Trois #prix littéraires en deux semaines! #littérature #concours #revues #poésie #Rilke

Belle moisson de succès ces derniers temps pour mes créations! Petit à petit, l’oiselle fait son nid et se sent chanceuse de cette reconnaissance par ses pairs!

Merci tout d’abord à l’ami Pierre Perrin qui, en juin dernier, a eu la gentillesse d’accueillir ma plume dans sa magnifique revue Possibles! Quel bonheur que de figurer dans le numéro 36 de cette très belle parution, aux côtés de grands noms dont vous trouverez la liste dans le sommaire!

http://possibles3.free.fr/num36.php

Pierre Perrin est non seulement éditeur, mais aussi un merveilleux poète doublé d’un romancier, qui a aussi ajouté à ses cordes une activité de critique littéraire. Il avait été lauréat en 1996 du prix Kowalski pour un recueil intitulé La vie crépusculaire. J’ai la chance de le compter parmi mes « amis Facebook » et il nous régale régulièrement de sa plume douce et très juste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Perrin_(%C3%A9crivain)

La revue Possibles, crée en 1975, rassemble ainsi au gré de ses numéros poésie et prose, fragments, textes courts, réflexions, et permet aussi souvent de retrouver un hommage particulier à une autrice ou à un auteur. Je vous invite à découvrir les cheminements de ces amoureux de notre langue française que Pierre sait si judicieusement faire cohabiter.

La rentrée de septembre apporta son lot d’allégresses avec la mise en ligne de la formidable émission de France Culture concoctée par Julien Thèves, qui est d’ailleurs un confrère en écriture, consacrée à Paula Modersohn-Becker: j’ai eu la chance de participer à l’émission et d’y côtoyer non seulement mes amis curateurs de Brême et de Worpswede, mais les magnifiques autrices que sont Maïa Brami et Marie Darrieussecq, ainsi que la peintre Maude Maris. Nous avons essayé de brosser un portrait à la hauteur de « notre Paula », si fantastique, dont une œuvre vient justement d’être vendue aux enchères pour plusieurs millions d’euros! Quelle belle reconnaissance !

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/paula-modersohn-becker-1876-1907-la-peinture-absolument-9049725

https://www.artmajeur.com/fr/magazine/2-actualites-artistiques/quand-l-art-degenere-triomphe-l-autoportrait-de-paula-modersohn-becker-pulverise-son-record-aux-encheres/340057

Un honneur ne venant, à l’instar du bonheur, jamais seul, j’ai eu la joie de recevoir dernièrement le premier prix de la section « anacréontique » des superbes Joutes poétiques de la société des Rosati d’Arras! Ces joutes sont la version « nordique » de nos Jeux Floraux toulousains, et je vous laisse imaginer ma joie d’y avoir été distinguée.

De Toulouse vers cette perle du Nord le chemin est bien long, et, si je n’ai pas eu le loisir de me rendre à la remise des prix, j’ai pu recevoir la lecture de mon texte en vidéo, que je vous partage ici:

Lecture de mon texte par Madame Francine Grosdenis

Tu es devenu le soleil à la Meuse

Tu es devenu le soleil à ma Meuse

Il fera doux ce jour comme un printemps lilas

Ma jupe sera courte et mon panty de soie

Je ne sais plus vivre sans me dire amoureuse

Tu es devenu le soleil à ma Meuse

Toi mon Rimbaud brûlant mon astre imaginé

Nos textos échangés font de moi Sévigné

Tant de lettres à l’amant tant de tendres murmures

Je ne veux plus parler ouvre la fermeture

Laissons glisser les soies déchire ce corset

Prends moi là nue offerte envahie de baisers

Je veux déshabiller ton corps d’éphèbe aimant

Ne plus craindre les doutes habiter dans l’instant

Tu auras un regard comme brasier heureux

Tes mains seront tisons embrasés dans le feu

Ton souffle inachevé enfin sera tempête

Sur mes seins délivrés tu glisseras ta tête

Nous serons symphonie toccata et arpèges

Mes soupirs voleront comme flocons de neige

Tes émerveillements ta douceur tes morsures

Mes encorbellements le bonheur qui rassure

Nos mots nous le disaient nos corps le prouveront

Tu remontes à ma source au Mont Gerbier de Jonc

Je t’amène bateau ivre en voyage immobile

Cette étreinte attendue aura couleur des îles.

La société des Rosati est donc une société littéraire d’Arras, fondée le 12 juin 1778. Elle est célèbre pour avoir compté Lazare Carnot et Maximilien de Robespierre ainsi que Maurice Fombeure parmi ses membres, et surtout très reconnue pour sa participation active à la vie culturelle et artistique de la région.

On est admis dans la société par cooptation, en étant présenté par une marraine ou un parrain. Dans un souci de perpétuer la philosophie du « Gay savoir » et de préserver la cohésion du groupe, l’admission se fait à l’unanimité.

Les Rosati du XXIè siècle continuent de respecter le rite de réception créé en 1787. La première fois, trois jeunes filles présentèrent au public une rose, une coupe de vin rosé et donnèrent un baiser fraternel. Aujourd’hui, ce sont de jeunes ballerines portées par l’hymne des Rosati, écrit par Marcel Legay, « Écoute ô mon cœur », qui évoluent sur la scène lors du gala de remise des prix. Je vous livre ici le livret de l’édition 2026:

Un autre de mes textes a retenu l’attention d’un jury lors du premier concours de poésie de la ville de Gruissan!

Cette première édition a été inaugurée avec brio par un florilège de créations superbes et par une très jolie brochure dans laquelle une citation de Paul Celan, si cher à mon coeur puisque compatriote de Rose Ausländer, côtoie les mots des organisateurs: « Je ne fais pas de différence entre un poème et une poignée de main. »

C’est bien ce sentiment de fraternité littéraire qui a porté les esprits et les âmes autour des éblouissantes lumières de la Méditerranée, grâce à l’association Les Voix de l’Orgue et à la municipalité de Gruissan dont le maire, Didier Codorniou, écrit: « La poésie est un souffle qui réunit. » Nos textes seront de plus mis en musique, ce qui représente toujours une belle synesthésie artistique…

https://www.delphe-arts-philo.org/

Lien vers le site de la municipalité de Gruissan:

Enfin, il faudra patienter quelques mois avant que je ne vous révèle mon classement à un superbe concours de nouvelles dont je sais d’ores et déjà que je suis lauréate. Rendez-vous au printemps pour l’annonce définitive du palmarès et pour la lecture de ma nouvelle…

Je l’avoue: j’aime ce petit frisson des concours littéraires, cette idée de se colleter avec d’autres esprits autour d’un thème ou d’une région… Oh, bien sûr, ce n’est pas le Goncourt, et je suis bien souvent évincée ou seulement second couteau, mais ce petit aiguillon de l’émulation nous pousse à nous dépasser! Et puis ça me rappelle sans doute l’agrégation à laquelle je me suis inscrite (sans la travailler vraiment…) tant de fois! Car je n’aimais rien tant que ces sept heures d’écriture autour d’un sujet donné lors des épreuves de dissertation, avec cette pression temporelle et cette obligation de rendre une copie parfaite! (On notera que le jour où j’ai compris qu’en fait, ce que je désirais, c’était avant tout écrire – et, au passage, être lue! -, j’ai à la fois réussi le concours et commencé mon cheminement d’autrice…)

Et c’est aussi très porteur que de n’être pas simplement seul dans cet acte de création, mais, au bout du compte, souvent associé.e à d’autres talents dans les revues et brochures où l’on peut découvrir les textes lauréats… C’est pourquoi je continue à jouer le jeu des concours d’écriture! Ce n’est pas tant la récompense qui compte que le fait d’oser participer, même si l’on n’arrive pas sur le podium des lauréats…

Vous pouvez retrouver mes textes sur de nombreux supports, comme dans les magnifiques recueils de nouvelles du Prix de la Nouvelle George Sand, concours dans lequel mes textes ont été régulièrement distingués et auquel je participer quasi religieusement! Mes nouvelles « L’enfant des Matelles », « Puella sum » ou « Les mains de Baptistin » (les deux derniers textes sont aussi à retrouver sur ce blog…) y figurent, par exemple…

https://www.concours-georgesand.fr/publication.html

https://www.concours-georgesand.fr/publication/7/-ricochets-

https://la-nouvelle-george-sand.jimdosite.com/actualites/

Mon texte « Le rossignol et la burqa » se trouve dans l’un des recueils publiés par L’Encrier Renversé de Castres, et il en va de même pour certains de mes poèmes à retrouver en revues…

https://www.ladepeche.fr/article/2012/03/05/1297774-un-joli-cru-pour-l-encrier-renverse.html

Pour retrouver tous les prix que j’ai eu le bonheur de remporter:

https://www.sabineaussenac.com/cv/portfolios/cv-litteraire-2024-25

Je profite de ce petit résumé littéraire pour vous annoncer la prochaine parution de ce qui constituera j’espère un magnifique ouvrage autour du Tarn et de mes racines paysannes paternelles, un opus mêlant poésies dédiées aux personnalités et aux lieux emblématiques de ce beau département et proses racontant la vie de mes ancêtres, gens de peu, paysans, journaliers de la vallée de l’Agoût, jusqu’au début du dix-neuvième siècle. Ce livre paraîtra en 2026 dans une superbe maison d’édition, en français…et en occitan, puisque je traduis mes textes dans la « lenga nostra » à laquelle je suis très attachée! Plus d’infos très prochainement!

J’aimerais en ce 4 décembre conclure ces miscellanées littéraires par un hommage à mon cher Rainer Maria Rilke, né le 4 décembre 1875 dans la merveilleuse ville de Prague et dont nous commémorerons en 2026 le centenaire de la mort (il s’est éteint le 29 décembre 1926 à Montreux.)

Photo du poète devant le musée du Barkenhoff à Worpswede, Basse-Saxe

Vous savez, si vous me lisez, que je travaille assidument à ma thèse de doctorat en recherche-création autour de la colonie d’artistes de Worpswede et de trois de ses créatrices, Paula Modersohn-Becker, Martha Vogeler et… Clara Westhoff-Rilke, qui fut l’épouse du poète! Ce dernier consacra d’ailleurs une célèbre monographie aux artistes de Worpswede et à ce lieu envoûtant; en juillet, lors de mon séjour Erasmus d’un mois (je suis partie, invitée par l’association des musées de Worpswede, interviewer des artistes et des responsables curatoriaux, et ces entretiens, dont certains sont en ligne, feront aussi partie intégrante de la pièce de théâtre qui sera présentée lors de ma soutenance…) j’ai été très émue de tenir entre mes mains un des premiers exemplaires de ce texte, lors de ma visite à la Fondation Paula Modersohn-Becker.

https://www.pmb-stiftung.de/

Si Clara Westhoff et Rainer Maria Rilke ne vécurent ensemble que très peu de temps et que bien d’autres femmes occupèrent le cœur du poète, ils ne divorcèrent pas et conservèrent un lien affectif et intellectuel majeur. Clara s’éloigna d’ailleurs à peine de Worpswede et partit s’installer avec leur fille Ruth à Fischerhude, un autre village de Basse-Saxe. Sa maison, devenu un café, se nomme toujours « Das Rilke-Haus »…

http://www.cafe-im-rilke-haus.de/

Et dans cette dénomination aussi on peut percevoir l’invisibilisation de la sculptrice, dont la présence en ce lieu est éclipsée par la renommée de son auguste époux – cette thématique fait partie des fils conducteurs de ma thèse…

Clara Westhoff-Rilke et Rainer Maria Rilke

Cependant, en ce jour d’anniversaire, l’heure n’est pas à la polémique mais à l’hommage!

Un dieu le peut… 

Un dieu le peut. Mais comment, dis,
l’homme le suivrait-il sur son étroite lyre ?
Son esprit se bifurque. Au carrefour de deux
Chemins du cœur il n’est nul temple d’Apollon.

Le chant que tu enseignes n’est point désir :
ni un espoir, enfin comblé, de prétendant.
Chanter c’est être. C’est au dieu facile.
Mais quand sommes-nous ? Et quand

met-il en nous la terre et les étoiles ?
Non, ce n’est rien d’aimer, jeune homme, même si
ta voix force ta bouche, — mais apprends

à oublier le sursaut de ton cri. Il passe.
Chanter vraiment, ah ! c’est un autre souffle.
Un souffle autour de rien. Un vol en Dieu. Un vent.

Cité dans

https://www.eternels-eclairs.fr/poemes-rilke.php

J’en profite pour mettre le lien vers une création digitale autour de Rilke présentée il y a quelques mois lors d’une journée d’études, dont le texte figurera bientôt dans une grande revue universitaire; en cliquant sur ma chaîne, vous retrouverez les vidéos autour de Worpswede déjà mises en ligne.

Je me permets enfin de reposter ce texte de 2011, avec sa splendide mise en mots par mon amie Corinne… Je ne suis ni Rilke ni détentrice d’un « grand » prix littéraire, mais j’ai commis cette brève réécriture des célèbres « Lettres à un jeune poète »:

Chère jeune poétesse!

Vous me demandez si vos poèmes méritent d’être nommés poèmes. Vous me demandez si vous êtes une poétesse.

Que vous répondre, chère jeune poétesse, que vous répondre, si ce n’est que la nuit vous sera vie.

La nuit, lorsque soufflera l’Autan et que Garonne gémira comme femme en gésine, vous le saurez.

La nuit, lorsque seul le rossignol entendra vos soupirs, vous le vivrez.

Vous vivrez ces instants où le mot se fait Homme, où quand d’un corps malade jaillit cette étincelle que d’aucuns nomment Verbe, quand certains la dédaignent; les étoiles apparaissent, et des mondes s’éteignent.

Vous me demandez, jeune amie, si vous êtes faite pour ce métier d’écrivain.

Mais écrire, belle enfant, ce n’est point un métier, ce n’est pas un ouvrage.

Poésie et argent ne font pas bon ménage, poésie est jalouse, et le temps est outrage.
Vous verrez le soleil dédaigner vos journées, et les ors, les fracas, les soirées et les fêtes, bien des autres y riront, se payant votre tête.

Seule au monde et amère, comme un fauve en cavale, vous lirez, vous irez, sachant mers et campagnes, portant haut vos seins doux, vos enfants en Cocagne. Loin de vous les amours, parfois quelque champagne.

Mais les mots, jeune amie, les mots, ils seront vôtres.

Vous les malaxerez comme on fait du pain frais, vous les disposerez en lilas et bouquets, vous en ferez des notes, des sonates, des coffrets.

Et quand au jour dernier vous serez affaiblie, vos mains seules en errance, votre bouche enfiévrée, on vous murmurera qu’on vous a tant aimée.

Mais il sera trop tard: vos vers auront fugué.

Alors soudain des peuples chanteront vos ramages, on vous récitera, des statues souriront; un écolier ému relira quelque page. Et un soir, quelque part, au fin fond d’un village, ou dans un bidonville, enfumé et bruyant, une jeune fille timide osera les écrire, ses premiers vers d’enfant, vous prenant en modèle.

Alors ma jeune amie, ce jour-là, doucement, comme en ronde éternelle:

vous serez poétesse.

Vous trouverez peut-être que cet article part dans tous les sens… Mais je n’ai jamais su choisir entre mes deux pays, entre toutes mes passions, et « il me faudrait mille ans » pour écrire tout ce dont j’ai envie de parler, comme le raconte ce texte ou ces méli-mélo de poèmes…

https://www.poesie-sabine-aussenac.com/

Et si vous aussi, vous tentiez votre chance en écriture??

** Lien vers un site répertoriant tous les concours de nouvelles:

** Lien vers un site collectant les concours de poésie, et autre lien vers nos chers Jeux Floraux toulousains!

http://www.poetika17.com/concourspoesie.html

Une vie à réinventer… #retraite #enseignement

Dernières heures.

Dernières minutes.

Dernières secondes.

Dernière surveillance.

Après les dernières heures de cours, les derniers conseils.

40 ans. 40 ans qui se terminent comme ça, doucement, en catimini, dans le silence feutré entrecoupé de quintes de toux et de stylos qui tombent, dans le clair obscur d’une salle où transpirent de jeunes esprits qui se collètent avec une épreuve de spécialité, dans les moiteurs et les empressements.

Pas d’au-revoir, pas de pot de départ, pas d’annonce claironnante quand tu n’es que TZR ( un peu comme contractuel, mais en fait agrégée en fin de carrière sans poste fixe).

Dehors, ces trombes d’eau qui transpercent un ciel de fin du monde, un ciel presque jaune, en étrange début d’été aux allures de Toussaint.

Demain ce sera la fête de la musique, comme lors de ta première, celle où tu avais aussi vu Crosby Stills and Nash au Zénith de la ville rose. Comme ces années sont passées vite…

1984, année de mon CAPES…

Tu as encore en tête le goût de ton tout premier cours, celui avant lequel un collègue pressé t’avait dit ‘ Tiens, voilà les clefs et la salle de ronéo, tu prends les craies chez le concierge!’. Tu te souviens de la bouille ronde de ces sixièmes comme autant de petits chats, attachants et joueurs, comme tu te souviendras toujours de cette dernière cuvée, des étreintes, le dernier jour, avec trois filles de seconde, de leurs petits mots gentils, du sourire de tes premières si reconnaissants et des échanges adorables et forts avec tes terminales.

Tu prévois peut-être un récit, un livre. 40 ans! 40 ans!!!!! 40 ans à raison d’une cinquantaine à plus d’une centaine de têtes blondes à accompagner par année, au gré des réformes diverses, à naviguer entre collège, lycée et BTS, à avancer, à se renouveler, à toujours croire en EUX, en leur potentiel de jeunes humains en devenir. À essayer de ne jamais les décevoir.

Tu te souviens de cette époque d’avant internet, quand déjà tu leur faisais faire des cassettes audio que tu écoutais en faisant ton repassage avant Ciel mon mardi. Tu n’as jamais oublié les montages que certains faisaient en utilisant les chansons de Grönemeyer…

Tu te souviens de ces élèves des petits collèges de campagne, si naïfs et gentils. De tes élèves de ZEP qui disaient ´ Ich liebe dich’ durant l’appel, ou ´Ich bin ein Berliner!’ De tes élèves de CHAM, les sections musique, brillantissimes et drôles, de Sissi qu’ils adoraient, de leurs rêves immenses. De cette élève de Roubaix dont le grand rêve, justement, était de devenir caissière.

De ceux qui sont morts, de celle qui a eu un accident de scoot, de celui qui s’est tiré un coup de fusil dans le ventre, de celui que son père a tué entre midi et deux d’un coup de fusil de chasse avec sa mère, de celui qui n’a jamais quitté ton cœur, dont la voiture s’est emboutie sous un camion. Maud, Jérôme, Michel, je dis vos noms.

Tu te souviens des repas de classe, quand tu étais jeune prof et que tu allais à ceux de tes Terminales qui avaient presque ton âge, quand ton collègue de philo faisait mine en te voyant de te prendre pour une nouvelle élève, et puis cette guitare dans ton jardin quand Vincent jouait La fille du coupeur de joints et Mistral gagnant sous le grand catalpa.

Tu te souviens du CD de la Traviata qu’on t’a offert devant le lac du jardin Lecoq. L’auteur de ce présent est toujours ton ami. Merci, Jean.

Tu te souviens des fous-rires, tellement innombrables, tellement plus que tu ne te souviens des heures difficiles. Bien sûr, elles ont existé aussi, ces classes désagréables dès la rentrée, ces moments de luttes intestines répétitives et usantes, comme si certains groupes parfois espéraient sonner l’halali en t’acculant à la colère, mais jamais tu ne cédas ni ne renonça au dialogue. Et tu préfères d’ailleurs te souvenir des farces de celui que tu avais eu presque 6 ans ( 2 secondes, 2 premières etc….!) et qui un jour avait mis une poubelle remplie d’eau en équilibre sur le haut de la porte:)

Dans cette même classe, les garçons avaient aussi écrit un jour ´ Ich liebe dich’ sur leurs paupières, on le lisait quand ils fermaient les yeux!

Tu te souviens, de ces mêmes années, du groupe d’élèves No name, dont tu avais d’ailleurs écrit le nom sur ta trousse, que tu avais écouté dans un bar non loin du lycée. Le guitariste est devenu connu, je le salue au passage!

Et puis les chaussettes musicales qui faisaient un chant de noël que toi aussi tu as portées une année, pour leur faire une farce à ton tour !

Tu te souviens des langages codés si créatifs, des ´chutez-vous’ en lieu et place de ´chut’ de tes élèves des quartiers! Et de certains visages inoubliables: ma chère Ophélia devenue une amie de mon fils, ma talentueuse Clarisse, ma douce Sèverine qui me doit sa famille (😎), et puis celui qui venait en cours en cravate et savait qu’il étudierait à Oxford, en 4e, et les brillantissimes, et tous ces cancres adorables…

Tu te souviens à peine des collègues, car somme toute ce sont les élèves, surtout, qui t’ont portée et soutenue lors de cette longue carrière! C’est sans doute lié au fait que tu as, au bout de dix ans, perdu ton poste fixe pour ne jamais en retrouver un. Mais tu garderas contact, c’est certain, avec quelques profs au grand cœur rencontrés au gré de tes affectations, et avec ce magnifique groupe FB de profs d’allemand, si riche en échanges et en conseils! Et tu n’as pas oublié l’accompagnement précieux de l’Institut Goethe durant toutes ces années, avec ton inoubliable stage à Berlin, ni les engagements forts et incessants de l’ADEAF…

https://www.adeaf.fr/#

Tu as une pensée émue pour tes chefs d’établissement, surtout pour deux d’entre eux disparus, eux aussi. Pour toutes les âmes qui portent à bout de bras les établissements où tu as travaillé, les petites mains qui nettoient et qui servent les repas, les piliers que sont les secrétaires de direction, les AESH qui accompagnent les élèves différents, la ruche bourdonnante de la vie scolaire, les sourires des personnels d’accueil…

Tu te souviens de ces petits matins blêmes quand, vers 4 h 30, tu te levais avant de prendre bus, métro, train et car pour rallier St Girons et longer les eaux vives du Salat. Et des centaines de trajets en TER entre Auch et Toulouse. Tu te souviens des milliers de copies corrigées, et de tous ces oraux de bac…

Trajet entre mon lieu de vie à Auch et trois postes, gare de l’Isle-Jourdain…

Tu te souviens du sms reçu par un élève dont le père était gendarme, quelques minutes après la tuerie de Merah à l’école juive. Tu te souviens d’Imagine chanté par tes élèves après le Bataclan.

https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/myriam_199095.html

Tu te souviens des cris de joie des bacheliers, des fronts soucieux des sixièmes, des confidences entre deux cours, de toutes les marques de confiance. Des gâteaux de l’Aïd apportés par les mamans, des Plätzchen de Noël faits par les élèves, des flashmobs et des repas allemands à la cantine.

https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/je-devins-une-enfant-de-l-europe_10388.html

Tu te souviens du café pris au soleil devant la salle des profs, devant la grande cours de Blaise, en écoutant U2 au Walkman, et de la fois où tu t’es infiltrée à la soirée bac au Diam’s. De la Perdrix et du Phydias, et du bar Chez l’Ogre, où les frontières se faisaient floues.

Montage fait par un Terminale qui savait ma passion pour U2…

Tu te souviens des inspections, de celle où tes filles avaient eu une gastro toute la nuit et où tu avais réparé ta branche de lunettes avec du scotch.

https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/vous-avez-dit-cayenne_466.html

Tu te souviens des dizaines d’expositions faites au gré des semaines franco-allemandes ou des semaines des langues, et des magnifiques soirées passées avec les assistants étrangers ou avec les parents durant les échanges…

https://annexeplochingen.blogspot.com/

***

Le thème de la dernière nouvelle que tu as écrite pour un concours était… Nouveau départ.

Oui, c’est bien cela, tu vas prendre un nouveau départ, et d’ailleurs tu te sens exactement comme à 18 ans, puisque, sans conjoint, sans maison, tu es libre comme l’air ( bon, presque, car encore très nantie de parents et d’enfants 😇) et donc capable, en théorie, d’enfin faire ce qui te plaît plaît plaît… Vas-tu voyager enfin, le faire, ce road trip à travers les States? Découvrir le Japon dont tu rêves, ou, plus prosaïquement, le Portugal? Enfin aller à Rome ou en Écosse?

Prendras-tu le temps de démarcher les éditeurs pour tes trois romans, pour les centaines de nouvelles et les milliers de poèmes? Seras-tu invitée au Marché de la Poésie ou aux Voix Vives de Sète, aux foires du livre? Quitteras-tu un jour les briques rouges pour les rives du Rhin?

Dernières heures.

Dernières minutes.

Dernières secondes.

La pendule marque presque la fin de l’épreuve et de ma fonction d’enseignante du secondaire.

Il va falloir trouver un temps nouveau, ne plus s’accrocher à ce découpage des agendas au papier tout neuf qui fleurent bon vendanges, des conseils de classe aux parfums de mandarine d’avant Noël, des ponts du mois de mai et des examens où l’on devine déjà la ligne bleue de Mare nostrum…

Ma vie est à réinventer.

( …et d’ailleurs ma date de départ à la retraite est le… premier octobre!!! Mais je pense que le mois de septembre se passera à couvrir des livres dans un C.D.I…😎 )

http://www.jimlepariser.fr/l%E2%80%99hymne-a-la-joie/

Et deux interviews dans le Café Pédagogique:

https://www.cafepedagogique.net/2024/06/27/sabine-aussenac-professeure-dallemand-jai-ete-une-prof-heureuse/

https://www.cafepedagogique.net/2024/07/04/sabine-aussenac-professeure-dallemand-jai-ete-une-prof-heureuse-2/

Arroser les souvenirs irisés

R êver aux jours

E ncore si proches et pourtant

T rès lointains,

R ire en se souvenant de mille joies,

A rroser les souvenirs

I risés qui rassemblent

T endresses et douleurs:

E nfanter vie nouvelle…

**

Florilège des superbes travaux réalisés par les élèves au fil des ans…:

https://lallemagnetoutunpoeme.blogspot.com/2024/02/ma-belle-allemagne.html

Rose Ausländer aux Cahiers de Colette #rencontrelittéraire #Paris #librairie

Comme elle aurait été heureuse, ma Rose, de revoir Paris! En 1939, déjà, si peu de temps avant la canonnade, elle avait rendu visite à la ville lumière. Et lors de son grand tour d’Europe de 1957, son séjour parisien, avec sa rencontre avec Paul Celan, avait fait partie de ses dates clefs…

Quelle fierté pour moi que d’être reçue dans l’antre de Colette, dans cette librairie phare, adresse incontournable de tout lecteur parisien qui se respecte…

http://www.lescahiersdecolette.com/

Merci à cette grande dame des lettres parisiennes de son accueil, et des sourires de Nicolas et Thomas – Thomas qui vient du Sud-Ouest, lui aussi ! – . La rencontre, présentée par Antoine Spire, le directeur de la collection Judaïsmes, qui héberge mon essai, a permis de mettre en perspective quelques-uns des thèmes développés par l’ouvrage et de mettre en avant la personnalité de cette poétesse encore trop peu lue en France, malgré les remarquables travaux universitaires qui lui ont été consacrés.

Ce fut un régal que de répondre à ses questions autour du livre, puisque Antoine Spire, l’une des voix de France Culture, est bien entendu plus qu’à l’aise dans l’exercice ! J’ai pu compter aussi sur le précieux soutien du préfacier, Laurent Cassagnau, de l’ENS Lyon, qui a eu la gentillesse de nous apporter ses pertinentes réflexions.

Merci encore aux amis qui sont venus nous écouter parler de Rose…

Et comme il n’y a pas de hasard, c’est bien le sourire d’Anne Frank qui a veillé sur cette rencontre, puisque juste avant le début de la conférence j’ai enfin découvert le Jardin d’Anne, non loin de la librairie et du mahJ… Anne grâce à laquelle « tout a commencé », lorsque j’avais découvert, enfant, à la lecture de son Journal, que mon deuxième pays, l’Allemagne, avait abrité l’Indicible…

Voici quelques photos qui ont immortalisé l’événement aux Cahiers de Colette, et les liens vers les vidéos mises en ligne. Merci à Sarah et Julie, les photographes ! (Les photos sont en libre accès FB)

Pour aller plus loin, deux articles de Laurent Cassagnau au sujet de Rose Ausländer:

« Rose Ausländer et la poésie américaine » in Etudes germaniques 58 (2003) 2, p.211-232

« Mémoire et souvenir: à propos de Schnee im Dezember de Rose Ausländer » in Rose Ausländer. Lectures d’une oeuvre (sous la dir. de J. Lajarrige et M.-H. Quéval), Nantes: Editions du Temps, 2005, pp. 101-115

https://sortir.telerama.fr/paris/lieux/boutiques/les-cahiers-de-colette,25231.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Spire

Joyeux Noël! #noël #Weihnachten #Xmas #poésie

J’ai repris cette année la thématique de l’acrostiche autour de la paix demandé par un blog littéraire autrichien…De belles fêtes en lumières à vous et tous vos aimés, prenez soin de vous!

***

Dieses Jahr als Folge meines Textes auf einem schönen literarischen Wiener Blog…

Feiert schön und bleibt gesund!

Joyeux Noel!

Jouets épars sous ruines sombres en Ukraine,
On y rêve de paix, grelottant dans le noir…
Yeux fiévreux des enfants et des mères perdues
En Méditerranée : notre monde chavire,
Un bateau ivre en sa terre souillée… Mais pour
X raisons décembre nous voit guillerets,

Nostalgiques des antans et de leurs neiges,
Ornant maisons et cœurs aux couleurs du bonheur :
Elle vit, l’espérance, moineau fragile,
Liant tous les hommes à l’étoile du berger.

Frohe Weihnachten !

Fröstelnde Spielzeuge in Ruinen,
Rieselnder Schnee sehnt sich nach Frieden.
Oh sieh die Kinder und Mütter,
Hier im Meer ertrinken sie, wie unsere Welt…
Erde, Du weinst und ringst um Luft,

Wenn Du besudelt unter den Menschen
Erstickst.
Immer wieder diese Fehler…
Heute aber wollen wir
Nicht mehr trauern, sondern
Alle zusammen einen
Chor gründen, und singen und jubeln für
Hoffnung und Liebe:
Traut Euch und bildet
Eine einzige neue, heilige Welt! Dieses Weih-
Nachten ein Licht für die Menschheit…

Une pensée spéciale envers notre tante Jeannine qui nous a quittés récemment…

À la Une

Rose Ausländer, une grande voix juive de la Bucovine #essai #poésie #judaïsme #RoseAusländer #Allemagne #Ukraine

https://www.editionsbdl.com/produit/rose-auslander/

Enfin! Mon essai est sorti, tout bleu comme un ciel d’été enrobé du cercle stellaire! Merci à Jean-Luc Veyssy et aux éditions du Bord de l’Eau d’accueillir Rose et ses poèmes, et d’avoir permis l’existence de cet ouvrage passerelle entre poésie et judéité. Merci à Antoine Spire, le directeur de la superbe collection Judaïsme, pour son accompagnement, et à Laurent Cassagnau de l’ENS Lyon pour sa très belle préface. Voici la présentation de l’éditeur:

« Rose Ausländer, dont les poèmes sont traduits dans le monde entier, fait partie des figures majeures de la littérature allemande du vingtième siècle. Sa voix demeure pourtant quasi ignorée en France en dehors de cercles universitaires, alors même que son ami et compatriote Paul Celan la portait en haute estime et qu’elle est considérée comme l’une des grandes poétesses de la Shoah, au même titre que Nelly Sachs. C’est cette injustice que Sabine Aussenac a voulu réparer en retraçant les flamboyances culturelles de Czernowitz, la « petite Vienne » de la Bucovine, avant de fixer les béances du ghetto, de la Shoah et de l’exil, jusqu’à la renaissance en poésie de Rose Ausländer. Et c’est bien autour de cette césure fondamentale du génocide et de la problématique de la judéité que se noue le lien passionné de la poétesse à son public allemand, en miroir du rapport intime et universel la liant à son peuple et à sa religion. Lire cette poésie, c’est aussi se sentir transporté aux confins de la Mitteleuropa ou dans le staccato de l’exil new yorkais avant de se recueillir dans l’atmosphère épurée et stellaire de la langue-souffle d’une poétesse dont la voix ne vous quittera plus. »

J’ai voulu, en écrivant ce texte qui est aussi l’antichambre du roman que j’espère un jour publier autour de Rose, faire découvrir cette femme exceptionnelle et ses milliers de poèmes à un vaste lectorat francophone, tout en articulant ma recherche autour des liens entre sa poésie et le judaïsme.

La voix de Rose bouleversera les âmes sensibles à la poésie; son destin saura aiguiser la curiosité des passionnés d’Histoire; sa langue émerveillera les germanophiles; sa résilience, miroir d’une époque, inspirera tous les exilés, tous les opprimés; son courage devant la guerre, lors de la Shoah et face à la maladie forcera l’admiration de tous.

Et chacun de ses textes, petite lumière en écho aux étoiles qu’elle aimait tant, nous offre en quelque sorte la possibilité de devenir un Mensch… Mon essai, en effet, s’inscrit aussi dans une lutte incessante contre l’antisémitisme.

Enfin, n’oublions pas que Czernowitz, capitale de la Bucovine, se situe aujourd’hui en Ukraine… Lire Rose, c’est aussi dire non à toutes les guerres!

N’hésitez pas à me contacter via le formulaire de ce blog si vous souhaitez acquérir un ouvrage dédicacé. 

Un dernier appel à destination de l’édition: Helmut Braun, le découvreur, l’ami et le légataire de Rose Ausländer, devenu aussi un proche collaborateur, m’a chargée de traduire certains recueils de Rose… Nous sommes donc à la recherche d’un accueil en poésie….

https://www.lyrikline.org/de/gedichte/noch-bist-du-da-555

Noch bist du da

Wirf deine Angst
in die Luft

Bald
ist deine Zeit um
bald
wächst der Himmel
unter dem Gras
fallen deine Träume
ins Nirgends

Noch
duftet die Nelke
singt die Drossel
noch darfst du lieben
Worte verschenken
noch bist du da

Sei was du bist
Gib was du hast

Pour le moment tu es encore là

Jette ta peur
en l’air

Bientôt
ton temps sera passé
bientôt
le ciel poussera
sous l’herbe
tes rêves tomberont
dans le Néant

Pour le moment encore
l’oeillet embaume
la grive chante
pour le moment encore
tu as la chance d’aimer
d’offrir des mots
pour le moment tu es encore là

Sois ce que tu es
Donne ce que tu as

https://avecmavalisedesoieroseauslander.home.blog/2019/05/11/avec-la-valise-de-soie-un-voyage-sur-les-traces-de-rose-auslander/

sabine-aussenac-dichtung.blogspot.com

En ouvrant le dormant réveillé #documentaire #Francis Fourcou #Stralsund #LesPortesdeStralsund #Allemagne

http://Par Dr. Hans Jürgen Groß — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37898111
Place de l’hôtel de ville, Stralsund

Il n’est pas courant de voir un film sur l’Allemagne réalisé par un Français. C’est donc avec une grande curiosité que j’ai découvert, au hasard d’une rencontre, le remarquable travail que Francis Fourcou a consacré à l’autre « Venise du Nord », la ville hanséatique de Stralsund, et à ses portes. « Les portes de Stralsund », quel titre étrange pour nous, habitants de l’Hexagone, si peu au fait des particularités et des richesses de notre voisin germanique dont nous ne connaissons souvent, hélas, que quelques clichés touristiques.

C’est à un lent cheminement que nous convie le réalisateur, rythmé par la mélodie sans cesse renouvelée de quelques accords d’orgue et par le ressac de la Baltique que les Allemands nomment « mer de l’Est », « Ostsee »… Francis Fourcou est un habitué des chemins ; son Camino, il l’a par exemple arpenté de Garonne à Collioure, au gré du chemin de halage du Canal du Midi, arpentant les Corbières, escaladant les citadelles du Vertige cathare, en déambulation poétique entre Serge Pey, l’une des voix majeures de la poésie contemporaine (publié dans la Blanche de Gallimard, rien que ça !)  et Antonio Machado, dans Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière, en 2018.

Le cinéaste aime à fouler ainsi les traces de l’Histoire, détricotant les destinées, caméra sur l’épaule, avec l’œil aiguisé du documentariste et son âme de poète. C’est aussi le cadeau qu’il a fait au public avec Laurette 1942 lorsqu’en 2016 il nous a offert l’histoire de cette jeune volontaire de la Cimade, engagée auprès des internés de différents camps français du sud de la France, puis dans la Résistance. Car le réalisateur malaxe le temps long du passé tout en posant habilement des jalons pour rêver l’avenir, en questionnement permanent sur les noirceurs et les peurs qui agitent l’humanité, comme dans Le Juste et la Raison, un documentaire consacré à la démarche presque spirituelle d’un couple de psychiatres toulousains, avant d’imaginer à ce qui nous unit par-delà les haines fratricides, au gré des magnifiques dialogues interreligieux de son opus Convivencia

Et c’est bien là le sens profond des réflexions cinématographiques de ce Toulousain passé par Louis Lumière et ayant déjà fait plusieurs fois le tour de cette terre qu’il aime à nous montrer : que ce soit au son des bâtons avec lesquels le poète Pey frappe le sol ou en modulant les discours de Jaurès qu’il envoie outre-Atlantique, ou simplement dans les silences méditatifs ourlant les merveilleuses lumières d’un couchant sur la Baltique, Francis Fourcou prête sa voix à la bonté et à la bienveillance de ceux qui, toujours, tenteront de changer la vie et de transformer le monde.

Wolf Thormeier est de ceux-là, un artisan de Stralsund que le réalisateur accompagne lors de ses restaurations d’une des portes de la cité hanséatique. Très vite, l’on se retrouve emporté par la puissance narrative et cinématographique du sujet : le documentaire est agencé si magistralement qu’une synesthésie saisit le spectateur au gré des plans fixes ou des travellings, bercé par cette voix off qui raconte l’Allemagne et les soubresauts de son histoire tout en voyant se profiler tantôt la silhouette vénitienne de Stralsund, filmée de telle sorte que l’on se croirait dans la lagune d’une toute autre mer, tantôt l’albâtre des lumineuses falaises de Rügen, aussi immuables que sur les toiles de Caspar David Friedrich, quand il nous semble en même temps respirer l’odeur des copeaux de bois ou des laques tout en entendant la ligne de fuite de l’orgue… Il n’en fallait pas moins pour rendre hommage au travail minutieux de ce grand gaillard du Nord, toujours affublé de son bandana de pirate et de ses lunettes rondes, un John Lennon ébéniste qui « imagine », lui aussi, une « fraternité humaine » en restaurant bien plus que les portes de sa chère cité de la Baltique…

Öffnet Türen: Der Stralsunder Restaurator Wolf Thormeier gibt einen Einblick in die Stralsunder Haustürenlandschaft.
https://www.ostsee-zeitung.de/Vorpommern/Stralsund/Hingucker-Historische-Haustueren2

Francis Fourcou le répète : les ports aussi sont des portes, creusets des chemins maritimes et des échanges, et Stralsund ne déroge pas à la règle, ville ourlée par une mer que se partagent entre autres l’ambre letton, les forêts de Rügen -le parc national de Jasmund est classé au patrimoine de l’UNESCO…- ou les nocturnes de Chopin, une mer dont les secrets gisent dans les grands fonds où dorment encore des navires et des sous-marins échoués… Cette thématique de la porte, battant ouvert ou fermé séparant l’oïkos de l’agora, soutient toute la symbolique de cette réflexion cinématographique confinant à un conte philosophique dont l’héroïne serait ce grand vantail d’abord échoué comme un oiseau blessé qui, au fil des soins apportés par Wolf, va peu à peu recouvrer sa place dans la société allemande si blessée par sa propre histoire et permettre ainsi, en miroir, à cette société d’exister à nouveau en liberté.

Comme elle est radieuse, la cité hanséatique, lorsque le soleil perce la brique de cet incroyable hôtel de ville dont l’immense façade projette une ombre dentelée sur la place, ce jeu d’ombres et de lumières rappelant au spectateur combien ce pays a traversé de nuits avant d’oser, à nouveau, se dire démocratie… Comme il est touchant, Wolf, quand il entonne à la guitare l’une des plus anciennes chansons du répertoire folklorique allemand, dont la mélodie remonte au dix-huitième siècle et dont le texte parle d’amour et de secrets portés dans le vent !

http://www.meck-pomm-hits.de/kunst-kultur/niederdeutsch/liedtexte-plattdeutsch/dat-du-min-leevsten-bust-text/

Ces secrets-là se dessinent en filigrane autour des mots du restaurateur, quand le rabot évoque la Hanse, quand le pinceau murmure les destructions liées à la seconde guerre mondiale, quand l’enduit se fait passeur des entraves politiques du régime policier de la RDA : les différentes couches de peinture étouffant la porte restaurée symbolisent bel et bien cette histoire allemande dont les aléas ont à plusieurs reprises enfermé les peuples dans les nasses des dictatures.

Les portes, nous dit encore Wolf, sont le visage d’une maison ou d’un bâtiment. Et quand Francis Fourcou nous affirme de son bel accent toulousain que le restaurateur va « ouvrir le dormant réveillé », avec cette merveilleuse image du dormant de la porte qui évoque bien sûr ce peuple allemand et aussi une ville englués dans l’immobilisme, stratifiés dans une histoire souvent sombre, le spectateur perçoit l’immense émotion qui fait de Wolf un alchimiste ; la peste brune et les képis des Vopos vont s’effacer devant l’incomparable lumière de la Baltique, la brique de l’église Saint-Nicolas s’éclairant du même corail qu’à Toulouse, ce corail que le soleil arrose sur l’église Saint-Sernin, en belle passerelle européenne des peuples réconciliés. Car cette ex Allemagne de l’Est elle aussi s’est réveillée, a su sortir des années difficiles de la dictature qui faisait de chaque personne frappant à une porte un potentiel danger. Ne demeurent que la lumière qui irradie aussi depuis les célèbres falaises de craie toutes proches, et un sens de l’accueil envers tous ces gens qui naviguent depuis d’autres mers vers l’Allemagne et l’Europe, même si, outre-Rhin comme en France, les démons du populisme grattent toujours à la porte…

Francis Fourcou, lui aussi, est un passeur, un passeur de mots, d’images et d’histoires, et ce film saura sans aucun doute trouver son public, en Allemagne comme ailleurs. Il a d’ores et déjà reçu un accueil enthousiaste à Stralsund, comme en témoigne cet article, car les Allemands ont à présent envie de décrypter leur propre histoire et, comme le restaurateur, d’en gratter les différentes couches afin de ne garder que le Bon et le Beau.

Le public français, qui connaît si peu les paysages et les villes allemandes, aura sûrement aussi un coup de cœur pour ces Portes de Stralsund et, pourquoi pas, l’envie d’aller visiter cette Allemagne si proche et si lointaine à la fois. D’autres villes de l’est attendent encore une renaissance en lumière, et méritent que l’on lève les yeux vers les frontons encore frissonnants des grands vents de l’Histoire, comme Görlitz, la belle endormie de la frontière polonaise, tandis que d’autres cités déjà radieuses offrent déjà au visiteur leur superbe éclat, telles Dresde ou Leipzig.

Fichier:Peterskirche Goerlitz.jpg
Görlitz, Peterskirche, Wikipedia, creative commons.

Oui, il faut aller en Allemagne ! Ce n’est qu’ensemble que nous conserverons une identité européenne si précieuse car synonyme de paix. Ce film en témoigne.

http://www.allemagnevoyage.com/regions/Mecklembourg/stralsund.html

Pour n’oublier personne, n’oublions pas qu’un film est aussi un travail d’équipe ; il convient de saluer le remarquable engagement de toute cette petite constellation entourant le réalisateur, comme par exemple au son la fidèle Agnès Mathon, qui accompagne Francis Fourcou depuis longtemps, ou bien encore la talentueuse comédienne Ilka Vierkant qui prête sa voix allemande au film. Enfin, n’oublions pas que le talent est une affaire de famille, puisqu’un certain Paul Fourcou a assisté son père lors du tournage. En allemand, on dit que « la pomme ne tombe pas loin de l’arbre » !

À Toulouse, le film sera projeté lundi 18 octobre à 19 heures à la Maison de l’Occitanie, dans le cadre de la dynamique Quinzaine franco-allemande. (11, rue Malcousinat.)

Aucune description de photo disponible.
La « mer de l’Est » à Sellin; crédits Sabine Aussenac.

Caspar David Friedrich

*

Dunkle Wege der

Tannen. Wurzeln, Mutterboden, und im Weiten

das Licht.

Insularität der Wälder, Bäume,

aus der Ostsee geboren.

*

Wächter werden am

Baluster des Schwindels, ein Wanderer

über dem Nebelmeer.

Am Königsstuhl jeder Schritt

eine Brandung.

*

Perlmuttmilchig weihen

die Kreidefelsen ins

Malen ein.

Eine Möwe schwebt ins

Weiße.

Rügen, illuminatio

der Schönheit.

*

Caspar David Friedrich

*

Sentes sombres des

sapins. Racines, humus, et au loin

la lumière.

Insularité des bois, arbres enfantés

en Baltique.

*

Se faire guetteur à

la balustre des vertiges, voyageur au-dessus

de la mer de nuages.

Au Königsstuhl chaque pas est

ressac.

*

Entrer en peinture

au gré des nacres et des lactescences

des falaises de craie.

Une mouette se fond dans

la blancheur.

À Rügen, s’illuminer

d’intense.

https://www.senscritique.com/contact/Francis_Fourcou/34660

Rose Ausländer, une grande voix juive de la Bucovine #poésie #essai #judäisme #Shoah

J’ai la grande joie de vous annoncer que mon essai sur Rose Ausländer, « Rose Ausländer, l’autre grande voix juive de la Bucovine », paraîtra courant 2022 dans une superbe collection de la très belle maison d’édition Le Bord de l’Eau

Lire Rose, c’est tout d’abord être aveuglé par l’empreinte de ce linceul lancinant de la Shoah, décryptant dans cet ossuaire testimonial l’itinéraire cette exilée, de la Bucovine à NY jusqu’à l’Allemagne qui deviendra paradoxalement sa terre d’accueil. Cependant, au fil de la découverte plus pointue de l’œuvre abondante de cette poétesse atypique, au gré de l’hétérogénéité de cette langue éclatée et polymorphe, allant de la célébration rilkéénne des débuts à l’indicible pneuma caractérisant les dernières productions poétiques, on en vient à comprendre le silence ausländerien, cette légèreté de l’essence poétique d’une survivante chantant encore le lilas de l’enfance malgré « le lait noir de la mémoire ».

C’est justement cet équilibre entre l’être et le néant, cette force résiliente qui sous-tend toute l’œuvre de la « poétesse de Düsseldorf », voix majeure de la littérature allemande : « Ecrire, c’était vivre. C’était survivre. »

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« Inventer

un

poème

signifie

être mis au monde

et courageusement chanter

d’une naissance à l’autre »

Quant à mon roman sur Rose, il est toujours en cours d’écriture…

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J’ai encore rêvé d’ailes #hirondelles #printemps #migrateurs #voyage

C’est la lumière qui m’alerte en premier. Imperceptiblement différente. Une sorte de frémissement de l’air, une envolée.

D’ordinaire, j’ai comme un sixième sens. Je sais que lorsque je vais lever les yeux, elles seront là. Un peu comme vous devinez qu’une lettre importante vous attend dans la boîte.

Alors j’ose tourner mon visage vers le ciel, vers ce bleu, ce jour-là, intense, presqu’insupportable, ce bleu qui nous réconcilie soudain avec toute la beauté du monde ; et elles sont là : mes hirondelles.

Je les vois, je les aime, je les sens, si proches, si lointaines, et leurs grands cercles fous me sont comme une aubaine ; soudain, tout s’apaise. Je sais que le monde est à sa place, et que j’ai ma place au monde. Ces frémissements d’ailes dans la première lueur du couchant font de cet instant, de cette minute précise où j’assiste au retour des hirondelles, le moment le plus précieux de mes ans.

Cet instant est mon renouveau, mon équinoxe. Ce moment est mon mascaret et ma dune, mon éveil. Car pour moi, ces hirondelles symbolisent la vie, son éternel retour, sa puissance infinie, la vie, pleine, entière, résiliente et solaire, indestructible.

La grâce, déjà, de ces cercles infinis, de ces ballets aériens, fusant au crépuscule jusqu’au ras des tuiles, ou s’égarant jusqu’aux confins du ciel, me bouleverse. Moi la femme-glèbe, aux sabots de plomb, embourbée dans mes vies tristes, je me sens soudain comme transfigurée, touchée par cette légèreté aérienne.

La liberté, aussi. Assignée à résidence dans ma propre existence, pieds et poings liés par mes soucis, en immobilisme total de par mon manque de surface financière, je suis en admiration devant ces gitanes du ciel, devant ces nomades absolues. Mes hirondelles me disent la bonne aventure, elles seules savent qu’à travers le prisme obscurci de mes gouffres, il reste cette lumière.

Et puis l’oxymore du Bleu de Delft de ce ciel de mai parsemé d’onyx, le contraste parfait entre les ailes veloutées des ébènes en envol et notre printemps d’azur : d’aucuns aiment regarder une ligne d’horizon maritime, qui apaise et invite à tous les voyages… Moi, c’est en contemplant ces tableaux toujours renouvelés que je me sens revivre.

Chaque année reviennent mes grandes espérances : je rêve à un été qui serait différent, qui aurait à nouveau un goût d’enfance et de vent… Je revois la route sinueuse qui menait à la mer, et ce moment précis où le paysage se fait méridional. Au détour d’un virage, l’air s’emplissait de cigales et de pins. Les vacances commençaient. Et puis les cousinades, les odeurs de vergers, les haricots cueillis et le foin engrangé…

Oui, lorsque reviennent mes sœurs du ciel, je reconnais le chemin du bonheur.

*** Cette petite prose a été écrite il y a quelques années, lorsque je me débattais encore dans un enfer social, entre un douloureux divorce international et un monceau de dettes laissées par un autre…


Je me cogne à la prison du ciel

Je me cogne à la prison du ciel

Hirondelle perdue en confins d’irréel

A la recherche de ces infinis soleils

Englués au fond des vallées de merveilles

Tournoyant en cercles éperdus d’immense

Fébrile enfant comme soudain en transes

Je voudrais pour toujours décrocher vieilles lunes

Alourdie dans ma quête par d’ancestrales runes

Je frôle cimes d’arbres

En poussant cris de marbre

En tombeau de ma vie

Je me sens engloutie

Et puis je redescends en piqué maladroit

Happer quelque lumière aux confins des grands froids

Mes grandes migrations ne me sont que misère

J’avais rêvé l’Afrique me voilà en hiver

Oiselle sans boussole

Egarée un peu folle

Oh rendez moi mes ailes

Donnez moi ces printemps que je m’y fasse belle

Où sont ces crépuscules en confins de lumière

Qui m’offriront enfin ces espérances fières

Je veux crier au ciel mes chants d’été soyeux

Je veux à tire d’aile voleter vers les feux

De ces couchants si roses que les joues en frémissent

Me faire signe noir de nos amours prémisses

J’écrirai dans l’azur

Je serai des plus pures

Et au jour déclinant nous quitterons les sols

Vous et moi mon ami pourqu’enfin je m’envole…

Et puis les dettes ont été effacées, le temps a fait son oeuvre, et j’ai même décroché l’agreg externe en 2016, ce qui m’a permis de voyager à nouveau, de fouler enfin ma terre germanique, celle de mon deuxième pays, et aussi celle d’outre-Danube… J’en ai bien profité après ces années de disette: la Rhénanie, bien sûr, berceau familial, mais aussi la Baltique tant aimée à Rügen, les peintres fous de Worpswede, la vallée de l’Elbe en poussant jusqu’à Prague… Un stage de l’institut Goethe m’a offert, enfin, l’émerveillement de Berlin… Une résidence d’artiste m’a permis de déguster les fastes viennois… Mon projet autour de Rose Ausländer a encore ancré cet amour de la découverte.
Puis vint le Covid, et, à nouveau, l’immobilisme…

Et ce soir, en voyant revenir les voyageuses, j’ai pensé à toutes nos envies de liberté, de voyages, de routes, de sentes, de navires, de vols, d’envols…
Bientôt…


En attendant, sachons, comme nos sœurs du ciel, tournoyer en cercles infinis au-dessus des bonheurs du quotidien… Regardons le bourgeon, inspirons ce printemps, et regardons-nous, dans les yeux. Le masque ne nous prive pas de ce plaisir-là.

Des hirondelles dans le ciel d'Ajaccio un 29 février !

C’est le retour des hirondelles

C’est le retour des hirondelles

Les voilà reines du grand ciel

Elles passent et crient à perdre haleine

En cercles d’anges onyx ébène

Criblant mes soirs de perles noires

Elles tournent belles en mes espoirs

Derviches anciens à mes fenêtres

Comme autant d’âmes en disparaître

Le ciel soudain a goût d’immense

Envie de me jeter en vol

De tournoyer comme en enfance

En éternelle escarpolette

De devenir une escarbille

Comme étincelle d’un soleil

Qui partirait en matin d’or

Sur des sentiers couleur nuages

Leurs cris frissonnent en mes désirs

Je les envie les belles oiselles

Si libres en grâce d’absolu

Leurs arabesques giflant mes soirs

Sont ma kabbale et mon miroir

Nul ne saura jamais vraiment

Si je préfère obstinément

Bâtir nichée à mes enfants

Ou voler libre en crépuscule

Bien maladroite libellule

Que vienne enfin l’heure stellaire

Celle où s’aimeront nos deux lunes

Lorsque blottie contre ton ciel

Tu me diras ton hirondelle.

Peut être un gros plan

Estivales…Antisémitisme, musique, poésie, action…

Un été passé sur les traces de la poétesse allemande Rose Ausländer m’a quelque peu éloignée de mes briques roses…

Voici le projet de départ : En parallèle de l’écriture d’un roman autour de Rose Ausländer, j’avais imaginé la création d’un événement participatif en rédigeant une sorte de « journal de voyage », de Düsseldorf à Czernowitz (où je me rendrai dans un an), en passant par des lieux de mémoire juifs -Berlin, Vienne, où Rose a vécu, Prague, pour respirer l’air de la « Mitteleuropa », et en partageant sur « les réseaux sociaux » (Facebook, Twitter, Instagram) le récit et des photos et vidéos de ma quête, afin de sensibiliser aussi les jeunes publics à cette démarche, un peu à la manière de « Eva-stories » sur Instagram..

Tous les quinze jours, un cimetière juif est profané outre-Rhin… Ma démarche s’inscrit dans une actualté brûlante, car rien n’est acquis… Et les dérives des populismes, dans le monde entier, de Bolsonaro au Brésil à Salvini en Italie, m’amènenet à penser que j’ai raison de vouloir écrire au sujet de Rose…

https://www.tagesspiegel.de/politik/antisemitismus-in-deutschland-jede-zweite-woche-wird-ein-juedischer-friedhof-geschaendet/24865114.html

Le ministre des affaires étrangères Heiko Maas lui-même a récemment appelé à une extrême vigilance… Le rabbin Yehuda Teichtal, prsident du centre d’éducation juive Chabad de Berlin, a été en effet violemment agressé…

https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1564643189-allemagne-le-rabbin-yehuda-teichtal-agresse-a-berlin

Car quand un rabbin reçoit des insultes et des crachats, c’est toute la communauté juive allemande qui est visée, et toute l’Allemagne qui ressent honte et dégoût… Heiko Maas affirme que le pire serait l’indifférence face à ces actes ignobles, car c’est bien l’indifférence qui a amené à la Shoah…

https://www.juedische-allgemeine.de/politik/judenfeindlichkeit-ist-gift-fuer-unsere-gesellschaft/

Le réusmé anglais de mon projet:

Rose Ausländer

Rose Ausländer is a Jewish poet from Chernivtsi. Despite her encounter with the horrors of the Shoah, she believed that the power of the word would relay a message of hope to humanity, perfect example of resilience; as a survivor from the Holocaust she has translated her hope through her poetic words. In our time of terrorism and antisemitism, it’s important to share ways of resilience, and poetry can be an amazing way to trust in life again. I would like to write a novel about her, not a biography, but a kind of polysemic work, mixing translations of her texts and romanced story of her life, and parallel to this writing I will share this process on digital ways, reading some of her texts on videos, sharing pics and a diary of my European travel on social medias. I will meet Rose’s editor, a performer, a musician and members from the Jewish community in Berlin, Vienna and Prague…

Ce blog est à retrouver ici :

https://avecmavalisedesoieroseauslander.home.blog/

Voilà les liens vers les trois derniers articles :

** Dans « Un rossignol à Düsseldorf », j’ai relaté ma formidable rencontre avec le musicien Jan Rohlfing et son épouse, qui ont monté un projet de lecture musicale des textes de Rose.

Extraits :

Jetzt ist sie eine Nachtigall

Nacht um Nacht höre ich sie

im Garten meines schlaflosen Traumes…

**

Maintenant elle est un rossignol

Nuit après nuit je l’entends

dans le jardin de mon rêve dans sommeil…

Meine Nachtigall, mon rossignol

https://www.lyrikline.org/de/gedichte/meine-nachtigall-547

***

https://griot-verlag.de/rose-auslaender-wirf-deine-angst-in-die-luft.html

C’est autour d’un gâteau aux framboises et au müsli que Eva-Susanne Ruoff et Jan Rohlfing m’ont reçue le lendemain de mon arrivée à Düsseldorf, dans leur merveilleuse maison non loin de Ratingen, dont l’immense séjour accueille aussi des concerts privés.

(…)

La création de ce “Hörbuch” va d’ailleurs bien au-delà de la simple mise en musique des textes de Rose Ausländer, et c’est aussi ce qui transparaît à la fois lors des multiples concerts donné par l’orchestre de chambre portant le projet – composé de neuf musiciens – et dans le succès du CD; car on retrouve dans ce travail non seulement la modeste magnificence des textes de la poétesse, considérée en Allemagne comme l’une des voix majeures de la poésie du vingtième siècle, mais aussi tous ces thèmes d’une brûlante actualité que sont l’idée de la patrie, de l’identité et de la langue maternelle perdues, de l’exil, des réfugiés…

(…)

Chaque plage s’ouvre sur une lecture de texte, et le silence des pauses, si important pour que l’auditeur s’imprègne de l’anastomose entre lyrisme et musique, s’ouvre ensuite sur les compositions qui varient entre la profusion instrumentale de certains titres et le minimalisme d’autres plages plus épurées. Et l’on se sent transporté aux confins de la Mitteleuropa au rythme des accents yiddish rappelant des violons de Chagall, puis, dans le staccato new yorkais des cuivres et de la batterie, on plonge, au son des notes jazzy rappelant l’exil, dans l’humeur chaloupée de l’outre-atlantique avant de se recueillir dans l’atmosphère feutrée et mono instrumentale des textes tardifs de la poétesse, passant ainsi, au gré des arrangements de Jan Rohlfing, par les mille émotions procurées par cette vie d’artiste.

(…)

Si vous aimez la musique et la poésie, je vous invite à lire l’intégralité du texte en cliquant sur le lien plus haut et à découvrir cette aventure passionnante !

** Dans « Une journée particulière », j’ai raconté l’incroyable journée passée en compagnie de l’éditeur et ami de Rose, Helmut Braun, aujourd’hui en charge du fonds Ausländer et responsable de la Rose Ausländer Gesellschaft.

http://www.roseauslaender-gesellschaft.de/

Helmut m’a accueillie à Düsseldorf et a pris le temps de me montrer tous les lieux de mémoire autour de la vie de Rose, depuis la pension de famille où elle arriva en 1965 au cimetière où elle repose, en passant par la maison de retraite juive dans laquelle elle passa de longues années, grabataire mais toujours incroyablement active en écriture. J’ai pu aussi visiter une superbe exposition consacrée aux poèmes anglais de Rose et, le soir, assister à un concert autour de ces mêmes textes.

Extraits :

Le 12 juillet, en attendant Helmut Braun, j’ai pu tranquillement me plonger dans la superbe exposition consacrée par Helmut Braun aux regards croisés sur Rose Ausländer et sur la poétesse américaine Marianne Moore, entre lettres, images d’archives et textes traduits. Marianne Moore a joué un rôle essentiel lors du changement de style opéré par Rose Ausländer, de nombreux écrits en témoignent et évoquent les textes anglais de notre poétesse, préludes à son retour vers l’écriture en langue allemande après la césure du silence, conséquence de la Shoah. Le livre « Liebstes Fräulein Moore /Beautiful Rose », bien plus que le catalogue de cette exposition, riche et dense, dirigé par Helmut Braun, est disponible aux bien nommées éditions Rimbaud :

https://www.rimbaud.de/neuer.html#liebstesfraeuleinmoore

J’ai pu aussi découvrir les locaux de cette intéressante fondation consacrée au rayonnement et à la mémoire de la culture des anciens territoires de l’Est de l’Allemagne, ainsi que des territoires occupés par des Allemands dans l’Europe du Sud, et à toutes les personnes déplacées lors des grandes migrations autour des deux guerres mondiales.

(…)

Des mots bien différents de ses poèmes de jeunesse, orphelins des rimes et de l’enfance, ayant traversé l’Holocauste et les années d’exil et sans doute aussi influencés par « la » rencontre avec Paul Celan… En témoigne ce poème dont le titre est aussi celui du recueil rassemblant les œuvres de 1957 à 1963 :

Die Musik ist zerbrochen

In kalten Nächten wohnen wir

mit Maulwürfen und Igeln

im Bauch der Erde

In heißen Nächten

graben wir uns tiefer

in den Blutstrom des Wassers

Hier sind wir eingeklemmt zwischen Wurzeln

dort zwischen den Zähnen der Haifische

Im Himmel ist es nicht besser

Unstimmigkeiten verstimmen

die Orgel der Luft

die Musik ist zerbrochen

La musique est brisée

Dans de froides nuits nous vivons

avec des taupes et des hérissons

dans le ventre de la terre

Dans de froides nuits

nous nous enterrons plus profondément

dans le flux sanglant de l’eau

Ici nous sommes coincés entre des racines

là entre les dents des requins

Au ciel ce n’est pas mieux

des dissonances désaccordent

les orgues de l’air

la musique est brisée

Nous remontons en voiture. Je suis très émue de concrétiser le lien qui me lie à Rose depuis tant d’années en posant mon regard sur ce qui a été sa vie…

(…)

De 1972 à sa mort, en 1988, Rose demeurera donc en ce lieu assez spécifique, puisque d’une part magnifiquement situé, et d’autre part empreint d’une réelle philosophie de vie, comme en témoigne ce bel article que je vous invite à lire.

https://journals.openedition.org/tsafon/409?lang=fr#text

Certes, suite à des transformations, la chambre dans laquelle Rose séjourna, grabataire mais toujours active en écriture, n’existe plus, mais un petit salon porte encore son nom, et j’ai eu plaisir à marcher sous les frondaisons des arbres du Nordpark qu’elle affectionnait tant…

Le foyer Nelly Sachs, maison de retraite juive de Düsseldorf

(…)

J’aime infiniment les cimetières allemands, et celui-là ne déroge pas à la règle : paisible, ombragé par d’immenses arbres, on peut y flâner comme dans une forêt… Rose est morte le 3 janvier, le jour de mon anniversaire, en 1988… Elle repose parmi d’autres tombes juives, et je vais déposer un petit caillou sur la pierre tombale, la matzevah, selon la tradition hébraïque. Le caillou provient du Waldfriedhof de Duisbourg, dans lequel est enterré mon grand-père allemand… En accomplissant ce geste hautement symbolique au regard de mon histoire personnelle et de mon lien avec le judaïsme, j’ai l’impression qu’une boucle est bouclée…

La tombe de Rose, au Nordfriedhof

(…)

Pour découvrir plus précisément la vie de Rose, je vous renvoie donc vers cet article détaillé et illustré…(cliquer sur le lien plus haut!)

** Enfin, dans « Nausicaa, Rose Ausländer et Ai Weiwei: „Wo ist die Revolution“? (« Où est la révolution ? ») », j’ai thématisé ma rencontre avec l’artiste Ai Weiwei, au gré d’une monumentale exposition consacrée en partie à l’exil et aux Migrants, vue au K20 et au K21… J’ai été bouleversée par les passerelles entre le travail de ce dissident chinois et les écrits de Rose…

Extraits :

Nausikaa

Schilf und Zikadensilber

Schnuppen die Blaubucht entlang

Der Wandrer erwacht

Zersplitterte Sterne im Blick

Nausikaas Antlitz aus Tau

taucht auf

und spiegelt sich doppelt

in seinen Pupillen

Ihr Haar löst sich

von den Strähnen der Meteore

strömt nieder und schwemmt

die Jahrzehnte weg

Ihre Hand voll Muscheln und Meerschaum

lässt alles fallen

Sie sammelt das Meer

Gestirn und Gestade

und setzt sie zusammen

Sie sammelt den Fremden

Zelle um Zelle

und setzt ihn zusammen

Sie färbt die Erde

mit Nausikaa-Atem

hängt das Amulett

um Odysseus‘ Hals

und führt ihn zum Vater

im neugeschliffenen Weltall

Nausicaa

Le roseau et l’argent des cigales

Respirations le long de la baie bleue

Le randonneur s’éveille

des étoiles éparpillées dans le regard

Le visage tout en rosée de Nausicaa

émerge

et se reflète doublement

dans les pupilles du promeneur

Sa chevelure se détache

des écheveaux des météores

vogue vers les grands fonds et nage

le long des décennies

Sa main pleine de coquillages et d’écume de mer

laisse tout choir

Elle recueille la mer

les constellations et les rives

et les rassemble

Elle recueille l’étranger

cellule après cellule

et en fait un tout

Elle colorie la terre

avec le souffle de Nausicaa

accroche l’amulette

au cou d’Ulysse

et le conduit vers le père

dans l’univers remodelé

Rose Ausländer, de „Blinder Sommer“ (traduction Sabine Aussenac)

Ces quelques jours passés à Düsseldorf en compagnie de Rose sont aussi l’occasion d’accompagner mon fils dans la découverte de la région de son futur Master (il a obtenu une bourse Erasmus) et de voir quelques musées…

(…)

Ces saynettes rappellent l’arrestation, le 3 avril 2011, de l’artiste, et miment donc le regard d’un surveillant de prison sur les moments du terrible quotidien d’un prisonnier politique. Comment, pour moi, ne pas penser à la jeune Rose, rentrée des États-Unis où elle aurait pu librement demeurer, perdant d’ailleurs la nationalité américaine du fait de son séjour à nouveau hors des USA,  pour revenir en Bucovine, aux côtés de sa mère, et croupissant ensuite durant de longues années dans le ghetto de Czernowitz, en partie cachée dans une cave…

Photo de l’exposition S.A.C.R.E.D

(…)

En parcourant les différentes salles, une émotion submerge le visiteur, avec cette évidence de l’Universel qui si souvent vient percuter l’individu, le briser, lui, fétu de paille malmené par les dictatures ou les colères de la terre, et c’est bien la voie et la voix de l’art que de dénoncer malversations, injustices et brisures…

Certes, le poing levé d’Ai Weiwei et ses doigts d’honneur devant différents monuments du monde peuvent sembler bien loin des murmures poétiques de Rose Ausländer, qui jamais ne « s’engagea » réellement politiquement, tout en thématisant tant de fois la césure de la Shoah… Mais jamais le lecteur ne se trouve non plus dans la mouvance parnassienne de l’art pour l’art, tant les passerelles vers le monde et les hommes, leurs souffrances et leurs malheurs, sont nombreuses…

Performance frondeuse de l’artiste…

(…)

Je fais lentement le tour de ce navire, lisant attentivement des citations inscrites sous la poupe et la proue, dont les mots évoquent les dangers et les aléas de ces exils, pensant bien sûr aux naufragés de mon cher Exodus… C’est bien le livre de Leon Uris, relatant l’épopée tragique de ses passagers, que mon grand-père allemand, qui avait fait le Front de l’Est, m’avait offert l’année de mes treize ans, avant que je ne plonge à mon tour dans l’histoire tourmentée de mes ancêtres… Cet Exodus dont j’ai bien des fois admiré la plaque commémorative à Sète… Et je songe aussi aux transatlantiques empruntés par notre Rose lors de ses allers-retours entre l’Europe et son exil…

Un enfant du camp d’Idomeni, en Grèce…

(…)

Il faut lire le texte entier pour se plonger dans l’univers démesuré d’Ai Weiwei et découvrir les incroyables similitudes entre les destinées des exilés…(Il suffit de cliquer sur le lien en haut du pragraphe…)

Lien vers kes photos de l’exposition

Je mettrai d’autres textes en ligne au fil de mon travail de recherches, tout en continuant à écrire, bien sûr, sur d’autres sujets…

Une merveilleuse fin d’été à toutes les lectrices et à tous les lecteurs qui passeront sur ce blog…

Dame Garonne…

Cézanne, ouvre-toi !

Cet éclat de lune qui me baigne de joie. Ne jamais l’échanger contre un néon sordide.

Se souvenir de l’âpreté des vents, des houppelandes grises où grelottaient nos rêves. Blottis en laine feutrée, ils attendent leurs printemps.

Bien sûr il faudra se soumettre. Et puis s’alimenter, raison garder, louvoyer en eaux troubles. Mais nous ne baisserons pas la garde de nos avenirs.

Aquarelliste, dentellière, allumeuse de réverbères, souffleur de verre : il n’y a pas de sot métier !

Ne jamais renoncer au Beau. Décréter la laideur hors-la-loi : nous deviendrons chasseurs de rimes.

Cercles chamaniques des promesses tenues. Ne pas abjurer notre foi aux mots ; prendre la clé des chants.

Rester l’étudiant russe et la danseuse, ne pas devenir la ménagère et le banquier. Oser ne jamais pénétrer dans un lotissement.

Les soirs bleus d’été respirer les foins lointains et aimer l’hirondelle. Se faire Compostelle : nous sommes notre but à défaut de chemin.

Rêver nos vies toujours ; et veiller aux chandelles : seul celui qui connaît la nuit deviendra rossignol.

L’indécence n’est pas d’être riche ; il n’est pas interdit de préférer le luxe à la misère. Ne pas oublier de partager les soleils.

Aimer la pluie avant qu’elle ne tombe, et la chaleur de l’arc-en-ciel ; s’enhardir en bord de nuit, jusqu’aux mystères d’Eleusis.

Trouver belle celle qui a enfanté et qui est devenue terre et mère ; aimer celui qui a parcouru ses mondes : le printemps est de soie mais l’automne est velours.

Bannir les sordides et ensemencer nos âmes de sublimes ; vivre comme si la mer était à nos portes, en terre océane. Cézanne, ouvre-toi !

(Sabine Aussenac)

Bon anniversaire, Anne Frank !

« Je réalise à l’instant que le courage et la joie sont deux facteurs vitaux.»

/https://www.annefrank.org/en/anne-frank/who-was-anne-frank/qui-etait-anne-frank/

Tu as été mon premier livre « d’adulte »… Je devais avoir moins de 10 ans, mais déjà un accès illimité à l’immense bibliothèque parentale, dans le bureau de mon père, celle des livres de poche…

Est-ce la photo qui m’attira, avec ce quadrillage de cahier d’écolière ? Dès les premières minutes de lecture, je ne t’ai plus quittée… Aujourd’hui, petite Anne, tu aurais eu 90 ans, en ce 12 juin 2019. Tu serais sans aucun doute devenue une vieille dame malicieuse et délicieuse, résiliente et engagée. Je ne pouvais que te rendre hommage, et t’associer à mon projet de roman autour de Rose Ausländer, elle aussi victime de la Shoah.

« Les gens libres ne pourraient jamais concevoir ce que les livres représentent pour les gens cachés. Des livres, encore des livres, et la radio – c’est toute notre distraction. »

Car tu as bien été, Anne, ma marraine en écriture. Certes, depuis ma toute première lecture seule de « Suzy sur la glace » et cette rédaction où, vers 7 ans, je déclarai déjà vouloir écrire comme Andersen dont j’adorais les contes, je savais que les mots guideraient mes chemins. Mais en découvrant ta plume alerte et profonde, sombre et lumineuse, ta plume d’enfant et d’adolescente rêveuse et rebelle, je compris que je pourrais, moi non plus, jamais me taire face aux bouleversements du monde et aux injustices de la vie.

Ton journal, Anne, m’a donc ouverte à la fois à l’écriture et à la césure de la Shoah. Et lorsque, quelques années plus tard, mon grand-père allemand, qui avait fait, dans la Wehrmacht, la campagne de Russie, m’a tendu « Exodus », le livre de Leon Uris, en allemand, que j’ai là aussi dévoré d’un trait, à 13 ans, j’ai su que ma vie durant je porterais cet héritage, semelles de plomb lestant la légèreté de mon bilinguisme et de ma double culture franco-allemande dont je suis si fière…

L’autre côté de moi

L’autre côté de moi sur la rive rhénane. Mes étés ont aussi des couleurs de houblon.

Immensité d’un ciel changeant, exotique rhubarbe. Mon Allemagne, le Brunnen du grand parc, pain noir du bonheur.

Plus tard, les charniers.

Il me tend « Exodus » et mille étoiles jaunes. L’homme de ma vie fait de moi la diseuse.

Lettres du front de l’est de mon grand-père, et l’odeur de gazon coupé.

Mon Allemagne, entre chevreuils et cendres.

La rencontre, toute vie est rencontre, et te rencontrer, Anne, a donné sens et impulsion à ma vie. Longtemps, d’ailleurs, tu as été « ma seule amie »… Un peu différente, très solitaire, plus âgée que mes frères et sœur et engoncée dans un corps trop lourd, j’étais aussi souvent la risée de mes camarades, car vêtue parfois de tenues traditionnelles allemandes ou encombrée d’un goûter au pain noir, bien étrange collation face aux viennoiseries françaises… Combien de fois m’a-t-on, dans la cour de joyeuse de ma chère école publique Colonel Teyssier, à Albi, donné du « Hitler » et du « Bouboule », les deux insultes se confondant en un harcèlement quotidien et lassant… 

Mais qu’étaient ces moqueries face à ce que tu avais, toi, Anne, vécu, cachée dans cette Annexe de longues années durant, livrée à tes peurs, à la faim, à la solitude ?

« A partir de mai 1940, c’en était fini du bon temps, d’abord la guerre, la capitulation, l’entrée des Allemands, et nos misères, à nous les juifs, ont commencé. Les lois antijuives se sont succédé sans interruption et notre liberté de mouvement fut de plus en plus restreinte. Les juifs doivent porter l’étoile jaune ; les juifs doivent rendre leurs vélos, les juifs n’ont pas le droit de prendre le tram ; les juifs n’ont pas le droit de circuler en autobus, ni même dans une voiture particulière ; les juifs ne peuvent faire leurs courses que de trois heures à cinq heures, les juifs ne peuvent aller que chez un coiffeur juif ; les juifs n’ont pas le droit de sortir dans la rue de huit heures du soir à six heures du matin ; les juifs n’ont pas le droit de fréquenter les théâtres, les cinémas et autres lieux de divertissement ; les juifs n’ont pas le droit d’aller à la piscine, ou de jouer au tennis, au hockey ou à d’autres sports ; les juifs n’ont pas le droit de faire de l’aviron ; les juifs ne peuvent pratiquer aucune sorte de sport en public. Les juifs n’ont plus le droit de se tenir dans un jardin chez eux ou chez des amis après huit heures du soir ; les juifs n’ont pas le droit d’entrer chez des chrétiens ; les juifs doivent fréquenter des écoles juives, et ainsi de suite, voilà comment nous vivotions et il nous était interdit de faire ceci ou de faire cela. »

Et encore, là, Anne, tu parlais du passé, lorsque tu n’étais pas encore recluse dans l’Annexe…

J’avais presque honte de mes propres souffrances, et j’ai très tôt commencé, moi aussi, un journal, qui t’était adressé… Et, surtout, je t’ai lue, relue, en tous sens, laissant ton cahier ouvert sur ma table de chevet, sur mon bureau… Tu m’as accompagnée, ma vie durant.

« J’ai envie d’écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j’ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d’un tas de choses. Le papier a plus de patience que les gens. »

Tu m’a appris le courage. Celui de faire face à l’innommable, à la barbarie, de ne jamais céder aux pressions, de toujours savoir dire non. Tu t’es, très jeune, battue contre une mère que tu pensais non aimante, puis contre les règles terrifiantes qui régnaient dans le microcosme de votre cachette. J’ai tenté, moi aussi, de m’élever contre les tyrannies, familiales parfois, professionnelles souvent, sociétales toujours, et d’apprendre à mes enfants et à mes élèves ce devoir d’insolence.

« Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. Je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort ! Et c’est pourquoi je suis si reconnaissante à Dieu de m’avoir donné à la naissance une possibilité de me développer et d’écrire, et donc d’exprimer tout ce qu’il y a en moi ! En écrivant je peux tout consigner, mes pensées, mes idéaux et les fruits de mon imagination. »

Tu m’a offert l’obstination. Celle qui t’a permis de résister à ces années de plomb, qui t’a donné cette force incroyable de ne pas plier devant l’adversité, lorsque tu savais lever les yeux pour apercevoir un pan de ciel bleu au milieu de ces noirceurs. C’est à toi que j’ai pensé lors des interminables années de mon divorce et de mon enfer social, ou en repassant un grand nombre de fois l’agrégation. Tu n’aurais pas, toi non plus, baissé les bras.

« Une fois, je descendis toute seule pour regarder par la fenêtre du Bureau privé et celle de la cuisine. Beaucoup de gens trouvent la nature belle, beaucoup passent parfois la nuit à la belle étoile, ceux des prisons et des hôpitaux attendent le jour où ils pourront à nouveau jouir du grand air mais il y en a peu qui soient comme nous cloîtrés et isolés avec leur nostalgie de ce qui est accessible aux pauvres comme aux riches.

Regarder le ciel, les nuages, la lune et les étoiles m’apaise et me rend l’espoir, ce n’est vraiment pas de l’imagination. C’est un remède bien meilleur que la valériane et le bromure. La nature me rend humble, et me prépare à supporter tous les coups avec courage. »

Tu m’as légué l’espérance. Cette faculté si précieuse de ne pas se laisser démonter par les coups du sort, cette capacité que tu avais de penser que la guerre se terminerait et que tu redeviendrais un jour la jeune fille insouciante qui pensait aux garçons et au cinéma. C’est de toi que je tiens cette force et cet amour de la vie qui, au plus profond de mes tourments, m’a permis de toujours me lever avec la joie de vivre chevillée au corps et avec cette absolue persuasion que les hommes peuvent être bons et vivre ensemble malgré mille différences. 

« Je crois malgré tout que dans le fond de leur cœur, les hommes ne sont pas méchants.»

Tu m’a guidée ainsi en allégresse. Toi, petite Anne, prisonnière d’un destin implacable, morte dans les atroces tourments des Camps d’extermination à quelques semaines de l’arrivée des Alliés, tu as été, pourtant, ma lumière. Car ta voix, si puissante, si enjouée, si guillerette malgré les certitudes de la barbarie, m’a insufflé ce goût des mots et de la vie.

« Faire du vélo, aller danser, pouvoir siffler, regarder le monde, me sentir jeune et libre : j’ai soif et faim de tout ça et il me faut tout faire pour m’en cacher ».

Je t’en remercie.

« C’est un vrai miracle que je n’ai pas abandonné tous mes espoirs, car ils semblent absurdes et irréalisables. Néanmoins, je les garde car je crois encore à la bonté innée des hommes. Il m’est absolument impossible de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion, je vois comment le monde se transforme lentement en un désert, j’entends plus fort le grondement du tonnerre qui approche et qui nous tuera, nous aussi, je ressens la souffrance de millions de personnes et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que tout finira par s’arranger, que cette brutalité aura une fin, que le calme et la paix reviendront régner sur le monde. »

Et c’est naturellement toi qui as porté tous mes engagements autour du « devoir de mémoire », avec l’assurance que je me devais d’être une « passeuse », une « veilleuse », malgré les moqueries parfois (« toi, encore avec tes juifs…t’en as pas marre, à force, de la Shoah ? » ), malgré la lassitude souvent, comme après les attentats de Toulouse et la mort d’enfants juifs, encore et toujours, au cœur de la ville rose, en 2012, car toujours nous devrons rester debout, nous, les « survivants » de la génération d’après, ayant encore entendu la voix de ceux qui sont revenus des Camps, afin de transmettre le flambeau de l’Indicible.

Tu as été une petite fille heureuse, une adolescente cloîtrée mais combative, puis tu es devenue une étoile, une icône, un modèle. Tu incarnes encore aujourd’hui le destin des millions d’enfants broyés par le génocide, et ta joie de vivre a été celle de toutes les petites filles emportées dans des trains, depuis le Vel d’Hiv jusqu’en Pologne, depuis toutes les rafles sévissant dans notre Europe dévastée et soudain privées de leur destinée, de leur allégresse, de leur vie. Tu incarnes aussi, à mes yeux, le destin de toutes les victimes de toutes les guerres, tu pourrais écrire ton journal dans les ruines d’Alep ou depuis un sombre équipage empli de Migrants…

C’est pourquoi je te confie, petite Anne, le destin de «notre Rose », puisque j’ai toujours ce philosémitisme et l’amour des mots chevillés au corps et que je souhaite raconter l’histoire d’une autre passeuse de mots, la poétesse Rose Ausländer… Tout est lié, dans la ronde des destins brisés et des mots perdus, puis retrouvés, car je souhaite faire connaître l’extraordinaire talent de Rose à un vaste public, pensant plus que jamais que la poésie peut sauver le monde.

« Il est absolument impossible de construire sur une base de mort, de misère et de confusion. »

C’est pourquoi, Anne, tu m’accompagnes aujourd’hui plus que jamais dans mon propre voyage… Et vous, chers lecteurs, je vous invite donc à nous rejoindre, en allégresse et mémoire, auprès de Anne et de Rose…

https://fr.ulule.com/voyage-auslander/