
Haikus
sapin éclatant
joues rosies de lumière
les enfants sourient
**
Un âne et un bœuf
Marie rit en gésine
Rois Mages en chemin
**
Neige odorante
cannelle brille en cuisine
rouge vif le houx
Poésie classique revisitée

Nos Noëls seventies
Lorsqu’aux temps d’autrefois nous allions à la messe,
Nos gros sabots aux pieds et le cœur à confesse,
Nous savions qu’en rentrant, les joues rosies de froid,
L’enfançon sourirait en sa crèche de bois.
Mais non, n’importe quoi ! Le divan explosait…
Un sous-pull à paillettes, et un sac au crochet !
Et puis l’électrophone, et un jean peau de pêche !
L’intégrale de Troyat, des vinyles de Delpech…
En pantalon pattes d’eph’, dans son costume orange,
Petit frère plongeait dans ses tas de légos.
Le sapin débordait sous de lourds cheveux d’ange,
A la télé heureuse nous admirions Clo-Clo.
Qu’ils étaient innocents, nos Noëls seventies,
Gouleyants de cadeaux en ces temps d’avant Crise.
Aphorismes…
Noël…
Comme une aube mariée au crépuscule de
l’année.
Oublier les nuits tombées sur notre monde vacillant sous les folies des hommes. Inspirer cette paix. Oser aimer.
Sourire aux inconnus et pardonner à son ennemi.
Entourer ses soucis de bolduc, décorer le malheur de mille cheveux d’ange, faire de chaque tristesse une boule de verre coloré.
S’aimer enfin. Se souvenir de nos sourires d’antan, aimer l’enfant qui veille en nous, comprendre l’adolescent en révolte et ses noirceurs devenues scories de l’usure des temps.
Imaginer le printemps, murmurer l’espérance, bénir le jour.
Voir l’étoile des bergers, bercer le divin contre son cœur.
Tu ES Dieu. Et NOUS sommes HUMAINS, ensemble.

Sonnet anticapitaliste
Qu’ils se gorgent de bile, tous ces bourgeois frileux !
Qu’ils étouffent de fiel en leurs habits de fête
Étranglés de bolduc en sanglantes paillettes :
Leur noël mascarades offensant tous les gueux !
*
Qui est-il, ce Jésus, pour ordonner bombances
Quand l’univers entier hurle révolution ?
Comment peut-on encore prêter dévotion
À ce charpentier fou générant tant d’outrances ?
*
Tout prélat est immonde et tout autel amer,
Nul besoin d’honorer et le fils et le père
Au triste anniversaire devenu une orgie
*
Où le capitalisme, tel un ogre affamé
Dévorant innocences en prétextant aimer,
Assassine les hommes d’un argent qui mugit !
Poésie contemporaine
Nocturne,
le souffle avisé des bêtes.
Le silence grelotte et la
paille gémit.
Guidés par l’étoile,
ils arriveront pour voir
sourire celui que l’on nommera
Dieu.
À la manière de …

Marcel Proust
Lorsque tante Léonie arrivait de la messe, je la guettais toujours, respirant avidement le parfum de cet encens entêtant me rappelant les longues heures passées à regarder, m’ennuyant entre deux sermons lénifiants et cantiques, le plafond et les anges de la petite chapelle du village voisin, me demandant si elle aurait peut-être croisé, en chemin, Swann qui devait justement arriver de la Capitale en cette veille de noël et si il ne lui aurait pas déjà glissé quelque anecdote savoureuse toute dorée des fastes de la ville lumière, avide que j’étais de connaître ce monde dont chaque étincelle illuminait mon quotidien d’enfant timide, et je ne manquais pas, délestant ma tante de son missel tout ourlé de cuir, tandis que notre bonne s’empressait de la délivrer de sa mantille et de son châle, de la câliner par d’innocentes questions, tentant de percer à jour le mystère de ses rencontres de parvis, et, alors que toute la maisonnée s’activait déjà dans les préparatifs de la veillée de noël, je n’avais de cesse de vouloir que tante ne me parle de Swann qui me paraissait, ce soir-là, tout aussi auréolé de gloire que le Roi dont nous fêterions bientôt l’avènement.
Georges Perec
Houx purpurins sous gui flamboyant : chantant un christmas carol, nous faisons fi du bruit, riant, jouant, ravis ! Christ surgit, un 24, à minuit !

Serge Pey
Frappe frappe frappe le sol
de ton bâton
Sois berger sois Roi-Mage sois la Vierge sois le Christ
tu es homme il est dieu
il est homme tu es dieu
sois lumière sois le feu sois l’étoile sois la paix sois noël sois le ciel
Frappe frappe frappe le sol
de ton bâton
Sois enfant sois jeune fille sois femme sois vieillard sois vivant
tu es la myrrhe il est l’encens
il est venu tu es présent
sois l’hostie sois le pain sois la vigne sois le vin
Poésie libre

Il est venu le doux temps de l’Avent
Humez frissons oyez clochettes
Joues cramoisies des petits enfants
Soleil timide tapi en sa cachette
Il est venu le doux temps du sapin
Piqué au vif par mille boules mises
Au gré des rires de tant de beaux lutins
Tout juste descendus de leur blanche banquise
Il est venu le doux temps des bougies
Lumignons vacillants à fenêtre embuée
Que la lumière soit en nos cœurs assagis
Et que nos mains tendues soient fête partagée
Il est venu le doux temps des parfums
Vin chaud cannelle sombre cardamone et gingembre
Mon marché de Noël ma maison aux embruns
Le pain d’épice aura sa belle couleur d’ambre
Il est venu le doux temps des vœux
Cartes anglaises dentelées étoiles scintillantes
Ressortons nos stylos faisons pause un peu
Amis perdus ou très chers retrouvons les ententes
Il est venu le doux temps des cantiques
Chérubins carillons angelots glorifiés
Lançons Alléluias dans toutes les boutiques
Écouter Sinatra c’est le jazz sanctifié
Il est venu le doux temps des Rois Mages
Et puis le Père Noël et le Saint-Nicolas
Rudolf le petit renne sage comme une image
C’est l’anniversaire du p’tit Jésus et ils seront tous là
Il est venu le doux temps de Noël
Ors profonds flocons fous et guirlandes
Emmitouflés dans douce ribambelle
Aimons-nous sans faiblir faisons fleurir Sahel.
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Comme une odeur de mandarine
Comme une odeur de mandarine,
Comme un parfum de doux vin chaud,
Un souffle frais dans la cuisine,
Cannelle gingembre en fin rondeau…
Envie de mille madeleines,
De ces hivers emplis de braises,
Quand nous lisions vers de Verlaine
Ou simplement quelques fadaises.
Nos mères revenaient des marchés,
Les bras chargés de friandises,
Nous leurs gardions petits bébés
En promettant jolies surprises.
Nous voilà femmes à notre tour,
Peut-être même déjà grands-mères,
Et ce Noël revient toujours :
À nous de sublimer la terre
En accueillant en nos foyers
Les houx les rouges et les guirlandes,
Les calissons les miels dorés
Dans leurs douceurs aux tons d’amande.
