Comme un grand cœur battant #hommage #ruedesRosiers #attentat #Paris

Comme un grand cœur battant

Un parfum de strudel et des pains au pavot,

Des enfants en kippa qui rient aux hirondelles,

Chaque femme qui passe pourrait être Rachel,

Casque d’Or elle aussi aimait y parler haut…

La plaque en yiddish de la rue des Rosiers, réalisée par l’artiste hongrois Sebestyén Fiumei. (Crédit : Sebestyén Fiumei)

Il y a là des échoppes, on se tient par la main,

Le Marais n’est pas loin, arc-en-ciel en Paris !

Quand le rabbin traverse les touristes sourient :

Les mémoires apaisées caracolent en demains.

La nuit y fut profonde, on partit au Vel d’Hiv,

Souvenirs et souffrances si longtemps furent vives…

Et puis en plein soleil, terrassant innocences,

Peste brune à nouveau frappa aveuglément.

Mais la rue des Rosiers comme un grand cœur battant

Est debout fièrement en son berceau de France.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/attentat-de-la-rue-des-rosiers-un-hommage-national-rendu-aux-victimes-de-l-attentat-2594076.html

https://www.parislenezenlair.fr/actualites/item/987-petite-histoire-de-la-rue-des-rosiers.html

Estivales…Antisémitisme, musique, poésie, action…

Un été passé sur les traces de la poétesse allemande Rose Ausländer m’a quelque peu éloignée de mes briques roses…

Voici le projet de départ : En parallèle de l’écriture d’un roman autour de Rose Ausländer, j’avais imaginé la création d’un événement participatif en rédigeant une sorte de « journal de voyage », de Düsseldorf à Czernowitz (où je me rendrai dans un an), en passant par des lieux de mémoire juifs -Berlin, Vienne, où Rose a vécu, Prague, pour respirer l’air de la « Mitteleuropa », et en partageant sur « les réseaux sociaux » (Facebook, Twitter, Instagram) le récit et des photos et vidéos de ma quête, afin de sensibiliser aussi les jeunes publics à cette démarche, un peu à la manière de « Eva-stories » sur Instagram..

Tous les quinze jours, un cimetière juif est profané outre-Rhin… Ma démarche s’inscrit dans une actualté brûlante, car rien n’est acquis… Et les dérives des populismes, dans le monde entier, de Bolsonaro au Brésil à Salvini en Italie, m’amènenet à penser que j’ai raison de vouloir écrire au sujet de Rose…

https://www.tagesspiegel.de/politik/antisemitismus-in-deutschland-jede-zweite-woche-wird-ein-juedischer-friedhof-geschaendet/24865114.html

Le ministre des affaires étrangères Heiko Maas lui-même a récemment appelé à une extrême vigilance… Le rabbin Yehuda Teichtal, prsident du centre d’éducation juive Chabad de Berlin, a été en effet violemment agressé…

https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1564643189-allemagne-le-rabbin-yehuda-teichtal-agresse-a-berlin

Car quand un rabbin reçoit des insultes et des crachats, c’est toute la communauté juive allemande qui est visée, et toute l’Allemagne qui ressent honte et dégoût… Heiko Maas affirme que le pire serait l’indifférence face à ces actes ignobles, car c’est bien l’indifférence qui a amené à la Shoah…

https://www.juedische-allgemeine.de/politik/judenfeindlichkeit-ist-gift-fuer-unsere-gesellschaft/

Le réusmé anglais de mon projet:

Rose Ausländer

Rose Ausländer is a Jewish poet from Chernivtsi. Despite her encounter with the horrors of the Shoah, she believed that the power of the word would relay a message of hope to humanity, perfect example of resilience; as a survivor from the Holocaust she has translated her hope through her poetic words. In our time of terrorism and antisemitism, it’s important to share ways of resilience, and poetry can be an amazing way to trust in life again. I would like to write a novel about her, not a biography, but a kind of polysemic work, mixing translations of her texts and romanced story of her life, and parallel to this writing I will share this process on digital ways, reading some of her texts on videos, sharing pics and a diary of my European travel on social medias. I will meet Rose’s editor, a performer, a musician and members from the Jewish community in Berlin, Vienna and Prague…

Ce blog est à retrouver ici :

https://avecmavalisedesoieroseauslander.home.blog/

Voilà les liens vers les trois derniers articles :

** Dans « Un rossignol à Düsseldorf », j’ai relaté ma formidable rencontre avec le musicien Jan Rohlfing et son épouse, qui ont monté un projet de lecture musicale des textes de Rose.

Extraits :

Jetzt ist sie eine Nachtigall

Nacht um Nacht höre ich sie

im Garten meines schlaflosen Traumes…

**

Maintenant elle est un rossignol

Nuit après nuit je l’entends

dans le jardin de mon rêve dans sommeil…

Meine Nachtigall, mon rossignol

https://www.lyrikline.org/de/gedichte/meine-nachtigall-547

***

https://griot-verlag.de/rose-auslaender-wirf-deine-angst-in-die-luft.html

C’est autour d’un gâteau aux framboises et au müsli que Eva-Susanne Ruoff et Jan Rohlfing m’ont reçue le lendemain de mon arrivée à Düsseldorf, dans leur merveilleuse maison non loin de Ratingen, dont l’immense séjour accueille aussi des concerts privés.

(…)

La création de ce “Hörbuch” va d’ailleurs bien au-delà de la simple mise en musique des textes de Rose Ausländer, et c’est aussi ce qui transparaît à la fois lors des multiples concerts donné par l’orchestre de chambre portant le projet – composé de neuf musiciens – et dans le succès du CD; car on retrouve dans ce travail non seulement la modeste magnificence des textes de la poétesse, considérée en Allemagne comme l’une des voix majeures de la poésie du vingtième siècle, mais aussi tous ces thèmes d’une brûlante actualité que sont l’idée de la patrie, de l’identité et de la langue maternelle perdues, de l’exil, des réfugiés…

(…)

Chaque plage s’ouvre sur une lecture de texte, et le silence des pauses, si important pour que l’auditeur s’imprègne de l’anastomose entre lyrisme et musique, s’ouvre ensuite sur les compositions qui varient entre la profusion instrumentale de certains titres et le minimalisme d’autres plages plus épurées. Et l’on se sent transporté aux confins de la Mitteleuropa au rythme des accents yiddish rappelant des violons de Chagall, puis, dans le staccato new yorkais des cuivres et de la batterie, on plonge, au son des notes jazzy rappelant l’exil, dans l’humeur chaloupée de l’outre-atlantique avant de se recueillir dans l’atmosphère feutrée et mono instrumentale des textes tardifs de la poétesse, passant ainsi, au gré des arrangements de Jan Rohlfing, par les mille émotions procurées par cette vie d’artiste.

(…)

Si vous aimez la musique et la poésie, je vous invite à lire l’intégralité du texte en cliquant sur le lien plus haut et à découvrir cette aventure passionnante !

** Dans « Une journée particulière », j’ai raconté l’incroyable journée passée en compagnie de l’éditeur et ami de Rose, Helmut Braun, aujourd’hui en charge du fonds Ausländer et responsable de la Rose Ausländer Gesellschaft.

http://www.roseauslaender-gesellschaft.de/

Helmut m’a accueillie à Düsseldorf et a pris le temps de me montrer tous les lieux de mémoire autour de la vie de Rose, depuis la pension de famille où elle arriva en 1965 au cimetière où elle repose, en passant par la maison de retraite juive dans laquelle elle passa de longues années, grabataire mais toujours incroyablement active en écriture. J’ai pu aussi visiter une superbe exposition consacrée aux poèmes anglais de Rose et, le soir, assister à un concert autour de ces mêmes textes.

Extraits :

Le 12 juillet, en attendant Helmut Braun, j’ai pu tranquillement me plonger dans la superbe exposition consacrée par Helmut Braun aux regards croisés sur Rose Ausländer et sur la poétesse américaine Marianne Moore, entre lettres, images d’archives et textes traduits. Marianne Moore a joué un rôle essentiel lors du changement de style opéré par Rose Ausländer, de nombreux écrits en témoignent et évoquent les textes anglais de notre poétesse, préludes à son retour vers l’écriture en langue allemande après la césure du silence, conséquence de la Shoah. Le livre « Liebstes Fräulein Moore /Beautiful Rose », bien plus que le catalogue de cette exposition, riche et dense, dirigé par Helmut Braun, est disponible aux bien nommées éditions Rimbaud :

https://www.rimbaud.de/neuer.html#liebstesfraeuleinmoore

J’ai pu aussi découvrir les locaux de cette intéressante fondation consacrée au rayonnement et à la mémoire de la culture des anciens territoires de l’Est de l’Allemagne, ainsi que des territoires occupés par des Allemands dans l’Europe du Sud, et à toutes les personnes déplacées lors des grandes migrations autour des deux guerres mondiales.

(…)

Des mots bien différents de ses poèmes de jeunesse, orphelins des rimes et de l’enfance, ayant traversé l’Holocauste et les années d’exil et sans doute aussi influencés par « la » rencontre avec Paul Celan… En témoigne ce poème dont le titre est aussi celui du recueil rassemblant les œuvres de 1957 à 1963 :

Die Musik ist zerbrochen

In kalten Nächten wohnen wir

mit Maulwürfen und Igeln

im Bauch der Erde

In heißen Nächten

graben wir uns tiefer

in den Blutstrom des Wassers

Hier sind wir eingeklemmt zwischen Wurzeln

dort zwischen den Zähnen der Haifische

Im Himmel ist es nicht besser

Unstimmigkeiten verstimmen

die Orgel der Luft

die Musik ist zerbrochen

La musique est brisée

Dans de froides nuits nous vivons

avec des taupes et des hérissons

dans le ventre de la terre

Dans de froides nuits

nous nous enterrons plus profondément

dans le flux sanglant de l’eau

Ici nous sommes coincés entre des racines

là entre les dents des requins

Au ciel ce n’est pas mieux

des dissonances désaccordent

les orgues de l’air

la musique est brisée

Nous remontons en voiture. Je suis très émue de concrétiser le lien qui me lie à Rose depuis tant d’années en posant mon regard sur ce qui a été sa vie…

(…)

De 1972 à sa mort, en 1988, Rose demeurera donc en ce lieu assez spécifique, puisque d’une part magnifiquement situé, et d’autre part empreint d’une réelle philosophie de vie, comme en témoigne ce bel article que je vous invite à lire.

https://journals.openedition.org/tsafon/409?lang=fr#text

Certes, suite à des transformations, la chambre dans laquelle Rose séjourna, grabataire mais toujours active en écriture, n’existe plus, mais un petit salon porte encore son nom, et j’ai eu plaisir à marcher sous les frondaisons des arbres du Nordpark qu’elle affectionnait tant…

Le foyer Nelly Sachs, maison de retraite juive de Düsseldorf

(…)

J’aime infiniment les cimetières allemands, et celui-là ne déroge pas à la règle : paisible, ombragé par d’immenses arbres, on peut y flâner comme dans une forêt… Rose est morte le 3 janvier, le jour de mon anniversaire, en 1988… Elle repose parmi d’autres tombes juives, et je vais déposer un petit caillou sur la pierre tombale, la matzevah, selon la tradition hébraïque. Le caillou provient du Waldfriedhof de Duisbourg, dans lequel est enterré mon grand-père allemand… En accomplissant ce geste hautement symbolique au regard de mon histoire personnelle et de mon lien avec le judaïsme, j’ai l’impression qu’une boucle est bouclée…

La tombe de Rose, au Nordfriedhof

(…)

Pour découvrir plus précisément la vie de Rose, je vous renvoie donc vers cet article détaillé et illustré…(cliquer sur le lien plus haut!)

** Enfin, dans « Nausicaa, Rose Ausländer et Ai Weiwei: „Wo ist die Revolution“? (« Où est la révolution ? ») », j’ai thématisé ma rencontre avec l’artiste Ai Weiwei, au gré d’une monumentale exposition consacrée en partie à l’exil et aux Migrants, vue au K20 et au K21… J’ai été bouleversée par les passerelles entre le travail de ce dissident chinois et les écrits de Rose…

Extraits :

Nausikaa

Schilf und Zikadensilber

Schnuppen die Blaubucht entlang

Der Wandrer erwacht

Zersplitterte Sterne im Blick

Nausikaas Antlitz aus Tau

taucht auf

und spiegelt sich doppelt

in seinen Pupillen

Ihr Haar löst sich

von den Strähnen der Meteore

strömt nieder und schwemmt

die Jahrzehnte weg

Ihre Hand voll Muscheln und Meerschaum

lässt alles fallen

Sie sammelt das Meer

Gestirn und Gestade

und setzt sie zusammen

Sie sammelt den Fremden

Zelle um Zelle

und setzt ihn zusammen

Sie färbt die Erde

mit Nausikaa-Atem

hängt das Amulett

um Odysseus‘ Hals

und führt ihn zum Vater

im neugeschliffenen Weltall

Nausicaa

Le roseau et l’argent des cigales

Respirations le long de la baie bleue

Le randonneur s’éveille

des étoiles éparpillées dans le regard

Le visage tout en rosée de Nausicaa

émerge

et se reflète doublement

dans les pupilles du promeneur

Sa chevelure se détache

des écheveaux des météores

vogue vers les grands fonds et nage

le long des décennies

Sa main pleine de coquillages et d’écume de mer

laisse tout choir

Elle recueille la mer

les constellations et les rives

et les rassemble

Elle recueille l’étranger

cellule après cellule

et en fait un tout

Elle colorie la terre

avec le souffle de Nausicaa

accroche l’amulette

au cou d’Ulysse

et le conduit vers le père

dans l’univers remodelé

Rose Ausländer, de „Blinder Sommer“ (traduction Sabine Aussenac)

Ces quelques jours passés à Düsseldorf en compagnie de Rose sont aussi l’occasion d’accompagner mon fils dans la découverte de la région de son futur Master (il a obtenu une bourse Erasmus) et de voir quelques musées…

(…)

Ces saynettes rappellent l’arrestation, le 3 avril 2011, de l’artiste, et miment donc le regard d’un surveillant de prison sur les moments du terrible quotidien d’un prisonnier politique. Comment, pour moi, ne pas penser à la jeune Rose, rentrée des États-Unis où elle aurait pu librement demeurer, perdant d’ailleurs la nationalité américaine du fait de son séjour à nouveau hors des USA,  pour revenir en Bucovine, aux côtés de sa mère, et croupissant ensuite durant de longues années dans le ghetto de Czernowitz, en partie cachée dans une cave…

Photo de l’exposition S.A.C.R.E.D

(…)

En parcourant les différentes salles, une émotion submerge le visiteur, avec cette évidence de l’Universel qui si souvent vient percuter l’individu, le briser, lui, fétu de paille malmené par les dictatures ou les colères de la terre, et c’est bien la voie et la voix de l’art que de dénoncer malversations, injustices et brisures…

Certes, le poing levé d’Ai Weiwei et ses doigts d’honneur devant différents monuments du monde peuvent sembler bien loin des murmures poétiques de Rose Ausländer, qui jamais ne « s’engagea » réellement politiquement, tout en thématisant tant de fois la césure de la Shoah… Mais jamais le lecteur ne se trouve non plus dans la mouvance parnassienne de l’art pour l’art, tant les passerelles vers le monde et les hommes, leurs souffrances et leurs malheurs, sont nombreuses…

Performance frondeuse de l’artiste…

(…)

Je fais lentement le tour de ce navire, lisant attentivement des citations inscrites sous la poupe et la proue, dont les mots évoquent les dangers et les aléas de ces exils, pensant bien sûr aux naufragés de mon cher Exodus… C’est bien le livre de Leon Uris, relatant l’épopée tragique de ses passagers, que mon grand-père allemand, qui avait fait le Front de l’Est, m’avait offert l’année de mes treize ans, avant que je ne plonge à mon tour dans l’histoire tourmentée de mes ancêtres… Cet Exodus dont j’ai bien des fois admiré la plaque commémorative à Sète… Et je songe aussi aux transatlantiques empruntés par notre Rose lors de ses allers-retours entre l’Europe et son exil…

Un enfant du camp d’Idomeni, en Grèce…

(…)

Il faut lire le texte entier pour se plonger dans l’univers démesuré d’Ai Weiwei et découvrir les incroyables similitudes entre les destinées des exilés…(Il suffit de cliquer sur le lien en haut du pragraphe…)

Lien vers kes photos de l’exposition

Je mettrai d’autres textes en ligne au fil de mon travail de recherches, tout en continuant à écrire, bien sûr, sur d’autres sujets…

Une merveilleuse fin d’été à toutes les lectrices et à tous les lecteurs qui passeront sur ce blog…

Dame Garonne…

Cézanne, ouvre-toi !

Cet éclat de lune qui me baigne de joie. Ne jamais l’échanger contre un néon sordide.

Se souvenir de l’âpreté des vents, des houppelandes grises où grelottaient nos rêves. Blottis en laine feutrée, ils attendent leurs printemps.

Bien sûr il faudra se soumettre. Et puis s’alimenter, raison garder, louvoyer en eaux troubles. Mais nous ne baisserons pas la garde de nos avenirs.

Aquarelliste, dentellière, allumeuse de réverbères, souffleur de verre : il n’y a pas de sot métier !

Ne jamais renoncer au Beau. Décréter la laideur hors-la-loi : nous deviendrons chasseurs de rimes.

Cercles chamaniques des promesses tenues. Ne pas abjurer notre foi aux mots ; prendre la clé des chants.

Rester l’étudiant russe et la danseuse, ne pas devenir la ménagère et le banquier. Oser ne jamais pénétrer dans un lotissement.

Les soirs bleus d’été respirer les foins lointains et aimer l’hirondelle. Se faire Compostelle : nous sommes notre but à défaut de chemin.

Rêver nos vies toujours ; et veiller aux chandelles : seul celui qui connaît la nuit deviendra rossignol.

L’indécence n’est pas d’être riche ; il n’est pas interdit de préférer le luxe à la misère. Ne pas oublier de partager les soleils.

Aimer la pluie avant qu’elle ne tombe, et la chaleur de l’arc-en-ciel ; s’enhardir en bord de nuit, jusqu’aux mystères d’Eleusis.

Trouver belle celle qui a enfanté et qui est devenue terre et mère ; aimer celui qui a parcouru ses mondes : le printemps est de soie mais l’automne est velours.

Bannir les sordides et ensemencer nos âmes de sublimes ; vivre comme si la mer était à nos portes, en terre océane. Cézanne, ouvre-toi !

(Sabine Aussenac)

Yom HaShoah 2019: se souvenir. Et agir!

http://yomhashoah.fr/

Les osselets de la mémoire

« Il faut continuer à parler, non pas tant du camp, de ce que nous avons vécu, mais de ce qui fait la spécificité de la Shoah : je veux parler de l’extermination systématique, scientifique, de tous ceux qui dès l’arrivée au camp devaient disparaître, parce qu’ils étaient trop jeunes, trop âgés, parce qu’il n’y avait plus de place pour eux, ou tout simplement parce que l’idéologie nazie avait décidé que tous les juifs devaient être éliminés. Oui, il faut que cela soit su. Il y a encore tant de gens qui ne savent pas. Et il est si difficile de concevoir que cela ait pu se passer en plein XXe siècle, dans un pays si fier de sa culture. »

Simone Veil, interviewée pour le Nouvel Observateur en 2005.

Le texte ci-dessous date de 2014… Comme j’aimerais pouvoir dire que c’est un écrit « daté », qui aurait vieilli, qui semblerait presque ridicule… Hélas, il n’en est rien. Aujourd’hui, premier mai, nous commémorons en France la mémoire des victimes de la Déportation, tandis que le monde commémore Yom HaShoah, la journée de la mémoire des victimes de la Shoah…

Et, plus que jamais, notre printemps est un printemps qui nous dérange, une sorte de promesse fallacieuse d’un temps des cerises qui jamais n’adviendra… Combien de fois ai-je eu envie de prendre la plume ces dernières années, et plus particulièrement ces derniers mois, lorsque furent souillées les mémoires de Simone Veil et d’autres anonymes, lorsque furent profanées des tombes, des stèles de mémoire, chez nous, au pays des Lumières, en Israël, là où pourtant reposent les victimes de la tuerie de Toulouse, lorsque des synagogues, encore et toujours, furent l’objet d’attentats, lorsque des croix gammées et des étoiles juives furent dessinées au coeur de Paris…

Je pense que, plus que jamais, nous nous devons de demeurer en état de veille, de ne pas baisser nos gardes, alors même que notre Europe bascule vers les populismes, que les partis d’extrême-droite se pavanent dans les parlements de nos démocraties en danger et que les derniers survivants de la Shoah s’éteignent, leurs voix, pourtant fortes, inébranlables, n’ayant pu faire taire les démons du négationisme et les croyances ancestrales…

Il y a deux étés, je visitai ainsi le Musée Juif de Berlin en compagnie d’une collègue d’allemand polonaise, dans le cadre d’un stage organisé par le Goethe Institut. Cette collègue ne savait rien, ou presque, du judaïsme, et, tout au long de notre visite, elle me désarçonna avec des réflexions à la fois naïves et perfides, m’expliquant qu’en Pologne, on ne faisait pas beaucoup confiance aux juifs, qu’elle se demandait si ces « preuves », que nous étions en train de découvrir, étaient réelles… Ainsi, en regardant les petites valises et des vêtements de bébés sauvés des camps, elle en mettait la réalité en doute. J’en avais la nausée, en particulier lorsque je m’isolai, épuisée par ses bavardages indécents, dans l’immense salle obscure et bétonnée, aux immenses parois biseautées formant un puits inversé de lumière: la porte fermée, on se croit réellement…dans une chambre à gaz…


https://www.berlin.de/fr/monuments/3560999-3104069-musee-juif-de-berlin.fr.html

En sortant du musée, nous marchâmes longuement à travers mon cher Berlin, et je tentais, modestement, d’expliquer à ma collègue quelques rudiments au sujet des origines de l’antisémitisme, cet antisémitisme que, toute professeur d’allemand qu’elle était, toute charmante qu’elle était, elle continuait à propager, à quelques encablures d’Auschwitz… Je lui parlais comme à je parle à mes élèves qui, très rarement, sont au fait de cette « question juive »… Et ce malgré les cours au sujet des religions du monde qu’ils reçoivent au fil de leurs années d’école, comme dans le programme d’histoire de sixième, lorsqu’ils étudient le fait religieux, ou au gré du traitement de la seconde guerre mondiale, en troisième, où, même si mes collègues n’ont plus le droit de dire « holocauste » (trop « religieux », justement! ), et où le terme « Shoah » ne me semble guère usité (par exemple inconnu, encore cette année, par mes classes, excatement comme dans les sondages qui ont émaillé la presse ces derniers mois…), nos élèves sont tout de même confrontés au terme de « judaïsme » et à l’histoire…

Ma collègue -tout comme nos élèves, si souvent…- ignorait qu’il se disait que « les juifs » avaient tué Jésus; ma collègue ignorait l’ostracisme vécu par les communautés juives au fil des siècles, le fait que certains métiers leur fussent interdits autrefois, leur rapport privilégié, par là même, avec les métiers de l’usure… Elle ne savait pas non plus qu’il avait existé des ghettos en dehors de celui de Varsovie, ne connaissait pas le terme de « pogrom »… Ma collègue, enseignant l’allemand à de jeunes polonais, mon adorable collègue à l’accent chantant, avec laquelle j’ai découvert Berlin pour la première fois de ma vie, ma collègue me bouleversait de par son ignorance crasse, scandaleuse, de par un antisémitisme quasi « naturel »… Et cette ignorance, combien de fois l’ai-je retrouvée au détour de « smal talk », de conversations légères avec des inconnus, des commerçants, des collègues, même…

Alors je dis, je répète, je martèle que, oui, il est urgent de refonder notre politique autour du « devoir de mémoire », car, au seuil des élections européennes, après la multiplication en France de crimes antisémites plus odieux les uns que les autres -je voudrais saluer la mémoire des victimes de la tuerie de Toulouse, mais aussi celle d’Ilan Halimi, de Sarah Halimi, de Mireille Knoll…- , après l’inquiétante accumulation d’actes de vandalisme antisémites, et devant les montées en puissance de l’antisémitisme mondial, il est du devoir de notre démocratie de poursuivre l’éducation des plus jeunes, mais aussi de la nation tout entière, en racontant encore et toujours le fait historique immonde de la barbarie concentrationnaire, mais aussi en éclairant les esprits autour du fait religieux. Notre loi sur la laïcité est merveilleuse, car non seulement elle préserve l’espace public de tout signe ostentatoire, mais aussi elle est censée permettre l’éducation à la tolérance. Allons plus loin. Osons nous inspirer, peut-être, même si cela semble paradoxal, des rapprochements éclairés faits par des religieux eux-mêmes!

http://www.seuil.com/ouvrage/des-mille-et-une-facons-d-etre-juif-ou-musulman-delphine-horvilleur/9782021349306

Plutôt que d’entériner les guerres intestines liées à la politique au Moyen-Orient, plutôt que de tolérer les appels au boycott d’Israël et les festivals pro palestiniens qui fleurissent, ravivant ainsi les tendances fratricides si présentes déjà dans les « quartiers », ayons le bon sens de favoriser, au contraire, le vivre-ensemble! Si je clique sur Google « pro palestine Toulouse », en ce premier mai 2019, je trouve ainsi, en ma seule ville rose, des dizaines de manifestations de soutien en faveur de la Palestine, entre le « Ciné Palestine » de la Cinémathèque et les recueils de poésie, en passant par les appels au boycott… Mais rien n’est fait pour rapprocher les communautés… Alors que des solutions existent…

Et c’est ainsi que malgré nos efforts d’enseignants, l’histoire se répète, encore et toujours. Et c’est ainsi que j’ai été obligée de quitter, il y a quelques semaines, au lendemain de la profanation du cimetière juif de Strasbourg, une manifestation poétique pourtant peuplée d’intellectuels éclairés, d’amoureux des mots, de gens représentant la parole, l’esprit, la réflexion… Ce soir-là, en effet, nous était présenté un superbe recueil de poèmes en faveur de Gaza, « Requiem pour Gaza », et j’ai eu, dans un premier temps, plaisir à en écouter des extraits, superbement écrits et récités.

https://www.france-palestine.org/Requiem-pour-Gaza-recueil-d-un-collectif-de-30-poetes

Cependant, ensuite, j’osai, devant la petite assemblée, interroger un auteur présent: comment ressentait-il, justement, la prolifération d’actes antisémites, en particulier cette profanation récente du cimetière de Quatzenheim? Aussitôt, des sourires amusés s’élevèrent dans le public présent autour de la table; une participante éclata presque de rire en disant que c’était « un coup de Macron », et qu’elle n’y croyait pas une seconde, et les autres d’acquiescer. Médusée, je leur rappelai qu’une enquête de flagrance était ouverte, et que de multiples actes antisémites fleurissaient, depuis plusieurs mois…

Ils sont venus
tuer les
pierres , lapider les morts
de leur bêtise crasse.

Ils ont griffé la
terre de leurs doigts
ignorants, fossoyeurs
de l’immonde,
dépeçant le silence.

Tels des vautours
affamés, ils ont conspué
l’Éternité,
crevant les yeux du granit,
éventrant le sein
des marbres :
charognards de
l’Indicible.

https://sabineaussenac.blog/2015/02/18/763/

En vain. Le complotisme de certains intellectuels présents me terrifia, ébranlant fortement mes convictions dans le pouvoir de la réflexion: on pouvait donc écrire de la poésie, s’émouvoir de la situation à Gaza, mais pas de celle des juifs de France? Après avoir tenté en vain d’expliquer certaines de mes idées, et après avoir évoqué les meurtes commis à l’école juive de Toulouse en 2012, je me levai et partis. Effondrée.

phttps://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam_1_b_1371928.html

Plus récemment, lors d’une soirée, je me rendis compte que certains de mes amis adoraient Renaud Camus, « un auteur extraordinaire », alors que cet obscurantiste est à l’origine des théories du « grand remplacement » et que le djihadiste de Christchurch s’est inspiré de ses écrits… Alors que cette personne baigne dans de fâcheuses compromissions autour de l’antisémitisme…

https://www.renaud-camus.net/affaire/kechichian.htm

Alors oui, plus que jamais, il est d’actualité d’évoquer le souvenir de la Shoah, et aussi de réflechir à des stratégies démocratiques pour renforcer le vivre-ensemble. Diffuser régulièrement « Rabbi Jacob » ou « La vérité si je mens » à la télévision ne suffit plus! Il faudrait réellement et de façon insistante expliquer aux Français, dont certains se sont illustrés récemment par un lynchage envers des Roms accusés d’avoir « volé des enfants », que le lobby juif ne possède pas les médias, et qu’il n’est pas correct de dessiner des croix gammées sur des portraits de Simone Veil ni de détruire des tombes juives, parce qu’on commence comme ça, et ensuite on finit par tuer une enfant juive d’une balle dans la tête… Il faudrait aussi que les modérateurs des réseaux sociaux soient plus attentifs à l’antisémitisme largement diffusé au fil du net, en particulier, hélas, au gré des pages de l’ultra-gauche. Là aussi, antisionisme et antisémitisme flirtent dangereusement l’un avec l’autre, au fil de discours souvent policés et pervers, bien capables d’embrigader de jeunes esprits maléables…

Ayons confiance. Ayons confiance dans ce pouvoir du partage et de la conviction, mais osons dire les choses, expliquer, ne pas courber l’échine devant ceux qui veulent hurler plus fort que les autres, déformer l’histoire et salir les morts et les Justes. Inspirons-nous des associations, demandons au gouvernement de promouvoir les métissages et l’éducation à la tolérance…

https://www.franceinter.fr/societe/salam-shalom-salut-montrer-que-juifs-et-arabes-peuvent-tres-bien-vivre-ensemble-en-france

Soyons dignes de Simone, de Marceline, et des millions de victimes qui, toutes, méritent d’être nommées dans leur dignité de femmes et d’hommes.

Ne pas oublier

barbaries indicibles.

Garder la lumière.

忘れないで

言葉にならない野蛮人。

光を保ちなさい。

Wasurenaide

Kotoba ni naranai yaban hito.

Hikari o tamochi nasai.


https://www.vanupied.com/varsovie/varsovie-atmosphere/ghetto-de-varsovie-de-sa-creation-a-l-insurrection.html

https://www.huffingtonpost.fr/2018/11/09/les-actes-antisemites-explosent-en-2018-en-france_a_23584388/

https://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/la-shoah-cest-has-been_b_1676229.html

https://sabineaussenac.blog/2014/02/10/ilan-halimi-8-ans-deja/

2014: L’autre côté de moi

 » Je n’ai aucune réelle légitimité pour évoquer le 19 mars 2012 et les autres meurtres commis par Mohamed Merah. Je ne suis pas juive, je ne suis pas militaire, je n’ai pas été touchée par l’antisémitisme. Ou, en fait, si, mais à contrario : parce que je suis, par ma mère, d’origine allemande. Parce que je sais que si mes grands-parents n’ont pas eu la carte du parti, mon grand-père était cependant soldat de la Wehrmacht ; il a fait le Front de l’Est, est resté des mois prisonnier.

C’est lui qui, un jour, m’a mis le roman « Exodus » entre les mains, sans un mot. J’avais 13 ans, je lisais à peine l’allemand, et pourtant j’ai lu, et compris. La même année, j’avais lu le Journal d’Anne, et, là aussi, ouvert les yeux. Mon pays adoré, ma deuxième patrie, mon Allemagne des contes de Grimm, des longues promenades le long du Rhin, de mes grands-parents chéris, avait donc aussi été le pays de l’Indicible.

L’autre côté de moi

L’autre côté de moi sur la rive rhénane. Mes étés ont aussi des couleurs de houblon.

Immensité d’un ciel changeant, exotique rhubarbe. Mon Allemagne, le Brunnen du grand parc, pain noir du bonheur.

Plus tard, les charniers.

Il me tend « Exodus » et mille étoiles jaunes. L’homme de ma vie fait de moi la diseuse.

Lettres du front de l’est de mon grand-père, et l’odeur de gazon coupé.

Mon Allemagne, entre chevreuils et cendres.

Bien sûr, les Allemands ont souffert : ma mère encore ne peut entendre un avion sans frémir, et je sais que la blondinette de 4 ans a eu peur, faim, froid.

Mais quelque part, je suis la seule de ma famille à, en quelque sorte, « porter la Shoah ». La Shoah par balles de mon grand-père, que personne n’a jamais encore osé évoquer avec moi. Et surtout la Shoah tout court.

Alors depuis mon adolescence, je cherche, je regarde, je réfléchis…Ces amis chez lesquels j’avais été jeune fille au pair, qui, chaque année, partaient dans un kibboutz pour « racheter la Faute », m’avaient donné des livres sur le judaïsme…Et puis un jour j’ai trébuché sur Rose Ausländer, « ma » poétesse juive de la Shoah, et, bien tard, à 44 ans, je lui ai consacré un mémoire de DEA…J’ai même, un temps, flirté avec une idée de conversion…

Les miens se moquaient de moi : « Mais qu’est-ce-que tu as encore, avec tes juifs ? » Pourtant, oui, il y a cette étrange proximité, et puis mes larmes d’enfants lorsque j’entendais du Chopin ou des valses tziganes, et puis mon profond dégoût à mélanger par exemple du fromage et du poisson…

Mais au-delà de l’anecdote, je me suis juré de témoigner. De dire, toujours. Ainsi je parle de la Shoah lors de mes cours, bien entendu, lorsque je fais mon métier de prof…d’allemand. Même quand on m’envoie en terre d’Islam, dans les Quartiers où les élèves ricanent au seul nom de « juif », dans ces classes où, une année, j’ai été obligée de faire noter dans le carnet de correspondance :

« Je ne prononcerai plus le nom du Führer en cours sans y avoir été invité », tant les élèves adoraient parler d’Hitler et du gazage des juifs…

Alors en ce beau matin de mars 2012, quand un élève, dans mon lycée de campagne, a reçu un sms de son père policier à l’interclasse, un sms qui lui parlait du massacre à l’école juive de Toulouse, j’ai immédiatement écrit, à la récréation, une phrase sur le tableau d’affichage devant la salle des profs; au feutre, j’ai noté simplement :

« Premier attentat antisémite en France depuis la rue des Rosiers. »

Et j’ai dessiné une petite étoile juive.

Puis je suis retournée en salle des profs. Moi, je tremblais. Entre temps, j’avais allumé l’ordinateur. J’avais lu les dépêches, les récits des faits.

J’avais lu qu’un homme fou avait abattu de sang-froid un père et ses deux enfants, dont j’apprendrais plus tard qu’il s’agissait du jeune Jonathan Sandler et de ses petits Gabriel, 4 ans, et Arieh, 5 ans, devant l’école Ozar Hatorah de ma ville rose, à quelques kilomètres de la bourgade où j’enseignais. J’avais lu que cet homme ensuite avait pénétré dans l’enceinte de l’école et blessé d’autres personnes, et surtout qu’il avait tiré une balle dans la tête de la petite fille qu’il tenait par les cheveux. Plus tard, on me dira qu’elle s’appelait Myriam Monsonegro, qu’elle avait 7 ans et était la fille du directeur de l’école : ce dernier avait vu mourir sa fille.

En ce matin du 19 mars 2012, vers 10 h, je tremblais. Parce que déjà j’avais lu certains détails, et parce qu’il me semblait intolérable qu’un tel attentat se produise, en France, si longtemps après la Shoah. Après la Shoah.

Dans la salle des profs qui bruissait et papotait, les conversations, certes, s’étaient quelques minutes orientées vers la nouvelle de l’attentat, mais, bien vite, le quotidien avait repris le dessus ; on parlait des devoirs surveillés, du bac blanc, de telle classe à problèmes…Je me souviens du rire presque hystérique de cette collègue, qui déchirait l’espace et me vrillait indécemment ce décalage dans les oreilles.

En passant pour remonter en cours, un collègue, posté devant le tableau blanc portant mon inscription, m’interpella :

–         C’est toi qui as écrit ça ? Mais c’est n’importe quoi ! Comment affirmes-tu qu’il s’agit d’un attentat antisémite ? Tu te bases sur quoi ?

Interloquée, je le regardai, sans comprendre. Je lui répétai alors ce que j’avais lu et entendu, je lui parlais du nom de ce lycée juif, et de la balle tirée à bout portant dans la tête de Myriam.

Il souriait, ricanait presque. Il me répéta que cette action pouvait aussi être celle d’un déséquilibré, ce ne serait pas la première fois. Il monta en cours, presque guilleret. J’avais envie de vomir.

Mon inscription a disparu très vite. Quelques jours plus tard, « on » m’a convoquée, « on » m’a expliqué que mes activités d’écriture avaient déjà été « repérées » par « les autorités », et puis la loi sur la laïcité, et qu’est-ce-que c’était que ce dessin d’étoile juive, mais je me croyais où ? Entre temps, j’avais en effet écrit sur le Huffington Post ma « Lettre à Myriam », qui avait fait le tour du monde, qui avait été reprise sur d’autres blogs, mais…le fait que j’y évoque mon métier, et l’autre établissement où j’enseignais cette année-là, avait dérangé…

« On » me parla du « devoir de réserve », qui, j’ai vérifié, n’existe pas pour les enseignants. Et puis durant quelques jours, alors même que Toulouse pleurait, organisait des Marches Blanches, alors même que la terre d’Israël accueillait les victimes, alors même que Éva Sandler, la veuve et maman des petites victimes, impressionnait la terre entière par sa dignité, alors même qu’une autre maman extrêmement courageuse commençait son combat pour la mémoire de son fils assassiné, son combat pour la paix et la fraternité qui lui a valu encore récemment de recevoir un prix à Toulouse, lors du repas du CRIF, car je n’oublie pas ici la mémoire des soldats tués à Montauban et Toulouse, Abel Chennouf, Mohamed Negouad et Imad Ibn Ziaten, moi, je tremblais à nouveau, mais de peur :

Car « on » m’avait parlé de représailles administratives, « on » m’avait mise en garde, « on » m’avait expliqué que certaines choses n’étaient pas bonnes à dire, que je devais tenir ma langue, mon rang, au lieu de tenir tête…

Je me souviens de mes mails à des amis en Israël, de quelques contacts avec des avocats…

C’est si loin…C’est si dérisoire, aussi. J’ai presque honte de m’être inquiétée, quand les parents des victimes pleuraient encore leurs morts, quand les balles des forces de l’ordre eurent raison de la Bête.

Je pensais que la France serait forte. Je pensais sincèrement que cet acte odieux serait le dernier, que jamais, plus jamais de telles abjections se produiraient.

Mais j’étais naïve. Car depuis, dans cette même ville rose, il y a quelques semaines, des quolibets et des insultes ont empêché la délégation juive de manifester après que des tags antisémites aient souillé notre brique rose. Car depuis, dans tout l’hexagone, un prétendu humoriste à la solde de l’Iran et des néonazis a libéré la parole en reprenant le salut hitlérien sous la forme de cette ridicule quenelle.

Je ne suis pas juive. Je ne suis pas militaire.

Je n’ai pas été victime de Mohamed Merah.

À Toulouse, le printemps est là, les forsythias ensoleillent les jardins, nous guettons presque les onyx des hirondelles qui bientôt reviendront. J’entends quelque part les voix de ceux qui me soufflent « Mais qu’est-ce-que tu fais encore avec tes histoires de juifs ? Reste tranquille, fais ton travail, c’est tout…Qui es-tu, pour prétendre t’exprimer sur ces sujets-là ? »

Rien. Je ne suis rien, je ne suis personne.

Simplement une prof d’allemand en deuil de la démocratie. »

Damit kein Licht uns liebe

Sie kamen

mit scharfen Fahnen und Pistolen

schossen alle Sterne und den Mond ab

damit kein Licht uns bliebe

damit kein Licht uns liebe

Da begruben wir die Sonne

Es war eine unendliche Sonnenfinsternis

Pour qu’aucune lumière ne nous aime

Ils sont venus

portant drapeaux acérés et pistolets

ont abattu toutes les étoiles et la lune

pour qu’aucune lumière ne nous reste

pour qu’aucune lumière ne nous aime

Alors nous avons enterré le soleil

Ce fut une éclipse sans fin

(in Blinder Sommer / Été aveugle)

Rose Ausländer

Jusqu’aux étoiles…


Aline Korenbajzer, déportée et assassinée à Auschwitz-Birkenau, le 31 août 1942, le jour de ses 3 ans



Ne pas oublier

barbaries indicibles.

Garder la lumière.

忘れないで

言葉にならない野蛮人。

光を保ちなさい。

Wasurenaide

Kotoba ni naranai yaban hito.

Hikari o tamochi nasai.

    

            Unsere irdischen Sterne

            Brot Wort und

           Umarmung

***

            Nos étoiles terrestres

           pain parole et

embrassement

Rose Ausländer

Ce sont les grands marronniers qui lui manquent le plus. Elle se souvient de leurs fleurs majestueuses piquant en corolles vers les pâquerettes, puis du vert flamboyant de leur canopée, et enfin des dizaines de marrons polis et brillants qu’elle glissait, émerveillée, dans ses poches.

Rachel l’amenait au parc presque tous les soirs, malgré sa fatigue quand elle avait œuvré à la machine de longues heures durant dans la pénombre de l’atelier de Monsieur Rosenstein. Elle revenait toujours avec une part de roulé au pavot ou de strudel à la cannelle, et Sarah sautillait ensuite à ses côtés en dégustant son goûter et en racontant sa journée. Ces derniers temps, il se passait de drôles de choses, des élèves disparaissaient, et la maîtresse, Mademoiselle Sylberberg, avait appris aux enfants comment fuir par la porte arrière de la classe, au cas où, comme elle disait…

Sarah et Rachel saluaient des dizaines de voisines, on parlait du temps, et on se demandait des nouvelles en chuchotant pour ne pas que les enfants entendent… En arrivant au Burggarten, Sarah commençait toujours par admirer la gracieuse statue de Mozart, en demandant à sa mère quand elle pourrait enfin avoir un violon pour jouer comme l’oncle David. Puis elle entraînait Rachel vers les imposantes serres qui se dressaient juste sous le musée de l’Albertina, immenses vaisseaux emplis de palmiers et de cactus comme un jardin de paradis.

Max Liebermann, « Die Gartenbank » (Le banc de jardin)

En cette heure vespérale, l’étrange lactescence des cieux viennois s’illuminait souvent d’un dernier bleu presque indigo, juste avant les éblouissements crépusculaires. Les merles s’interpelaient d’un arbre à l’autre, le gazon verdoyait en été et blanchissait en hiver, on poursuivait des cerceaux et, cachés par les douces frondaisons, on jouait ensemble, sans se préoccuper de qui portait l’étoile…

Sarah grelotte, malgré la couverture pouilleuse jetée sur sa paillasse. Elle sourit néanmoins de toute son âme lorsque Rachel titube vers elle et la soulève délicatement en lui murmurant qu’elles vont enfin pouvoir aller prendre une douche. La jeune femme se dirige vers l’extrémité du camp, ombre parmi les ombres, frissonnant dans la bise qui au loin agite les grands bouleaux blancs, tandis que, perchées sur les branches dénudés des hêtres, des corneilles croassent de l’autre côté des barbelés.

Le soir est tombé, une douce lumière céruléenne baigne leur enfer de bruit et de fureur et illumine les fumées noires et âcres. Rachel chantonne une berceuse en yiddish, elle répète à Sarah qu’elle l’aime jusqu’aux étoiles du ciel, qu’elle reviendront bientôt courir dans les allées du Burggarten, qu’elle iront manger une glace sur les bords du canal du Danube et qu’elles reverront l’oncle David, grand-père Moshé et surtout papa, le beau Chaïm, qui est sûrement en train de construire la maison de poupées que Sarah se souhaite pour Hanukkah.

La porte blindée s’ouvre sur un carrelage bleuté. Rachel embrasse sa fille et lui sourit, encore et toujours.

Der Himmel fällt wie eine Frucht

            in meine Hand, die Frühling sucht.

            Ich schäle ihn aus Herbsteshaft

          und trinke seinen Sternesaft.

***

            Le ciel tombe comme un fruit

            dans ma main qui cherche le printemps.

            Je le libère de sa coque automnale

            et m’abreuve à son sirop d’étoiles.

Rose Ausländer

http://www.sabineaussenac.com/cv/portfolios/document_rose-auslander-une-poetesse-juive-en-sursis-d-esperance

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rose_Ausl%C3%A4nder

https://actu.fr/hauts-de-france/lille_59350/lili-leignel-deportee-11-ans-confiance-dans-jeunes_22805722.html

https://actu.fr/hauts-de-france/lille_59350/lili-leignel-deportee-11-ans-confiance-dans-jeunes_22805722.html

https://edition.cnn.com/us/live-news/california-synagogue-shooting-live-updates/h_057d0c249c922d415ee2a0632a379ec6

https://www.instagram.com/p/BwgxxmogUnn/

Lettre à Myriam, 5 ans après la tuerie de Toulouse…

Texte paru le 22 mars 2012 dans le Huffington Post.

http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam/

 

Si tu savais, Myriam, comme j’aurais aimé t’avoir comme élève…Oh, je ne sais pas si l’allemand est enseigné dans ton école, mais j’imagine qu’un jour, peut-être, tu aurais eu envie d’en apprendre davantage sur « la langue des bourreaux », qui, bien avant qu’on ne la nomme ainsi, avait été celle des « Penseurs et des philosophes »…Je t’aurais parlé de Rilke, Myriam, et de Celan, allemand ET juif, et puis nous aurions vu ces images de réconciliation, ces images d’au-delà du Pardon…Je sais bien que tous les Kippour de l’éternité ne suffiraient pas à pardonner à mes ancêtres ; mais nous pouvons essayer, n’est-ce-pas, essayer de parler de poésie, aussi. Si tu avais été un jour mon étudiante, Myriam, je t’aurais dit que je ne suis pas d’accord avec Adorno, car je pense que la poésie doit exister, même après Auschwitz. Mais tu sais, ce soir, j’en doute. Ce soir, j’ai froid. Ce soir, tu me manques, même si je ne te connaissais pas.

J’aurais tellement aimé te croiser un jour, dans notre ville rose, petite fille jolie et rieuse. Tu aurais traversé les allées du Jardin des Plantes en courant, ou tu aurais mangé une glace chez Octave, toute barbouillée de framboise -bon, peut-être pas chez Octave, car je ne pense pas qu’ils fassent des glaces casher, là bas, mais bon, tu comprends bien ce que je veux dire.

Au lieu de ça, ma belle petite Myriam, c’est de sang qu’il t’a barbouillée, l’Immonde, la Bête, le Monstre. Et tu as eu beau courir, il ne t’a laissé aucune chance.

Oui, ma Myriam, j’aurais aussi voulu te voir, un peu plus grande, pouffer de rire avec tes copines dans les travées des Nouvelles Galeries, ou chez Virgin. Car bon, bien sûr, ta maman t’aurait un peu interdit de te maquiller, mais tu aurais bien fini par y aller, à Monoprix, et aussi chez Zara, et puis pour la Bar-mitsva de ton cousin, vous vous seriez toutes retrouvées au Bibent, à comploter sous la magnifique coupole, vous murmurant des secrets, racontant les derniers potins de l’école. Oui, Myriam, je le sais bien ; tu aurais ressemblé à toutes les jeunes filles de Toulouse, aux Virginie, aux Laurie, aux Nour, même, tu sais, celles que j’ai cette année comme élèves, qui rigolent comme des tordues, elles aussi, même lorsqu’elles portent le voile le vendredi. Parce qu’elles aussi, sous le voile, elles sont comme tout le monde, avec des paillettes et du gloss, et puis ne va pas croire qu’elles n’écoutent que Khaled, tiens, bien sûr que non, elles écoutent Justin Bieber et Lady Gaga, comme tu l’aurais fait aussi…

Mais tu n’écouteras plus jamais de musique, ma chérie, parce qu’un autre que toi a oublié que, lui aussi, quand il était plus jeune, il écoutait du rap et du r n’ b, et puis même du métal, va savoir… Je m’en souviens bien, de ce jeune garçon encore innocent. Je l’ai sûrement croisé, au LIDL de la gare, ou au Florida, ou aux Puces, un dimanche, à Arnaud-Bernard… Il aura sans doute souvent traîné avec des frères et ses cousins autour du lac de la Reynerie, et puis le samedi il descendait notre rue Saint-Rome, et il faisait le mariol devant les filles de la cité, sur son scoot. Un scoot, oui, Myriam, tu te rends compte ? Ce garçon là a eu un scoot, bon, allez, on ne va pas raconter qu’il l’avait peut-être volé, non, faisons lui confiance, le moment est très mal choisi pour étaler des lieux communs, on va simplement dire qu’il l’avait acheté à un cousin. Un scooter, oui, comme celui…

Myriam, Myriam, comme tu aurais été belle, le jour où je t’aurais croisée, à l’EdJ, à notre Espace du Judaïsme, pour cette conférence de Jonathan, ton professeur de religion… Oh, je dis « notre », mais tu le sais bien, je ne suis pas juive. Je fais ma juive, parfois, je ne sais pas bien pourquoi, sans doute par culpabilité, parce que je suis à moitié allemande ; et puis depuis que, à peine plus âgée que tu ne l’étais le 19 mars, il y a deux jours, j’avais lu le Journal d’Anne Franck, je ne peux pas vraiment t’expliquer pourquoi, mais… Je me suis sentie proche de toi, de « vous », et puis voilà, j’ai beaucoup lu, j’ai parlé, j’ai rencontré des rabbins, des Justes, des amis. Oui, tu m’as vue, hier, lorsque je suis allée faire la minute de silence au Capitole, dans la belle Cour Henri IV, tu sais, « notre Bon Roi Henri », qui prêchait la tolérance, qui a aidé notre France d’autrefois à accepter le multi communautarisme, tu m’as vue, alors que j’écoutais le beau discours, simple et clair, de notre maire, Pierre Cohen : je l’avais mise, ma petite étoile de David, celle que j’ai achetée dans le Marais… Comme ça, parce que je voulais te dire qu’au fond de mon cœur nous sommes tous des juifs, tous des juifs allemands.

Aucun professeur, ma chérie, ma petite Myriam, ne t’expliquera plus qui a dit ça, il y a longtemps, quand on lançait des pavés, au joli mois de mai… Et puis je ne t’y verrai pas, non plus, dans cette superbe cour Henri IV, juste derrière le Capitole, quand tu aurais descendu les escaliers depuis la salle des Illustres… Personne ne te photographiera au bras de ton époux, devant le tableau d’Henri Martin, dans ta merveilleuse robe de mariée, et personne ne vous lancera des pétales de rose, ni ne brisera de verre, le jour de ton mariage. Tiens, j’ai revu La Vérité si je mens, avec mon garçon, à peine plus âgé que toi, et nous avions bien ri, lorsque Richard Anconina appelle le Rabbin « mon Père »… Comme j’aurais aimé rire un jour avec toi, Myriam… Comme j’eusse aimé que toute leur vie, tes parents te chérissent et rient à tes côtés, au lieu de t’accompagner vers ta dernière demeure…

La petite étoile, Myriam, celle que j’ai portée hier, je l’ai gardée, dans le métro. Il était bien désert, d’ailleurs, le métro. Tu sais, les gens ont peur, les gens sont vite lâches, mais je crois que ce qui t’est arrivé a été tellement insoutenable que plus personne n’a osé sortir. Oui, nous étions terrifiés. En tous cas, je l’ai gardée au cou, oui, même si c’est interdit d’arriver dans un collège public en arborant des signes d’appartenance religieuse – bon, tu sais, je souris, parce que dans mon collège, on mange hallal, mais… c’est un autre débat… Je voulais montrer à mes élèves, à mes Moktar, Ali, Rachida, comment on traitait les allemands pendant la guerre, je voulais qu’ils touchent cette étoile, parce que je trouvais intolérable que ce qui t’est arrivé soit en lien avec la Shoah… Et tu sais, Myriam, ils ont été contents : parce qu’au début de l’année, j’avais dû me fâcher: ils n’arrêtaient pas de vouloir parler du « Führer » en cours – tu sais bien, Adolf Hitler, tes grands-parents et tes professeurs t’en ont sûrement parlé…-, parce que tu vois, ces élèves là, ils confondent tout, ils écoutent ce qui se raconte dans les banlieues, et sur les chaînes de télévision câblées qu’ils regardent avec leurs parents… Alors ils confondent les millions de juifs morts de la Shoah avec les soldats israéliens qui tirent les roquettes sur Gaza, et… tu ne vas pas me croire, mais au début de l’année ils me l’avaient dit, ils « adorent Hitler » !! Alors bon, moi, c’est simple, je leur ai fait écrire sur le carnet de correspondance: « Il est interdit de prononcer le nom du Führer à tout bout de champ en cours d’allemand ».

Mais hier, donc, je leur ai permis d’en parler. Alors oui, Myriam, au début, ils ont souri. Mais ne t’inquiète pas. Très vite, j’ai vu dans leurs yeux qu’eux aussi, ils avaient très peur. Très très peur. Même Moha, qui faisait son malin. Et puis leurs mamans aussi, il paraît qu’elles n’avaient parlé que de ton école et de toi, le matin, dans les magasins de Bellefontaine, et puis ils ont encore un peu plaisanté, ils m’ont dit « Mais Madame, nous, on est tristes qu’ils sont morts. Ils auraient pu se convertir, ils seraient peut-être devenus musulmans, un jour… » Mais tu sais, moi, j’ai bien vu qu’ils étaient tristes, inquiets, et aussi leurs mamans, que j’ai croisées le soir, au conseil de classe. Tiens, pour la petite histoire, Myriam, je te raconte encore que la petite étoile, je l’avais enlevée, avant le conseil. Mais figure-toi que quand j’ai vu entrer une des mamans entièrement voilée, sauf son visage, dans la salle des conseils, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu un sursaut de colère, un sursaut d’intolérance. Je me suis dit que ce jour là, justement, notre « école de la République » aurait dû davantage jouer son rôle de creuset de la laïcité. Mais non. Alors, j’ai eu envie que tu sois un peu avec moi, dans cette école, dans mon collège, avec la petite étoile. Je l’ai donc bien ostensiblement sortie de mon sac à mains, et je l’ai mise autour de mon cou, comme pour dire « moi aussi, je suis libre »…

Et puis dans mon autre établissement, je m’étais fâchée aussi, tu sais. Parce qu’un de mes collègues, au moment même où nous venions d’apprendre qu’un homme même pas fou venait de te tirer par les cheveux avant de te loger une balle en pleine tête, après avoir tué trois autres personnes, dans votre école juive, avait osé prétendre que ce n’était pas certain qu’il s’agisse d’un acte « antisémite ». Tu vois, là, ma chérie, une colère immense m’avait envahie. Une colère aussi forte que mon chagrin. Devant la bêtise de mon collègue, de mon collègue aveugle, sourd et muet, comme les trois singes de l’histoire…

Ma chérie, je commence à employer des mots un peu trop compliqués. Pardon. C’est que j’oublie, j’oublie déjà que tu n’es plus là. J’oublie que jamais, jamais, jamais plus tu ne verras les hirondelles tournoyer au-dessus de Garonne ; que jamais plus tu ne te promèneras un soir autour de l’église Saint-Sernin, en respirant le parfum des tilleuls ; j’oublie que notre ville rose a perdu un de ses enfants, ou plutôt trois de ses enfants. Car les petits Arieh et Gabriel non plus n’iront plus courir le long de notre Canal du Midi. Plus jamais. Et leur merveilleux papa, le si brillant Jonathan, dont des centaines de lecteurs se régalaient de lire les commentaires théologiques, jamais plus, lui non plus, il ne s’assoira à une table de conférence pour nous enchanter de son savoir. Mais ne t’inquiète pas, non, je vais faire attention, je vais garder ton souvenir contre mon cœur, toujours. Et je n’oublierai pas non plus ces trois jeunes hommes si beaux, si confiants dans notre pays, qui sont tombés au champ du déshonneur de la République, un peu avant vous quatre… Abel, Mohamed, Imad… Je pense à vous…

Myriam, je vais te laisser. Je sais que depuis quelques heures tu reposes en paix, dans ta Terre Promise, et je vais chaque jour que notre même Dieu fait prier pour que tes chers parents trouvent la paix. En ce moment même, la Bête est traquée. Je n’ai pas voulu, ici, parler d’elle trop longuement. Elle ne mérite que mon mépris.

Je voulais, ma Myriam, te parler à toi, te dire que toute notre ville se joint à moi pour t’embrasser, pour t’entourer de lumière et d’amour. Je voulais te dire que tout un pays se joint à moi pour te serrer dans nos bras, pour accompagner ta mémoire, pour que cette façon que tu as eue de quitter la vie, cette façon si abominable que je ne peux même pas l’écrire, devienne comme un rempart contre les haines et les horreurs. Je veux, petite Myriam, que ton nom devienne celui de la paix, du respect, de la fraternité.

Je veux, Myriam, toi dont le nom ressemble à celui de « Marianne », que tu deviennes le visage d’une nouvelle France. D’une France du « plus jamais ça. » Je voudrais que notre futur président, celui qui était assis, aujourd’hui, aux côtés de ses « rivaux », dans une même cérémonie, qu’il soit d’un parti ou de l’autre, aide notre France à devenir la France de tous, pour que plus jamais la haine ne prenne le pas sur le respect.

Ton amie pour l’éternité,

Sabine.

***

Chère Myriam,

cinq années ont passé. Et bien du sang a coulé encore, en France, à Paris et Nice, dans une modeste église, en bord de mer radieux, dans une salle de rédaction et dans un concert joyeux; mais aussi à Bruxelles, à Berlin, en Tunisie, et aussi tant de fois dans de lointains pays à feu et à sang.

Je pourrais aussi te parler de tous ces actes odieux qui entachent notre démocratie, quand les loups noirs de l’antisémitisme n’ont plus peur de se cacher et hantent nos cités…

Sache une chose, ma belle petite amie: dans quelques semaines, au moment de voter, c’est à toi que je penserai, et à toutes les victimes des attentats, en espérant que notre pays ne basculera pas définitivement dans la haine et l’obscurantisme.

Je t’embrasse, petite étoile.

Déni de judaïsme

Déni de judaïsme

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 Ils sont venus tuer les pierres, lapider les morts de leur bêtise crasse.

Ils ont griffé la terre de leurs doigts ignorants, fossoyeurs de l’immonde, dépeçant le silence.

Tels des vautours affamés, ils ont conspué l’Éternité, crevant les yeux du granit, éventrant le sein des marbres : charognards de l’Indicible.

Qu’on ne vienne pas me parler de leur jeunesse, de leur innocence, de leur maladresse. Seraient-ils simples d’esprit qu’ils auraient pu voir la différence entre un cimetière « catholique », avec ses grands caveaux, ses cyprès, ses lourdes croix rouillées, et ce cimetière juif, dont les pierres taisantes dormaient, ornées simplement de quelques étoiles, envahies par l’oubli des errements des hommes.

Certes, profaner un cimetière chrétien aurait été tout aussi atroce, répréhensible, odieux. Détrousser les cadavres de leurs ultimes honneurs, dépouiller les victimes du dernier rempart de leur humanité, voilà qui insulte à la fois l’Humain et le Divin, en un acte sacrilège qui défie la raison.

Mais profaner un cimetière juif, à quelques heures d’un nouvel attentat antisémite commis sous le regard de bronze de la « petite sirène », alors que des badauds se pressent, sans être arrêtés, pour fleurir le lieu où le terroriste a été abattu par la police danoise, quand la France pleure encore les victimes de l’Hyper Cascher, est inexcusable.

Même pour des mineurs.

Qui sont ces ados ? Ont-ils ri, en écoutant les pitoyables vomissures du prétendu humoriste, visionnant quelque vidéo où le massacre de millions de juifs est repris en chansons ? Ont-ils « kiffé » les derniers faits de guerre des barbares islamofachistes qui coupent des têtes comme on moissonnerait un champ ?

Que faire de ces ados ? Leur montrer des documentaires de la Shoah ? Leur faire lire Primo Lévi, Simone Veil ? Les emmener à Auschwitz ?

Comment leur cerveau a-t-il pu, en France, en 2015, alors que l’école est obligatoire jusqu’à seize ans, alors qu’on étudie l’Holocauste et le nazisme en classe de troisième, et les différentes religions monothéistes en classe de sixième et de cinquième, être assez poreux pour ignorer le massacre de millions d’êtres humains qu’ils sont venus, de leur abjecte intention, de leur actes barbares, assassiner une nouvelle fois ?

Il me semble, encore une fois, que l’école est en grande partie responsable de ce manque de culture générale. Quelque part, la France, la République et l’Éducation Nationale ont failli. Laissant des adolescents aller plus encore que dans le caillassage de voiture de flics, dans le deal ou dans la simple délinquance. Laissant des jeunes commettre un crime contre l’humanité. On nous a assez répété, ces derniers temps, cette magnifique phrase du Coran qui dit que quand un homme tue son prochain, c’est comme s’il tuait toute l’humanité…

Profaner un cimetière juif, c’est, là aussi, commettre à nouveau tous les massacres, tous les pogroms, toute l’horreur de la barbarie nazie.

Nous sommes tous responsables de cet état de fait. Non seulement parce que nous ne sommes pas descendus dans la rue en scandant « Je suis Myriam » après les meurtres commis à Toulouse, comme l’a justement dit Marceline Loridan-Ivens…Mais aussi parce que nous avons laissé le conflit israélo-palestinien s’installer dans nos banlieues, et surtout parce qu’à force de vouloir instaurer de façon sacro-sainte la loi sur la laïcité, l’école s’est rendue coupable d’un déni de judaïsme.

Je m’explique : voilà trente ans que j’enseigne l’allemand, et que, comme certains de mes collègues, je me sens moi aussi investie d’un certain « devoir de mémoire ». (Tous les profs d’allemand ne partagent pas ce point de vue, certains prétendant que « cette période » n’est pas assez glorieuse pour la langue de Goethe, préférant les déclinaisons et les textes sur l’écologie aux poèmes de Brecht, mais j’ai connu quelques germanistes qui n’hésitaient pas à parler du nazisme-lequel est d’ailleurs très légitimement évoqué dans nos programmes de lycée …)

J’adapte donc mes cours en fonction de mon public, faisant faire des exposés sur Anne Frank au collège, étudiant au lycée des poèmes de Brecht…- j’ai même une année fait écrire des « Lettres de Guy Môquet » en collège de ZEP, recevant d’émouvantes épîtres…J’ai pu remarquer que la plupart des élèves, que ce soit dans des collèges de grandes villes ou en rase campagne, ne connaissent PRESQUE RIEN au judaïsme !

Sur une classe, à peine un ou deux élèves lèvent le doigt pour répondre, et, souvent, leurs connaissances sont extrêmement limitées. Certes, c’est, de nos jours, le cas  pour la plupart des religions…De toutes façons, vous aurez toujours un élève qui dira « On n’a pas le droit de parler de religion à l’école », preuve on ne peut plus évidente que la loi sur la laïcité est déjà totalement dévoyée de sa mission première… « Ils » sont quasi ignares, ne sachant presque rien des terminologies, rites, récits, mais cette ignorance-là est la même que celle qui concerne la littérature, les sciences, la géographie… ( Ce ne sera pas mon propos de ce jour, mais j’ai vu un élève de terminale ne pas connaître le nom d’Hiroshima, des élèves de collège n’avoir « jamais lu de livres », etc…)

Comment s’étonner ? Comment s’étonner que, chaque année, depuis 1984, année d’obtention de mon CAPES, je sois obligée d’expliquer encore et encore, et même en terminale, non seulement quelques termes simples concernant le judaïsme, mais, surtout, quelle a été l’histoire du peuple juif ? Oh, ne vous inquiétez pas, je ne suis ni juive, ni historienne, et je ne pars pas sur la fuite des Hébreux, ni même sur le Shabbat ! Non, je tente simplement de parler rapidement de cette histoire doublement millénaire où les juifs ont été parqués dans des ghettos, assassinés dans des pogroms, chassés, exterminés, avant de terminer dans la Solution Finale des Camps. Je tente de dire l’antisémitisme. Tout simplement. Et j’affine toujours un peu mes propos en expliquant la différence entre un génocide et un massacre, quand – il y en a toujours un par classe qui va évoquer Gaza…- je parle de la particularité ABSOLUE de la Shoah…

Et je pose la question aujourd’hui, à l’heure où notre Ministre a promis de former 1000 enseignants sur la laïcité, qui eux-mêmes formeront leurs collègues : comment la « Question Juive » sera-t-elle traitée désormais à l’Éducation Nationale, du primaire à la terminale?

Qu’on ne vienne pas me parler des massacres de la Saint-Barthélemy. Rien n’est comparable avec la Shoah. Qu’on ne vienne même pas me parler de Daesh. Les profanations de cimetières juifs se multiplient   depuis des années, en France, tout comme des milliers d’autres actes clairement antisémites…

Je veux savoir comment seront ENFIN abordés, auprès de nos élèves, dignement, sciemment, systématiquement, avec délicatesse mais insistance, avec doigté mais avec clarté, les problèmes liés à l’antisémitisme EN FRANCE. Forcément, il faudra que l’histoire du peuple juif soit abordée, dans son éclairage unique. Et même dans les établissements où personne n’est Charlie.

Car nous faisons face, dans les programmes, à un vide intersidéral entre l’histoire des Hébreux –classe de sixième :

http://www.histoire-geo.org/4a-les-debuts-du-judaisme-c1736-p1.html

et le cours souvent unique –les programmes sont lourds !- que nos élèves auront ensuite en troisième sur l’extermination du peuple juif par le régime d’Hitler. Le reste…n’existe pas ! Certes, on peut revenir sur l’antisémitisme en éducation civique, ou à l’occasion des commémorations comme le 8 mai –mais…mes chers collègues, à gauche toute pour la plupart, c’est statistique, ne sont pas très « branchés commémorations », souvenons-nous par exemple du tollé qu’avait provoqué Nicolas Sarkozy avec cette fameuse lettre de Guy Môquet…

Bien sûr, j’exagère. Il y a quelques actions ciblées, comme le magnifique programme du Concours de la Résistance et de la Déportation :

http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=79102

( Et j’engage tous les collègues d’histoire à faire visionner à leurs élèves le superbe film « Les héritiers », où Ariane Ascaride incarne une enseignante qui va faire participer une classe de banlieue à ce concours, modifiant définitivement la vision de ces élèves sur le monde et sur…les juifs ! )

Mais cela ne suffit plus. Nous devons réfléchir à d’autres enseignements.

Je ne suis pas juive. Je ne suis jamais allée à Auschwitz. Aucun ami juif ne m’a jamais conviée à partager Shabbat. Je suis fonctionnaire française, républicaine, et j’enseigne dans des établissements laïcs. Mais je me refuse à accepter plus longtemps que le déni de judaïsme entraîne des actes aussi immondes que celui de la profanation du cimetière de Sarre-Union.

Ils sont venus

tuer les

pierres , lapider les morts

de leur bêtise crasse.

Ils ont griffé la

terre de leurs doigts

ignorants, fossoyeurs

de l’immonde,

dépeçant le silence.

Tels des vautours

affamés, ils ont conspué

l’Éternité,

crevant les yeux du granit,

éventrant le sein

des marbres :

charognards de

l’Indicible.

Comme en instance d’orage

Comme en instance d’orage

L’air, un peu différent. Comme en instance d’orage.

La pluie, cette pluie presque d’été, qui pourrait annoncer un arc-en-ciel.

Qui pourrait, oui. Mais sera-t-elle capable de laver l’affront fait hier, en ce 25 mai 2014, à la Démocratie ?

Prendre le bus, croiser tous ces visages. En apparence, rien n’a changé. Ce sont les mêmes personnes qui rentrent du travail, ce sont les mêmes enfants qui reviennent en chantonnant de l’école. Il y a les SDF fatigués devant la boulangerie, les Roms qui mendient, on se presse, on court dans les couloirs du métro, on prend RV chez le dentiste.

Contemplant cette vie qui gronde, je me demande si, au lendemain du 30 janvier 1933, les Allemands eux-aussi ont vaqué à leurs occupations, comme si de rien n’était. Si les visages, comme dans Toulouse ruisselante aujourd’hui, sont demeurés les mêmes, inchangés, n’entendant ni le souffle de l’Histoire, ni les hurlements des enfants juifs et Roms dans les Camps, ni les bombes des bombardements tapis qui bientôt souilleraient, à jamais, le pays des Penseurs et des Philosophes.

Je vous écoute, dans vos radios, vos télés, par écrans interposés. Tout un pays anéanti, ou presque. Presque, car, aussitôt, en lieu et place d’une réelle interrogation sociétale et profonde, voilà que les panem et circenses médiatiques nous servent un nouveau scandale, une de ces affaires tonitruantes qui tombent, vous l’avouerez, à pic. Histoire de ne pas se passer la patate chaude de ce vote dont les autres médias européens et internationaux se repaissent, histoire de plutôt faire de la bouillie sarkoziste, grâce à ces financement occultes étrangement révélés ce jour, que de poser les véritables questions.

Et moi j’ai honte. Honte pour mon propre pays dont le monde se gausse, honte pour cette mémoire outragée. Et surtout, je souhaiterais que « nos » responsables, enfin, se remontent les manches, pour désamorcer la bombe du populisme et de la xénophobie.

Il ne devrait pas être très compliqué de contenter les petites gens, de se rendre compte que personne ne peut, décemment, vivre avec une misérable retraite inférieure au SMIC. Il ne devrait pas être très compliqué d’oser enfin prendre l’argent là où il dort scandaleusement, pour aider les Petits et les Humbles, mais aussi ces classes moyennes engorgées, surendettées, prises entre le marteau et l’enclume, gagnant trop pour recevoir de l’État Providence, mais pas assez pour sortir de la spirale des découverts et des dettes. Il ne devrait pas être très compliqué, que l’on soit gaulliste ou socialiste, voire même centriste, de se retrousser les manches pour sortir de la Crise, pour rassurer ces ouailles électorales qui, ne sachant plus à quel Saint se vouer, ont fini par voter pour le Diable…

Ce qui sera plus difficile, ce sera de lutter contre le racisme, la xénophobie, la peur de l’Autre, de cet « autre » que d’aucuns stigmatisent par un voile ou un minaret tandis, mais parfois aussi en évoquant ce fameux « complot judéo-maçonnique »…Car l’électeur bleu Marine mélange allègrement les phobies et les dérives, idolâtrant la « Quenelle » libre, conspuant d’une main la « Shoah-ananas » et jetant joyeusement de l’autre du sang de porc contre la Mosquée de quartier…

Comme il est fragile, l’équilibre de la Démocratie…Comme elle est fine, cette ligne de crêtes qui slalome au gré de notre Histoire, des pogroms aux ratonnades, de l’Affaire Dreysfus à la gégène…Et comme il est aveugle, celui qui croit voter pour la France Libre quand il offre sa voix au démon du protectionnisme et de la Peur.

Ne conviendrait-il pas enfin d’éduquer ce petit peuple de France, qu’il soit dans les cités où l’on n’ose plus se mettre en jupe ou dans les zones pavillonnaires où des milices se créent ? Ne conviendrait-il pas enfin de regarder la vérité en face, de ne plus occulter les véritables problèmes, d’oser prendre les difficultés liées à l’immigration et aux dérives islamistes, qui elles-mêmes engendrent l’islamophobie, à bras le corps, afin de ne pas attiser la flamme du FN ?

Il conviendrait que les médias fassent, par exemple, devoir de mémoire, pour rapidement rappeler, par quelques pages choc, par quelques émissions tonitruantes, comment les populismes ont, toujours, mené les nations à leur perte.

Mais il conviendrait aussi d’éduquer et de canaliser « celui par qui le scandale arrive », à savoir ce bouc  émissaire de « l’Étranger », qu’il soit à mendier devant nos grilles ou à brûler les voitures un soir de désœuvrement…

Il est temps, plus que temps, de semer à nouveau la parole démocratique, laïque et pacifique de notre État de droit dans l’anarchie liberticide des banlieues.

Il est temps, plus que temps, de redonner leur liberté à ces filles grillagées derrière leurs voiles d’un autre temps, et de trouver des solutions intelligentes pour faire de nos cités des démocraties participatives, et non plus des zones de non droits.

Plutôt que de nous lamenter sur la ghettoïsation, permettons par exemple à de grandes enseignes de travailler là où même la police ne se rend plus…Une médiathèque et quelques projets culturels ne suffisent pas à oxygéner des univers devenus coercitifs, où il n’y a plus de brassage social. Il faudrait, dans nos banlieues, des FNAC, des librairies, et pas seulement des échoppes diffusant de la littérature coranique ; il faudrait, dans nos « Quartiers », des Monoprix, des Séphora, et pas simplement des boutiques vendant du thé vert et des babouches ; il faudrait, dans nos cités, faire advenir une normalité qui jamais n’a eu cours, quitte à être un peu dirigiste, quitte à prendre quelques mesures radicales pour évincer les Mohamed Merah en puissance des coursives où ils rêvent d’en découdre en Syrie, alors que notre économie a besoin de leur force, de leur dynamisme, de leur richesse !

Hier, les Français ont dit, ont hurlé, ont craché leurs peurs, leurs phobies, leurs hantises. Mais je refuse de baisser les bras. Il n’y a pas, m’a appris mon père, de problèmes : il n’y a que des solutions.

Alors au-delà de ma colère contre ces électeurs qui n’ont pas vu plus loin que le bout de leur nez, je vous demande, mesdames et messieurs nos dirigeants, et mesdames et messieurs de l’opposition, et mesdames et messieurs les nouveaux élus, de réfléchir à ce qui se cache derrière ce camouflet, et de vous battre.

La France mérite mieux que de vivre la peur au ventre. La France mérite que nous nous engagions pour sa démocratie. La France mérite d’accueillir, mais aussi d’éduquer et d’intégrer ces populations qui ont d’infinies richesses à nous offrir, si nous leur permettons de ne pas rester à la marge, mais de devenir partie intégrante de notre système qui, s’il n’est pas parfait, a le mérite de reposer sur des siècles de tolérance et de diversité.

Le problème, ce soir, ce n’est pas seulement sur ce vote pour un parti populiste et d’extrême-droite, mais c’est la genèse de cette action rétrograde et indigne.

Je compte sur vous, je compte sur nous. La France a besoin de nous tous.

http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2011/12/22/2666216_le-principal-porte-un-costume.html

Sabine Aussenac.

L’autre côté de moi

L’autre côté de moi

 

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Je n’ai aucune réelle légitimité pour évoquer le 19 mars 2012 et les autres meurtres commis par Mohamed Merah.

Je ne suis pas juive, je ne suis pas militaire, je n’ai pas été touchée par l’antisémitisme. Ou, en fait, si, mais à contrario : parce que je suis, par ma mère, d’origine allemande. Parce que je sais que si mes grands-parents n’ont pas eu la carte du parti, mon grand-père était cependant soldat de la Wehrmacht ; il a fait le Front de l’Est, est resté des mois prisonnier.

C’est lui qui, un jour, m’a mis le roman « Exodus » entre les mains, sans un mot. J’avais 13 ans, je lisais à peine l’allemand, et pourtant j’ai lu, et compris. La même année, j’avais lu le Journal d’Anne, et, là aussi, ouvert les yeux. Mon pays adoré, ma deuxième patrie, mon Allemagne des contes de Grimm, des longues promenades le long du Rhin, de mes grands-parents chéris, avait donc aussi été le pays de l’Indicible.

L’autre côté de moi

L’autre côté de moi sur la rive rhénane. Mes étés ont aussi des couleurs de houblon.

Immensité d’un ciel changeant, exotique rhubarbe. Mon Allemagne, le Brunnen du grand parc, pain noir du bonheur.

Plus tard, les charniers.

Il me tend « Exodus » et mille étoiles jaunes. L’homme de ma vie fait de moi la diseuse.

Lettres du front de l’est de mon grand-père, et l’odeur de gazon coupé.

Mon Allemagne, entre chevreuils et cendres.

 Bien sûr, les Allemands ont souffert : ma mère encore ne peut entendre un avion sans frémir, et je sais que la blondinette de 4 ans a eu peur, faim, froid.

Mais quelque part, je suis la seule de ma famille à, en quelque sorte, « porter la Shoah ». La Shoah par balles de mon grand-père, que personne n’a jamais encore osé évoquer avec moi. Et surtout la Shoah tout court.

Alors depuis mon adolescence, je cherche, je regarde, je réfléchis…Ces amis chez lesquels j’avais été jeune fille au pair, qui, chaque année, partaient dans un kibboutz pour « racheter la Faute », m’avaient donné des livres sur le judaïsme…Et puis un jour j’ai trébuché sur Rose Ausländer, « ma » poétesse juive de la Shoah, et, bien tard, à 44 ans, je lui ai consacré un mémoire de DEA…J’ai même, un temps, flirté avec une idée de conversion…

Les miens se moquaient de moi : « Mais qu’est-ce-que tu as encore, avec tes juifs ? » Pourtant, oui, il y a cette étrange proximité, et puis mes larmes d’enfants lorsque j’entendais du Chopin ou des valses tziganes, et puis mon profond dégoût à mélanger par exemple du fromage et du poisson…

Mais au-delà de l’anecdote, je me suis juré de témoigner. De dire, toujours. Ainsi je parle de la Shoah lors de mes cours, bien entendu, lorsque je fais mon métier de prof…d’allemand. Même quand on m’envoie en terre d’Islam, dans les Quartiers où les élèves ricanent au seul nom de « juif », dans ces classes où, une année, j’ai été obligée de faire noter dans le carnet de correspondance :

« Je ne prononcerai plus le nom du Führer en cours sans y avoir été invité », tant les élèves adoraient parler d’Hitler et du gazage des juifs…

Alors en ce beau matin de mars 2012, quand un élève, dans mon lycée de campagne, a reçu un sms de son père policier à l’interclasse, un sms qui lui parlait du massacre à l’école juive de Toulouse, j’ai immédiatement écrit, à la récréation, une phrase sur le tableau d’affichage devant la salle des profs; au feutre, j’ai noté simplement :

« Premier attentat antisémite en France depuis la rue des Rosiers. »

Et j’ai dessiné une petite étoile juive.

Puis je suis retournée en salle des profs. Moi, je tremblais. Entre temps, j’avais allumé l’ordinateur. J’avais lu les dépêches, les récits des faits.

J’avais lu qu’un homme fou avait abattu de sang-froid un père et ses deux enfants, dont j’apprendrais plus tard qu’il s’agissait du jeune Jonathan Sandler et de ses petits Gabriel, 4 ans, et Arieh, 5 ans, devant l’école Ozar Hatorah de ma ville rose, à quelques kilomètres de la bourgade où j’enseignais. J’avais lu que cet homme ensuite avait pénétré dans l’enceinte de l’école et blessé d’autres personnes, et surtout qu’il avait tiré une balle dans la tête de la petite fille qu’il tenait par les cheveux. Plus tard, on me dira qu’elle s’appelait Myriam Monsonegro, qu’elle avait 7 ans et était la fille du directeur de l’école : ce dernier avait vu mourir sa fille.

En ce matin du 19 mars 2012, vers 10 h, je tremblais. Parce que déjà j’avais lu certains détails, et parce qu’il me semblait intolérable qu’un tel attentat se produise, en France, si longtemps après la Shoah. Après la Shoah.

Dans la salle des profs qui bruissait et papotait, les conversations, certes, s’étaient quelques minutes orientées vers la nouvelle de l’attentat, mais, bien vite, le quotidien avait repris le dessus ; on parlait des devoirs surveillés, du bac blanc, de telle classe à problèmes…Je me souviens du rire presque hystérique de cette collègue, qui déchirait l’espace et me vrillait indécemment ce décalage dans les oreilles.

En passant pour remonter en cours, un collègue, posté devant le tableau blanc portant mon inscription, m’interpella :

–         C’est toi qui as écrit ça ? Mais c’est n’importe quoi ! Comment affirmes-tu qu’il s’agit d’un attentat antisémite ? Tu te bases sur quoi ?

Interloquée, je le regardai, sans comprendre. Je lui répétai alors ce que j’avais lu et entendu, je lui parlais du nom de ce lycée juif, et de la balle tirée à bout portant dans la tête de Myriam.

Il souriait, ricanait presque. Il me répéta que cette action pouvait aussi être celle d’un déséquilibré, ce ne serait pas la première fois. Il monta en cours, presque guilleret. J’avais envie de vomir.

Mon inscription a disparu très vite. Quelques jours plus tard, « on » m’a convoquée, « on » m’a expliqué que mes activités d’écriture avaient déjà été « repérées » par « les autorités », et puis la loi sur la laïcité, et qu’est-ce-que c’était que ce dessin d’étoile juive, mais je me croyais où ? Entre temps, j’avais en effet écrit sur le Huffington Post ma « Lettre à Myriam », qui avait fait le tour du monde, qui avait été reprise sur d’autres blogs, mais…le fait que j’y évoque mon métier, et l’autre établissement où j’enseignais cette année-là, avait dérangé…

http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam_1_b_1371928.html?just_reloaded=1

« On » me parla du « devoir de réserve », qui, j’ai vérifié, n’existe pas pour les enseignants. Et puis durant quelques jours, alors même que Toulouse pleurait, organisait des Marches Blanches, alors même que la terre d’Israël accueillait les victimes, alors même que Éva Sandler, la veuve et maman des petites victimes, impressionnait la terre entière par sa dignité, alors même qu’une autre maman extrêmement courageuse commençait son combat pour la mémoire de son fils assassiné, son combat pour la paix et la fraternité qui lui a valu encore récemment de recevoir un prix à Toulouse, lors du repas du CRIF, car je n’oublie pas ici la mémoire des soldats tués à Montauban et Toulouse, Abel Chennouf, Mohamed Negouad et Imad Ibn Ziaten, moi, je tremblais à nouveau, mais de peur :

Car « on » m’avait parlé de représailles administratives, « on » m’avait mise en garde, « on » m’avait expliqué que certaines choses n’étaient pas bonnes à dire, que je devais tenir ma langue, mon rang, au lieu de tenir tête…

Je me souviens de mes mails à des amis en Israël, de quelques contacts avec des avocats…

C’est si loin…C’est si dérisoire, aussi. J’ai presque honte de m’être inquiétée, quand les parents des victimes pleuraient encore leurs morts, quand les balles des forces de l’ordre eurent raison de la Bête.

Je pensais que la France serait forte. Je pensais sincèrement que cet acte odieux serait le dernier, que jamais, plus jamais de telles abjections se produiraient.

Mais j’étais naïve. Car depuis, dans cette même ville rose, il y a quelques semaines, des quolibets et des insultes ont empêché la délégation juive de manifester après que des tags antisémites aient souillé notre brique rose. Car depuis, dans tout l’hexagone, un prétendu humoriste à la solde de l’Iran et des néonazis a libéré la parole en reprenant le salut hitlérien sous la forme de cette ridicule quenelle.

Je ne suis pas juive. Je ne suis pas militaire.

Je n’ai pas été victime de Mohamed Merah.

À Toulouse, le printemps est là, les forsythias ensoleillent les jardins, nous guettons presque les onyx des hirondelles qui bientôt reviendront. J’entends quelque part les voix de ceux qui me soufflent « Mais qu’est-ce-que tu fais encore avec tes histoires de juifs ? Reste tranquille, fais ton travail, c’est tout…Qui es-tu, pour prétendre t’exprimer sur ces sujets-là ? »

Rien. Je ne suis rien, je ne suis personne.

Simplement une prof d’allemand en deuil de la démocratie.

Damit kein Licht uns liebe

Sie kamen

mit scharfen Fahnen und Pistolen

schossen alle Sterne und den Mond ab

damit kein Licht uns bliebe

damit kein Licht uns liebe

 

Da begruben wir die Sonne

Es war eine unendliche Sonnenfinsternis

Pour qu’aucune lumière ne nous aime

Ils sont venus

portant drapeaux acérés et pistolets

ont abattu toutes les étoiles et la lune

pour qu’aucune lumière ne nous reste

pour qu’aucune lumière ne nous aime

 

Alors nous avons enterré le soleil

Ce fut une éclipse sans fin

 

(in Blinder Sommer / Été aveugle)

Rose Ausländer

http://www.sabineaussenac.com/cv/portfolios/document_rose-auslander-une-poetesse-juive-en-sursis-d-esperance

 

 

 

Toulousain, souviens-toi !

 

 

Toulousain, souviens-toi !

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Toulousain, souviens-toi !

Souviens-toi de ce 19 août 1944, quand ta Ville Rose a été libérée du joug de l’Occupant nazi. Souviens-toi du ciel bleu et de ta France aux yeux de tourterelle, au sol semé de héros. Car ils s’étaient levés, les Forain-FrançoisVerdier, les Alain Savary, pour dire non à l’ogre brun, celui qui dévorait nos enfants juifs déportés vers les Camps.

Toulousain, souviens-toi !

Souviens-toi de ta ville qui, au fil des siècles, ouverte comme une paume aux souffles de la mer, a su, passerelle entre les peuples et les civilisations, se dresser contre le mal et les obscurantismes. Dame Carcasse et toutes les Esclarmonde ont lutté, depuis leurs remparts, contre les contempteurs de cathares, et tu étais là, toi, Toulousain, pour dire ce qui, alors, te semblait juste. Plus tard Jean Calas criera son innocence, et ta brique rose tremble encore de l’injustice et des procès.

Toulousain, souviens-toi !

Souviens-toi de ta culture, de l’audace et du chant doublement habitée ! Toi, dont la ville a accueilli la première Académie, l’Académie des Jeux floraux, dans cette terre d’Oc riche de nos troubadours et de l’inaliénable Aliénor. Toi que Garonne a bercé de ses ondulations de femme libre, toi qui sait aller, grâce à Riquet, des effluves océanes jusqu’aux garrigues aux cent cigales, le long du Canal aux eaux vertes que Pagnol a si bien chantées, toi dont l’histoire mûrit au soleil de la diversité, souviens-toi que tu es un homme libre.

Toulousain, souviens-toi !

Souviens-toi que l’on vient de loin saluer dans ta ville tes audaces, tes richesses, tes intelligences, quand les grands avions volent vers l’avenir et que le peuple est habile à ces travaux qui font les jours émerveillés…Toulousain, ta patrie c’est Airbus, c’est ce partage entre les nations, quand l’Europe s’unit pour oublier les armes, c’est cette ville arc-en-ciel, aux couleurs du partage, ce témoin qu’il ne tonnera plus, plus jamais.

Toulousain, souviens-toi !

Souviens-toi qu’il y a deux ans un homme a tiré des enfants juifs et leur père comme des palombes s’envolant dans l’Autan, avant de faire éclater la tête d’une fillette aux boucles bondes qui s’appelait Myriam. Souviens-toi du soudain silence des harpes, quand notre Ville Rose devint blême à nouveau, blême de honte, noire de colère, quand nous fûmes des milliers à dire notre indignation et nos tristesses de voir que la paix avait abandonné à nouveau notre nid ! Souviens-toi que nous sommes tous des juifs toulousains depuis ce 19 mars 2012.

Toulousain, souviens-toi !

Souviens-toi de ta ville fière depuis des siècles, de toutes nos églises et de leurs angélus, des ouvriers d’Espagne accueillis en héros, de cette brique rouge qui sonne les révoltes, de Garonne qui gronde comme un peuple debout.

 

Souviens-toi de cela, le 22 février, lorsque tu auras cette envie d’aller voir Dieudonné.

 

Sabine Aussenac.

 

« Je vous salue ma France »

 

Je vous salue ma France, arrachée aux fantômes !

Ô rendue à la paix ! Vaisseau sauvé des eaux…

Pays qui chante : Orléans, Beaugency, Vendôme !

Cloches, cloches, sonnez l’angélus des oiseaux !

 

Je vous salue, ma France aux yeux de tourterelle,

Jamais trop mon tourment, mon amour jamais trop.

Ma France, mon ancienne et nouvelle querelle,

Sol semé de héros, ciel plein de passereaux…

 

Je vous salue, ma France, où les vents se calmèrent !

Ma France de toujours, que la géographie

Ouvre comme une paume aux souffles de la mer

Pour que l’oiseau du large y vienne et se confie.

 

Je vous salue, ma France, où l’oiseau de passage,

De Lille à Roncevaux, de Brest au Montcenis,

Pour la première fois a fait l’apprentissage

De ce qu’il peut coûter d’abandonner un nid !

 

Patrie également à la colombe ou l’aigle,

De l’audace et du chant doublement habitée !

Je vous salue, ma France, où les blés et les seigles

Mûrissent au soleil de la diversité…

 

Je vous salue, ma France, où le peuple est habile

À ces travaux qui font les jours émerveillés

Et que l’on vient de loin saluer dans sa ville

Paris, mon cœur, trois ans vainement fusillé !

 

Heureuse et forte enfin qui portez pour écharpe

Cet arc-en-ciel témoin qu’il ne tonnera plus,

Liberté dont frémit le silence des harpes,

Ma France d’au-delà le déluge, salut !

 

Louis Aragon, Le Musée Grévin, 1943.

et vous pouvez retrouver l’article, superbement mis en page, sur Tribune Juive:

Toulousain, souviens-toi !

 

 

Ilan Halimi, 8 ans déjà…

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Des vivants et des morts

Nos morts
Se plaquent sans trace contre nos vitres
Gémissent sans voix dans nos accents
Oscillent
dans la frileuse poursuite
de leur chair abolie
Leurs cœurs s’endeuillent de la terre
Leurs mains se tendent vers nos lueurs
Le spectre de leurs bras cherche à nous retenir

Mais nos pas de vivants
déferlent sans leur escorte
Nos vies
survivent à leurs plaintes
Nos heures
consument leurs contours
Quelques images se souviennent
Les ravivant parfois d’une brève flambée !

Andrée Chédid

31 ans. Il aurait 31 ans aujourd’hui, peut-être un enfant, une maison, un chien.

Oh, bien sûr, des drames, il y en a tant…Chaque jour en Syrie, d’horribles morts d’enfants, sous des jerricans d’essence en folie. Et puis dans des petits trains touristiques, ici, chez nous. Et aussi dans les eaux fortes de Lampedusa. La Camarde n’épargne personne, jamais.

Mais avouez qu’en France, en notre temps civilisé, il est rare de mourir sous la torture. De mourir comme au Moyen Âge, sous les coups, les privations, les humiliations. De crever comme un chien, comme au fond d’une geôle chilienne de l’époque de Pinochet, comme dans un camp de Pol Pot, comme sous les aboiements hystériques de nazis…

Mais avouez qu’en France, en notre début de siècle civilisé, loin des barbaries des guerres, loin des exactions que se livrent des peuples en furie, il est rare de mourir si gratuitement, simplement parce que des Barbares en veulent à un hypothétique argent d’une « Communauté », simplement parce que vous avez eu la malchance de naître…juif.

Ce matin, trois jours avant le huitième anniversaire de la mort atroce d’Ilan Halimi, le 13 février, je ne vais pas en faire des tonnes, ni résumer les faits, ni polémiquer.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_gang_des_barbares

Les chaumières pleureront toutes seules, ou pas, car, somme toute, il est facile de les oublier, les Françoise que l’on a fait exploser au beau milieu de Paris, rue des Rosiers, les Myriam à qui l’on a fait exploser la tête en pleine cour d’école, les Ilan dont on a fait exploser la vie un petit matin de février 2006…

Je voudrais juste rappeler qu’il y a quelques jours, le tristement prétendu humoriste Dieudonné a été relaxé suite à la diffusion d’un de ses « Shoah-nana », au sujet d’une vidéo dans laquelle il appelait pourtant à la libération du Barbare Fofana.

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/dieudonne-relaxe-pour-une-video-sur-ilan-halimi-et-shoah-nanas_1321510.html

Je voudrais juste rappeler que dans la plupart des établissements scolaires de ma connaissance (statistiques personnelles, mais justes), il n’a pas été fait mention de la « Journée de commémoration de la Shoah », en janvier, et que de nombreux articles de presse ont témoigné de la difficulté de cette transmission.

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/01/26/01016-20140126ARTFIG00134-quand-les-professeurs-peinent-a-enseigner-la-shoah.php

Je voudrais juste rappeler la mémoire d’un jeune homme innocent, plein de vie, de projets, que des Barbares d’un autre temps ont mutilé, saccagé, effacé de la terre, pour que chaque lecteur de ce texte garde en mémoire ce prénom et œuvre, aussi fort qu’il est possible, pour que de tels actes ne se produisent plus.

Ilan.

Souvenons-nous d’Ilan.

Sabine Aussenac

Aucune justice n’est possible pour les morts, on ne peut plus les ramener. Il s’agit de mémoire. 
Parce que le tueur tue deux fois : la première fois en tuant, et la deuxième fois en essayant d’effacer les traces de son meurtre.
On n’a pas pu empêcher leur première mort ; il s’agit maintenant d’empêcher leur deuxième mort ; et si le tueur est coupable de la première mort, la deuxième ne serait plus de sa faute, mais de la nôtre.

Elie Wiesel