au cœur et les jupes légères on partait à la mer comme on quitte un hiver, les mollets bien trempés et la fleur au sourire.

C’est cette enfant timide, aux lunettes carrées, qui soudain oui se lève et suit les révoltés : elle dit non à son prof, elle dit non à son père. Aujourd’hui elle sera révolutionnaire.

C’est ce jeune en colère, qui apprend le mot « Mai », qui ne savait pas jusqu’à hier qu’on pouvait résister.

C’est la femme épuisée, qui se lève aux aurores, dont les aubes sont blanches et ont goût de charnier, qui rejoint au soleil ses amies qui défilent ; aujourd’hui on verra même les sans papiers.

C’est le temps des cerises même au cœur des chantiers, quand on a en mémoire les Communes et les chants : ce pays se souvient qu’il a su exister.

C’est pour tous nos grands-pères qui arpentaient les mines, pour les foules en colère, pour les arbres de Mai. Pour nos vies en Bastilles qui enferment les rêves, pour ces jours guillotines qui nous fauchent en chemin.

C’est pour dire aux enfants que la rue peut descendre, que les peuples ensemble sont plus fort que les Grands, et qu’il faut à présent oser dire et comprendre, parce que souvent ancêtres ont souffert dans leur sang.

C’est pour Rosa la Rouge malgré tous les goulags, pour Gavroche et Arlette, malgré lourdes erreurs, et pour tous les lilas enlacés à vos roses, car jamais ne pliera le roseau des espoirs.

C’est un matin qui chante, en mémoire de hier. Quand demain se prépare en action, mais sans guerres.

C’est la quinqua pimpante aux enfants allaités, qui devrait oublier qu’elle a nourri la France, c’est celui qui travaille depuis l’adolescence, c’est l’écrivain debout qui ne veut pas s’assoir.

C’est cette liberté de rester ou de vivre, de garder un métier si passion nous anime, ou d’aller profiter d’une vie qui s’enfuit, quand le corps déjà faible demande juste répit.

C’est l’essence qui manque, c’est le train qui s’ennuie, c’est l’usine assoupie au plus fort des cadences, c’est la classe oubliée car le maître est parti : c’est la Grève générale.

Et aujourd’hui j’en suis.

Sabine Aussenac, professeur titulaire « TZR », certifiée depuis 1984, ayant son poste fixe depuis 1995.

En poste « hors zone » avec plus de 6 heures de trajets par jour.

 

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http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/les-tzr-ces-roms-de-l-education-nationale_b_1852799.html