
Les courses, les commissions, le marché… C’est sans doute l’un de nos plus anciens souvenirs que celui de ces échanges avec les commerçants qui, lorsque nous étions enfants, nous apparaissaient comme détenteurs de ce pouvoir un peu magique puisque c’est chez eux que se trouvaient les friandises et autres berlingots que nous aimions déguster…
Peut-être avez-vous connu, comme moi, ce temps ou nos mères allaient non pas « faire des courses » mais plutôt « aux commissions, » comme on dit dans le midi, leur filet à la main, passant chez l’épicier, mais aussi chez le boucher, le charcutier, le crémier, le primeur… Je me souviens de l’Épargne albigeoise où notre mère allait régulièrement, et aussi du sourire de ces commerçants de nos étés d’outre-Rhin, mais surtout des gâteries qu’on m’offrait souvent : un bonbon par ci, une tranche de saucisse allemande par là… Sans oublier le marché, comme celui où mes grands-parents français vendaient leur miel devant la statue de Jean Jaurès, à Castres, entre bérets et accent rocailleux…
Et puis un jour, ma mère monta dans la « Diane » de notre voisine qui, elle, avait le permis, pour, la première fois, aller dans une grande surface…Au « Leclerc » d’Albi, mastodonte surgi de nulle part qui, à nos yeux d’enfants, ressemblait à une caverne d’ali baba… Certes, je connaissais les grands magasins allemands dont j’adorais les escalators et les ors, mais dans notre sud-ouest, jamais encore je n’avais vu autant de marchandises assemblées en un seul lieu…
Quelques décennies plus tard, ce fut à mon tour de nourrir une famille… Et de fréquenter assidûment non pas les grandes surfaces, que j’ai, au fil des ans, trouvées de plus en plus anxiogènes et indécentes de par l’avalanche de la surconsommation, mais les moyennes surfaces, les magasins de proximité, et, last but not least, mon sacro-saint LIDL, l’enseigne phare des bi nationaux…
C’est aux caissières et aux caissiers que je voudrais rendre hommage aujourd’hui, puisque en cette période de lutte contre le coronavirus, c’est à eux qu’il appartient de tenir la deuxième ligne de front, derrière les valeureux personnels soignants… Je pense à toutes ces « hôtesses de caisse » et à tous ces magasiniers et responsables de commerces qui se lèvent chaque matin pour moi, pour vous, pour nous, et qui défient leur peur et le danger pour prendre leur poste, le sourire aux lèvres malgré la boule au ventre !

Quand je regarde en arrière, des dizaines de visages et de sourires défilent en ma mémoire… Impossible de me souvenir de tous les prénoms, mais je revois avec précision d’innombrables scènes, d’anecdotes, de moments précieux d’échanges qui font le sel de nos quotidiens…
Loin, très loin dans mes souvenirs, il y a cette dame qui travaillait au supermarché situé sous le viaduc de Clermont-Ferrand, non loin de notre appartement…Il me semble que c’était l’enseigne « ATAC », devenu, si j’en crois Google, un « Simply »… Nous bavardions de tout et de rien, nous racontant nos vies de jeunes mamans, et c’est elle qui, plus d’une fois, me ramena notre teckel qui, par l’odeur de saucisses alléché, passait son temps à fuguer jusqu’au magasin ! Elle me fit même une « attestation » lors de mon divorce, certifiant que je m’occupais bien de mes petites…

Ensuite, il y a les rires contagieux des caissières du « Casino » du Pont des Demoiselles, à Toulouse ; l’une venait de Madagascar et adorait que je salue avec un « velum » qui lui rappelait le pays, nos enfants étaient aussi dans la même classe, et nous papotions de tout et de rien, tandis qu’elle faisait défiler les énormes paniers de courses que je ramenais pour mes ados et leurs amis affamés et mon fiston gourmand…

Plus tard, à Auch, mon QG devint le « Shopi » de la basse-ville… Il m’en fallait, du courage, pour remonter ensuite le caddy à la presque verticale de la rue Dessoles ! Mais je repartais chaque fois requinquée à bloc, le cœur en joie après les bavardages avec l’une des caissières, adorable, dont je revois encore le petit carré et les lunettes sages, qui hélas fut traumatisée par un cambriolage violent… Je discutais aussi beaucoup avec une autre, qui elle aussi avait son fils en classe avec le mien, et nous riions beaucoup des différences entre son gamin qui adorait la chasse et le sport et le mien qui ne savait pas attraper un ballon correctement ! Une autre encore me racontait ses virées en moto…
En notre bonne ville d’Auch, je fréquentais aussi assidument le LIDL, et là je prenais un plaisir tout particulier à discuter avec une caissière dont l’allure de mannequin et la coiffure toujours parfaite me fascinaient d’autant plus qu’elle avait un nombre incalculable d’enfants ! Je garde un souvenir ému de sa blondeur et de nos échanges…
Le LIDL de Toulouse est tout aussi sympathique, puisque là a sévi plusieurs années un homme que nous surnommions, avec fiston, « l’homme élégant », puisque ce monsieur avait, déjà avant la mise en place des « gestes barrière », toujours l’habitude de porter des gants ! Son humour et son beau sourire me restent en mémoire, et je ne manque pas, aujourd’hui, de toujours discuter de la pluie et du beau temps avec ses collègues, de demander au nouveau caissier quand il se fera faire un nouveau piercing…
Que dire de tous mes échanges avec les gérants des différents « Petits Casino » de la ville rose, que je fréquente au gré de mes affectations et trajets en bus… Je ressens une tendresse particulière pour cette enseigne qui accompagnait déjà ma vie d’étudiante, ayant encore en bouche le goût proustien des madeleines coquilles toutes petites et craquantes que je dégustais en planchant sur mes disserts de prépa… Le nomadisme des couples de gérants des casino correspond d’ailleurs bien à la multiplicité de mes affectations rectorales… J’ai une pensée spéciale pour la gentillesse du couple qui gérait un « Leader price » devenu Casino, à l’angle du Capitole, non loin de Fermat…
Plus près de chez moi se trouvent, à égale distance, un Casino et un « Carrefour city »… Que de beaux échanges, là encore, avec les caissières et différents employés, depuis sept ans que je vis dans mon quartier… J’embrasse particulièrement Sonia et Pascal, même si ils nous ont quittés pour aller achalander le Casino du Canal vers les Ponts-Jumeaux ! Le rire tonitruant de Sonia et les musiques de rock faisant valser les rayonnages, l’adolescence de leurs enfants, le sourire de Pascal qui venait aussi jouer à la pétanque Place Pinel et qui nous livrait le sapin à Noël, tout cela faisait que faire mes courses allait bien au-delà de l’acte mercantile…
Au Carrefour ont défilé nombre d’employés plus adorables les uns que les autres, et plusieurs gérants… La blondeur et la gentillesse de l’un, le sourire et les discussions passionnantes avec Djibril, les blagues belges d’un autre, les conseils de bricolage de la gérante…, là aussi, je ne faisais pas que des achats : un réel lien social avait su se créer, et d’ailleurs les confidences, parfois, allaient très loin, on me parlait de sa famille, de ses ennuis… Quant à moi, j’avais pris l’habitude de porter au magasin mes poèmes de Noël et de fin d’année !

Les équipes ont changé, les enseignes se sont interverties, l’ancien Casino situé vers le Caousou est devenu un Carrefour, l’ancien Carrefour est devenu un « bio », le Casino du haut, qui avait été repris par Pascal et Sonia, est à présent tenu par un adorable couple malgache, tandis que le Carrefour a aussi un gérant très chouette qui a même mis une boîte à livres dans le magasin et a organisé il y a quelques temps une collecte alimentaire avec les religieuses de notre quartier, et les jeunes employés du Carrefour bio sont plus charmants les uns que les autres : bref, la relève est assurée !
Je n’oublie pas non plus d’avoir une pensée pour la dernière enseigne où je fais régulièrement de plus grosses courses -car dans le quartier, c’est un peu plus pour des « petits dépannages »… : « mon » Casino est celui de Saint-Georges, avec ses grandes allées à mi-chemin entre les moyennes surfaces et les hyper, et au cœur de cette ruche bourdonnante virevoltent tout un tas de sourires et d’amabilités, comme celui de Teddy -j’espère ne pas me tromper de prénom ; en tous cas, moi, je porte celui de sa maman…-, ou de l’adorable responsable que je viens toujours enguirlander quand les réductions ne se font pas sur ma carte !!!
Est-ce une particularité du sud-ouest que de « bader » avec tout le monde, de discuter, d’échanger, comme si nous étions au marché ? En tous cas, à mes yeux, l’humanité extraordinaire de toutes ces personnes qui, toute la journée, avec souvent des cadences difficiles, gardent le sourire pour accueillir des centaines de clients, est très précieuse et digne d’être louée et soulignée… Bien sûr, les commerçants des marchés de plein vent ou des halles ont un cœur tout aussi grand, et j’embrasse très fort Anne, si elle me lit, dont j’ai gardé le bébé il y a quarante ans avant de faire des trous dans sa caisse tant j’étais nulle pour « rendre la monnaie », Alain de la halle d’Auch, et surtout mon Serge du marché de Rangueil, qui m’a gravé mon seul CD de Johnny et dont le sourire, la gouaille et l’acceptation de mes chèques « en différé » m’ont quasiment sauvé la vie lors de mon divorce…
À vous toutes et tous, de notre part à tous, où que vous soyez en France, dans les hyper, les petites et moyennes surfaces, les halles, les marchés encore ouverts, de tout notre cœur : merci. Merci de nous aider à affronter cette crise, merci de votre courage, de votre bonté, surtout si vous n’avez pas d’autre choix que de venir travailler ! MERCI !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je vous invite à soutenir la famille d’Aïcha, qui a succombé au virus :
Superbe Texte merci pour ce partage !!! (lors d’un échange expérience client au Carrefour City Av Camille Pujol!)
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Merci beaucoup de ce retour! Amitiés à vous et à votre collègue!
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