Cher Imad…Hommage à Imad Ibn Ziaten, mort le 11 mars 2012 à Toulouse.

Cher Imad,

 

le temps passe si vite, et si lentement aussi, depuis que tu es parti…

Cinq ans. Cinq ans déjà ont passé depuis cette belle journée du 11 mars 2012 où, jeune Maréchal des logis-chef de la caserne de Francazal, tu as refusé de te coucher sur ce parking non loin de la Cité de l’Espace, dans la Ville Rose, devant un individu sans foi ni loi qui t’a abattu à bout portant simplement car tu étais militaire.

En allumant le poste, ce matin, j’ai entendu parler de toi. Mais très brièvement. Il faut dire que notre actualité est bien chargée, entre les pitreries pré-présidentielles et les manifestations contre le nucléaire, en hommage aux milliers de mort de Fukushima et du tsunami…

Tu es mort seul, toi. Seul, mais debout.

http://www.lepoint.fr/societe/quand-le-parachutiste-imad-ibn-ziaten-refusait-de-se-coucher-devant-merah-17-01-2013-1616669_23.php

Je peux imaginer les millions d’images qui seront passées en ton esprit en ces dernières secondes. Une vie d’homme, c’est toujours un univers entier. Et chaque mort est une apocalypse.

http://association-imad.fr/pourquoi-une-association/biographie-imad-ibn-ziaten/

Tu sais, cher Imad, aujourd’hui, tu n’es plus seul. Nous sommes des milliers, des millions de Français même, à avoir entendu parler de toi et de ton courage en ce dernier instant, grâce à l’immense force de cette femme qui t’a donné la vie et qui chaque jour se bat pour que ta mort n’ait pas été vaine.

Je peux imaginer le sourire de Latifa, ta maman, en ce jour de juillet 1981, quand elle a serré dans ses bras ce beau poupon qui deviendrait un serviteur de la Nation, de cette France où elle vivait depuis 1979, de cette France où elle a élevé ses enfants dans le respect de leurs racines marocaines, mais aussi dans l’amour des valeurs de la République…

Cher Imad, je ne vais pas te mentir. Quand j’avais 16 ans, moi, je chantais « Parachutiste » de Maxime et je regardais d’un œil assez méprisant les « paras » du huitième RPIMA de Castres, où je grandissais à l’ombre de mes lectures plutôt antimilitaristes…Et puis j’ai grandi, et un peu mieux compris le rôle de l’armée dans le fonctionnement d’un pays.

Aujourd’hui, en regardant défiler ta vie dans les photos et les vidéos que j’ai regardées sur le net, j’ai compris que ta courte biographie mettait en lumières un garçon droit dans ses bottes, ancré dans les valeurs familiales – une des dernières vidéos sur la page Facebook de ta maman te montre aux côtés d’une adorable petite poupée, une nièce peut-être ? – et dans cette autre fraternité qu’est l’Armée Française, où, depuis Saint-Maixent-l’École en 2004 jusqu’à ta préparation du Brevet supérieur de Technicien de l’Armée de Terre en 2012, tu avais servi, voyagé, progressé avec passion.

C’est surtout ton sourire éclatant qui me bouleverse. Je suis certaine que tu as souri à Merah en le saluant en arrivant à votre rendez-vous, comme tu souriais à tes camarades, à tes supérieurs, à tes amis et à ta famille, simple et direct, heureux comme un garçon sans histoires.

Je suis heureuse pour toi, tu sais, et pour ta mémoire. Heureuse qu’une loi ait été votée le 27 novembre 2012 devant le caractère inédit de ta mort et du geste barbare envers un militaire assassiné en raison de son appartenance à un corps de métier, portant création de la mention « Mort pour le service de la Nation ».

Heureuse que tu aies reçu le 11 mars 2013 les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Heureuse qu’en avril 2012, ta maman Latifa ait eu l’immense courage de créer L’association Imad-Ibn-Ziaten pour la jeunesse et pour la paix, afin de venir en aide aux jeunes des quartiers en difficulté1, et de promouvoir la laïcité et le dialogue interreligieux.

http://www.liberation.fr/societe/2012/10/14/latifa-ibn-ziaten-imad-in-memoriam_853169

Heureuse d’avoir été présente à ce dîner du CRIF, en 2014, quand Manuel Valls a remis à Latifa un prix pour honorer ses engagements. Je me souviens de la poignée de main échangée avec ta maman, et du regard empreint de bienveillance qu’elle a posé sur moi.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/le-crif-midi-pyrenees-rend-hommage-latifa-ibn-ziaten-et-son-association-422729.html

Tu sais, Imad, je vis tout près de l’endroit où tu as croisé la Bête Immonde, et je peux t’assurer que les Toulousains sont conscients de ce crime innommable. Lorsque la plaque commémorative a été déplacée, il y a deux ans, nombreux sont ceux qui s’en sont émus…

http://actu.cotetoulouse.fr/ou-est-passee-la-plaque-commemorative-en-memoire-du-militaire-tue-a-toulouse-par-mohamed-merah_15047/

Et je peux t’assurer que c’est la France entière qui t’a rendu hommage en regardant le magnifique documentaire consacré aux combats de ta maman, « Latifa, une femme dans la République » :

http://m.pluzz.francetv.fr/videos/infrarouge_,154396074.html#xtref=https://t.co/GbLX6sH9Xj

Enfin, je peux te promettre que comme il y a cinq ans, lorsque j’enseignais justement au collège de Bellefontaine, le quartier où avait grandi ton assassin, et que j’avais pu aider nos jeunes à dépasser leur aveuglement devant l’admiration que certains portaient à ce meurtrier, je mets moi aussi toutes mes convictions d’enseignante dans la transmission, cette année encore, des valeurs de la République et surtout de la PAIX entre nos communautés à des enfants souvent perdus, désorientés, en révolte contre leur propre pays.

Cher Imad, en ce printemps dont tu ne sens plus les parfums et dont tu ne vois plus les couleurs éclatantes, je te dédie ce petit texte écrit après l’un des attentats commis depuis 2012, puisque c’est aussi le Printemps des Poètes.

 

Rendez-nous cet Islam qui fait les hommes aimants

 

Où sont-ils donc passés, notre Islam des Lumières,

Et les cent arabesques de belles Mosquées Bleues ?

Les senteurs du Hammam, tous les rires joyeux,

Savon noir et argan comme seules bannières….

 

Les gâteaux de l’Aïd aux amandes et aux dattes,

Miel coulant et parfums, tant de femmes en cuisine,

Tantes sœurs et aïeules, et les milles cousines,

S’égayant souriantes de l’Oural à l’Euphrate,

 

Et puis les chiffres arabes, et la voix de Fairouz,

Le désert immuable et le Mont de l’Atlas,

Tant de calligraphies et de siècles qui passent

 

Quand soudain quelques fous veulent les tuer tous,

Les « impies » et les autres, même les musulmans :

Rendez-nous cet Islam qui fait les hommes aimants.

 

Je ne t’oublie pas. Nous ne t’oublions pas. Et chaque Français est fier des engagements de la merveilleuse Mère-Courage qu’est ta maman, Madame Latifa Ibn Ziaten.

 

https://association-imad.fr/

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http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam/