Je veux marcher sur un chemin de clarté…Rencontre avec Malicorne

Je veux marcher sur un chemin de clarté…

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https://www.youtube.com/watch?v=GzsWl55tlRo

Je vous parle d’un temps où nous vivions sur de grands coussins de patchwork, à même le sol. On buvait du thé au jasmin en fumant de l’herbe bleue, nos aînés avaient ouvert la voie et nous nous rêvions, nous aussi, libertaires et contestataires. Certes, les grillons de Woodstock s’étaient tus, et les Vieilles Charrues n’existaient pas encore. Nous ne luttions plus contre la guerre de Vietnam mais contre des réformes, nos pattes d’eph’ courant devant des hordes de CRS…

Je me souviens de ce petit appartement sous les combles, le soleil de la Ville Rose nous brûlait déjà, avant l’invention du mot « canicule »…L’hiver, nous nous chauffions grâce à un poêle à charbon, et j’utilisais un moulin à café manuel pour moudre de gros grains de robusta, innocente jeune femme qui ne savait pas encore qu’un jour elle rêverait de Nespresso…

http://www.oasisdesartistes.org/modules/newbbex/viewtopic.php?topic_id=55162&forum=2

Allongés sur les grands coussins, nous écoutions nos vinyles : Dylan et son « Ouragan », Led Zep’ et ses « marches vers le paradis », et puis « Harvest » bien sûr, cette grande pochette jaune et le disque dont je connaissais chaque sillon…Mais il y avait aussi des voix françaises, entre les accents jazzy et « toulousaings » de Claude, les délires éraillés de Jacques, les douceurs québécoises de Robert et Fabienne, les soirées d’anarchie avec Léo et Jean, et, bien sûr, les émouvantes complaintes de Gabriel et Marie, nos amis de Malicorne

https://www.youtube.com/watch?v=eYW4Wx7sK3o

Elle nous enchantait, la viole d’amour, et puis bien avant You Tube et les vidéos où, aujourd’hui, nos enfants peuvent sourire devant les gilets de grand-père et les cheveux au vent, nous, nous les imaginions, puisque nous n’avions pas la téloche-d’ailleurs, y passaient-ils ??- nous les rêvions, nos amis de Malicorne, engrangeant leurs chansons qui parlaient de révolte et de vie, de destins et d’amours, de cette France d’antan qui justement nous faisait tourner la tête, nous qui étions des écolos de la première heure –oui, j’ai été sur la première liste verte de Toulouse, contre mon cher Dominique !- J’écrivais mon mémoire de maîtrise sur les « alternatifs allemands », je me faisais envoyer des autocollants anti-nucléaires, et puis nous achetions des graines de sésame au marché du Capitole, et je pense avoir porté les premiers Birkenstocks de la Ville Rose…

Nous aimions les « flutiaux », la viole et ce folk français qui virevoltait au rythme de nos insouciances et de nos engagements. Ils étaient compagnons fidèles, certitudes et ancrages. L’alouette, le loup, le renard et la belette, le bestiaire et les gibets, les mariages et les quolibets, tous ces airs d’autrefois tourbillonnaient, alors qu’ailleurs d’autres se trémoussaient au son du disco ou commençaient à se percer les narines en coupant raides leurs cheveux en mal de punkitude…

https://www.youtube.com/watch?v=kTOTt7aPA60&list=PLjM6eEYKpVS2vwu9S9POpEpigMZPI9B8s

C’est si loin. La vie, une vie a passé. J’en ai écouté tellement d’autres, des chansons, il y a eu les cassettes, les walkman, les CD, et puis Deezer. Il me reste, de cette époque, oui, une étagère de disques, mais sans platine…Un peu comme pour mes illusions : j’en ai de pleines armoires, mais sans réalisations…La vie, la vie a passé. Avec ses déboires, ses échecs, ses routes erratiques, en amour comme en politique. J’ai même fini par voter à droite, et, somme toute, je n’en ai pas honte…Un jour, la fille qui voulait devenir journaliste en Californie et écrivain à NY s’est évaporée et est devenue une vieille prof réac, engluée dans les affres de l’éducation nationale…

Mais quand on m’a dit que Malicorne serait de la partie, à Pause Guitare 2015, et que je pourrais même les interviewer, j’ai foncé…Ils m’attendaient, Marie et Gabriel, elle, toute juvénile dans sa robe fleurie, lui un petit air de Rockstar avec ses grandes lunettes fumées…Ils m’ont dit leur joie de tourner à nouveau, après les nombreuses désalliances ; ils m’ont dit la mésalliance à laquelle le FN, oui, le FN avait voulu les associer, puisqu’ils ont été approchés par ces incultes en raison de leur répertoire de vieux fonds « françois » ; ils m’ont dit la résilience, l’allégresse de se retrouver face au public qui, s’il a changé, demeure fidèle, comme l’a prouvé leur immense succès aux « Francos » de 2010, quand ils ont compris que personne ne les avait oubliés…

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Leur conscience est sociale plus que politique ; elle est passée par eux aussi, la vie. Il suffit de lire l’article Wikipédia qui leur est consacré pour lire les aléas et les détours, mais il suffit aussi de les voir sur scène, et c’est un bonheur qui m’a été accordé, pour sentir ce petit frisson en écho à la multiplicité de leurs talents polychromes.

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Elle est belle, Marie, en blanc vêtue comme une mariée d’antan, sautillant sur la scène, tambourin à la main, comme une oiselle de vingt ans ; et Gabriel, quand il déclame ses textes, son magnifique visage buriné éclairé par cette lumière intérieure, au milieu du chorus de leurs musiciens et chanteurs qui, comme autrefois, font éclore des sons innovants depuis des instruments de toujours, il est cet archange qui sait chanter le monde.

Et quand il chante, Gabriel, qu’il avancera dans la beauté, et que tout finira dans la clarté, on le croit. Nous aussi, on la voit, on la chante, on l’appelle, la beauté « devant moi derrière moi au-dessous et en-dessous beauté tout autour », nous aussi on veut « marcher sur un chemin de clarté. »

Pour ce seul instant de ce seul concert, je suis immensément reconnaissante.

http://www.gabrielyacoub.com/fr/disque/titre.php?idTitre=58

« j’avancerai dans la beauté j’avancerai dans la beauté

beauté devant moi beauté derrière moi

beauté au-dessus et en dessous de moi beauté tout autour

dans mon vieil âge je veux marcher sur un chemin de beauté

 

tout finira dans la clarté tout finira dans la clarté

bonheur devant moi bonheur derrière moi

bonheur au-dessus et en dessous de moi bonheur tout autour

dans mon vieil âge je veux marcher sur un chemin de clarté »

https://www.youtube.com/watch?v=fT3F_RBqTdM

https://www.youtube.com/watch?v=6Xuqh8omjyQ

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Je vous invite à visiter, d’ailleurs, le beau site intéressant de Gabriel Yacoub…

http://www.gabrielyacoub.com/fr/boites.php

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http://www.oasisdesartistes.org/modules/newbbex/viewtopic.php?topic_id=55276&forum=2

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La poésie, c’est la chanson sous la guitare…Rencontre avec Zachary Richard

La poésie, c’est la chanson sous la guitare

 

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http://www.zacharyrichard.com/francais/home.php

Vous le connaissez tous. Certes, les plus jeunes d’entre nous, les enfants de l’Ancien Monde, de la vieille France, n’ont peut-être pas entendu souvent cette chanson ; mais moi, je me souviens de mon coup de cœur absolu pour cette voix aux tessitures multiples, pour cet accent rocailleux, et pour la poésie fabuleusement humaniste de ce standard qui nous a longtemps bercés…

Alors vous pensez bien que quand le service de communication de Pause Guitare m’a tout simplement envoyé le numéro de téléphone de MONSIEUR Zachary Richard à Montréal, pour un « phoner », comme disent nos anglophones québécois, mon sang n’a fait qu’un tour.

Quelle simplicité ce fut que de mener cette belle « jasette » à bâtons rompus, comme si nous nous nous étions toujours connus…Il m’en a dites, des vérités, des simplicités, des évidences, et plus encore lors de notre entrevue avant son concert albigeois, m’invitant même gentiment à partager le souper de sa joyeuse drille de musiciens déjantés. Certes, quelques cheveux d’argent volent autour des paroles enchantées, mais cette belle âme a grandi au fil de ses apprentissages, et le personnage, loin de se contenter des certitudes d’un artiste, s’est enrichi de nombreux nouveaux défis.

Et puis il y a eu le doux regard de la pétillante Claude, son infatigable manageuse et compagne, et cette certitude : rencontrer Zachary Richard ne laisse personne indifférent.

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C’est cette langue imagée et forte qui frappe de prime abord, la même que celle des textes de ses chansons et poèmes. Les images percutantes font écho à ces « r » qui roulent comme le roulis des océans, et j’entends dans les mots tous les siècles de notre histoire commune. Zachary me parle avec ferveur de notre Sud-Ouest, et explique que si, en France, tout est différent, les tournesols et le soleil lui tiennent particulièrement à cœur ; il évoquera l’amitié qui le lie à notre Francis, quand d’Astafort à la Nouvelle-Orléans meurtrie, un pont de solidarités musicales aidera à panser les plaies du bayou.

C’est dans ce beau pays du Sud des États-Unis qu’il vivra son premier souvenir musical ;  parfois il allait, lui, l’enfant unique, avec son jeune voisin issu d’une famille de dix-huit enfants, écouter la musique chez les « créoles » ; ses yeux brillent à l’évocation de ces deux jeunes « chatons » émerveillés par l’allégresse de ces sons authentiques et joyeux. Cette musique source vive, cette musique capable de chanter le coton, le bayou et les inégalités, cette musique qui des souffrances crée de la joie, elle deviendra sa raison d’exister.

Il va m’en parler, de cette Louisiane –appuyer sur le « i » !-, et bien sûr de son Acadie, que je découvrirai avec délices tout au long de Pause Guitare

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2015/07/11/tous-les-acadiens-toutes-les-acadiennes/

Il évoquera l’origine du mot « cadien », prononcé « cajun » en Louisiane, me parlera des deux pistes étymologiques, entre cette « Arcadie » grecque et l’autre origine linguistique, qui viendrait de la langue des indiens Micmacs et signifie « terre fertile »…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Micmacs

Car pour Zachary Richard, l’Acadie représente à la fois un élément fondateur des Amériques et un symbole de la francophonie, une sorte de passerelle entre l’ancien et le nouveau monde ; en parlant des nombreux vestiges historiques qu’on est en train de mettre à jour, le chanteur poétise l’espace incroyable de ce territoire qui n’est ni pays ni peuple, métissé dans ses frontières et pérenne dans cet appétit de survivance et de reconnaissance. Notre ami est aussi un lecteur, et il a dévoré les ouvrages de l’historien Gilles Havard :

 http://www.amazon.fr/Histoire-lAm%C3%A9rique-fran%C3%A7aise-Gilles-Havard/dp/2082100456

Car en cette immense terre acadienne, trop longtemps boudée par les chercheurs, qui s’étire du Saint-Laurent à l’Acadie tropicale et jusqu’en outre-Atlantique, avec les exilés de Belle-Ile ou de Saint-Malo, bat le cœur de la francophonie si chère à Zachary, cette francophonie qu’il avait si bien chantée dans Réveille

Mon grand-grand-grand père

Est venu de la Bretagne,

Le sang de ma famille

Est mouillé l’Acadie.

Et là les maudits viennent

Nous chasser comme des bêtes,

Détruire les familles,

Nous jeter tous au vent.

Lui qui avait grandi au milieu des influences souvent contraires de deux cultures, entre le rêve américain et les airs joués par les radios et la télévision et les racines européennes familiales, puisque ses grands-parents étaient de la dernière génération unilingue francophone de la Louisiane, lui qui a compris très tôt l’humiliation subie par sa culture minoritaire, va un jour se faire le chantre de cette notion de résistance. Sa Louisiane sera aussi son combat, afin que la langue des ancêtres ne se perde pas dans l’uniformité de l’anglicisation forcée, afin que le « cajun » devienne l’un des symboles de la francophonie.

Ma Louisiane

Oublie voir pas qu’on est Cadien,

Mes chers garçons et mes chères petites filles.

On était en Louisiane avant les Américains,

On sera ici quand ils seront partis.

Ton papa et ta mama étaient chassés de l’Acadie,

Pour le grand crime d’être Cadien.

Mais ils ont trouvé un beau pays,

Merci, Bon Dieu, pour la Louisiane.

Jamais Zachary ne perd le fil de cette résistance qui va de pair avec le fait de vivre en milieu minoritaire, quand on est bousculé par la notion que l’Autre vous inculque : vous seriez de culture inférieure…Car même au Québec, cette tendance à l’infériorisation n’est jamais bien loin, alors même que les chiffres sont impressionnants : imaginez donc que ce sont bien 33 millions de francophones, la moitié de la population française, qui vivent sur le continent nord-américain, et Zachary insiste sur cette évidence identitaire qui fait de la francophonie à travers le monde une polyphonie plurielle et unique que Léopold Sedar Senghor résumait ainsi : « L’humanisme se tisse autour de la terre. »

Longtemps, Zachary Richard en a presque voulu aux Français de bouder quelque peu la francophonie, de ne pas comprendre tous les enjeux de cette belle présence à préserver.  Il s’imaginait en sauveur de la langue française, et il est vrai que son interprétation de Réveille au premier Congrès mondial acadien à Shédiac, en 1994, avait marqué les esprits ! Mais en même temps, il affirme qu’aucune chanson ne doit se faire propagande…

Pourtant, il est le veilleur, le prophète, le diseur :

 

Et sans vouloir interférer dans les politiques des hommes, la passion dont il fait preuve dans ses récits est malgré tout aussi contagieuse que les airs entraînants de ses chansons : elle sait se faire entendre ; car Zachary n’a pas sa langue dans sa poche, et, s’il m’explique que la Louisiane a su panser les plaies laissées par Katrina, il demeure aussi persuadé que nous sommes à l’orée d’un désastre écologique majeur. Les 800 millions de litres de pétrole déversés dans le golfe du Mexique laisseront des séquelles pour plusieurs générations, puisque la marée noire n’a pas seulement souillé les faunes et flores locales, mais a exporté au fin fond des Amériques ses effluves de mort, via les migrateurs et les courants…Sa chanson Le Fou nous appelle à agir, « tous ensemble, ensemble tous »…

C’était le 20 avril,

Dans le tranché de Macondo.

J’ai entendu crier,

Et j’ai vu l’explosion.

Le tour s’est effondré,

À la perte de beaucoup de vie.

Et depuis la marée noire

N’arrête pas de s’étirer.

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2015/04/17/001-explosion-deepwater-horizon-zachary-richard-louisiane-consequences-deversement.shtml

Zachary me la raconte, sa Louisiane meurtrie, et, moi qui depuis mon enfance me rêve à Tara, ayant même appelé ma cadette Scarlett, je le vois et je l’entends, le bayou martyrisé…

http://www.zacharyrichard.com/lyrics/crissurlebayou.html

Comme si c’est trop tard,

Comme si la bataille était perdue,

Tout le monde proche de

S’retourner de bord et

Courir se cacher dans le grand bois.

Comme si aucune graine

Poussait dans cette terre

Sèche et poussiéreuse

Et que la Saint-Médard s’annonçait

Sans pitié.

Comme si rien

Même bien amarré

Pouvait résister

De se faire garocher

D’un bord à l’autre

Dans ce vent grand comme

Le Plus Gros Ouragan.

Car Zachary me parle de cette double contrainte effrayante et insoluble à laquelle sont confrontés les habitants de la Louisiane, enchaînés qu’ils sont financièrement à l’industrie pétrolière qui les nourrit tout en les dévastant, beaucoup s’estimant pris « entre l’arbre et l’écorce », nombreux étant aussi ceux qui ont « pactisé avec l’ennemi » en acceptant de belles sommes pour devenir nettoyeurs de goudron en abandonnant la pêche ; il paraîtrait même que certains rêveraient d’une nouvelle marée noire…Et pourtant la chaîne alimentaire suffoque sous les séquelles, tandis que l’érosion côtière gagne du terrain. D’une part, l’économie de la Louisiane demeure attachée au prix du baril du pétrole, de l’autre, le littoral se rétracte à un rythme effrayant, les digues n’offrant plus de protection devant les ouragans qui menacent, l’écosystème étant devenu aussi fou que le climat…Et dans le Nouveau-Brunswick, l’autre partie de l’Acadie, nombreux sont aussi les clairvoyants qui tirent la sonnette d’alarme…

http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/444425/port-petrolier-a-belledune-offensive-juridique-des-micmacs

Zachary le martèle, en écho aux Hubert Reeves, Pierre Rabbi et autres défenseurs de notre terre : la question n’est pas de savoir si une catastrophe majeure se produira, mais quand elle arrivera…En l’entendant, je repense à la « force des mots-tocsin » de Maïakovski, le poète russe…Et toujours et encore c’est l’émotion qui se dégage de ses paroles et de nos échanges, cette émotion qui transparaît dans chacun de ses mots, à l’image de sa sensibilité artistique, toujours à fleur de peau, et de sa carapace d’homme, fragile comme de la soie et solide comme son destin de conteur et de chantre ; il parle de son vécu, et peu à peu se tisse autour de la confidence ce lien ténu qui va au-delà des tempos du concert, ce lien de la parole.

Car en peu France le savent, pourtant Zachary Richard, qui a plus d’une corde à son arc puisqu’il a aussi écrit des albums pour enfants et réalisé de remarquables documentaires autour des migrateurs et de l’histoire acadienne, est aussi un poète reconnu, qui a publié cette année Outre le Mont, son quatrième opus de poésie.

http://www.zacharyrichard.com/francais/poesie.php

Il me citera Arthur H qui, lui aussi, mêle dans ses œuvres musicalité et jeux des mots vivants,  et me l’affirme :

« La poésie, c’est la chanson sous la guitare… »

Certes, la poésie a mauvaise réputation, réputée élitiste, ardue, dépassée…Mais les nouvelles technologies permettent d’extraordinaires partages dans l’oralité, une oralité chère au chanteur qui nous offre des lectures percutantes de ces textes, permettant ainsi à sa poésie d’être entendue, et pas simplement lue en son for intérieur.  Il faut l’entendre déchirer le silence, cette voix de Bretonneux des siècles passés, quand elle nous parle en vers, en haïkus ou en liberté, musicale et émouvante…Dans les poésies de Zachary passent des moiteurs et des vertiges, des rêves et des hanches à caresser, on y sent battre le cœur des hommes et celui d’une terre…

http://www.zacharyrichard.com/lyrics/bebecreole.html

http://www.zacharyrichard.com/lyrics/Ce_vieux_reve_use.html

Car musique et poésie sont une seule et même chose, et la poésie lui semble un port d’attache, dit-il en citant Yeats et la force de son écriture…Son premier maître aura été Gary Snyder, l’autre grand chantre de la beat generation avec Allen Ginsberg, qui enseignera   son premier mantra à Zachary : après une enfance catholique, il pratique le bouddhisme depuis plusieurs décennies.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gary_Snyder

Mais, si vous n’êtes pas capable de montrer
ces vallées et ces montagnes
pour ce qu’elles sont,

qui pourra,
vous amener à percevoir que vous êtes ces vallées et ces montagnes ?

Gary Snyder, Montagnes et Rivières sans fin

Cependant, il a beau méditer durant des heures, c’est bien à travers la musique que lui vient l’éveil, l’illumination, et j’en aurai la confirmation en le voyant, lui, le taiseux qui, lors du souper, intériorisait ses émotions avant le concert, soudain se transformer en comète ! Il me l’avait dit, qu’une seule scène lui apportait davantage que des heures de zazen, et le swing absolu qu’il a offert au public albigeois ne l’a pas contredit…La tête, affirme-t-il, est là pour le rêve, le cœur pour sentir, et les pieds pour danser, et la musique aussi devient une forme de spiritualité, quand l’art se fait relation aux autres, altruisme, tout en étant aussi garde-fou, soulagement devant les brisures du monde.

Ce soir-là, à Albi, dans le magnifique théâtre de la Scène Nationale, nous avons d’ailleurs frôlé le drame : Zachary avait perdu son accordéon, son célèbre accordéon, indispensable à son spectacle, perdu entre Montréal, le Maroc et la Ville Rose, et le chanteur était prêt à aller en découdre avec les autorités aéroportuaires pour retrouver son bébé…L’accordéon diatonique, lui-même pont entre les cultures, introduit par un juif allemand dans cette musique de « violoneux » des bayous, sans doute à l’époque où la première ligne de chemin de fer rallia Lafayette, a fait ainsi danser les chapelets de villages qui se construisirent au rythme de la modernité, quand l’Acadie peu à peu découvrait le monde…

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C’est bien cette Acadie-là que Zachary va nous conter dans son prochain spectacle, un projet polychrome très abouti, mêlant de grandes reproductions en visuel photographique ou pictural sur la scène et tableaux vivants en chansons : les valeurs du peuple cajun résonneront ainsi, au gré de l’Histoire qui racontera les Grands et les humbles, les héros et les victoires.

« …j’entends les chuchotements

de mes ancêtres, venus de loin. »

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Il y a les Samuel de Champlain et les Jean Saint-Malo, les colonisateurs et les esclaves, et tout ce passé encore d’une actualité brulante dans cette Amérique où l’on tire des jeunes noirs comme des lapins, où l’on assassine  des fidèles de couleur dans les églises…

Et quand résonne le chorus répété du mot « liberté », ce n’est pas, pour Zachary Richard, un vain mot : c’est un appel à une culture de la tolérance, car « ce n’est pas en fermant les portes, en ayant peur et en nourrissant les ténèbres que nous allons avancer. » Devant les intolérances effrayantes du monde, il nous faut puiser dans nos humanités les forces de résistance et de résilience. Nous n’avons d’autre choix que celui d’avancer vers la lumière.

http://www.zacharyrichard.com/lyrics/L_univers.html

 

L’univers

Quand je vois les étoiles dans la nuit

Scintillaient avec autant de beauté
Je me demande, d’où vient l’univers.

L’univers, c’est les planètes et la terre
La noirceur et la lumière.
L’univers, c’est moi et toi et tout ce qui existe autour.
Il faut remplir l’univers avec ton amour.

Et l’amour fait partie de l’univers
Bien qu’il n’ait pas de poids ni de matière.
L’amour est un aussi grand mystère.

L’univers, c’est les planètes et la terre
La noirceur et la lumière.
L’univers, c’est moi et toi et tout ce qui existe autour.
Il faut remplir l’univers avec ton amour.

Et pourtant ce n’est pas très clair.
Mais je me sens beaucoup moins solitaire
Sachant que tu es dans l’univers.

L’univers, c’est les planètes et la terre
La noirceur et la lumière.
L’univers, c’est moi et toi et tout ce qui existe autour.
Il faut remplir l’univers avec ton amour.

***

Je sais, ce texte est un peu long pour un « article de blog ». Si vous avez eu le courage de lire jusqu’ici, sachez encore que la rencontre avec l’univers de Zachary a été pour moi importante, d’une insondable profondeur. Ses mots en échos aux miens, nos poésies croisées en  ribambelles, et quelque part des ailes d’hirondelles, voletant au gré des cieux acadiens et toulousains…

Neuf hirondelles voltigeant

dans le crépuscule.

Il y en aura une qui

Nichera seule.

 

Après ces jours de froid,

leurs gazouillis

comme baume

 

Sur mon esprit.

http://www.zacharyrichard.com/lyrics/Neuf_hirondelles.html

***

Si j’avais les ailes des hirondelles,

Je traverserais les montagnes et la mer.

Pour me poser tout près de toi me belle.

D’où je ne volerais jamais.

 

La vie est éphémère…

http://www.zacharyrichard.com/lyrics/les_ailes_des_hirondelles_fr.html

***

Texte dédié au grand petit garçon Émile, petit-fils de Zachary et Claude, et partenaire musical !

 

 

Voir Dylan

Voir Dylan

Photo Le Parisien
Photo Le Parisien

Longtemps, j’ai eu seize ans. J’entendais cette voix chanter dans le vent, qui parlait de tempêtes, de tambourins et de révoltes. Même si j’étais née trop tard pour avoir vécu mai 68, il me semblait avoir grandi « on the road », bercée par les vagues californiennes et par cette beat generation qui fit de moi une femme libre.

Bob Dylan est resté près de moi, toujours. À vingt ans, je le croyais, vraiment, qu’un jour « nous serions libres »…Il chantait « I shall be released », et moi je l’espérais ; nous affrontions la police au gré des briques roses, nous marchions vers Garonne, étudiants insouciants, sans savoir encore que bien des rêves seraient brisés…

À trente ans, j’errais déjà « dans le souffle du vent »…J’allais divorcer, malgré nos deux princesses, car je levais les yeux sans jamais apercevoir la lumière, et je mourais chaque jour sous des canons et des larmes…J’écoutais « Blowing in the wind » et savais que je devais garder courage.

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À quarante ans, j’ai frappé à la « porte du ciel », me remariant avec un homme que je pensais de Dieu. Anges noirs et mensonges m’entourèrent, pourtant, mais « j’y croyais encore ». Certes, mon « Knock’in on heaven’s door » était un échec, mais notre fils, ma lumière, sauvait tout le reste…

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Aujourd’hui, j’ai un peu plus de cinquante ans, et me sens toujours comme cette « fille du Nord », essayant enfin d’être « une vraie femme », malgré les ouragans…Je continue à écraser une larme en écoutant « Girl from the north country » et je demeure « just like a woman », pérenne dans mes destinées…

20 ans

Alors quand IL est apparu, au dernier soir de Pause Guitare, petit homme en costume coiffé de son chapeau blanc, que j’ai vu s’avancer depuis les loges non loin desquelles je me trouvais un peu par hasard, puisque j’attendais une interview d’une autre chanteuse tout en enrageant de manquer le début de SON concert, alors que justement Monsieur Dylan avait demandé que soit fait place nette, je peux vous l’assurer : j’ai eu la chair de poule.

Tout en moi s’est figé, de battre mon cœur s’est presque arrêté.

C’était comme si soudain ma vie entière soudain berçait la mesure du temps, comme si cet homme venait réveiller l’enfant aux espérances, la jeune fille aux rêves et la femme aux désirs ; il marchait, à pas lents, vers la lumière de la scène, et vers ce public albigeois qui, même si il était arrivé en masse, lui avait, en terme de statistiques, préféré les Fréro Delavega et Calogero…Je venais de parler avec deux personnes chargées de la sécurité, qui m’avaient dit « ne pas le connaître », et j’en étais restée bouche bée.

J’ai couru. J’ai couru pour être au plus près de la scène, et, oui, tout au long du concert, j’ai eu l’impression d’avoir regardé Dieu en face. Certes, « il » n’a pas vraiment, lui, partagé son spectacle avec le public. Oui, comme l’ont souligné les médias locaux et nationaux, Bob Dylan fait son show sans s’adresser vraiment au spectateur ; il demeure dans sa bulle mythique, entouré de quatre musiciens qui ne sont plus non plus de prime jeunesse, tantôt au piano, tantôt debout, avec son inénarrable harmonica. Certains festivaliers se détourneront même de l’écran géant, où l’on n’apercevait qu’à grand peine notre géant devenu presque photophobique.

Mais sur la pelouse fatiguée du festival, en ce dernier soir d’apothéose, les visages étincellent de bonheur. Je vois ces adolescents aux cheveux de bohême, aux visages angéliques non encore ternis par la vie, qui se tiennent par les mains et sourient ; je vois ces femmes aux cheveux blancs et aux rides émouvantes, qui crient de plaisir après chaque chanson ; je vois ces personnages aux chapeaux de cow boy, qui sans doute sont de chaque spectacle, fans de la première heure mais toujours émerveillés ; et je vois cette adolescente attardée qui frissonne au long des accords rocailleux et des airs mille fois entendus : je repense aux pavés et aux plages, aux combats non aboutis, aux libertés qui chantent et aux destins qui roulent comme ces pierres dont Bob est le symbole. Et je sais qu’elle aussi, cette jeune fille devenue une femme aux cheveux gris, est restée debout.

C’est ce que nous apprend cet homme demeuré fidèle à ses idéaux, qui continue à chanter dans une tournée sans fin, comme si ce tour de chant pouvait contrer les brisures du monde et réparer les humains déchirés ; il est déraisonnable de ne pas continuer à espérer.

Je rentrerai en passant sur le Pont Vieux, regardant couler le Tarn et me disant que ce n’est pas par hasard si Dylan est venu vers moi en mes terres tarnaises, là même où avait grandi cette provinciale qui découvrit la vie et le monde à travers ses albums.

Certains ont vu Joe Cocker à Woodstock ; d’autres Simon et Garfunkel à Central Park ; d’autres encore U2 au Stade de France.

Moi, j’ai vu Bob Dylan à Pause Guitare, à Albi, et j’en suis plus que fière.

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Texte dédié à Hugues Aufray, rencontré lui aussi à Pause Guitare, et qui a si bien traduit notre poète américain…

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LE PAYS DES SANS FEU (nouvelle retravaillée pour un concours du Secours Populaire)

LE PAYS DES SANS FEU

 

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 « Plus de tenailles

Plus d’ombres noires

Plus de craintes

Il n’y en a plus trace

Il n’y a plus à en avoir

Où était peine, est ouate

Où était éparpillement, est soudure

Où était infection, est sang nouveau

Où étaient les verrous est l’océan ouvert

L’océan porteur et la plénitude de toi

Intacte, comme un œuf d’ivoire.

 

J’ai lavé le visage de ton avenir. »

Henri Michaux

 

Les murs, d’abord, s’étaient vidés. Et puis le reste de l’appartement avait suivi.  Elle avait vendu d’abord sur Ebay, et puis, lorsque sa carte bleue avait été bloquée, dans Le Bon Coin.

Somme toute, cette assiette en Bleu de Delft, souvenir de ses années de belgitude, n’était pas indispensable à sa survie. Le vélo d’appartement non plus, puisqu’elle n’avait plus du tout le temps ni l’envie de pédaler ou d’aller courir.

Peu à peu, les menus objets, souvenirs d’une vie, avaient disparu. Ce tapis, un Kilim hérité de sa grand-tante, et puis le samovar rapporté de Russie. Les jouets des enfants se perdaient dans les vide-greniers, les livres, ses livres chéris, partaient, semaine après semaine, dans la revente de cette librairie étudiante…

Au fur et à mesure que l’espace s’agrandissait autour d’elle, il lui semblait pourtant que son univers rapetissait.

Et puis ce silence…Cet assourdissant silence. C’était comme si le monde se taisait. Peu à peu, elle en oubliait les clameurs et les chants. Cela avait commencé au sein même de son foyer, lorsqu’elle avait vendu successivement le lave-vaisselle, puis  la machine à laver, et enfin la stéréo. Les ronronnements apaisants de ce quotidien normé avaient fait place à la peur du frigo vide.

Bien sûr, il lui restait cette étagère de CD, et elle rêvait, parfois, devant U2 ou La Traviata. Bien sûr, elle chantonnait, encore, sous la douche ou en rangeant. Mais plus question de hurler à tue-tête Se bastasse une bella canzone en s’imaginant à la Nouvelle Star. Une Susan Boyle aphone, voilà ce qu’elle était devenue.

Elle avait aussi cessé de fréquenter les grandes surfaces. Terminées, les annonces vantant les rudesses d’un fromage de pays ou les douceurs gouleyantes d’un vin ; ne demeurait que le cliquetis saccadé de la caisse du discount. Voire même, de plus en plus souvent, cette torpeur fatiguée de la salle d’attente emplie de tristesse et de surpoids, lorsqu’elle se mêlait, ombre timide et rougissante, aux nécessiteux faisant la queue au Secours Populaire. Elle avait appris à les aimer, ces sourires édentés, et se laissait bercer par la tendresse silencieuse des modestes mamies et des femmes voilées discrètes, murmurant des remerciements.

Lui manquaient, en fait, les bruits de la vie, les clameurs du monde, tous ces flonflons de la normalité.

Depuis combien de temps n’avait-elle pas pris un café en ville ? Elle ne savait plus. Mais elle se souvenait de tout. Le bruit de la porte que l’on pousse, cet imperceptible glissement d’un brouhaha citadin vers un kaléidoscope de voix croisées et de tintements de verres ; ce n’était pas l’œuf de Prévert, mais ça y ressemblait…

Et les brasseries…Comme elle les avait aimées, les brasseries parisiennes, avec leurs chaleurs et leurs excès. Les cliquetis affairés des couverts gourmands, les « chaud devant ! » souriants, les pressions et les machines à expresso. Elle se souvenait des tablées de collègues, et puis des repas de famille, bruissants de gaieté et de partages.

Elle passait devant les vitrines et regardait manger les gens, et elle se sentait comme au spectacle, souriant parfois comme une enfant en se souvenant des Profiteroles ou du Sauternes, cent madeleines en bouche, en mémoire de goût.

L’été, elle allait dans les parcs. Cela au moins, on ne le lui prendrait pas. Oui, il lui restait cette liberté-là, d’arpenter encore et encore les jardins de sa ville, et elle regrettait d’avoir quitté la ville rose pour cette petite cité gasconne. Car en dehors des bords de rivière et d’un square étroit, la ville embourgeoisée manquait cruellement d’allées et de marronniers.

Elle regardait courir les petits Hollandais en vacances, et se souvenait des plages languedociennes et des déferlantes de Biarritz. Elle n’avait qu’à fermer les yeux pour s’étourdir de cigales ; au parfum de l’ambre solaire de l’enfance se mêlaient les cris des mouettes, au souvenir brûlant du sable que l’on foulait au midi s’ajoutait le mugissement du vapeur partant vers les îles.

Orpheline. Elle était orpheline du monde. Elle avait peu à peu glissé vers une surdité sociale, lorsque les ennuis familiaux, potentialisés par des soucis financiers majeurs, lui avaient retiré ses marqueurs environnementaux. Comme un détenu privé de ses droits civiques, elle avait fait le deuil de toutes ces petites habitudes sociales qui cimentent le quotidien et vous amarrent à la normalité. Elle avait changé de lieu, de territoire, passant sur l’autre rive, celle des sans feu.

Elle n’était pas pauvre, loin de là. Elle travaillait, même. Mieux : elle était fonctionnaire.

Mais comment expliquer à des collègues déjà tellement enferrés dans leur ronronnement qu’elle mangeait grâce à des colis alimentaires ? Alors elle se taisait, observant de loin les rituels banalisés de leurs soucis ridicules – allait-on avoir un lecteur de DVD dans la salle 14 ?-, quand elle ne savait pas si les huissiers lui laisseraient sa télévision…

Le mardi après-midi était devenu son rituel : quand d’autres avaient rendez-vous chez le coiffeur ou l’esthéticienne, elle, elle retrouvait Josette et son énergie inépuisable, et toutes les autres bénévoles qui remplissaient son caddy de boîtes et de gâteries, entre le café devenu denrée rare et les chocolats pour les enfants…Germaine, elle, du haut de ses quatre-vingt printemps, œuvrait à la distribution de vêtements, à l’étage du dessus, dans cette grande pièce sombre où défilait la misère nue.

Parfois, agacée, honteuse, mais déterminée, elle volait, d’ailleurs. Le papier toilette dans le train qu’elle ne payait pas ; des barquettes à la fraise dans le placard de la salle des profs ; un magazine dans une salle d’attente. Elle ne parlait plus de sa situation, même au dentiste, étonné par l’état de sa bouche. Non, elle n’avait pas les moyens de se payer des couronnes. Non, elle n’avait pas droit à la CMU. Oui, il lui manquait à présent cinq dents en haut.

Car elle l’avait déjà tellement racontée, son histoire. Dans les cabinets des avocats et dans les prétoires, aux assistantes sociales et aux juges, au rectorat et à ses amis, à des inconnus dans des squares, en riant, en plaisantant, en accusant, en s’énervant, en s’obstinant. Elle leur expliquait cette situation bancale des classes moyennes surendettées, en évoquant toutes ces femmes perdues entre le tout et le rien, encombrées par des vies qui s’effilochent, piétinant en vain dans un nomansland angoissant, n’ayant pas droit aux aides réservées aux plus démunis, devant se contenter de colis alimentaires, mais ne pouvant prétendre à plus…

Elle était même passée à la radio, faisant de sa propre vie un cheval de bataille, ne voulant pas écouter cette juge qui lui conseillait de se mettre en invalidité pour pouvoir payer peu à peu, sa vie durant, les dettes laissées par un autre, cet ex-mari ayant fui à l’autre bout de l’Europe…Mais c’était inimaginable de renoncer à aider ses enfants, de dire adieu à la vie, aux projets, de devenir une ombre parmi les ombres…

Et puis elle s’était tue.

Personne ne la croyait, de toutes façons. Son horizon se rétrécissait de mois en mois, le responsable de ses maux coulait donc des jours heureux à l’étranger, on allait sans doute finir par l’obliger à payer pour cet autre jusqu’à la fin de ses jours. Son chant du cygne avait été de passer LE concours, mais elle n’était pas arrivée au « grand oral ». Silencieuse, elle feuilletait les brochures des collectivités territoriales comme on parcourt des catalogues de voyages.

Ce qui lui manquait le plus, c’était la joie. Rien qui vaille la joie, lui avait répété Sophocle dans son adolescence. Le calme carcéral de son quotidien ricochait sur les souvenirs des jours heureux ; et ce silence dont l’opacité redoublait au fil du temps projetait en sa mémoire les ombres chinoises des bonheurs d’autrefois.

C’était ce rire absolu des grandes cousinades, quand au soir on jetait les nappes sur les tables au jardin, quand s’allumaient les lampions et les yeux des jeunes gens, et que les mains disaient que l’été était bon. Et puis tous les pétards et les accordéons, et tous les festivals et encore les flonflons, et les feux d’artifice et les bals de quartier, quand on court vers Garonne, mais pas pour s’y jeter.

Comme ces aveugles qui gardent en mémoire les couleurs, elle se souvenait. De la liesse joyeuse des tablées familiales, de l’hystérie des concerts de ses groupes préférés, du chuchotis qui précède les trois coups au théâtre, du bruit des réacteurs avant l’atterrissage ; et certains bruits, en synesthésie de vie, l’accompagnaient plus que d’autres.

Il y avait l’appel aux marrons chauds qui précédait la brûlure douce et l’éclat mordoré des châtaignes en bouche. Quand elle passait des après-midi entières à gâter ses princesses dans les grands magasins, et qu’elles s’arrêtaient pour partager ce trésor, les bras chargés de colifichets de chez Claire’s, les sacs pleins d’échantillons Yves Rocher, avant de renter faire de joyeux essayages en écoutant ensemble le dernier CD de Céline Dion.

Elle en avait lu, depuis, des pages rassurantes de magazines de vulgarisation psy, où de savants thérapeutes expliquaient que l’amour passe simplement par l’écoute et la joie, mais on ne lui ôterait pas de l’idée que sa décroissance involontaire, l’empêchant d’assurer la poursuite des études de ses amours et de jouer pleinement son rôle de maman, était aussi partiellement responsable du silence qui s’était instauré entre elles…

Ce qui lui manquait aussi terriblement, c’était ce crépitement des bûches accompagnant le chant régulier du balancier de la vieille comtoise, dans la maison de famille. Car il était le marqueur affectif de tant d’autres joies tribales, des rires sous la cascade, des voitures d’amis lointains klaxonnant à la montée du chemin, des longues discussions jusqu’aux étoiles, lorsqu’on refait le monde à grands coups de rosé. C’est qu’elle l’avait fatiguée, sa famille, avec ses histoires et ses ennuis, tant et tant que la cellule rassurante avait fini par faire place à des sourires de courtoisie, inutiles et glacés.

Et puis les surprises, elle aimait tant les surprises…Son téléphone ne sonnait plus pour annoncer un bouquet de fleurs. Ses nuits ne bruissaient plus de caresses impromptues. Au contraire, elle en était venue à redouter certains bruits, comme celui de la sonnette, quand s’invitaient les huissiers. Elle avait accroché de petites pancartes partout :

  • Ce tableau appartient à ma mère
  • Ce service en porcelaine est la propriété de ma fille

Calfeutrée dans ses souvenirs, elle glissait ainsi peu à peu vers une surdité affective, comme si un mal mystérieux, à l’instar de quelque inexorable atteinte virale, l’avait irrémédiablement coupée des sons et du sens de la vie.

C’est plus par habitude que par enthousiasme pédagogique qu’elle proposa aux élèves d’écouter Beethoven, par un doux matin de janvier. Il fallait préparer la semaine franco-allemande,  et certains réciteraient quelques lignes du texte de Schiller, pour ponctuer le traditionnel happening culturel qu’elle organisait dans son collège. Elle n’allait pas en plus tenter de didactiser quelque chanson de Tokio Hotel, elle n’avait pas vraiment la tête à ça.

Comme toujours, dans son établissement de banlieue, elle s’apprêtait à jouer les Super Nanny, avant de réussir à faire établir le calme dans sa petite classe bigarrée et agitée. Mais le silence se fit, comme par miracle. Dès les premières notes de l’Hymne à la joie, les réponds des cordes et des cuivres semblèrent faire miracle sur le brouhaha habituel ; Farid la regarda et sourit, posant le cutter qu’il avait déjà sorti de sa trousse. Bien sûr, la classe avait déjà travaillé le sujet, ils avaient regardé ensemble des vidéos, où fanfares présidentielles et classe de primaire se disputaient l’âme européenne. Mais aujourd’hui, c’était leur tour. Ils allaient chanter.

Et au fil de l’heure, le silence se fit, au rythme de la musique. Elle emportait tout, elle dissolvait les rancœurs des quartiers, elle éteignait les feux de voitures, elle soulevait les voiles et les niqabs. A ce moment-là, en regardant Abdelaziz sourire à David, en voyant la petite larme couler sur la joue de son grand baraqué d’Omar, la jeune femme eut soudain l’impression d’entendre à nouveau le chant du monde.

Et lorsque les voix aux accents bariolés entonnèrent les paroles de l’hymne, lorsque la porte s’ouvrit doucement et que les élèves des  classes voisines vinrent, bouche bée, écouter Zohra et Abdelkader chanter la paix, devant les grandes affiches de Berlin tentant de cacher la misère des murs de leur petit collège de ZEP, elle eut soudain l’impression que la surdité de Beethoven avait été la sienne, mais que la joie était revenue. Enfin.

Le silence était rompu.

Elle se souvint du compositeur, à moitié fou, vagabondant devant ses pianos sans pieds, chassant ses amis pour mieux sentir les soubresauts de sa propre création ; elle vit tomber le Mur de Berlin, elle regarda cet étudiant arrêter les chars à Tienanmen, elle entendit se construire l’Europe, au son même des cordes et des hautbois faisant écho aux merveilleuses paroles de Friedrich Schiller ; et elle se rappela que c’est en surdité quasi-totale que le Maître avait dirigé la première représentation de sa symphonie, continuant à battre la mesure alors même qu’un tonnerre d’applaudissements s’élevait à sa gloire.

Dès les jours suivants, ils revinrent. Tous les petits sons qu’elle avait oubliés. Un à un, comme si une fée les reposait nuit après nuit dans son berceau, ils reprirent possession de sa vie. Lentement, elle recouvra la mémoire du quotidien et des bonheurs. L’amnésie auditive dont elle avait été si longtemps frappée fit peu à peu place à la légèreté retrouvée. Elle osa répondre au marchand qui la hélait et acheter un cornet de marrons chauds au coin de la place du Capitole. Elle promit à ses filles qu’elle irait les voir, on se débrouillerait. Elle appela une nouvelle avocate. Elle réserva une location à Arcachon, d’ici l’été, on verrait ; il lui sembla entendre déjà le bruit des vagues et voir miroiter l’océan du haut de la dune du Pyla. Elle irait faire des ménages après ses cours, et peu à peu l’escarcelle se remplirait de sable et de beignets ; ses vacances, elle les prendrait.

Cela avait commencé par le crissement de la plume sur le papier, soir après soir. Et par le bruit régulier des touches de son ordinateur. Elle avait réussi à le garder, négociant cette survie avec l’âpreté d’un détenu quémandant la dernière cigarette. Il ronronnait à présent toutes les nuits, tel un chaudron magique concoctant potion.

Et puis les feuilles rejetées une à une par le ventre de son imprimante qui cliquetait frénétiquement, et la voix de la postière, demandant si elle désirait un recommandé. Elle fit tous les concours de nouvelles et de poésie. En quelques mois, elle écrivit deux romans. Devint blogueuse.

Le bruit. Le bruit était là, dans sa tête. Tous ces mots qui s’entrechoquaient, comme des galets au fil d’un ressac. Ils se bousculaient, joyeux, insouciants, heureux. Elle les entendait rire et s’interpeller, et il lui suffisait de s’asseoir à son bureau pour qu’ils lui arrivent. Les mots. Les mots étaient de retour.

Car elle savait désormais qu’elle devait dire le monde pour en entendre à nouveau les sons. Et chaque poème qui naissait dans son âme était comme un écho aux joies de l’antan, chaque nouvelle qu’elle couchait sur le papier comme une pastorale nouvelle. Elle savait aussi que désormais elle dirait le monde, ses misères et ses horreurs, mais aussi ses bonheurs et ses éclaircies ; elle serait la diseuse des vents, des gens et des tempêtes, elle parlerait à la place de tous les taiseux, elle hurlerait les silences. Pour toujours. Elle se fichait bien d’être éditée. Elle n’avait cure des brasseries parisiennes et des simagrées du Goncourt. À ceux qui s’étonnaient de sa boulimie d’écriture et du fait qu’elle soit poète et blogueuse, elle expliquait que les migrants et les alexandrins avaient, chacun à leur façon, voix au chapitre.

Elle serait la bénévole des mots.

Là où auparavant elle était couchée, elle marchait, debout, vers l’inconnu. Là où était la nuit, se tenait cette lumière, qu’elle croyait avoir perdue. Le chant du monde était revenu : et elle en deviendrait la soliste. Sa pauvreté se ferait hymne à la joie, et du silence, de l’assourdissant silence des tristesses, elle composerait une symphonie. Elle deviendrait écrivain.

Du pays des sans feu, elle ramènerait la lumière.

 

„Freude, schöner Götterfunken

Tochter aus Elysium,

Wir betreten feuertrunken,

Himmlische, dein Heiligtum!

Deine Zauber binden wieder

Was die Mode streng geteilt;

Alle Menschen werden Brüder,

Wo dein sanfter Flügel weilt.“

 

« Joie ! Joie ! Belle étincelle divine,

Fille de l’Elysée,

Nous entrons l’âme enivrée

Dans ton temple glorieux.

Ton magique attrait resserre

Ce que la mode en vain détruit ;

Tous les hommes deviennent frères

Où ton aile nous conduit. »

 http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/11/08/1780578_le-jour-ou-j-ai-vendu-rimbaud.html

http://www.franceinfo.fr/emission/noeud-emission-temporaire-pour-le-nid-source-713871/2012-2013/classes-moyennes-surendettees-pour-nous-c-est-ingerable

 

 

 

 

 

Théâtre …à l’italienne! Les Journées du Théâtre Lycéen au TNT.

 

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Elle était là, l’Italie, le 10 avril, sur la grande scène du TNT. Vibrionnante de soleil, éclatante de rêves, foisonnante comme une rue de Naples, fébrile comme une scène de Fellini, embaumant l’atmosphère « comme un parfum de basilic dans l’assiette du monde »…

La centaine d’élèves issus de neuf lycées de notre académie, ayant pratiqué le théâtre au sein de leur établissement, étaient venus présenter à un public conquis leurs créations autour du thème de L’Oiseau vert de Carlo Gozzi, en écho à la création de Laurent Pelly, dans le cadre du partenariat entre le TNT et l’académie de Toulouse.

Cette magnifique manifestation, qui s’inscrit superbement aux côtés de « Jeunes au cinéma », du Prix d’écriture Claude Nougaro ou des « Projets d’Avenir », était donc la septième édition de ces Journées du Théâtre Lycéen qui transforment la scène du TNT en une pépinière de jeunes talents plus éblouissants les uns que les autres !

Il fallait les voir, nos jeunes, faisant mine d’être décontractés avant le spectacle, dansant nonchalamment au son des accords du groupe Down Jacket dans le hall, comme on danse à seize ans, pleins de grâce et d’innocence…

https://www.facebook.com/pages/Down-Jacket/298938433449965?fref=ts

https://onedrive.live.com/redir?resid=8DAAE5B306BE4C6!18012&authkey=!AGaTWRqNZbCkq9Q&ithint=video%2cmp4

Mais j’ai pu aussi accompagner les lycéennes de Saint-Sernin cachées derrière la porte avant leur entrée en scène, tremblantes comme des biches aux abois à l’idée de la lumière, toutes inquiètes et pétrifiées de trac… C’est qu’il en fallait, du courage, pour monter sur cette scène qu’ont magnifiée les plus grands…

Le résultat des mois d’intense préparation a été à la hauteur de leurs espérances. Le public ne s’est pas ennuyé une minute, applaudissant à tout rompre. C’est le lycée Gabriel Fauré de Foix qui a ouvert le bal, avec un habile montage de la Divine Comédie et d’autres pièces. Mêlant airs culinaires et saveurs théâtrales, les lycéens ont, dans un déferlement de couleurs et d’audaces, restitué la belle ambiance festive de cette Italie dont ils scandèrent le nom.

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Le lycée Maréchal Soult de Mazamet, lui, avait choisi de présenter de façon plus classique les Cancans, de Goldoni, nous offrant dans une mise en scène colorée le portrait des rumeurs qui nous semblèrent étrangement actuelles… Les ragots des lavandières s’entrechoquaient aux rires des marchands de Venise dont le bel accent tarnais emporta le public…

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Vint ensuite, avec le lycée Clémence Royer de Fonsorbes,  un amusant mélimélo de deux pièces enchevêtrées, l’Oiseau vert parodié et Six personnages en quête d’auteur se disputant le premier rôle dans un fracas de gags et dans un joyeux désordre très applaudi.

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Le lycée du Caousou, de Toulouse, avait choisi de revisiter le Baron perché d’Italo Calvino, évoquant les soubresauts de révolte de l’adolescence face à l’immuable marche du monde. Il était beau, Côme, épris de liberté du haut de son arbre, ne cédant jamais au conformisme de ses aînés…

https://onedrive.live.com/redir?resid=8DAAE5B306BE4C6!17996&authkey=!AC8Lv_robhaNWZ0&ithint=video%2cmp4

Le lycée agricole d’Auzeville avait travaillé dix séquences de la Fête, de Spiro Simone, nous emportant dans les gestes répétés d’un quotidien entrecoupé par la fête, virevoltant dans cette ronde inachevée et burlesque.

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Au lycée Saint-Exupéry de Blagnac, on s’était approprié l’âme de Fellini, mêlant les scènes les plus époustouflantes de la Dolce Vita et d’autres chefs d’œuvres qui soudain transformèrent le TNT en grand écran… Nous aurions presque cru apercevoir le visage de Marcello et de Monica…

Le lycée Pierre d’Aragon de Muret, lui, nous offrit Dario Fo et son Apocalypse différée, facétie experte d’un imaginaire bien proche du réel, nos jeunes mimant les illusions perdues d’un monde à la dérive.

La grande surprise nous vint du lycée Saint-Sernin de Toulouse, quand soudain quatre groupes de jeunes se postèrent à différents angles de la salle, dans une scène éclatée, obligeant le public à de savantes contorsions pour entendre leur balade du jeune Jean Baptiste, librement adaptée de Bruits d’eaux de Marco Martelli, en écho bouleversant des centaines de migrants s’échouant et périssant dans les eaux de mare nostrum et de l’Adriatique… Même leurs chuchotements, si audibles malgré le seul murmure, figèrent la salle dans une émotion quasi cathartique…

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Enfin, en véritable apothéose de cette soirée inoubliable, le lycée du Castella de Pamiers nous offrit une composition chorale et fantaisiste de la vie de Silvio B., régalant les spectateurs de divers délires colorés et décalés.

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N’oublions pas non plus les intermèdes, assurés par des jeunes de différents lycées dans une joyeuse créativité annonçant les divers tableaux.

https://onedrive.live.com/redir?resid=8DAAE5B306BE4C6!17984&authkey=!ABaWOmvsFqzNmmQ&ithint=video%2cmp4

La salle applaudit longuement les acteurs en herbe, vedettes d’un soir et héros d’une vie, portant en eux les germes d’un talent certain et les promesses de tous ces avenirs bariolés que nous leur souhaitons tant…

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Et comme l’avaient souligné en introduction Laurent Pelly, accompagné de Madame la Rectrice et de la représentante de la Région, chacun a eu conscience du rôle capital que le théâtre et, par là-même, les arts, peuvent jouer dans la construction de toutes ces identités lycéennes et citoyennes…

C’est bien ces promesses de l’aube, d’ailleurs, dont nous regrettons tant la mort annoncée, avec ces réformes successives qui peu à peu érodent les richesses de notre système scolaire, quand la réforme si contestée du collège supprime les dotations dédiées aux clubs, aux chorales, aux activités diverses, quand les heures de latin ou d’allemand sont menacées de disparition, comme ont été mises à mort tant d’options au lycée… Oui, la blogueuse du Monde est aussi (et avant tout !) prof d’allemand, et je sais bien que jamais mes futurs élèves n’auront l’occasion de jouer une quelconque scène de Schiller ou de Brecht, quand presqu’aucune école primaire de l’académie ne propose de l’allemand en initiation, quand deux heures suffiront à peine pour apprendre les rudiments de la langue de Goethe…

C’est bien l’inverse qu’il conviendrait de mettre en place : l’art au service de l’école, le théâtre dès la maternelle, et pourquoi pas, un jour, les Journées de la Poésie Lycéenne au TNT… Car nos jeunes ont aussi besoin de s’exprimer, d’apprendre autrement que dans les livres, ces livres qu’ils ne lisent plus, et surtout de réinvestir la réalité, pour échapper à la dictature des écrans… Et cette réalité, ne la trouveraient-ils pas avant tout dans le rêve qu’offrent l’art, la culture et la création ?

« On enseigne tout aux gens, sauf à vivre. » Marcelle Auclair.

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Et le 28 mai , les lycéens du Caousou ont à nouveau joué…dans le Cloître du lycée!

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http://www.oasisdesartistes.org/modules/newbbex/viewtopic.php?topic_id=69555&forum=2

http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/12/08/1829601_souviens-toi-du-vase-de-soissons.html

 

 

 

 

 

Kiosque en poésie: Printemps des Poètes!

Le kiosque de la Place Pinel a une acoustique unique au monde: on entend les murmures d’un pilier de béton à l’autre, et, du centre, le son se fait écho captif, immense!

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J’y dirai mes textes à la demande, aux chandelles le soir, ou les WE! Performances toulousaines pour ce dix-septième Printemps des Poètes dont le thème est « L’insurrection poétique »!

Vous trouverez mon annonce sur le site du Printemps des Poètes, dans les « événements » du département de la Haute-Garonne…

http://www.printempsdespoetes.com/

Pour découvrir notre bijou :

http://mariuspinel.over-blog.com/article-jean-montariol-concepteur-du-kiosque-pinel-1892-1966-49776868.html

http://www.lastree.net/fragmentslog/fragments/MVI_3970.AVI

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Contact via mon blog , performances à la demande!

Page facebook de l’événement:

https://www.facebook.com/kiosqueenpoesie/timeline

 

Merci, Chéri(e)…Udo, Joe, et les autres…

Merci, Chéri(e)…

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 « Ich will alles sein, nur niemals brav und bieder, bis ans Ende meiner Lieder »: Je veux être tout, mais jamais sage ni bourgeoisement ennuyeux, jusqu’au bout de mes chants »

Bien sûr, ce soir, nous avons appris le départ de Joe Cocker. Et il y en aurait tant, des rivières à traverser, et des amis à aider, et des chanteurs à pleurer…

Mais je viens vous parler d’un autre « vieux chanteur », en ces périodes un peu étranges où certains font de tonitruants come back en montant sur scène ou en sortant des albums comme si les années n’avaient pas de prise sur leurs voix éternelles – comme notre icône Johnny, comme nos chers Stones, comme ce bon vieux Leonard qui languit toujours sa Suzanne…- quand d’autres bataillent pour survivre, comme mon si cher Michel Delpech, qui a arpenté les plateaux télé avec sa voix éraillée et son cancer en bandoulière, qui dispute à sa foi nouvelle ce retour discret et si bouleversant…

https://www.youtube.com/watch?v=k53cRAkDuII

Hier, c’est Udo qui est parti, Udo Jürgens. Oui, je sais, ce nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, amis lecteurs, qui de la variété allemande connaissez tout au plus Camillo et son « Sag warum » – si vous êtes de la génération Camping des Flots Bleus-bettitte hallemande draguée dans les Tunes de zable…- ou Nena et ses « 99 Luftballons » – si vous êtes de la génération 80, la dernière ayant connu des classes d’allemand normales, avec plus d’élèves que de professeurs…

Mais si, souvenez-vous…Il en avait, de l’endurance, notre Udo, qui s’y est pris à trois fois pour remporter, en représentant l’Autriche, le concours de l’Eurovision, avant de tirer le gros lot avec l’inénarrable Merci, chérie, en 1966…

https://www.youtube.com/watch?v=DQZZJIIt9tA

L’orchestre, toujours. Udo était symphonique. Il a su, au long de son immense carrière, attirer jusqu’à 220 000 spectateurs pour son concert de Vienne, en 1992, toujours lui-même au piano, éternel crooner nordique, son charisme à la Julio s’alliant à son internationalisme, puisque comme notre Grand Charles il a chanté avec les plus grands, en toutes les langues.

https://www.youtube.com/watch?v=QATTrK4h5Nc

Mais surtout en allemand. Et c’est important de savoir que la « variété » occupe aussi une place importante outre-Rhin, avec de grands chanteurs à la carrière aussi internationale et puissante que nos Henri Salvador ou Charles Aznavour.

Udo avait soufflé tout récemment ses 80 bougies, en grandes pompes, sur la chaîne ZDF. Hélène Fischer avait repris le célèbre tube qui l’avait propulsé sur la scène internationale :

https://www.youtube.com/watch?v=VOEAANdAN8g

Il présentait beau, notre Udo, grand seigneur encore, plein de projets et de prestance…

https://www.youtube.com/watch?v=Sv_thtzoebg

« I can, I will », tout à l’inverse du dernier opus si sombre d’un Johnny Cash portant sur sa vie un regard tout en désespérance dans « Hurt »…

https://www.youtube.com/watch?v=3aF9AJm0RFc

Je m’étais souvenue, en regardant l’émission, des disques écoutés sur le canapé de mes grands-parents allemands, et du sourire de mon grand-père en reprenant « Griechischer Wein », ce tube louant les métissages d’une Allemagne ayant enfin dépassé les années de plomb…( La chanson  parle d’une belle soirée dans un restaurant grec…Et elle est d’une telle portée symbolique en ces heures noires où « PEGIDA », le mouvement populiste, proche du FN, est en train d’envahir l’outre-Rhin en écho à la terrible peste brune…)

https://www.youtube.com/watch?v=55HcPt_pcGc

Udo Jürgens est mort hier, et Joe Cocker le lion est mort ce soir.

Nous pleurons deux étoiles.

https://www.youtube.com/watch?v=EyTzBnk3ilg

« Many rivers to cross

 

 

Hypokhâgne, janvier 1978.

Un bar enfumé, quelque part dans le vieux Toulouse.

Nous sommes en mai…

« Encore un printemps de passé, je me souviens de ce qu’il y eut de tendre »…

Véronique et moi sommes assises en face l’une de l’autre, un peu jeunes encore, agnelles presque effarouchées devant tous ces loups de la nuit toulousaine, perdues au milieu du bruit et de la fumée…Téléphone hurle dans l’hygiaphone, nous découvrons les « tapas » et faisons semblant d’aimer ce drink obligé qu’est la vodka orange. Nos amis de la clique des « bagnérais » en sont à leur troisième tournée, les blagues se font lourdes…

Je suis atrocement triste. D’un côté de la table, Pierre. Je viens de le rencontrer, je ne sais pas encore qu’il va devenir mon premier mari et le père de mes deux princesses. J’ai à peine dix-huit ans. Nous sommes sur le point de « sortir ensemble »…Nous sommes tombés doucement amoureux, au hasard d’une colocation, j’aime ses cheveux d’ange et ses grands yeux mordorés, et il craque sur mon look d’étudiante rebelle- longues robes indiennes, patchouli, et même Birkenstocks, bien avant Madonna !-

De l’autre côté de la table, Joshua, Josh, mon bel amant américain…Enfin, amant est un grand mot ! A l’époque, mes amoureux avaient droit à quelques furtives étreintes, à un petting genre banquette arrière de Chevrolet, et dormaient sur le tapis, au pied de mon lit de virginale hypokhâgneuse.

Josh venait de Dartmouth, je l’avais abordé en pleine rue. Juif bouddhiste, il jouait divinement du saxo, pratiquait la méditation transcendantale et citait Rimbaud et Heine dans le texte. Vers Noël, nous avions métissé nos désirs et j’avais goûté à ses charmes Californiens, me rêvant à Big Sur et me sentant prête à partir pour Ellis Island…Josh était incroyablement tendre et respectueux, je peux encore sentir la douceur de sa main se posant, telle une plume, sur la mienne…

Il était parti outre-Rhin, et, Pénélope volage, je n’avais pas su l’attendre…En fait, j’avais si peur de son « autre » départ, de son retour aux USA, que je m’étais réfugiée dans la banale certitude d’un amour intra muros, aux couleurs de brique rose…

Ai-je senti, ce soir-là, que mon destin basculait ? Que j’étais en train de choisir entre le Pacifique et Mare Nostrum, entre les communautés bohèmes de Greenwich Village et un lotissement en banlieue Toulousaine, entre les Rocheuses et la douceur du Lauragais ? Ai-je aussi pressenti que, sous le vent, quel que soit mon choix, ma vie ne serait qu’ouragans et naufrages ? Car je divorcerais, après 12 ans d’une union difficile, et Josh s’est ôté la vie quelques années plus tard, seul et épouvanté…

Toujours est-il que, soudain, quand Jimmy Cliff s’est mis à chanter de sa belle voix rocailleuse ses « many rivers to cross », ce sont des torrents de larmes qui ont jailli de mes yeux, à brûle pourpoint et sans raison apparente…J’avais dix-huit ans et je descendais soudain des fleuves impassibles, je plongeais dans l’eau froide des chalands et je voyais, comme Ophélie, l’infini terrible effarer mon innocence et casser mes espoirs…

Je me souviens de mes larmes, de Véro qui pleurait aussi, de nos sourires tout embrumés. Je me souviens de Véro qui m’a pris la main et l’a caressée doucement, sous les rires glauques et vulgaires des bagnérais. Je me souviens du regard lointain de Pierre, qui ne comprenait pas grand- chose, et, surtout, du regard intensément bleu de Josh, qui ne me quittait plus, de son sourire, de notre souffrance et de sa dignité, car il avait compris qu’il repartirait seul outre-Atlantique.

Grandir, c’est apprendre à choisir. Ce soir-là, j’ai préféré l’autoroute balisée au sentier de traverse, j’ai choisi la banalité alors que l’infini me tendait les bras…Ce soir-là, j’ai traversé seule la rivière, refusant la main de Josh, qui pourtant me tendait la vie, la vraie.

Je le regrette encore aujourd’hui. »

 

 

 

 

 

 

J’ai fait un rêve

 

Garonne expose, tous les dimanches d'été, Toulouse...
Garonne expose, tous les dimanches d’été, Toulouse…

J’ai fait un rêve.

D’une ville qui mettrait la moitié de son budget dans l’éducation et l’accès à la culture.

D’un département qui construirait une bibliothèque à côté de chaque collège et qui instaurerait la gratuité des livres pour tous.

D’une région qui transformerait les stades en accueils de concerts, qui multiplierait les constructions de théâtres.

D’un pays où les artistes, tous les artistes, pas seulement les peintres d’art dit « moderne » qui pour une couleur sur une toile blanche perçoivent des milliers d’euros, où les intermittents du spectacle, mais aussi les danseurs, les poètes, les acteurs, les photographes…seraient des stars, payés royalement, signant des autographes par milliers.

D’un monde qui organiserait la Coupe du monde des arts, la Arts World Cup.

J’ai fait un rêve.

D’une radio dite d’information qui, en cette période de Coupe du monde de foot, diffuserait, dans un esprit de parité, pour chaque info consacrée au sport une info consacrée à la culture.

D’une télévision où chaque soir en prime time seraient diffusés des spectacles, de l’opéra, du théâtre, des grands films, des visites de musées.

D’une école où il y aurait, de la petite section de maternelle jusqu’à la dernière année de doctorat, même en médecine ou en droit, autant de cours de culture artistique et musicale que d’heures d’EPS.

D’un pays qui organiserait des championnats de joutes poétiques, des courses musicales, des compétitions de peinture.

D’un monde où des millions, des milliards de personnes communieraient dans des stades où l’on écouterait des concerts, où des poètes déclameraient des vers, où des acteurs joueraient des grandes pièces, où des pom pom girls déchaînées danseraient sur des airs d’opéra, où des vuvuzelas siffleraient l’hymne à la joie.

J’ai fait un rêve.

D’un monde où le culte du corps irait de pair avec le culte de l’Esprit, où les petites filles ne deviendraient pas anorexiques, où les petits garçons auraient le droit, même sans être transgenres, d’aimer le ballet, où les top models seraient intelligentes et où l’on apprendrait aux membres de l’équipe de France de foot à parler en bon français.

D’un monde où l’argent sale du Qatar, souillé par l’esclavagisme et les dérives sexistes et islamistes, ne dominerait plus la marche des choses.

D’un univers où la Coupe du monde de foot n’existerait pas, mais où les gens se passionneraient, de l’Alaska aux îles du Pacifique, pour la beauté, le partage, la philosophie.

D’une terre où les femmes auraient le droit de vivre libres, d’aller à l’école sans être enlevées ou qu’on leur tire des balles dans la tête, d’une terre où les enfants ne seraient plus assassinés par leurs pères devenus fous, d’une terre qui ne serait plus dominée par la force, la violence, la compétition, mais par le désir de faire le Bien et par l’envie de respecter l’Autre.

J’ai fait un rêve.

D’une Coupe du Monde différente.

Aiguiser les crayons de nos avenirs pour colorier les océans et tracer les mandalas du bonheur.

Amadouer les vigiles en diffusant Mozart dans les entrepôts nocturnes ; imaginer un casse-croûte entre les cambrioleurs et les dobermans devenus teckels de porte.

Regarder le vent, sentir le pourpre d’une aube, goûter les notes de la Traviata, respirer les caresses de l’amant, mélanger toutes les ivresses ; Dieu reconnaîtra les nôtres.

Compter à l’envers, courir en arrière, remonter les rivières, arrêter le temps ; laver le visage de notre avenir à l’eau claire des sources de l’enfance. Laisser Peter Pan conduire la Porsche de James Dean, lancer Jack Sparrow à l’abordage de nos rêves, devenir passage du Groix : ouvrons toutes les Mers Rouges !

Débouter les tristesses, faire jurisprudence de toutes nos imprudences, attaquer les malheurs, défendre les impossibles, mander un légataire des allégresses : Mesdames et Messieurs, la Mour !

Aérer les églises ; planter des croix de grands chemins, refleurir les calvaires. Oser un encens au patchouli pour Pâques, ressusciter Sainte-Blandine, faire des panurges en assemblées des lions missionnaires. Rugir de plaisir en priant, et remplacer les silences par des gospels. Halleluya !

Paris-Plage toute l’année, fragrances de monoï diffusées dans le métro, que la montagne vienne à Mahomet ! Si les voies sur berges appartenaient au peuple de Paris, la Seine se ferait estivale.

À quand un Salon de la Cité au cœur du Berry ou au fin fond de l’Auvergne ? Inauguré en grandes pompes par un président en salopette, chemise à carreaux et bottes de caoutchouc qui goûterait à toutes les spécialités locales et s’arrêterait à tous les stands : dégustation de tableaux de Maîtres, déambulations sans fins dans librairies de plusieurs étages, métissages humains, concerts géants…

Allumer le feu dans l’intimité des chaumières. Faire de chaque samedi soir sur la terre un happening unique. Printemps de Bourges en toutes saisons, Francofolies hexagonales : qu’il soit interdit d’être en anorexie culturelle.

Nuits des musées et des bibliothèques à volonté, Picasso en flux continu, que les escalators de Beaubourg descendent jusqu’à Marseille.

Mais aussi : solidifier les calmes, importer les clochers en terres de banlieue. Oser une transhumance humaine, délocaliser les HLM en Corbières, offrir des champs de lavande aux coursives. Que nos villes soient Cités Radieuses. Se souvenir des lavoirs et des rires, des vieux-oui, osons les appeler les vieux, ce n’est pas moins tendre que l’AOC «Personnes du 3° âge »…- méditant sur les bancs.

Refleurir les treilles et oublier les treillis.

Spectacle du Cercle Laïque Jean Chaubet au Centre Culturel des Mazades, 14/06/14
Spectacle du Cercle Laïque Jean Chaubet au Centre Culturel des Mazades, 14/06/14

Bon anniversaire, Zuck’ !!!

Lawton Silas Parker American

Bon anniversaire, Zuck’ !!!  

https://www.facebook.com/photo.php?v=10201513582298277&set=vb.1138188420&type=2&theater

C’était quelque part en 2008. Mes premiers pas sur le net, ou presque. Péniblement, mon ex-mari m’avait initiée au maniement d’une souris et de word, et je me revois encore cliquer lettre après lettre pour effacer, ou vanter les mérites d’un annuaire papier face aux Pages Jaunes en lignes, en 2003…Bon, j’avais quand même appris assez vite, navigant bientôt entre mes mails, Meetic et, depuis ce fameux soir du 30 avril 2008, mon premier « site d’écriture », mon cher « Oasisdesartistes »…

http://www.oasisdesartistes.com/modules/newbbex/viewtopic.php?topic_id=53092&forum=2

Sur ce forum, où bientôt mes mots s’évadèrent, les internautes et poètes vivaient cachés…Alors si ma plume s’en contenta, et si j’ai, en ce lieu béni où mes mots sont revenus à la vie, noué de solides amitiés, en particulier avec des poètes du Maghreb,

http://www.youtube.com/watch?v=LZYTkLBRgHE

http://www.youtube.com/watch?v=FGrbaJVTBTc

et même vécu la quintessence de l’amour -Jim, si tu me lis…-, je me suis assez vite lassée des « pseudos » et des jeux de cache-cache avec les « Étoile 75» et autres surnoms poétiques..

Me manquaient, en ce forum poétique, l’incarnation du réel, la transparence, l’échange en peer to peer de pairs osant se dévoiler, malgré les écrans…Certes, nous nous livrions jusque dans l’intime, puisque la poésie, justement, creuse et brûle les âmes, mais nous restions enfermés dans ces bulles virtuelles qu’offre l’anonymat.

C’est Tony, d’Oasisdesartistes, qui a été mon « premier ami Facebook ». Ma passerelle, mon pont entre ces deux virtuels, lui, le bel artiste peintre et écrivain, et je me souviens de ma joie en découvrant sa page, son visage, ses toiles, qui, sur Facebook, explosaient en autant de couleurs que la vie.

http://www.tonysossi.com/

Puis j’ai cherché Bertrand, dont j’étais amoureuse à 15 ans, que je revoyais encore en fragile jeune homme à lunettes, auquel j’offrais maladroitement, en notre datcha familiale, du cake fait de mes blanches mains adolescentes. Certes, je l’ai retrouvé, mais ce n’est pas avec lui que j’ai le plus de contacts, non, c’est avec sa maman, une délicieuse vieille dame digne et malicieuse, alerte et épanouie, un modèle de dynamisme…

Parce que figurez-vous que pour moi, Facebook, justement, ce n’est PAS Meetic…Certes, j’y ai pas mal d’amis garçons, mais aussi énormément d’amies filles, dont mon quartett de vieilles dames déjantées et sublimes, qui lisent, écrivent, écoutent de la musique, postent certes des photos de fleurs et de chats, mais aussi participent à la vie de la cité, sont dans le mouvement, dans la joie, malgré leurs âges, leurs peines, leurs deuils parfois : ma Jo, mes Thérèse, ma chère Michèle, je vous embrasse !!!

Je le dis souvent, Facebook, je l’ai attendu toute ma vie…

Je me revois, maman solitaire et fraîchement divorcée perdue dans l’austérité des monts d’Auvergne, Toulousaine en mal de tuiles roses, confrontée à la pierre noire de Volvic et aux difficultés de la solitude, des enfants petites et toujours malades, à huit heures de TER de « moun païs »…Je me revois compulser parfois l’annuaire, me demandant si je ne trouverais pas là un nom à consonance toulousaine ou germanique…Je me revois écrire à des vieux amis de fac ou de lycée, en retrouver, d’ailleurs, mais bien difficilement…Et puis, quand on est un peu intello, et très isolé –dans une salle des profs, sur un marché, dans un TER…-, on a envie, avant tout, de lire, oui, mais surtout d’écrire, d’échanger.

L’échange. Cet instantané de l’échange, et, souvent, de haut niveau. Voilà « mon Facebook », celui que je revendique, celui que je « like », que j’adore, dont je ne saurais plus me passer.

Traitez-moi de pompeuse, de voyeuse, de mytho, de selfie-woman, de prétentieuse : je n’en ai cure. Facebook, c’est ma deuxième maison.

Oui, je suis narcissique. And so what ? Oui, je fais des selfies, même si je n’ai pas le physique d’une député danoise. Mais j’ai perdu 25 kilos en 2003 –l’année de mon divorce, pour ceux qui suivent-, et, n’ayant quasiment aucune photo de moi d’avant cette époque, malgré deux ex-maris et d’autres compagnons, je tiens à rétablir la vérité : oui, je suis belle. Na.

Oui, « j’étale ma vie privée sur Facebook », au grand dam d’une partie de ma famille ! Grâce à ça, j’ai survécu à dix ans d’enfer social, de divorce et de surendettement. J’ai trouvé sur FB des contacts, des liens, des écoutes. Et je préfère payer un abonnement internet que 28 euros à quelque psy barbu et vasouillard, qui m’écouterait m’épancher en jouant au cluédo dans sa tête de piaf-si toi aussi tu veux mettre ta plaque « thérapeute » devant chez toi, sans risquer un contrôle du fisc, tape « un »…

Oui, je rencontre des gens fabuleux sur Facebook !!! Et même pire, je les « sélectionne » !! Ne pensez pas que j’accède à la demande d’amitié du gars qui a mis deux photos de GI et de bébés joufflus sur sa page et qui veut devenir mon ami, ayant sans doute lu que j’aime les enfants et l’Amérique…Non, mes amis sont délicieux, cultivés, cosmopolites…Sur FB, j’ai rencontré des suédois déjantés et des portugaises engagées, des américains fabuleux et des occitans talentueux, et des femmes avec lesquelles je partirais sans hésiter en vacances.

Car sur cette étrange plate-forme, le paradis, c’est les Autres, c’est l’Autre !

Ce sont ces gens divinement intéressants, qui ont voué leur vie à l’art, aux lettres, à la musique, ou à l’engagement social. Ce sont ces femmes qui luttent pour leurs droits. C’est cet « ami américain » que je considère comme un frère, qui m’a déjà envoyé de vraies lettres, des colis, des présents, avec lequel je partage une seule et unique vision du monde, sans l’avoir jamais rencontré-Silvanus, kisses !!!

http://www.youtube.com/watch?v=trL0cHwKbao&feature=c4-overview&list=UUWg56Q293oyLDXOgF7R_kSw

C’est cette femme qui me nomme sa « guerrière » et à laquelle j’ai promis une nuit d’été à parler en buvant du thé au jasmin, dans nos pyjamas de soie, que je n’ai jamais vue, mais dont je connais la voix, le courage, la beauté. Corinne, je t’embrasse !Et vous toutes aussi, les Ines-Marie, Muriel, Angéline, Marianne, Anne…Et les garçons aussi, bien sûr, les Alexandre, François, André, Claude, Omar, Joseph…

C’est cet ami architecte que je nomme « mon mari »-juste pour rire ! C’est aussi mon ami de de 35 ans, que je connais depuis le lycée, mon Matt, qui, de ma campagne tarnaise à la Californie, est ma passerelle vers mes étoiles !

Sur FB, je bouillonne, je m’expose, me surexpose, je chante, écris, partage, et surtout vais de découvertes en découvertes, moi qui, par un atroce enfermement social, ai vu mon horizon lambda de petite fonctionnaire se réduire, depuis 10 ans, comme une réfugiée enfermée dans quelque tente de Lampedusa…Sur FB, moi qui n’ai pas revu Mare Nostrum depuis des années, je visionne de sublime images de ma chère et talentueuse Christelle, qui nous offre mille océans fabuleux. Sur FB, moi qui ne pars plus, depuis longtemps, outre-Rhin, je passe les frontières, allègrement, sur des chemins de douaniers, telle une intrépide Alexandra David-Neel qui découvrirait le monde…

Bien sûr, je m’énerve, m’insurge, m’insupporte…Les murs fermés, les antichambres closes au grand public, les faux profils, aussi insupportables que les faux prophètes, et puis ces murs regorgeant de chatons et de jeux, panem et circences du pauvre…Pas plus tard que cette semaine j’ai hurlé de rage, voyant que le chaton « Oscar », jeté contre un mur de Marseille, recueillait des millions de soutiens, quand des millions de femmes meurent et sont battues et violées, en silence, de par le monde….Si Paris vaut bien une messe et Oscar une page Facebook, une femme vaut bien que nous nous mobilisions pour elle, non ?

Mais ce soir, je veux simplement, avec Zuck », souffler nos bougies ! Longue vie à notre Facebook ! Merci à ce jeune étudiant d’avoir su cristalliser mes rêves !

Longtemps, je me suis couchée de bonne heure.

Aujourd’hui, je m’endors avec vous…Je vous embrasse, mes amis Facebook !!!!

 

 

My America is like a poemwhisperer

 

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http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/scarlett-for-ever_b_2072059.html

My America is like a poemwhisperer

 My America is like a rising sun

 Twin Towers tempest and Walden woods

 Desert gospels and Harlem as a temple

 Oh give me the time of grace

 Even frozen hearts can touch this marigold summer of love

 

My America is like a bright harvest

 Gone with the dubious wind

 Suzanne is singing sadly

 And Johnny Cash feels hurt

 But sandpipers are waiting for the mermaid of their dreams

 

My America is like a poemwhisperer

 Tender is her night

 Captain oh my Captain can you feel this dusty wonderland

 Vermont greens and Texas spleen

 Over the rainbow she’s a dancing queen

 

My America is like a gentle hurricane

 Slate grey children play lonesome and lost

 Scarlett is crying rivers

 But bluebell hope will never die

 Can you smell the colors of our spicy apple pie

 

My America is like a blowing prayer

 Chestnut drums and sunflowers fields

 Many helpless rivers to cross

 A thing of beauty is a joy forever

 Poets and words swim in strawberry winds

 

My America is like a milky honeymoon

 Cherry blossoms whistles

 Cristal cities flying forests

 Moonwalks in purple rains

 Sound of silence or smiling Babylons

 

My America is like a genesis

 Ocean’s stars crossing hearts

 From the Golden Gate to Big Apple

 Sitting Bull sharing peace pipe with Marilyn

 Windmills in the secret of thousand golden roses.

 

Sabine Aussenac

Et découvrez la superbe musique de mon ami Silvanus Slaughter, talentueux jazzman:

http://www.youtube.com/watch?v=yqBbxdn1sTA

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http://www.best-poems.net/editors/1293

Born from a german mother and from a french father between Rhine and Garonne, Sabine Aussenac is a child of Europe. She grew up between mediterranean lights and dark pine forests, Verlaine and Heine, Hugo and Celan.
German teacher, she was a graduate of the poetry of the Holocaust and has also written many poems, essays and short stories. Her first novel, British Kiss, is currently in peer review. Mom of three kids, she lives in Gasconny.

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