Un grand souffle joyeux inonde les vitraux #Toulouse #PianoauxJacobins

 

La lumière est divine et le mal bien lointain,
Dans l’église apaisée le jour se fait serein:
Un grand souffle joyeux inonde les vitraux
Qui s’élancent en corolle, embrassant le Très Haut.

Aux Jacobins l’Histoire caracole, immobile,
Et les touristes prient au doux cœur de la ville…
Le palmier irradie sa splendeur purpurine
Et la pierre respire, embrasée et mutine,

Ces mille chatoyances quand soleil déluré
Vient saluer les ombres des gisants et des cierges.
Dans le cloître fleuri un piano se fait fugue;

On croirait voir furtives des moniales pressées
Rejoignant leur autel pour adorer la Vierge…
À Toulouse le futur au passé se conjugue.

http://www.poesie-sabine-aussenac.com 

http://www.pianojacobins.com/-Programme-.html

https://www.facebook.com/pianojacobins/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ensemble_conventuel_des_Jacobins

32, rue des Paradoux

Cela fait déjà plus d’un mois, mais les notes résonnent encore allègrement dans les mémoires…

C’était le 21 juin, en cette nuit si spéciale depuis qu’un ministre la dédia toute entière à la musique, il y a mille ans, lorsque j’avais 20 ans…

Des Fêtes de la musiques j’en ai bien entendu vécues des dizaines…Celles des début, virevoltantes de passion, lorsqu’en chaque coin de rue de Clermont-Ferrand, (où l’Éducation Nationale m’avait exilée…) soudain solaire et primesautière sous la pierre noire de Volvic, des guitares déchiraient la nuit, ou qu’un violon égrenait les étoiles sous quelque saule du Jardin Lecoq… J’y croisais mes anciens élèves, nous nous embrassions, je les écoutais jouer et mes filles applaudissaient.

Celles des dernières années ne m’enchantèrent guère, devenues des parades commerciales pour artistes recrutés par des municipalités, envahies de fumées de merguez et de relents de bière, prétextes à beuveries et non plus au partage des talents, et même restituées sur écran géant, depuis deux ans, depuis mon Capitole aux allures de grosse caisse… J’avoue que cette surenchère sonore des bars propulsant pour une nuit des enceintes monumentales sous les briques roses ne ressemble plus vraiment, je pense, au projet initial de Jack le rêveur…

C’est donc presque à reculons que je me mis en route pour une soirée privée, espérant enfin y voir s’y produire le fameux ensemble des « Mâles au Chœur de Tolosa » dans lequel chante un non moins célèbre adjoint au Maire de Toulouse aux mille casquettes…

J’avais lu son appel sur un réseau social…

« Pour la fête de la musique, les Mâles au Choeur de Tolosa chantent rue des Paradoux… ceux qui savent, savent… »

Il fallut traverser la Ville Rose déjà jonchée de bruits plus moins pétaradants, éviter le Capitole en liesse, admirer rapidement quelque gros son de Métal ou de rock, avant d’atteindre le Graal, non loin de Garonne toute ondulante de cet été commençant, au creux de l’une de ces rues anciennes qui font de Toulouse un livre d’histoire à ciel ouvert…

Une lourde porte cochère nous découvrit une cour aussi secrète qu’un joyau de la couronne, trébuchante de pavés, lovée dans sa beauté. Des chaises y étaient disposées – nous apprendrons plus tard qu’elles étaient gracieusement prêtées par Convergencia Occitana -, un buffet semblait se dresser – superbement orné par la Maison des vins de Fronton – , bref, nous comprîmes très vite qu’une véritable institution  se tenait là, au 32, rue des Paradoux (et en effet, c’était loin d’être la première des soirées organisées par la copropriété, en partenariat avec l’association  Tous Mécènes en Midi-Pyrénées et avec Amadeus Piano… !)

On nous expliqua, malgré l’heure peu avancée, qu’il était bon de réserver ses chaises, car les places allaient être chères…Et nous nous fondîmes donc en ce décor de rêve, guettant impatiemment les bérets des « Mâles » qui se faufilaient vers les coulisses, heureux d’avoir pu nous glisser dans l’antre de ces happy fews…

Tout d’abord, il y eut les hirondelles.

Fières, insolentes, libres, indifférentes à nos activités et prétentions humaines, elles filaient, indomptables, frisant les tuiles, frôlant les briques, embrassant les pierres, inlassable ballet rythmant la soirée, puis la nuit.

Cet onyx lumineux étourdissait nos sens.

Les invités de cette fête privée n’eurent d’égal que la qualité du lieu ; nobles, inclassables, uniques, talentueux, ils transportèrent l’assemblée vers des hauteurs que la foule agglutinée devant mes chères Arcades ne pouvait pas imaginer, toute occupée qu’elle était à applaudir le commerce des médias – mais c’est bien entendu tout aussi respectable, et tous les frissons se valent, je n’écris pas pour Télérama et confesse écouter Radio Nostalgie aussi souvent que FIP et sourire devant The Voice, tout comme j’aime Bruce Willis ET Woody Allen…

Cependant, dans cette cour privée ceinte des brûlures et beautés de l’Histoire, allaient se succéder des voix et des talents rares, puisque nous entendîmes Sonia Menen, superbe soprano qui avait été lauréate en juin 2016 du deuxième prix Femme d’ « Opéra en Arles », ou la mezzo-soprano Nadia Yermani, elle aussi lauréate de nombreux concours d’art lyrique, professeur au conservatoire de musique du Tarn, qui nous régalèrent de Saint Saëns, de Puccini et du sublime Lakmé en passant par Gounod et Strauss…

Ce fut un plaisir intense que d’entendre ces voix divines disputer l’azur de cette presque Saint-Jean aux hirondelles qui fusaient au ras de la scène. Le son, lové timidement dans la chaleur de la pierre, s’élançait ensuite en droite ligne vers le ciel, comme en harmonie avec les éléments…

Le public se taisait comme à l’office, vibrait puis se déchaînait après chaque morceau. Les instruments n’étaient pas en reste. Cyril Kubler, pianiste accompagnateur et chef de chant, dont la carrière tourbillonne brillamment de la Turquie à Brême, a sublimé les airs lyriques de sa patte particulière, tandis que le QuarteXperience, qui réunit quatre professeurs du conservatoire de Toulouse, transformé en quintette exceptionnel avec la présence de Francis Tropini, ancien clarinettiste soliste de l’Orchestre du Capitole, réinventa les répertoires romantiques et contemporains, de Mozart à Piazzolla.

Le 32, rue des Paradoux était ce soir-là baigné de passion et de tendresse, le partage de ces copropriétaires allant bien au-delà de quelque réunion visant à sabler un mur ou à payer des charges. Nous oscillions entre une fête de voisins et un moment d’intensité culturelle exceptionnelle, car vous imaginez bien les heures de préparation et d’investissement qui sont nécessaires à de tels moments de bonheur… Oui, l’esprit de la Fête régnait particulièrement en ce lieu, devenu quintessence de ce qui avait été imaginé il y a  longtemps, en ce temps où la rose tenait soudain le haut du pavé: nous vivions bien une nuit spéciale, dédiée au talent, au partage et à l’allégresse des sens, pour faire la nique aux longs mois d’hiver, à nos heures inlassables de travail, comme une promesse estivale infinie…

Et puis vint Constant Despres.

Je ne m’y attendais pas, j’avoue humblement que je n’avais pas entendu parler de ce jeune prodige, pourtant récemment révélé par l’émission éponyme…

Un regard, avant tout, d’immenses yeux ourlés de cils à faire pâlir tous les mascaras du monde.

Un sourire, modeste, mais aussi sûr de lui, souverain devant la musique, humble devant le public.

Et surtout, un talent fou du haut de ses dix printemps… C’est sans partitions qu’il a interprété de nombreuses compositions, faisant valser la pierre avec Chopin, fuguant vers Garonne en compagnie de Jean-Sébastien, rivalisant de dextérité avec les plus grands déjà, éblouissant de fraîcheur et de maestria.

Il rentrait tout juste de Lille, où il avait participé à l’émission Prodiges et joué le final du Carnaval des animaux avec l’orchestre national de Lille, devant 45000 spectateurs, et j’ai senti en lui la grâce de ces êtres que la vie a dotés d’un don exceptionnel…

Pour exemple, un extrait de l’émission de décembre…

Fidèle de « Piano aux Jacobins », j’avais en mémoire les doigtés mélodieux d’une Zhu Xiao-Mei sur les Variations Goldberg, ou les malices d’un David Lively, et je peux vous assurer que le jeune Constant est de cette étoffe-là.

Bien sûr, sa radieuse maman était à ses côtés au moment du bouquet de fleurs, et j’ai appris plus tard que puisque les chats ne font pas des chiens, son papa, exceptionnel lui aussi, avait en son temps enchanté Toulouse et la France entière de ses propres talents!

Toute l’assemblée semblait elle aussi portée par la grâce en écoutant Constant, et c’est donc dans cet état quasi extatique que les Mâles au Chœur, last but not least, trouvèrent un public grisé déjà par mille notes.

Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises.

Car le final de cet ensemble polyphonique exclusivement masculin vagabonda du Pays Basque à la Corse, ourlant les Pyrénées et mare nostrum de ses voix graves aux tessitures mélodieusement accordées à trois ou quatre voix, faisant résonner la cour de toutes les chaleurs méditerranéennes et de toute la puissance de la côte atlantique…

Ils nous régalèrent de leur pointe d’accent qui me fait toujours frissonner de toute mon âme occitane:

Je fus très émue de découvrir enfin cette nouvelle facette des engagements de mon élu préféré, qui, lorsqu’il ne supervise pas des chantiers de métro toulousain ni ne corrige de partiels ou ne tourne de films Place Pinel, se fait l’écho de ses chères montagnes en en entonnant les refrains…

Les Mâles faisant ici vibrer le Capitole:

Nous repartîmes à regret, tout étourdis de sensations et de notes.

Il nous avait semblé assister à tout un festival, nous avions eu l’impression d’être venus écouter « Un violon sur le sable » en Charentes, ou les cigales enivrées de piano à La Roque d’Anthéron…

Car la musique classique, lorsqu’elle ose pousser les murs des salles de concert, n’en est que plus majestueuse, rejoignant en synesthésie les respirations de la nature…

Et nous partîmes au gré des briques roses, espérant secrètement que nous serions, un jour prochain de juin, entre copies de bac et effluves de monoï, à nouveau invités à nous glisser au 32, rue des Paradoux…

***

Lundi 5 février 2018. West Side Story avec VM Ballet et le QuarteXperience…

http://lesmalesauchoeur.org/

http://www.tousmecenes.org/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Convergence_occitane

Et pour continuer le concert, quelques notes imaginaires…

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2016/08/17/le-rossignol-et-la-burqa-une-ancienne-nouvelle/

Lettre à Myriam, 5 ans après la tuerie de Toulouse…

Texte paru le 22 mars 2012 dans le Huffington Post.

http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam/

 

Si tu savais, Myriam, comme j’aurais aimé t’avoir comme élève…Oh, je ne sais pas si l’allemand est enseigné dans ton école, mais j’imagine qu’un jour, peut-être, tu aurais eu envie d’en apprendre davantage sur « la langue des bourreaux », qui, bien avant qu’on ne la nomme ainsi, avait été celle des « Penseurs et des philosophes »…Je t’aurais parlé de Rilke, Myriam, et de Celan, allemand ET juif, et puis nous aurions vu ces images de réconciliation, ces images d’au-delà du Pardon…Je sais bien que tous les Kippour de l’éternité ne suffiraient pas à pardonner à mes ancêtres ; mais nous pouvons essayer, n’est-ce-pas, essayer de parler de poésie, aussi. Si tu avais été un jour mon étudiante, Myriam, je t’aurais dit que je ne suis pas d’accord avec Adorno, car je pense que la poésie doit exister, même après Auschwitz. Mais tu sais, ce soir, j’en doute. Ce soir, j’ai froid. Ce soir, tu me manques, même si je ne te connaissais pas.

J’aurais tellement aimé te croiser un jour, dans notre ville rose, petite fille jolie et rieuse. Tu aurais traversé les allées du Jardin des Plantes en courant, ou tu aurais mangé une glace chez Octave, toute barbouillée de framboise -bon, peut-être pas chez Octave, car je ne pense pas qu’ils fassent des glaces casher, là bas, mais bon, tu comprends bien ce que je veux dire.

Au lieu de ça, ma belle petite Myriam, c’est de sang qu’il t’a barbouillée, l’Immonde, la Bête, le Monstre. Et tu as eu beau courir, il ne t’a laissé aucune chance.

Oui, ma Myriam, j’aurais aussi voulu te voir, un peu plus grande, pouffer de rire avec tes copines dans les travées des Nouvelles Galeries, ou chez Virgin. Car bon, bien sûr, ta maman t’aurait un peu interdit de te maquiller, mais tu aurais bien fini par y aller, à Monoprix, et aussi chez Zara, et puis pour la Bar-mitsva de ton cousin, vous vous seriez toutes retrouvées au Bibent, à comploter sous la magnifique coupole, vous murmurant des secrets, racontant les derniers potins de l’école. Oui, Myriam, je le sais bien ; tu aurais ressemblé à toutes les jeunes filles de Toulouse, aux Virginie, aux Laurie, aux Nour, même, tu sais, celles que j’ai cette année comme élèves, qui rigolent comme des tordues, elles aussi, même lorsqu’elles portent le voile le vendredi. Parce qu’elles aussi, sous le voile, elles sont comme tout le monde, avec des paillettes et du gloss, et puis ne va pas croire qu’elles n’écoutent que Khaled, tiens, bien sûr que non, elles écoutent Justin Bieber et Lady Gaga, comme tu l’aurais fait aussi…

Mais tu n’écouteras plus jamais de musique, ma chérie, parce qu’un autre que toi a oublié que, lui aussi, quand il était plus jeune, il écoutait du rap et du r n’ b, et puis même du métal, va savoir… Je m’en souviens bien, de ce jeune garçon encore innocent. Je l’ai sûrement croisé, au LIDL de la gare, ou au Florida, ou aux Puces, un dimanche, à Arnaud-Bernard… Il aura sans doute souvent traîné avec des frères et ses cousins autour du lac de la Reynerie, et puis le samedi il descendait notre rue Saint-Rome, et il faisait le mariol devant les filles de la cité, sur son scoot. Un scoot, oui, Myriam, tu te rends compte ? Ce garçon là a eu un scoot, bon, allez, on ne va pas raconter qu’il l’avait peut-être volé, non, faisons lui confiance, le moment est très mal choisi pour étaler des lieux communs, on va simplement dire qu’il l’avait acheté à un cousin. Un scooter, oui, comme celui…

Myriam, Myriam, comme tu aurais été belle, le jour où je t’aurais croisée, à l’EdJ, à notre Espace du Judaïsme, pour cette conférence de Jonathan, ton professeur de religion… Oh, je dis « notre », mais tu le sais bien, je ne suis pas juive. Je fais ma juive, parfois, je ne sais pas bien pourquoi, sans doute par culpabilité, parce que je suis à moitié allemande ; et puis depuis que, à peine plus âgée que tu ne l’étais le 19 mars, il y a deux jours, j’avais lu le Journal d’Anne Franck, je ne peux pas vraiment t’expliquer pourquoi, mais… Je me suis sentie proche de toi, de « vous », et puis voilà, j’ai beaucoup lu, j’ai parlé, j’ai rencontré des rabbins, des Justes, des amis. Oui, tu m’as vue, hier, lorsque je suis allée faire la minute de silence au Capitole, dans la belle Cour Henri IV, tu sais, « notre Bon Roi Henri », qui prêchait la tolérance, qui a aidé notre France d’autrefois à accepter le multi communautarisme, tu m’as vue, alors que j’écoutais le beau discours, simple et clair, de notre maire, Pierre Cohen : je l’avais mise, ma petite étoile de David, celle que j’ai achetée dans le Marais… Comme ça, parce que je voulais te dire qu’au fond de mon cœur nous sommes tous des juifs, tous des juifs allemands.

Aucun professeur, ma chérie, ma petite Myriam, ne t’expliquera plus qui a dit ça, il y a longtemps, quand on lançait des pavés, au joli mois de mai… Et puis je ne t’y verrai pas, non plus, dans cette superbe cour Henri IV, juste derrière le Capitole, quand tu aurais descendu les escaliers depuis la salle des Illustres… Personne ne te photographiera au bras de ton époux, devant le tableau d’Henri Martin, dans ta merveilleuse robe de mariée, et personne ne vous lancera des pétales de rose, ni ne brisera de verre, le jour de ton mariage. Tiens, j’ai revu La Vérité si je mens, avec mon garçon, à peine plus âgé que toi, et nous avions bien ri, lorsque Richard Anconina appelle le Rabbin « mon Père »… Comme j’aurais aimé rire un jour avec toi, Myriam… Comme j’eusse aimé que toute leur vie, tes parents te chérissent et rient à tes côtés, au lieu de t’accompagner vers ta dernière demeure…

La petite étoile, Myriam, celle que j’ai portée hier, je l’ai gardée, dans le métro. Il était bien désert, d’ailleurs, le métro. Tu sais, les gens ont peur, les gens sont vite lâches, mais je crois que ce qui t’est arrivé a été tellement insoutenable que plus personne n’a osé sortir. Oui, nous étions terrifiés. En tous cas, je l’ai gardée au cou, oui, même si c’est interdit d’arriver dans un collège public en arborant des signes d’appartenance religieuse – bon, tu sais, je souris, parce que dans mon collège, on mange hallal, mais… c’est un autre débat… Je voulais montrer à mes élèves, à mes Moktar, Ali, Rachida, comment on traitait les allemands pendant la guerre, je voulais qu’ils touchent cette étoile, parce que je trouvais intolérable que ce qui t’est arrivé soit en lien avec la Shoah… Et tu sais, Myriam, ils ont été contents : parce qu’au début de l’année, j’avais dû me fâcher: ils n’arrêtaient pas de vouloir parler du « Führer » en cours – tu sais bien, Adolf Hitler, tes grands-parents et tes professeurs t’en ont sûrement parlé…-, parce que tu vois, ces élèves là, ils confondent tout, ils écoutent ce qui se raconte dans les banlieues, et sur les chaînes de télévision câblées qu’ils regardent avec leurs parents… Alors ils confondent les millions de juifs morts de la Shoah avec les soldats israéliens qui tirent les roquettes sur Gaza, et… tu ne vas pas me croire, mais au début de l’année ils me l’avaient dit, ils « adorent Hitler » !! Alors bon, moi, c’est simple, je leur ai fait écrire sur le carnet de correspondance: « Il est interdit de prononcer le nom du Führer à tout bout de champ en cours d’allemand ».

Mais hier, donc, je leur ai permis d’en parler. Alors oui, Myriam, au début, ils ont souri. Mais ne t’inquiète pas. Très vite, j’ai vu dans leurs yeux qu’eux aussi, ils avaient très peur. Très très peur. Même Moha, qui faisait son malin. Et puis leurs mamans aussi, il paraît qu’elles n’avaient parlé que de ton école et de toi, le matin, dans les magasins de Bellefontaine, et puis ils ont encore un peu plaisanté, ils m’ont dit « Mais Madame, nous, on est tristes qu’ils sont morts. Ils auraient pu se convertir, ils seraient peut-être devenus musulmans, un jour… » Mais tu sais, moi, j’ai bien vu qu’ils étaient tristes, inquiets, et aussi leurs mamans, que j’ai croisées le soir, au conseil de classe. Tiens, pour la petite histoire, Myriam, je te raconte encore que la petite étoile, je l’avais enlevée, avant le conseil. Mais figure-toi que quand j’ai vu entrer une des mamans entièrement voilée, sauf son visage, dans la salle des conseils, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu un sursaut de colère, un sursaut d’intolérance. Je me suis dit que ce jour là, justement, notre « école de la République » aurait dû davantage jouer son rôle de creuset de la laïcité. Mais non. Alors, j’ai eu envie que tu sois un peu avec moi, dans cette école, dans mon collège, avec la petite étoile. Je l’ai donc bien ostensiblement sortie de mon sac à mains, et je l’ai mise autour de mon cou, comme pour dire « moi aussi, je suis libre »…

Et puis dans mon autre établissement, je m’étais fâchée aussi, tu sais. Parce qu’un de mes collègues, au moment même où nous venions d’apprendre qu’un homme même pas fou venait de te tirer par les cheveux avant de te loger une balle en pleine tête, après avoir tué trois autres personnes, dans votre école juive, avait osé prétendre que ce n’était pas certain qu’il s’agisse d’un acte « antisémite ». Tu vois, là, ma chérie, une colère immense m’avait envahie. Une colère aussi forte que mon chagrin. Devant la bêtise de mon collègue, de mon collègue aveugle, sourd et muet, comme les trois singes de l’histoire…

Ma chérie, je commence à employer des mots un peu trop compliqués. Pardon. C’est que j’oublie, j’oublie déjà que tu n’es plus là. J’oublie que jamais, jamais, jamais plus tu ne verras les hirondelles tournoyer au-dessus de Garonne ; que jamais plus tu ne te promèneras un soir autour de l’église Saint-Sernin, en respirant le parfum des tilleuls ; j’oublie que notre ville rose a perdu un de ses enfants, ou plutôt trois de ses enfants. Car les petits Arieh et Gabriel non plus n’iront plus courir le long de notre Canal du Midi. Plus jamais. Et leur merveilleux papa, le si brillant Jonathan, dont des centaines de lecteurs se régalaient de lire les commentaires théologiques, jamais plus, lui non plus, il ne s’assoira à une table de conférence pour nous enchanter de son savoir. Mais ne t’inquiète pas, non, je vais faire attention, je vais garder ton souvenir contre mon cœur, toujours. Et je n’oublierai pas non plus ces trois jeunes hommes si beaux, si confiants dans notre pays, qui sont tombés au champ du déshonneur de la République, un peu avant vous quatre… Abel, Mohamed, Imad… Je pense à vous…

Myriam, je vais te laisser. Je sais que depuis quelques heures tu reposes en paix, dans ta Terre Promise, et je vais chaque jour que notre même Dieu fait prier pour que tes chers parents trouvent la paix. En ce moment même, la Bête est traquée. Je n’ai pas voulu, ici, parler d’elle trop longuement. Elle ne mérite que mon mépris.

Je voulais, ma Myriam, te parler à toi, te dire que toute notre ville se joint à moi pour t’embrasser, pour t’entourer de lumière et d’amour. Je voulais te dire que tout un pays se joint à moi pour te serrer dans nos bras, pour accompagner ta mémoire, pour que cette façon que tu as eue de quitter la vie, cette façon si abominable que je ne peux même pas l’écrire, devienne comme un rempart contre les haines et les horreurs. Je veux, petite Myriam, que ton nom devienne celui de la paix, du respect, de la fraternité.

Je veux, Myriam, toi dont le nom ressemble à celui de « Marianne », que tu deviennes le visage d’une nouvelle France. D’une France du « plus jamais ça. » Je voudrais que notre futur président, celui qui était assis, aujourd’hui, aux côtés de ses « rivaux », dans une même cérémonie, qu’il soit d’un parti ou de l’autre, aide notre France à devenir la France de tous, pour que plus jamais la haine ne prenne le pas sur le respect.

Ton amie pour l’éternité,

Sabine.

***

Chère Myriam,

cinq années ont passé. Et bien du sang a coulé encore, en France, à Paris et Nice, dans une modeste église, en bord de mer radieux, dans une salle de rédaction et dans un concert joyeux; mais aussi à Bruxelles, à Berlin, en Tunisie, et aussi tant de fois dans de lointains pays à feu et à sang.

Je pourrais aussi te parler de tous ces actes odieux qui entachent notre démocratie, quand les loups noirs de l’antisémitisme n’ont plus peur de se cacher et hantent nos cités…

Sache une chose, ma belle petite amie: dans quelques semaines, au moment de voter, c’est à toi que je penserai, et à toutes les victimes des attentats, en espérant que notre pays ne basculera pas définitivement dans la haine et l’obscurantisme.

Je t’embrasse, petite étoile.

Cher Imad…Hommage à Imad Ibn Ziaten, mort le 11 mars 2012 à Toulouse.

Cher Imad,

 

le temps passe si vite, et si lentement aussi, depuis que tu es parti…

Cinq ans. Cinq ans déjà ont passé depuis cette belle journée du 11 mars 2012 où, jeune Maréchal des logis-chef de la caserne de Francazal, tu as refusé de te coucher sur ce parking non loin de la Cité de l’Espace, dans la Ville Rose, devant un individu sans foi ni loi qui t’a abattu à bout portant simplement car tu étais militaire.

En allumant le poste, ce matin, j’ai entendu parler de toi. Mais très brièvement. Il faut dire que notre actualité est bien chargée, entre les pitreries pré-présidentielles et les manifestations contre le nucléaire, en hommage aux milliers de mort de Fukushima et du tsunami…

Tu es mort seul, toi. Seul, mais debout.

http://www.lepoint.fr/societe/quand-le-parachutiste-imad-ibn-ziaten-refusait-de-se-coucher-devant-merah-17-01-2013-1616669_23.php

Je peux imaginer les millions d’images qui seront passées en ton esprit en ces dernières secondes. Une vie d’homme, c’est toujours un univers entier. Et chaque mort est une apocalypse.

http://association-imad.fr/pourquoi-une-association/biographie-imad-ibn-ziaten/

Tu sais, cher Imad, aujourd’hui, tu n’es plus seul. Nous sommes des milliers, des millions de Français même, à avoir entendu parler de toi et de ton courage en ce dernier instant, grâce à l’immense force de cette femme qui t’a donné la vie et qui chaque jour se bat pour que ta mort n’ait pas été vaine.

Je peux imaginer le sourire de Latifa, ta maman, en ce jour de juillet 1981, quand elle a serré dans ses bras ce beau poupon qui deviendrait un serviteur de la Nation, de cette France où elle vivait depuis 1979, de cette France où elle a élevé ses enfants dans le respect de leurs racines marocaines, mais aussi dans l’amour des valeurs de la République…

Cher Imad, je ne vais pas te mentir. Quand j’avais 16 ans, moi, je chantais « Parachutiste » de Maxime et je regardais d’un œil assez méprisant les « paras » du huitième RPIMA de Castres, où je grandissais à l’ombre de mes lectures plutôt antimilitaristes…Et puis j’ai grandi, et un peu mieux compris le rôle de l’armée dans le fonctionnement d’un pays.

Aujourd’hui, en regardant défiler ta vie dans les photos et les vidéos que j’ai regardées sur le net, j’ai compris que ta courte biographie mettait en lumières un garçon droit dans ses bottes, ancré dans les valeurs familiales – une des dernières vidéos sur la page Facebook de ta maman te montre aux côtés d’une adorable petite poupée, une nièce peut-être ? – et dans cette autre fraternité qu’est l’Armée Française, où, depuis Saint-Maixent-l’École en 2004 jusqu’à ta préparation du Brevet supérieur de Technicien de l’Armée de Terre en 2012, tu avais servi, voyagé, progressé avec passion.

C’est surtout ton sourire éclatant qui me bouleverse. Je suis certaine que tu as souri à Merah en le saluant en arrivant à votre rendez-vous, comme tu souriais à tes camarades, à tes supérieurs, à tes amis et à ta famille, simple et direct, heureux comme un garçon sans histoires.

Je suis heureuse pour toi, tu sais, et pour ta mémoire. Heureuse qu’une loi ait été votée le 27 novembre 2012 devant le caractère inédit de ta mort et du geste barbare envers un militaire assassiné en raison de son appartenance à un corps de métier, portant création de la mention « Mort pour le service de la Nation ».

Heureuse que tu aies reçu le 11 mars 2013 les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Heureuse qu’en avril 2012, ta maman Latifa ait eu l’immense courage de créer L’association Imad-Ibn-Ziaten pour la jeunesse et pour la paix, afin de venir en aide aux jeunes des quartiers en difficulté1, et de promouvoir la laïcité et le dialogue interreligieux.

http://www.liberation.fr/societe/2012/10/14/latifa-ibn-ziaten-imad-in-memoriam_853169

Heureuse d’avoir été présente à ce dîner du CRIF, en 2014, quand Manuel Valls a remis à Latifa un prix pour honorer ses engagements. Je me souviens de la poignée de main échangée avec ta maman, et du regard empreint de bienveillance qu’elle a posé sur moi.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/le-crif-midi-pyrenees-rend-hommage-latifa-ibn-ziaten-et-son-association-422729.html

Tu sais, Imad, je vis tout près de l’endroit où tu as croisé la Bête Immonde, et je peux t’assurer que les Toulousains sont conscients de ce crime innommable. Lorsque la plaque commémorative a été déplacée, il y a deux ans, nombreux sont ceux qui s’en sont émus…

http://actu.cotetoulouse.fr/ou-est-passee-la-plaque-commemorative-en-memoire-du-militaire-tue-a-toulouse-par-mohamed-merah_15047/

Et je peux t’assurer que c’est la France entière qui t’a rendu hommage en regardant le magnifique documentaire consacré aux combats de ta maman, « Latifa, une femme dans la République » :

http://m.pluzz.francetv.fr/videos/infrarouge_,154396074.html#xtref=https://t.co/GbLX6sH9Xj

Enfin, je peux te promettre que comme il y a cinq ans, lorsque j’enseignais justement au collège de Bellefontaine, le quartier où avait grandi ton assassin, et que j’avais pu aider nos jeunes à dépasser leur aveuglement devant l’admiration que certains portaient à ce meurtrier, je mets moi aussi toutes mes convictions d’enseignante dans la transmission, cette année encore, des valeurs de la République et surtout de la PAIX entre nos communautés à des enfants souvent perdus, désorientés, en révolte contre leur propre pays.

Cher Imad, en ce printemps dont tu ne sens plus les parfums et dont tu ne vois plus les couleurs éclatantes, je te dédie ce petit texte écrit après l’un des attentats commis depuis 2012, puisque c’est aussi le Printemps des Poètes.

 

Rendez-nous cet Islam qui fait les hommes aimants

 

Où sont-ils donc passés, notre Islam des Lumières,

Et les cent arabesques de belles Mosquées Bleues ?

Les senteurs du Hammam, tous les rires joyeux,

Savon noir et argan comme seules bannières….

 

Les gâteaux de l’Aïd aux amandes et aux dattes,

Miel coulant et parfums, tant de femmes en cuisine,

Tantes sœurs et aïeules, et les milles cousines,

S’égayant souriantes de l’Oural à l’Euphrate,

 

Et puis les chiffres arabes, et la voix de Fairouz,

Le désert immuable et le Mont de l’Atlas,

Tant de calligraphies et de siècles qui passent

 

Quand soudain quelques fous veulent les tuer tous,

Les « impies » et les autres, même les musulmans :

Rendez-nous cet Islam qui fait les hommes aimants.

 

Je ne t’oublie pas. Nous ne t’oublions pas. Et chaque Français est fier des engagements de la merveilleuse Mère-Courage qu’est ta maman, Madame Latifa Ibn Ziaten.

 

https://association-imad.fr/

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http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam/

 

 

Many rivers to cross

 

 

Hypokhâgne, janvier 1978.

Un bar enfumé, quelque part dans le vieux Toulouse.

Nous sommes en mai…

« Encore un printemps de passé, je me souviens de ce qu’il y eut de tendre »…

Véronique et moi sommes assises en face l’une de l’autre, un peu jeunes encore, agnelles presque effarouchées devant tous ces loups de la nuit toulousaine, perdues au milieu du bruit et de la fumée…Téléphone hurle dans l’hygiaphone, nous découvrons les « tapas » et faisons semblant d’aimer ce drink obligé qu’est la vodka orange. Nos amis de la clique des « Bagnérais » en sont à leur troisième tournée, les blagues se font lourdes…

Je suis atrocement triste. D’un côté de la table, Pierre. Je viens de le rencontrer, je ne sais pas encore qu’il va devenir mon premier mari et le père de mes deux princesses.J’ai à peine dix-huit ans.Nous sommes sur le point de « sortir ensemble »…Nous sommes tombés doucement amoureux, au hasard d’une colocation, j’aime ses cheveux d’ange et ses grands yeux mordorés, et il craque sur mon look d’étudiante rebelle- longues robes indiennes, patchouli, et même Birkenstocks, bien avant Madonna !-

De l’autre côté de la table, Joshua, Josh, mon bel amant américain…Enfin, amant est un grand mot ! A l’époque, mes amoureux avaient  droit à quelques furtives étreintes, à un petting  genre banquette arrière de Chevrolet, et dormaient sur le tapis, au pied de mon lit de virginale hypokhâgneuse.

Josh venait de Dartmouth, je l’avais abordé en pleine rue.Juif bouddhiste, il jouait divinement du saxo, pratiquait la méditation transcendantale et citait Rimbaud et Heine dans le texte. Vers Noël, nous avions métissé nos désirs et j’avais goûté à ses charmes Californiens , me rêvant à Big Sur et me sentant prête à partir pour Ellis Island…Josh était incroyablement tendre et respectueux, je peux encore sentir la douceur de sa main se posant, telle une plume, sur la mienne…

Il était parti outre-Rhin, et, Pénélope volage, je n’avais pas su l’attendre…En fait, j’avais si peur de son « autre » départ, de son retour aux USA, que je m’étais réfugiée dans la banale certitude d’un amour intra muros, aux couleurs de brique rose…

Ai-je senti, ce soir là, que mon destin basculait ? Que j’étais en train de choisir entre le Pacifique et Mare Nostrum, entre les communautés bohèmes de Greenwich Village et un lotissement en banlieue Toulousaine, entre les Rocheuses et la douceur du Lauragais ? Ai-je aussi pressenti que, sous le vent, quelque soit mon choix, ma vie ne serait qu’ouragans et naufrages ? Car je divorcerais, après 12 ans d’une union difficile, et Josh s’est ôté la vie quelques années plus tard, seul et épouvanté…

Toujours est-il que, soudain, quand Jimmy Cliff s’est mis à chanter de sa belle voix rocailleuse ses « many rivers to cross », ce sont des torrents de larmes qui ont jailli de mes yeux, à brûle pourpoint et sans raison apparente…J’avais dix-huit ans et je descendais soudain des fleuves impassibles, je plongeais dans l’eau froide des chalands et je voyais, comme Ophélie, l’infini terrible effarer mon innocence et casser mes espoirs…

Je me souviens de mes larmes, de Véro qui pleurait aussi, de nos sourires tout embrumés.Je me souviens de Véro qui m’a pris la main et l’a caressée doucement, sous les rires glauques et vulgaires des Bagnérais. Je me souviens du regard lointain de Pierre, qui ne comprenait pas grand- chose, et, surtout, du regard intensément bleu de Josh, qui ne me quittait plus, de son sourire, de notre souffrance et de sa dignité, car il avait compris qu’il repartirait seul outre-atlantique.

Grandir, c’est apprendre à choisir. Ce soir là, j’ai préféré l’autoroute balisée au sentier de traverse, j’ai choisi la banalité alors que l’infini me tendait les bras…Ce soir là, j’ai traversé seule la rivière, refusant la main de Josh, qui pourtant me tendait la vie, la vraie.

Je le regrette encore aujourd’hui.

***

Et…La maman de Josh!

My american mum : Bobbi Katz !

Le rossignol et la burqa…-une ancienne nouvelle…

Le rossignol et la burqa

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« Du voile abandonné jaillissait aube neuve, et la jeune fille, remontant sur la scène, dédia son prix à ses parents, à la Tunisie reconstruite, et à l’avenir.  Le rossignol avait gagné : son hymne à la nuit avait touché les cœurs. »

10 juin 2011

Elle osait à peine respirer. Par chance, le lourd tapis du couloir amortissait ses pas. En passant devant la chambre de ses parents, elle entendit le souffle lourd de son père, cette respiration hachée par le labeur. Arrivée devant la porte d’entrée, elle déverrouilla un à un les trois loquets ; année après année, elle avait apprivoisé ces serrures, crochetant son propre logis…

Pieds-nus, elle se faufila sur le sol bétonné de la coursive, avant de pousser la porte de l’appartement d’en face. Elle regarda sa montre ; parfait, elle était à l’heure : exactement 4 heures 30 du matin.

Huit ans. Huit ans déjà que Nour se levait, pratiquement toutes les nuits, à 4 heures 25. Elle n’avait même plus besoin de réveil, réglée comme une horloge, sautant de son lit nuit après nuit, quelle que soit la fatigue accumulée durant la journée. Sa lourde tresse de petite collégienne avait cédé la place à une opulente chevelure auburn, coiffée à la diable ; ses yeux de princesse de l’Atlas s’étaient ourlés de khôl ; les rondeurs de l’enfance avaient disparu. Esther l’attendait, enveloppée dans son sempiternel peignoir rose, un bol de thé fumant à la main. Elles s’enlacèrent.

  • Comment va mon rossignol ce matin ? Pas trop fatiguée ?
  • J’ai fini la dissert sur Kant…je me suis couchée à une heure…
  • Ma gazelle, tu es meshugge, majnouna !!! Tu vas t’épuiser !

Nour éclata de rire en entendant sa vieille amie employer, comme à son habitude, ce mélange de yiddish et d’arabe. Ici, à la cité, c’était Babel, et, si les bandes s’entretuaient parfois pour un kilo d’herbe volée, les adultes, eux, avaient fini par fraterniser.

Puis elle souleva le couvercle du Steinway, caressa les touches, inspira profondément et s’élança, comme une enfant qui court vers sa mère. La musique lui tendait les bras. Et les premières notes des Nocturnes, le morceau qu’elle répétait pour l’audition de fin d’année, s’élevèrent dans la nuit, se heurtant aux murs capitonnés du salon d’Esther, prisonniers de cet intime, mais garants de la liberté d’expression de Nour. Car la jeune femme ne pouvait jouer qu’en secret, protégée dans l’alcôve bienveillante de sa voisine, sous l’œil aveugle de la cité  endormie.

12 juin 2011

La petite cuisine sentait le thé à la menthe et l’amlou, cette pâte d’amandes et de miel au parfum ensoleillé. Fatima, la maman de Nour, fabriquait des pâtisseries pour les grandes surfaces de la cité.

  • Nour, ma fille, prends encore un peu de thé !
  • Maman, tu sais bien que je ne peux rien avaler le matin…Allez, je file au métro, j’ai une colle de français. A ce soir !
  • Va, ma fille, et fais attention à toi !

Nour dévalait déjà les escaliers quatre à quatre. Le vieil ascenseur était en panne, une fois de plus. Devant la barre HLM, la cité s’éveillait, radieuse sous le soleil toulousain, malgré les carcasses calcinées, les canettes abandonnées et les papiers gras. Sous un ciel inondé d’hirondelles, le lac de la Reynerie miroitait. Un court instant, Nour s’imagina être sur une plage tunisienne…

La rame bondée se frayait un chemin à travers la ville rose. Assise sur un strapontin, la jeune fille pianotait, inlassablement, sur ses genoux. Il ne restait que quinze jours avant l’audition, et à peine dix avant le concert aux Jacobins…Nour savait que sa vie entière se jouerait, là, en quelques heures, en quelques minutes, lorsque ses notes deviendraient, ou pas, un passeport pour une nouvelle liberté. Elle songea à ses cousins de Tunisie, aux cris et aux morts, mais aussi aux extases de la liberté retrouvée. Elle se sentait, elle aussi, dépositaire d’une révolution.

Elle revit la petite fille aux joues rondes, et David, son voisin et ami, le petit fils d’Esther. Tout étoilés de sueur, les deux enfants étaient montés boire un peu de jus de grenade ; en se régalant, Nour avait écouté jouer la vieille dame, et avait immédiatement compris que cette eau là la désaltèrerait à jamais. En un instant, elle était tombée amoureuse de la musique et du piano, tout comme elle l’était déjà de David, depuis sa plus tendre enfance, depuis ces longues vacances que le petit parisien passait chez Esther, lorsque ses parents, concertistes, partaient en tournée.

Ce jour là, Nour et sa voisine avaient scellé un pacte, malgré leur grande différence d’âge, malgré les luttes fratricides qui opposaient leurs peuples ; la musique les fit sœurs de sang. Mais ce pacte devint rapidement une alliance de l’ombre. Nour avait encore en mémoire les hurlements de son père lorsqu’il avait découvert cette arche de l’Alliance. En se rendant compte que sa fille passait désormais plus de temps chez leur voisine juive qu’à aider sa mère en cuisine, il était sorti de ses gonds et avait menacé l’enfant d’un exil au « bled » et d’un mariage arrangé.

Ce jour-là, la musique de Nour perdit la vue. Elle devint l’Helen Keller de sa cité, une Helen Keller inversée, à qui la nuit, mystérieusement, rendait soudain la parole, la vue, l’ouïe, tous ces sens en kaléidoscope de beauté, restitués chaque matin à 4 h30…Affectueusement, Esther nommait sa jeune amie « ma princesse aux mille et une notes ». Car comme Shéhérazade, qui racontait chaque soir une histoire à son sultan pour avoir la vie sauve, Nour jouait pour sa vie. Certes, en cachette, dans l’opacité du monde cloîtré de l’appartement d’Esther, mais avec l’intime conviction que seules ces respirations-là la maintenaient en vie, lui donnaient la force d’affronter son quotidien.

Car il lui en avait fallu, de la volonté, à la petite collégienne de banlieue, pour se hisser jusqu’en hypokhâgne, pour échapper aux terribles statistiques d’une société où la plupart de ses camarades, aujourd’hui, étaient soit déjà mariées au bled, soit en CAP de coiffure, quand elles ne restaient pas des journées entières à traîner, désœuvrées, sur les bancs de la cité. Nour avait même été pressentie par le proviseur du lycée du Mirail pour intégrer l’une de ces classes préparatoires spéciales « banlieues », mais elle avait préféré rester auprès des ses siens et fréquentait le prestigieux lycée Fermat, tout en suivant, là aussi, dans le plus grand secret, un cursus parfait au conservatoire de région. Et il semblait, aux dires de ses professeurs, et d’Esther qui la faisait répéter chaque nuit, que l’épure de son talent s’affinait au fil des ans.

Sa seule tristesse était ce terrible secret, qu’elle aurait tant voulu partager avec les êtres qui lui étaient les plus chers. Mais elle ne pouvait s’épanouir pleinement que durant ces heures nocturnes où ses notes se libéraient, comme ces fleurs dont le merveilleux parfum ne s’exhale qu’après le couchant…Oui, Nour était une Belle de nuit.

14 juin 2011

La classe retenait son souffle. La plupart des étudiants avaient les yeux rougis, car ils venaient juste d’entendre le texte de Salim, racontant la mort de son frère Abdel, un journaliste, lors des émeutes qui avaient ébranlé l’Egypte. Le concours était passé, et c’était par pur plaisir que les étudiants se réunissaient, en attendant les résultats de Normale. Ce jour-là, les professeurs de langue étaient à l’honneur, et les élèves parlaient des ponts entre les peuples, des langues qui se font passerelles, des libertés.

Nour lisait le texte qu’elle avait préparé pour son professeur de chinois. Mademoiselle Li Wong pleurait doucement, se demandant par quelle grâce cette jeune Française pouvait percevoir les méandres de l’histoire de son peuple. Mais elle devinait. Elle devinait que ce matin-là, la Garonne confluait avec le Yang Tsé, et que Nour, si elle réussissait son concours, irait bien plus loin que le café de Flore. Car la jeune littéraire ne se contenterait pas d’écrire….Nour lisait son texte « Liberté, je joue ton nom ».

L’air d’été bruissait de lumière. Des notes cristallines s’élevaient depuis le vantail de la petite chapelle de pierres blanches humblement dressée au milieu de ce pré tourangeau. Les Variations Goldberg de Bach semblaient se fondre au ciel d’azur et aux parfums estivaux. Les spectateurs, bien trop nombreux pour la modeste nef, couchés dans l’herbe, fermaient les yeux, bercés par la musique des anges.

Dans la douce pénombre, accueillie et protégée par les solides murs de pierre, la jeune pianiste jouait, les yeux fermés, cette partition qui l’avait à la fois hantée et soutenue de si longues années. Les images d’un autre temps se bousculaient dans sa tête. C’était la première fois qu’un public, à nouveau, l’entendait jouer. Elle devait se souvenir, une dernière fois, pour ne jamais oublier ceux qui n’étaient pas revenus. Elle jouait pour eux, et aussi pour l’insouciante petite fille qu’elle avait été, dont les yeux graves et le cœur pur avait rencontré, dans son pays du soleil levant, cette musique baroque qui s’était faite arc-en-ciel, alliance entre l’occident et l’orient, pont culturel, avant d’être brisée par les diktats insensés du Grand Timonier…

Des heures. Des jours. Des nuits. Des siècles. Au début de sa détention dans les geôles politiques chinoises, Zhu Xia Mei était arrivée à conserver une notion du temps, grâce au rapide de  Shanghai qu’elle entendait siffler chaque soir, mais depuis son transfert dans ce qu’elle supposait être les confins de la Mongolie, elle avait perdu même ce dernier repère. Elle gisait, ce matin-là, au milieu d’une mare de sang. Elle était à présent bien loin du pays de l’ici-bas. Sa sœur de cœur avait été tuée là, sous ses yeux, dans une infinie cruauté, et Mei entendait encore les affres de ses hurlements et les suppliques adressées à leurs tortionnaires. Elle n’avait plus qu’une envie : partir, mourir, elle aussi, fuir cette épouvante sans nom, les coups, les humiliations, cette déshumanisation qui avait fait d’elle, la jeune pianiste de renom, la belle jeune fille cultivée et lettrée, l’insouciante amoureuse des vents et des rêves, une bête apeurée, terrifiée, un squelette sans nom ni visage, qui, dans ses rares moments de lucidité, elle le savait, ressemblait à ces poètes juifs assassinés, à ces êtres englués dans la nuit et le brouillard, dont son professeur d’histoire française lui avait si bien expliqué l’atroce destin. Eluard lui revint soudain en mémoire.

« L’idée qu’il existait encore

Lui brûlait le sang aux poignets »

C’est ce que dit le condamné à mort dans « Avis »

Et Mei se récita intérieurement ce poème, les yeux mi-clos. Elle se souvint du vers suivant,

 «C’est tout au fond de cette horreur

Qu’il a commencé à sourire… »

Mei n’était plus dans sa geôle sordide. Elle n’entendait plus les chaînes des forçats, les gémissements des accouchées à qui l’on avait arraché leurs nouveaux nés, les rires gras et les insultes des gardiens si fiers de leurs humiliations. Mei était à nouveau cette petite écolière aux nattes sages, si pleine d’espérances et d’envies, qui ne vivait que pour la musique et la poésie. Mei était à nouveau cette adolescente passionnée de baroque et de littérature française, la plus brillante de sa promotion, toute entière bercée par la beauté du monde. A quatorze ans, elle avait fait la connaissance de Johann Gottlieb Goldberg, ce jeune prodige du clavecin qui avait enchanté le grand Kantor de Leipzig en jouant ses divines arias. Mei et Gottlieb avaient le même âge, et les quelques siècles qui les séparaient n’avaient guère d’importance. Leurs deux prénoms signifiaient « bénis des Dieux », et la jeune pianiste faisait l’admiration de publics immenses en interprétant ces Variations Goldberg qui, pour un soir, reliaient la Grande Muraille au Rhin. On l’avait surnommée la « Lorelei chinoise », elle, la petite nixe du Yang Tsé, et c’est justement cette sublime alchimie entre l’âme et la culture qui avait provoqué la hargne des dirigeants à son encontre.

Elle se redresse, relève la tête, et, elle aussi, du fond de son horreur, commence à sourire. Non, elle ne mourrait pas. Elle sortirait de ce camp, de cette pénombre pestilentielle, elle témoignerait de ces abjections. Et, surtout, elle jouerait à nouveau. Il lui semble entendre toutes ces voix chères qui s’étaient tues depuis longtemps, comme dans un rêve familier. Sa maman qui lui chantait des comptines au-dessus de son berceau de jonc tressé ; les psalmodies des bonzes qui murmuraient d’apaisantes litanies dans la douceur des encens ; son vieux professeur de piano, Monsieur Tran, dont la rigueur lui avait ouvert les libertés infinies de la création.

Elle n’est plus dans ce camp de Mongolie, elle n’est plus prisonnière de la folie des hommes. En un instant, elle abroge elle-même sa peine, elle brise ses chaînes et s’évade. Elle décide d’un soleil resplendissant et d’étoiles multicolores, elle se fait démiurge, et rejoint son camarade à quatre mains, bien loin des folies communautaires et des chasses aux sorcières contre l’esprit. Zhu Xia Mei décide de vivre, et, surtout, de jouer de la musique, et, ce faisant, de parcourir le monde comme si elle en était particule élémentaire et non plus privée

Elle joue. Des heures. Des jours. Des nuits. Des siècles. Sonates, arias, concertos, cantates, elle se fait femme-orchestre, symphonie d’un nouveau monde, libérant les notes de leur gangue de mort, explorant l’infini. Ses doigts martèlent la terre nue de son cachot, la pierre rêche des murs, l’argile sèche des briques qu’elle devait transporter. La nixe du Yang Tsé façonne les notes de sa poigne de fée, indifférente aux aboiements des gardiens, aux privations, aux abjections.

Et ce sont les Variations Goldberg qui l’aident à survivre, à relever l’âme, à garder le cœur haut et l’espérance folle. Lorsqu’elle joue les douces arias du vieux Jean Sébastien, elle n’est plus au fond de son enfer, mais elle vogue au-delà du Rhin, au-dessus des sombres forêts de sapins de Thuringe. Du pays des musiciens et des philosophes, qui avait engendré l’horreur, elle ne garde que la beauté, elle devient gardienne de l’âme allemande, doublement rebelle face à tous les fascismes de l’humanité, elle devient ambassadrice d’une paix qui ne peut qu’aboutir. Elle parcourt  toujours et encore les méandres de sa mémoire, révélant chaque variation à son souvenir, aiguisant les silences, fuselant les béances. Du néant surgit un être de lumière. Zhu xia Mei, petit papillon aveugle, se cogne à toutes les vitres de son ciel plombé, mais résiste, et répète, inlassablement, cette musique muette. Ces Variations qui n’étaient, au départ, que douce récréation pour un musicien presque fatigué, elle en fait une re-création, une genèse, elle en renaît, intacte, purifiée, libérée.

Les dernières notes s’estompaient dans l’azur tourangeau, tournoyant dans le ciel comme des hirondelles ivres de printemps. Le public, fasciné, se relevait, étourdi, ébloui d’infini. La jeune femme apparut dans le vantail de la chapelle, telle une jeune mariée, portée par l’amour et le rêve, par son amour pour la musique et par cette foi inéluctable dans la beauté du monde. Elle salua son public et s’inclina cérémonieusement devant lui, avant de laisser éclater son bonheur simple. « Que ma joie demeure… », écrivait Jean Sébastien.

18 juin 2011

Les élèves de la classe de Monsieur Leduc devaient ce jour visiter le musée de la Résistance et de la Déportation. Nour avait insisté pour qu’Esther leur serve de guide. Cette année-là, la poésie de la Shoah était au programme du concours, et la jeune fille n’avait pas seulement travaillé le piano chez sa voisine. Des heures durant, assises sur le canapé de la vieille dame, elles avaient lu ensemble Rose Ausländer et Nelly Sachs, et tous ces vers dépeignant les brasiers et les camps. Et après avoir joué ses Nocturnes, encore et encore, jusqu’à la perfection, Nour se plongeait dans une autre nuit, écoutant Esther lui dire les souffrances de la petite fille du ghetto de Varsovie.

Elle lui avait expliqué le numéro ancré dans sa chair, et les cris de Sarah, sa maman, concertiste, elle aussi, quand les soldats avaient détruit le piano à coup de hache, et brûlé les partitions de Chopin, et puis le train, et ces nuits où les femmes continuaient, malgré tout, à se dire des poèmes, à chantonner des chants yiddish…Et puis elle avait emmené Esther  écouter Imre Kertesz au TNT, et elles avaient ri, comme toute la salle, en entendant le délicieux vieux monsieur, Prix Nobel de littérature, critiquer Adorno et dire que oui, la poésie était possible après la nuit d’Auschwitz, et la musique, et la joie. Et Nour l’avait cité dans sa dissertation de concours, aux côtés de Sophocle : « Rien qui vaille la joie ! » Elle en avait aussi parlé à sa cousine, professeur de philosophie à Tunis, et les jeunes femmes savaient que les dictatures finissent toujours par s’effondrer.

A midi, Nour déjeuna avec David. Il était venu de Paris, puisqu’il avait terminé lui aussi son semestre à la Sorbonne, pour le concert aux Jacobins et à l’audition de fin d’année. Les deux jeunes gens longèrent ensuite Garonne, qui ondulait d’aise en cette superbe journée, et Nour expliqua à David que ce soir, elle jouerait voilée. Elle allait emprunter le niqab de sa tante Aïcha, très pratiquante. Car la presse serait là, pour l’ouverture anticipée du festival « Piano aux Jacobins », et elle ne pouvait prendre le risque de faire découvrir son secret juste avant ses examens au conservatoire. Elle serait incognito, une cendrillon en pantoufle de vair, et son Niqab de soliste serait sa robe arc-en-ciel.

La lune était pleine. C’était l’une de ces nuits où l’été explose en sa prime jeunesse, et le jour semblait avoir gagné pour toute éternité le combat pour la lumière. Le soleil, enfant capricieux, ne se résignait pas à quitter ce ciel encore bleuté, tandis que la lune dorait déjà les jardins du cloître des Jacobins. La presse avait mitraillé Nour, lorsque la jeune femme avait surgi en niqab sous le « palmier » de l’église, et ses professeurs l’avaient soutenue malgré les quolibets de la foule. De toutes manières, dès que les premiers accords des Variations Goldberg avaient jailli du piano installé au milieu des statues et des Simples, et que Bach s’était promené entre la sauge et le thym, et les gisants couchés sous les dalles, l’assemblée, médusée, avait oublié la burqa de la jeune fille. Ne demeurait que la musique. Déchirant la nuit comme une offrande.

Plus tard, presqu’au matin, les deux jeunes gens s’étaient assis sur un banc, sous les tilleuls de la promenade entourant la basilique Saint-Sernin. La ville rose dormait, Saint-Sernin sonnait matines, et David osa demander à Nour de l’épouser, lui murmurant qu’elle était, depuis toujours, sa Basherte, sa moitié. Et là, sous le clocher de la plus grande basilique romane d’Europe, au cœur de la ville refuge des républicains espagnols, une jeune française musulmane sourit en  répondant « Oui, habibi ! » à son roi David.

25  juin 2011

Ahmed et Fatima s’étaient mis sur le trente-et-un. Nour leur avait expliqué qu’il s’agissait d’une sorte de distribution des prix, organisée par le lycée à l’occasion des résultats de Normale Sup’. La Dépêche était ouverte sur la table basse. La une titrait sur « Le rossignol et la burqa », et la photo de « la mystérieuse concertiste » s’étalait en pleine page. Toute la journée, les commérages avaient couru dans la cité. La presse nationale s’était aussitôt emparée de l’affaire, France Info avait dépêché David Abiker, France 3 avait enquêté au cœur même de la cité.

Madame Delpoux, le professeur principal de Nour, attendait les parents de la jeune fille sur le parvis des Jacobins. Elle les accueillit en souriant et les informa d’un petit changement de programme. La distribution aurait lieu dans les locaux voisins du conservatoire, pour des raisons pratiques. N’osant rien répliquer à ce qu’il savait être une représentante de l’autorité éducative, Ahmed suivit sans broncher la jeune femme à travers le dédale de briques roses conduisant au conservatoire. Une foule nombreuse se pressait déjà à l’entrée, des parents, des enfants et des adolescents anxieux, et puis la presse, encore, mise dans la confidence par le directeur du conservatoire et par Esther ; car cette occasion serait belle, oui, de dévoiler à la fois un talent et un secret, et dire à un pays que en pleine crise identitaire que les femmes, courageuses, volontaires, et libres, malgré toutes les entraves des religions et des haines fratricides, étaient bien l’avenir de l’homme. Les professeurs de Nour connaissaient son histoire. Il était plus que temps que sa nuit devienne un jour.

Ahmed et Fatima furent conduits dans le grand auditorium. Interloqués, ils assistèrent au discours du directeur, puis aux premières auditions. Fatima, elle, avait déjà compris. Elle se doutait depuis si longtemps de ce que cachaient les cernes de sa princesse…Ahmed allait se lever pour maugréer, quand le silence de fit dans l’assemblée. Une jeune silhouette en niqab s’avançait vers la scène. Le directeur se tenait à ses côtés, et raconta brièvement comment « la jeune fille », dont il n’avait pas prononcé le nom, était devenue celle que la presse avait déjà surnommée « le rossignol à la burqa ». Il raconta les années de labeur, les privations de sommeil, la volonté, et la joie, la joie indicible lorsque l’on entendait jouer cette jeune femme. Elle allait donc jouer, après ces centaines de nuits de secret, les Nocturnes, qu’elle présentait pour le premier prix du conservatoire.

Nour s’inclina devant son public et joua. Elle joua pour l’adolescente émerveillée qui avait découvert Chopin et l’amour infini pour la musique. Elle joua pour Esther et pour Sarah, sa maman morte à Birkenau. Elle joua pour ses camarades de classe qui partageaient Nelly Sachs et Paul Celan avec elle, pour que la fugue de la mort ne revienne jamais. Elle joua pour ses amies de la cité, pour qu’elles trouvent, elles aussi, la place qui leur revenait dans ce pays que toutes aimaient. Elle joua pour la petite Mei aux longues nattes, pour ses années de prison, pour celle qui avait su recouvrer la liberté de penser et de jouer, sans jamais quitter l’espérance. Mais elle joua avant tout pour ses parents, qui avaient quitté leur soleil et la mer miroitante, pour sa grand-mère au bled, elle joua pour la femme qu’elle était devenue, nuit après nuit, pour avoir le droit, enfin, elle aussi, de jouer au grand jour. Et surtout, elle joua pour la paix. Car elle aimait un jeune homme de confession juive, depuis toujours, et elle voulait porter ses fils. Nour, dont le prénom signifiait « lumière », voulait enfin sortir de la nuit.

Un silence assourdissant succéda à la dernière note. Nour se leva.

Elle se dirigea vers le devant de la scène, et vit, à travers la fente de son niqab, ses parents, au premier rang, et David, aux côtés d’Esther. Tous pleuraient d’émotion. Alors, lentement, elle leva son voile, et la cascade de cheveux auburn jaillit autour de son visage éclairé par la grâce. Saisissant le micro que lui tenait le directeur, elle s’adressa à son père et lui dit : « Ismahli, ya abi », « pardon, papa ».

La foule, alors, se leva, se déchaîna, applaudit à tout rompre, pendant que crépitaient les flashs et que les roses étaient jetées par dizaines sur la scène. Ahmed et Fatima montèrent sur la scène, et Nour se jeta dans les bras de ses parents, avant d’aller embrasser Esther, puis David.

Du voile abandonné jaillissait aube neuve, et la jeune fille, remontant sur la scène, dédia son prix à ses parents, à la Tunisie reconstruite, et à l’avenir.  Le rossignol avait gagné : son hymne à la nuit avait touché les cœurs.

24 juin 2015

L’avion se posa sur la piste brûlante, et Nour serra la main se son époux en souriant. Dans quelques heures, elle jouerait dans la bande de Gaza, en compagnie des autres membres de l’Orchestre pour la Paix, cet ensemble composé de musiciens juifs et arabes. Les jumeaux Sarah et Farid étaient restés à la cité, et regarderaient la rediffusion du concert avec leurs deux grands-mères, puisqu’Esther faisait officiellement partie de la famille. Ahmed ne dirait rien, mais Nour savait qu’une larme de fierté coulerait dans son cœur. Et que tard dans la nuit, peut-être vers 4 h30, un peu avant la prière, il écouterait, encore et encore, les Nocturnes que sa fille avait enregistrés avec l’orchestre.

(Nouvelle ayant remporté le Prix de l’Encrier Renversé de Castres)

***

D’autres textes autour du vivre-ensemble ici:

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2015/09/02/jesuislalaicite-nouvelles-reflexions-poesies-et-theatre-autour-de-la-laicite/

Quand la Librairie Privat se fait Malouinière aux briques roses…#Marathondesmots

Quand la Librairie Privat se fait  Malouinière aux briques roses…

L’image contient peut-être : une personne ou plus, personnes debout, ciel et plein air
Sur les remparts de Saint-Malo…

Le cœur de l’Afrique bat au rythme de ce douzième Marathon des Mots. Et ses métissages bariolés se tissent au fil des récits, des lectures et des conférences…

Ce soir, bien en deçà des Tropiques, c’est la Bretagne qui a vogué vers nos briques roses, bercée par la goélette poétique de Yann Queffélec et de Patrick Poivre d’Arvor, dans la jolie cave aux mots de la librairie Privat ; et avec elle c’est tout un océan qui a salé Dame Garonne, improbable et délicieuse rencontre de deux grandes régions du pays de France.

Un véritable mascaret d’images a donc déferlé vers la Ville Rose. Les histoires croisées des deux écrivains voyageurs nous ont conté les fées des grèves et les embruns, les terres aux calvaires de granit rose et les noirceurs de l’Ancou. Complices de toujours, nos deux Bretons, l’un de sang, l’autre de sol, répondirent aux judicieuses questions du modérateur en un beau chiasme érudit et simple à la fois, l’incomparable douceur de la voix familière de Patrick contrastant agréablement avec le timbre âpre et profond de la voix de Yann, aussi sonore qu’une corne de brume.

Elle est là, la magie de notre Marathon des Mots ; dans le mystère de ces jardins extraordinaires qui naissent en quelques riches heures, quand la littérature s’incarne soudain en réalité, tous les imaginaires volatils solidement amarrés à un anneau comme péniche en Canal, voyages immobiles offerts au marathonien ébloui d’immenses.

Oubliant l’Autan pour rencontrer le vent d’ouest, nous voilà, petit peuple de Toulouse, à escalader le Grand Bé ou à troquer nos espadrilles contre une promenade en « ondine », dégustant les enfances de nos deux compères comme nous aimerions une glace au caramel au beurre salé. Et quand Yann a lu quelques pages du roman de son père, Henri Queffélec, Un recteur de l’île de Sein, évoquant les rigueurs austères de ce pays où il fait beau, certes,  « plusieurs fois par jour », mais où les hommes ont appris à lutter contre les éléments, le front de Patrick s’est froncé au récit des morts enfantines, en symbiose fraternelle avec le deuil éternel des parents orphelins.

Et nous aussi nous sentions en cousinades, quand nos écrivains racontèrent l’outrage fait à la langue bretonne honnie par les raideurs administratives. Notre Occitanie a vécu les mêmes ravages de l’uniformisation, et nos grands-pères aussi furent bâillonnés et privés de l’usage de leurs patois, avant que les calendrettes méridionales ne fassent écho aux écoles Diwan pour rétablir l’honneur des parlers perdus…

Je me demandais, justement, l’été dernier, au retour du FIL de Lorient,  pourquoi cette âme celte résonne si fortement dans les cœurs de millions de Bretonneux dispersés au gré du globe, quand notre culture occitane ne dépasse guère les frontières pyrénéennes ou les Monts de l’Aubrac…Nos invités nous décrirent la diaspora, fracture et lien à la fois, immense souffrance de ces Bretons expatriés, de la Galice en Acadie, mais aussi secret de la formidable liesse fédérative de ces peuples celtes qui aujourd’hui encore font exploser leurs retrouvailles, à grands coups de bagads et de biniou, de cornemuse et de Far Breton, quand notre « Qé Canto » a bien du mal à se chanter au-delà de Brive, malgré les talents d’un Nadau…

Pourtant, nous en avons, nous aussi, des légendes et des rivières, des granits et des fées, et nos forêts de la Grésigne ou de Buzet valent bien Brocéliande…

Je me souviens souvent du granit du Sidobre

Mais je suppose qu’il nous manque, à Toulouse, l’essentiel, malgré Dame Garonne qui ondule d’aise comme femme avenante : même si nous vivons à quelques encablures de Mare Nostrum, le grand absent est bien l’océan. Et c’est cet océan que tant Patrick Poivre d’Arvor que Yann Queffélec thématisent à l’envie dans leurs écrits, du Dictionnaire amoureux de la Bretagne du second aux Gens de Mer du premier, un océan qui donne autant qu’il reprend, au rythme de ses colères et de ses voluptés, bien plus fougueux que notre mer des Cyclades, quand l’ardoise menaçante des vents le transforme en nasse pour marins en perdition et que pleurent les veuves sur les rochers inconsolables…

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Petite prière non loin d’un oral d’agreg interne…

« Mon cœur de Breton bat toujours plus intensément auprès des flots, à proximité des tempêtes et de l’écume. »

PPDA, Nostalgie des choses perdues

« Et tout ça par le miracle d’une attirance antédiluvienne entre lune et mer, chacune étant la force et le remords de l’autre, tout ça parce que la mer monte… »

Yann Queffélec, Tendre est la mer

Nous sortîmes de cette rencontre le cœur ourlé de sel, ayant troqué les remparts de Carcassonne pour la cité Malouine, notre Occitanie toute trempée par les embruns, notre âme méridionale prête à danser la gigue sur la croix du Capitole.

Merci à Yann et à Patrick de leurs récits iodés, de ces épousailles fantastiques entre terre et mer qui font écho aux paroles d’un autre poète breton, Charles Le Quintrec : « Nous sommes d’un pays, d’une terre », nous explique-t-il, avant de rajouter : « Nous avons aussi à cœur de dire tous les pays et toutes les terres à partir des nôtres ». Aujourd’hui, des écrivains bretons ont raconté leurs terres en mouillant sur nos rades d’eau douce.

Et Toulouse est un port fluvial qui, toujours, leur permettra l’abordage.

http://www.lemarathondesmots.com/invites

Actualité de Yann Queffélec:

http://www.franceinfo.fr/emission/le-livre-du-jour/2015-2016/yann-queffelec-l-homme-de-ma-vie-27-10-2015-08-30

Actualité de Patrick Poivre d’Arvor:

http://www.europe1.fr/culture/theatre-patrick-poivre-darvor-un-pedopsychiatre-a-lecoute-sur-les-planches-2715445

De la tristesse du supporter suédois arpentant le Capitole après une défaite contre l’Italie #euro

De la tristesse du supporter suédois arpentant le Capitole après une défaite contre l’Italie

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Je ne suis pas « foot ». Je ne l’ai jamais été.

Ni dans l’enfance où, en cette époque étrange où nous n’avions qu’une seule chaîne de télévision, je me vis privée maintes fois de quelque comédie musicale pour que mon père puisse regarder de petits hommes noirs et blancs courir sur une pelouse grise ; ni en ma cinquantaine glorieuse qui avoue nourrir plutôt une tendresse nostalgique pour les belles cuisses des rugbymen : je regarde donc d’ordinaire d’un air hautain les tribulations de ces pseudo Dieux du stade que je conspue pour leurs milliards éhontément gagnés, ainsi que les délires des supporters que je méprise souvent pour leur hystérie collective…

Avant-hier, cependant, j’aurais presque changé d’avis. Au fil de cette journée, mon beau Capitole perdit peu à peu ses roses empourprés pour se parer d’ors et d’azurs qui soudain amenaient des douceurs pastellières en cœur de ville…Mais n’allez pas croire que ces jaunes et bleus nous arrivaient du Lauragais, non, ils nous venaient de bien plus loin, chaloupant en drakkars depuis la Baltique jusqu’en Garonne…Les Suédois étaient arrivés !

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Il y en avait partout. La grande croix occitane de la place baissait pavillon devant la croix jaune du drapeau nordique ; les rues du centre-ville bruissaient comme si tout le petit peuple toulousain avait croqué dans un Wasa ; même les mouettes tournoyaient, comme folles, s’attendant à quelque lâcher de hareng…

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Peu à peu, je m’attendrissais ; certes, quelque part au fond de moi, je savais bien que ces Suédois-là n’étaient que des bourrins fous de foot, et les trouver formidables eût été aussi idiot que si une Chinoise rêvant de se marier aux Champs Élysées avait craqué pour un marché du Berry, ou si un frenchy adulant Paul Auster avait soudain aimé les poussières bouseuses d’un saloon du Wyoming. « Ma » Suède est celle des polars troubles de Camilla ou Viveca, ou encore celle des téléfilms frissonnants d’eau de rose qui passent le dimanche soir sur ZDF : ma Suède vibre d’îles aux saules, de pontons brûlants et de grands blonds à casquette blanche, ou au contraire de givre figeant Stockholm dans cet éternel hiver propice aux crimes inexpliqués…

Et puis ils étaient loin d’être tous grands et blonds, ces supporters envahissant ma ville rose ! Non, ils ressemblaient à nos propres Lensois ou Marseillais des stades, bedonnants et rubiconds, un verre de bière à la main, chantant à tue-tête…Je suis à peu près certaine d’avoir reconnu la version suédoise de « Pose ta b…sur mon épaule », époumonée par des centaines de gorges suédoises assoiffées, depuis les cafés des Arcades…

Étrangement, je ne croisai que quelques Italiens, qui rasaient les murs avec leurs maigres pulls marine, mais en fait c’est sans doute aisément compréhensible, nos amis du Sud étant peut-être englués entre Mafia et réfugiés, crise et corruption, moins prompts à quitter la Botte pour s’en aller dépenser des euros qu’ils n’ont pas que nos Vikings de l’état providence à détacher les amarres de leurs îles…

Toujours est-il qu’au fil de mes propres passages en ville, au gré de ma journée de travail et des conseils de classe, je me pris à le ressentir, cet « égrégore » footballistique, cette entité nationale fugace comme un flocon de neige survolant la Baltique, me prenant d’empathie pour ces grands dadais rêveurs, qui, venus de si loin, me faisaient toucher du doigt ce pays que j’aimerais tant arpenter…Moi qui, même en 98, n’ai pas eu une seconde d’émotion face à nos Bleus – pour la petite histoire, je venais de donner naissance à fiston qui était entre la vie et la mort à cause d’une bactérie nosocomiale, et appréciais assez peu le regard excité des internes qui jubilaient en levant la tête vers les écrans alors que j’étais pétrifiée d’angoisse…Fiston est né le 24 juin 98 !!! – je compris pour la première fois ce que pouvait être cette espérance folle des victoires…

Et le soir, en rentrant de mon conseil de classe, je les revis, mes supporters : l’âme en peine, le regard éteint, le cheveu terne et décoiffé, mes grands blonds étaient assis, parfois à même le sol, l’image même de la défaite et du désespoir. Dans Toulouse apaisée, nulle hystérie hooliganesque de perdants qui s’acharneraient contre les vainqueurs, non, seulement une chape de tristesse et ces pauvres Vikings qui erraient, hagards, désorientés par le score de leur équipe.

J’ai ouvert mes bras pour quelques free huggs et ai réconforté un ou deux grands blonds aux yeux rougis, en leur murmurant « next time ».

Et je suis rentrée pour terminer « Les nuits de la Saint-Jean » de Viveca Sten, en me disant que le foot, c’était cela aussi : un voyage immobile, celui du spectateur qui rêve de lointains et d’étoiles.

Aujourd’hui ma Garonne remonte à la Seine, hommage des Toulousains…

Aujourd’hui ma Garonne remonte à la Seine

 

Place du Capitole, 14 novembre 2015
Place du Capitole, 14 novembre 2015

 

Aujourd’hui ma Garonne remonte à la Seine,

Nos deux chagrins mêlés en un seul écheveau,

Et tous les Toulousains font la nique à la haine :

Paris, tu n’es pas seul au milieu des corbeaux !

 

Nos mille briques roses s’inclinent vers le Nord,

Et le grand Capitole embrasse Notre-Dame,

Le Canal plein de larmes rejoint en un seul port

Le Canal Saint-Martin et les rues de Paname…

 

Chargés de violettes, de pastels et de vin,

Nous montons à Paris partager vos destins ;

La Cité de l’Espace nous prêtera Ariane,

 

Et nous serons ensemble, nos villes une Marianne,

Tuiles roses et lumières, Tour Eiffel et Midi,

Notre France debout, revenant à la vie !

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Coma un sospir d’aigueta… Mon premier #poème en #occitan…

Coma un sospir d’aigueta

Un ramat d’ausèls coma un rocol d’amor,

un vòl dels blats a l’entorn d’un cèl,

sus mon còr s’es pausat coma un sospir d’aigueta.

Comme un soupir d’eau vive

Une volée d’oiseaux comme un roucoulement d’amour,

un vol de blés autour d’un ciel,

sur mon cœur s’est posé comme un soupir d’eau vive.

Premier poème en occitan, écrit en piochant dans les mots de Louisa Paulin…

La poétesse Louisa Paulin

Ce texte fait partie des « Mémoires d’Autan », ouvrage ayant reçu le Prix Camille Pujol lors des Jeux Floraux toulousains de 2020.

http://jeuxfloraux.fr/15.html

« * Une médaille d’Académie égalementà Mme Sabine Aussenac, de Toulouse,  pour son poème « Et les pivoines »

  * Le Prix Camille-Pujol à Mme Sabine Aussenac, de Toulouse, pour son ouvrage Mémoire d’Autan. »

https://www.thebookedition.com/fr/memoires-d-autan-p-371712.html

Mes Mémoires d’Autan sont des miscellanées poétiques entremêlées de réflexions autour de l’être-soi d’un Sud-Ouest baigné par l’Atlantique et Mare nostrum, illuminé par nos campagnes gorgées de tournesols, et bien sûr surtout, pour moi, toulousain et tarnais ; alternances de nouvelles, d’essais et de poèmes en ancrage de cette terre d’Oc qui m’est chère, ces textes vivent au gré des méandres de Garonne et de l’Histoire ancienne ou contemporaine de la Ville Rose et du Grand-Sud…