Vous souhaiter…Bonne année 2019!

Vous souhaiter…

L’amour, celui qui vibrionne et carillonne en chantant, par les beaux soirs d’été lorsqu’on part aux étoiles…

La joie, celle qui donne les joues roses aux petiots et les larmes aux creux des yeux délavés des Anciens.

Le rire, celui qui fait glousser les corsages et tressaillir les salles obscures, sonore et pimpant, tout ourlé de fous-rires.

La paix, celle qui clame en grandes plaines que le front a cédé et que les vareuses bleu de sang pourront rentrer au pays.

Le temps, celui qui coule paresseusement comme la Loire en châteaux, s’étirant femme fière de ses atours éternels, sans savoir qu’elle va à la mer.

La folie, celle qui, douce et guillerette, rend les femmes amoureuses et les hommes à passions.

Le courage, celui qui soulève le métro pour arrêter la bombe et qui offre à la femme battue les ailes de sa fuite.

La bonté, celle qui donne aux escarres l’impression d’être roses ou jasmin, quand un sourire éclaire les nuits longues des errants de la vie.

Le rêve, celui qui crée les mondes et dessine l’envie, quand le cancre devient premier violon et que nos nuits outremarines se piquètent d’étoiles.

L’invention, celle qui océane les déserts ensablés ou rend à cet enfant ce cœur qui bat l’amble.

Le désir, celui qui crépite, incendiaire, dans les corps des aimants, dévorant les ivresses comme un grand soleil rouge.

La beauté, celle qui peint les toiles en oranges sanguines et délie les corps des ballerines éternelles.

Le détachement, celui qui berce les solitudes toutes brodées d’ipomées, cheminant vers montagnes en offrandes de vie.

La volonté, celle qui guide l’égaré vers les sentes odorantes, là où mille tilleuls ombragent sources claires.

Le plaisir, celui qui se partage sous les pommiers tout enivrés d’abeilles ou dans un lit froissé qui frémit sous le vent.

La fraternité, celle qui se rencontre quand on n’a plus rien et qui met l’homme d’équerre malgré de lourds chagrins.

Le voyage, celui qui comme un père vous guide et vous élève, ou comme mère aimante vous embrasse en folies.

L’espérance, celle qui jamais ne cèdera d’un pouce aux idées sombres des pisse-vinaigre, car toujours nous resterons debout.

Le savoir, celui qui déchire les voiles de mille  obscurantismes et lève l’ancre pour de nouvelles découvertes.

La douceur, celle qui prend la main ou caresse satin ou embrasse carmin et embrase matins.

 

Je vous embrasse et vous aime!

Cent vers pour un centenaire #14/18 #commémoration #11novembre

Cent vers pour un centenaire

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Groupe de poilus. Archives municipales d’Orléans

 

Quand la fleur au fusil ils quittaient leurs village

Une joie sans pareille leur riait au visage :

Les enfants jubilaient, les anciens sur les bancs

Leur criaient de tuer chaque sang allemand.

Mais les mères en larmes, effondrées et sans voix

Les suivaient par les prés et les routes et les bois,

Caressant jusqu’au bout de tendresse infinie

Ces conscrits si souvent à l’orée de la vie,

Des fiancées serrant sur leurs corsets lacés

Les photos dentelées aux sourires lissés.

Et là-bas dans les plaines et vallées d’outre-Rhin

Mêmes scènes de liesse appelaient le destin…

L’uniforme était beau au regard des Poilus,

Képis rouges brodequins contre casques pointus,

Quand garance faisait de tous ces pantalons

Un écho innocent de tant de garnisons

Qui bientôt baigneraient dans carnage carmin

Des tranchées carnassières aux barbaries sans fin.

Fièrement on marchait en promenant musettes,

Cartouchières au repos et calmes baïonnettes,

Sans savoir que la guerre, qu’on nommait « der des der »

Deviendrait pour quatre ans synonyme d’enfer.

Ils quittaient berge tendre où sommeillait Garonne,

Traversant mille ponts, découvrant Loire et Rhône,

Pour venir tels oiseaux de sombres migrations

S’échouer dans les boues en agitant fanions,

Marionnettes sans fils tenues par dirigeants

Qui sans pitié aucune condamnaient leurs enfants,

Quand le riche et le pauvre, cordonnier, avocat,

Médecin ou tailleur s’égorgeaient au combat.

Ils pensaient à leurs champs ou à leur cour d’usine,

Aux seins tout en blancheur de leur fée Mélusine,

En serrant sur leur cœur les vélins violets

Parfumés d’écritures de tant de fiancées…

Ils rêvaient de pain chaud et de vins capiteux

En rongeant leur pitance en leurs habits pouilleux,

Ils songeaient aux bouillons, aux poulardes garnies,

Aux fourneaux ruisselants de tant de mets rôtis,

Et quand les canons fous leur tonnaient aux oreilles

Ils hurlaient, rugissaient, et les balles abeilles

Piquaient vies au hasard en un ballet sordide,

En un cri effroyable quand tant de corps candides

Devenaient la charpie, la bouillie, la curée

Dont seuls quelques chanceux revenaient rescapés.

Et la boue de la Meuse accueillait sans vergogne

Bordelais Berlinois Albigeois Autrichien,

Quand un monde en folie faisait des orphelins

Au fil des méridiens, pères morts en héros

Pour les mères patries dont mille maréchaux

Confisquaient le futur, rendant les éclopés,

Dont les gueules cassées effrayaient les passants,

Aux villages endeuillés de Gascogne ou Brabant.

Mais certains tirailleurs aux yeux doux d’amadou

Venaient d’autres océans pour défendre debout

Cette France affamée de la chair à canon,

Jamais rassasiée des massacres aux clairons,

Les peaux noires et blanches reposant de concert,

Les espoirs en lambeaux revenus à la terre.

Qui dira les assauts à main nue, en plein vent,

De mitraille ennemie qui vous glaçait les sangs,

Le courage infini, les sacrifices vains

De tous ces appelés fauchés par le Destin,

Mais aussi la vaillance des briseurs de combats,

Des mutins audacieux réclamant sans fracas

Paix des armes et des corps en amour fraternel,

Qui souvent périront d’avoir bravé l’appel.

Les femmes se levèrent pour remplacer les pères,

Retroussant les jupons, jeunes filles ou grands-mères,

Labourant les sillons délaissés par époux,

Gagnant l’indépendance avec ces quelques sous,

Veuves dignes, mères seules, fiancées éplorées

Gardant toute une vie la mémoire fanée

D’un bien-aimé parti, comme on veille un bouquet.

Cent années ont passé depuis cet Armistice,

Des Noëls et des Pâques et puis tant de solstices,

Une autre guerre atroce a déchiré les âmes

Quand pourtant toute paix devrait être la flamme

De cette éternité qui se nomme espérance,

Qu’elle habite Allemagne ou notre douce France.

Cet hommage en corolle à tous les beaux soldats,

Aux vaillants aux mutins aux enfants morts là-bas,

Pour que cent ans plus tard plus jamais ne résonne

Autre cri que la PAIX que mille frères entonnent.

 

Sabine Aussenac.

 

Comme par un orage de coquelicots #commémoration #14/18

Am Geist… #11novembre #itinérancemémorielle #GrandeGuerre

Sonnet du Poilu #armistice2018 #GrandeGuerre

Sonnet du Poilu

 

Oh rendez-moi nos Armistices,

Mes tombes blanches et mes flambeaux,

J’y écrirai nouveaux solstices

En champs de fleurs sous ces corbeaux.

 

Bien sûr il y eut Chemin des Dames,

Verdun Tranchées et lance-flammes.

Mais en ce jour combien d’enfants

S’égorgent sous cent métaux hurlants ?

 

C’est cette femme au beau sourire

Offerte aux chiens en leurs délires,

C’est ce Syrien encore imberbe,

 

Criant Jihad, mort au désert…

Sans paradis. Juste en enfer :

Dormeurs du val sans même une herbe.

 

Comme par un orage de coquelicots #commémoration #14/18

Comme par un orage de coquelicots

Arthur Bourgail, tu es mort le 5 novembre 1918. Je vois ton nom au passage,  chaque fois que je descends du bus, au coin de ma rue.

Cent ans, cent ans déjà, aujourd’hui, que ton beau sourire s’est effacé au détour d’un obus ou d’une embuscade, et que tu es tombé, comme ils disent, « au champ d’honneur », ta capeline bleu horizon rougie comme par un orage de coquelicots.

Je t’imagine petit garçon, grandissant non loin de notre place Pinel, qui ne s’appelait d’ailleurs pas encore ainsi, puisqu’elle n’a été baptisée du nom de ce syndicaliste qu’en 1929… Ton père prenait sans doute le tramway pour revenir de son travail au centre-ville, puisque depuis le 12 avril 1910, le tramway hippomobile était devenu électrique, et que le conducteur annonçait « Tïn, tïn, Còsta Pavada » en arrivant non loin des belles toulousaines de notre Côte Pavée…

Arthur, petit Arthur, je gage que tu as fréquenté, bel enfant brun aux yeux de braise, le collège du Caousou, puisque ce dernier, malgré les lois du « petit père Combes », ouvrait encore ses portes à l’aube du vingtième siècle, avant de fermer, le 23 décembre 1912, et de devenir un hôpital durant la der des der… Tu jouais au cerceau, aux quilles, et tu apprenais les poésies de Victor Hugo avant de rentrer goûter dans ton jardin, dont les lilas embaumaient à chaque printemps, dans quelque ruelle ensoleillée croisant l’avenue de Castres…

J’espère, cher Arthur Bourgail, que tu as eu le temps d’être heureux. Que tu as aimé apprendre, que tes professeurs ont loué ton intelligence, que tes études, peut-être à Paris, si tu as eu le temps d’y « monter », ou tout simplement dans quelque faculté toulousaine, ont fait de toi un jeune homme curieux et passionné. Je te rêve, dans ton costume élégant, arpentant fièrement les allées du Jardin Royal au bras d’une délicieuse jeune femme pétillante et amoureuse, que tu courtiseras ardemment juste avant de partir au Front… Je vous souhaite des baisers fougueux et des étreintes douces, et de longues lettres aux pleins et aux déliés violets parfumés de pétales de roses, que tu serreras contre ton cœur, la nuit, pour oublier la pluie de feu de fer de sang.

Je pense à ta fiancée, Arthur, à ces torrents de larmes versées, à sa vie blessée, amputée de l’espérance, brisée, tout comme la tienne, par la folie des hommes… Je pense à ta mère, Arthur, qui se vêtira de noir le restant de sa vie, comme tant de voisines, devant lesquelles on s’inclinait en silence, sans oser évoquer le nom des fils disparus. Je pense à ton père qui fièrement te laissa partir défendre une patrie qui lui vola son âme.

Et, surtout, je pense à toi, plongé, à peine sorti de l’adolescence, dans l’enfer des tranchées, si loin de ta ville rose et de l’eau verte du Canal, embourbé dans la nuit indicible des combats, volé à la vie par la barbarie des gouvernants impavides, victime innocente et oubliée d’une guerre inutile, comme toutes les guerres… Je pense à tout ce que tu n’auras pas fait, pas vu, pas vécu, à ta ville qui va grandir sans toi, à cette femme qui portera d’autres enfants que les tiens, à ton nom qui n’existe aujourd’hui que sur ce monument adossé à une école mais que les enfants, plongés dans les écrans des portables, n’ont sans doute jamais lu…

Je ne t’oublie pas, Arthur Bourgail. Tu n’as pas eu de rue de Toulouse à ton nom, google ne te connait pas, ton nom d’ailleurs n’existe pas sur les moteurs de recherche, il manque le « h » qui orne les « Bourgailh », eux, beaucoup plus présents… Mais je ne veux pas t’oublier. Tu es parti six jours, six jours seulement avant la signature de l’Armistice, six petites journées de novembre qui ont séparé ta mort de la fin de cet interminable conflit. Il s’en est fallu de si peu pour que tu rentres à Toulouse, comme tes camarades épargnés, non pas la fleur au fusil mais la rage et la peur au ventre, mais, au moins, en vie… Tu aurais sans doute gardé pour toi la bouillie innommable des Tranchées, préférant épargner tes parents et ta Douce, et puis tu aurais repris le cours de ta vie, même si tu étais revenu unijambiste ou borgne…

Mais non : le destin, ce farceur de destin, en a décidé autrement, et, en ce 5 novembre 1918, a fauché ta jeune vie de Poilu.

Arthur Bourgail, aujourd’hui tu reviens à la vie, à quelques jours des commémorations de la fin de la Grande Guerre ; je te rends, le temps d’une lecture, toutes les briques de notre ville rose, le clocher carillonnant de la basilique Saint-Sernin, les courbes de Garonne et les senteurs pastelières de Toulouse…

Tiens, prends ma main, je montre ta ville qui a un peu changé, regarde, le lycée du Caousou est toujours là, avec son magnifique parc boisé, et puis notre avenue qui dégringole vers le Canal, sans tramway, mais avec la ligne L1, et sur la place qui se nomme aujourd’hui Pinel il y a un magnifique kiosque aux poteaux murmurants… Regarde, la Place du Capitole est de plus en plus belle, et les grands marronniers du Jardin des Plantes abritent toujours des baisers au printemps…

Arthur Bourgail, aujourd’hui je t’adoube immortel.

« C’est bien plus difficile d’honorer la mémoire des anonymes que celle des personnes célèbres. La construction historique est consacrée à la mémoire de ceux qui n’ont pas de nom. » Walter Benjamin

Sabine Aussenac.

***

Je t’interdis d’aller faire la guerre…Hommage aux Poilus…

Lorelei et Marianne, j’écris vos noms: Duisbourg, le 18 juillet 1958

Lorelei et Marianne, j’écris vos noms: autofiction sur le thème des relations croisées entre l’Allemagne et la France, des années cinquante à nos jours, par le prisme de lettres imaginaires échangées au sein d’une famille franco-allemande.  Des lettres écrites en allemand « répondent » en quelque sorte à ce panorama, sur mon blog allemand, liens en bas de texte.

Première partie:

 

Duisbourg, le 18 juillet 1958

Mes biens chers parents,

Nous voilà arrivés dans la famille de Gesche, à Duisbourg. J’ai reçu un excellent accueil, les parents de ma fiancée sont charmants, sa jeune sœur et son petit frère aussi.

L’Allemagne ! Tu n’aurais jamais pensé, mon cher papa, n’est-ce-pas, que j’irai un jour en vacances en Rhénanie, si peu de temps après la fin de la guerre…Je me souviens encore des fusils que tu nous faisais cacher sous le toit de la grange, à Labastide-Rouairoux, et des « boches » que tes camarades du Maquis « descendaient »…Et je me souviens des réfugiés parisiens qui nous enviaient les jambons et toute la cochonnaille que maman préparait, quand eux-mêmes avaient eu si faim, en zone occupée…Je ne vous remercierai jamais assez, mes chers parents, de nous avoir, Jacques et moi, préservé de cette guerre, et de m’avoir permis d’accéder aux études par vos sacrifices, après la guerre…

Vous savez, je me rends compte en discutant avec les amis de Gesche et avec mes futurs beaux-parents – heureusement, Gesche traduit tout, car je ne me débrouille pas encore très bien !- que les Allemands aussi ont énormément souffert pendant la guerre…Les jeunes de mon âge parlent beaucoup des bombardements, des fossés où ils se cachaient des avions alliés, et de la faim qui les taraudaient, même lorsqu’ils avaient pu se réfugier à la campagne, comme Gesche et ses frères et sœurs dans le « Westerwald ». J’admire énormément ma fiancée, qui a rattrapé après la guerre tout son retard scolaire, grâce à son père qui a patiemment veillé sur sa scolarité, jusqu’à ce qu’elle devienne la brillante étudiante trilingue qui a séduit le Normalien que je suis, de par les multiples lettres que nous échangeâmes lorsqu’elle était fille au pair à Londres, après Paris…

Du reste, on ne parle pas ; j’ai su par un ami de Normale Sup’ que Duisbourg avait abrité un camp de concentration, mais ce sujet-là reste totalement tabou. Ma fiancée m’a raconté aussi que son père avait été enrôlé dans la Wehrmacht et avait été envoyé sur le Front de l’Est, dont il n’est revenu que plusieurs années après la guerre, après avoir été prisonnier des Russes et en ayant traversé toute l’Allemagne à pied…

La ville de Duisbourg a déjà été bien reconstruite. On voit encore les vestiges des frappes aériennes, car certains quartiers ne sont pas entièrement rénovés, mais je suis frappé de voir le courage de ce peuple qui, tout en étant anéanti par la défaite et l’occupation – les casernes anglaises sont toutes proches du domicile de Gesche-, s’est retroussé les manches pour déblayer les ruines et reprendre une vie « normale », malgré les horreurs du passé.

En bas à droite, la Bergische Landwehr et la maison...
En bas à droite, la Bergische Landwehr et la maison…

Mon futur beau-père m’a expliqué que la population de la ville ne connaît pas le chômage, et que Duisbourg reste le premier port fluvial d’Europe. Certes, depuis la crise du charbon, de nombreuses mines ont fermé, mais l’afflux de réfugiés et le boom économique lié à la réforme monétaire ont insufflé une belle dynamique à cette ville, dont les industries étaient déjà le fleuron de l’avant-guerre. J’entends à mon réveil toujours un bruit étrange dans le jardin : c’est ma future belle-mère qui balaye les poussières de suie, très envahissantes, sur l’allée menant au petit paradis fleuri de leur immense jardin ; vous seriez étonné par cette profusion de couleurs, alors que nous sommes au cœur d’une grande ville industrielle.

Les amis de Gesche sont extra, je retrouve avec eux l’ambiance de nos soirées parisiennes de l’ENSEEIHT ! Figurez-vous que nous avons organisé une surprise-party dans la cave de la grande maison, au pied d’un extraordinaire escalier au plafond tapissé de dessous de bouteille représentant des marques de bière !

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Une "surpat" dans la cave de Duisbourg...
Une « surpat » dans la cave de Duisbourg…

Ils savent s’amuser autant que nous, les jeunes Allemands, les jupes des filles se sont soulevées au son des saxos, et nous avons aussi joué au hula hoop, je vous montrerai des photos !

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Maman, je te rapporterai aussi des recettes de gâteaux et de plats. La mère de Gesche est un cordon-bleu hors pair, j’ai pu goûter à d’étranges spécialités comme du chou-rouge cuit avec des pommes et des saucisses…C’est aussi très amusant d’observer les différences au niveau des habitudes alimentaires : le matin, on nous propose un solide petit-déjeuner comportant aussi de la charcuterie et du fromage, tandis que le soir on nous sert un « Abendbrot », un « pain du soir », où on mange à nouveau essentiellement des tranches de pain garnies des mêmes choses que le matin ! ( Et le fromage, la saucisse…tout est découpé en tranches ! ) A midi, on ne sert pas d’eau à table, ni au restaurant d’ailleurs, – mais on peut commander de l’eau minérale qui est systématiquement gazeuse ! Quant au vin, vous n’allez pas le croire : mon futur beau-père m’en propose après le repas du soir, nous sirotons ainsi d’excellents vins du Rhin assis sur la belle terrasse…

Sinon, nous regardons aussi beaucoup, et grâce à cela j’apprends très vite l’allemand, la…télévision ! C’est incroyable ! Beaucoup de ménages allemands possèdent déjà un poste, il y a une énorme différence avec la France ! Nous captons par exemple les chaînes NWDR et ARD, et je rêve de rapporter en France des appareils Grundig, de si bonne qualité. Je pense que lorsque je reviendrai en voiture je tenterai de passer la frontière avec un joli poste radio…

Je ne vous ai pas parlé de la maison : elle est magnifique, pleine de livres, de beaux meubles, de tapis…

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Une atmosphère chaleureuse s’en dégage, les parents de Gesche lisent beaucoup, reçoivent des amis, vont au théâtre…Mon futur beau-père possède un poste important dans l’une des usines, et avec sa mère, qui vit avec eux, nous sommes allés nous promener au bord du Rhin pour voir les immenses cheminées…La maison a deux salles de bain, deux toilettes, vous ne reviendriez pas de tout ce confort…J’ai vraiment l’impression que l’Allemagne a plusieurs longueurs d’avance sur la France de l’après-guerre. Et je découvre une ouverture d’esprit remarquable dans ma belle-famille, toujours prête à recevoir les amis des enfants, et accueillant à bras ouvert le jeune Français que je suis, alors même que nos deux pays ne sont affrontés récemment. Je suis heureux à l’idée de vous présenter bientôt ma deuxième famille, lorsque tous viendront à nos fiançailles !

Gesche aussi vous embrasse. Saluez Jacques, mon cher frère, de la part de votre

Yvan qui pense à vous.

Deuxième partie :

http://sabine-aussenac-dichtung.blogspot.fr/2016/02/von-der-lorelei-bis-zu-marianne-castres.html

Troisième partie :

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2016/02/26/de-lorelei-a-marianne-reims-le-8-juillet-1962/

 Quatrième partie :

http://sabine-aussenac-dichtung.blogspot.fr/2016/02/lorelei-und-marianne-albi-den-12oktober.html

Cinquième partie :

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2016/02/26/de-lorelei-a-marianne-duisbourg-le-22-fevrier-2016/

 

 

 

 

 

Je t’interdis d’aller faire la guerre…Hommage aux Poilus…

Je t’interdis d’aller faire la guerre…

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Chaque fois que je descends du 16, je jette un coup d’œil au Monument aux Morts de l’avenue Camille Pujol, dont les discrètes mosaïques ornent la façade de l’école primaire…

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Souvent, je ne vois rien, un peu courbée par une journée ordinaire, ou pressée de rentrer vers le calme de notre écrin de verdure de la Place Pinel. Mais parfois je prends le temps de conscientiser ce lieu de mémoire et de lire quelques noms, qui, soudain, quittent le marbre éternel et l’anonymat de l’Histoire…Une lecture silencieuse qui, entre un caddy chargé de cours ou de courses, un repas à préparer, des copies à corriger, un texte à écrire, des parents à appeler, se fait mémorielle, comme si cette seconde de lettres assemblées permettait la corporéité fugace d’un nom oublié depuis des lustres…

Hier, j’ai prêté une attention particulière à Pierre Montels, disparu le 20 août 1918, à Arthur Bourgail, tombé le 5 novembre, et aux huit autres noms dont les propriétaires ont été fauchés par la Grande Guerre dans les toutes dernières semaines de barbarie…Ces dix pauvres garçons, qui, par un clair matin d’été ou par une soirée embrumée d’octobre, si près de cette journée où un wagon devint symbole de paix retrouvée après l’armistice, ont succombé à quelques encablures de la délivrance, comme, bien des années plus tard, ma petite Anne disparut peu avant la libération du camp de Bergen-Belsen.

En Allemagne, justement, en cette année 1918, de tout jeunes gens tombèrent, eux aussi ; au hasard du net je trouve ce Philipp Süglein ou ce August Schmäling, âgés de 19 ans à peine…

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Et je ne doute pas que des centaines de tirailleurs sénégalais et de combattants nord-africains soient tombés, de la même façon, dans les dernières heures des combats, puisque 63000 hommes avaient encore été recrutés en Afrique Occidentale pour la seule année 1918, malgré l’hécatombe du Chemin des Dames où certains « bataillons noirs » avaient pourtant perdu plus de trois-quarts de leurs effectifs…

http://www.chemindesdames.fr/photos_ftp/contenus/HS_N_4-1.pdf

 

Hier, me figeant un moment devant le Monument aux Morts de mon quartier, avant les commémorations officielles, je me la suis imaginée, la jeune fiancée de Pierre Montels, qui habitait peut-être une petite « Toulousaine » dans quelque village aux briques roses, effondrée de douleur en ce 11 novembre 1918, quand les cloches de l’église sonneront d’allégresse alors qu’elle hurlera sa douleur non tarie depuis l’été, quand le glas avait résonné pour Pierre…S’appelait-elle Augustine ? Ou Victorine, ou Marie-Louise ? Elle se souviendra longtemps de l’unique baiser échangé sous le pommier du verger de son père, quand le beau Pierre lui avait juré qu’il resterait en vie, avant que la boue ne recouvre son cadavre mutilé en quelque baie de Somme…

Aujourd’hui pense aussi à la mère de August Schmäling, à cette Allemande qui, si loin de notre Garonne, vivait dans cette jolie petite ville de cure de Bavière, à Brückenau, sans doute dans une maisonnette nichée dans un vallon, ou non loin du parc thermal…

https://de.wikipedia.org/wiki/Bad_Br%C3%BCckenau

Y avait-il joué, le petit August, dans ce magnifique parc, poussant un cerceau ou chevauchant un cheval de bois sous les tilleuls, quelques années à peine avant de mourir déchiqueté, le visage encore poupon et imberbe, par une baïonnette, dans les dernières semaines de la der des ders ?

Et le père de ce dernier tirailleur sénégalais mort avant l’armistice, je le vois, lui aussi, assis devant une case sous l’implacable soleil africain, fumant et palabrant et attendant en vain le retour de son grand gaillard aux yeux d’ébène, qui courait plus vite que les gazelles et qui avait la force du lion, ce grand et beau jeune homme dont il ne pourra jamais enterrer le corps selon les coutumes de son village et que sa mère pleurera en silence quand elle voudrait hurler sa colère contre « la France, mère patrie » qui a volé son fils…

Oui, chaque fois que je descends du bus, je lève les yeux vers tous ces noms gravés dans un hommage de pierre et je tente, par ma modeste imagination de conteuse, de leur redonner une existence, au-delà des livres d’histoire et des hommages officiels, à ces jeunes gens fauchés par les folies des hommes. Et quand j’entends parler de tombes de Poilus menacées de disparition, ou que discutent sur les ondes des pseudos spécialistes qui, pour d’obscures raisons économiques ou politiques, voudraient que ce 11 novembre ne soit plus un jour férié, je frémis.

http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/arthur_rimbaud/le_dormeur_du_val.html

Je frémis pour tous ces inconnus tombés avec deux trous rouges au côté droit, je frémis pour Barbara qui marche dans Brest souriante  épanouie ravie ruisselante quand un jour tonnera cette pluie de fer de feu d’acier de sang, je frémis et maladroitement comme le Déserteur j’écris ce texte à défaut d’une lettre à un président, parce que comme tous les poètes j’ai envie de crier « quelle connerie la guerre », toutes les guerres, les guerres bleu horizon, les guerres de clan, les guerres qui ont transformé des enfants juifs en savon, les guerres puniques, les guerres de Cent ans, les guerres d’Indépendance, les guerres de Sécession, les guerres où tout récemment dans notre belle Europe de jeunes Ukrainiens ont été massacrés, les guerres où l’on éventre les femmes enceintes à la machette, les guerres où l’on décapite les moines et les enfants, les guerres où l’on fait exploser des Tours Jumelles et les guerres où l’on tue des dessinateurs et des touristes…

https://www.youtube.com/watch?v=AW8kS7zjpyU

Je mélange tout ? Oui, sans doute, mais c’est bien d’enfants, de femmes et d’hommes dont il s’agit, et non pas de livres d’histoire. Toi, le jeune homme qui peut-être liras ce texte et qui, du fin fond de ton village d’Ardèche ou de ta cité grise et glauque, toi qui meurs d’envie d’aller en découdre avec de prétendus Infidèles et peut-être même d’aller égorger quelque soldat français dans une caserne, voire même de faire exploser un train où de belles jeunes filles partiraient en gloussant vers leurs vacances, demande-toi si tu n’as pas mieux à faire de ta vie que d’obéir à des ordres prétendument divins et d’aller servir de chair à canon, demande-toi si ta vie ne vaut pas mieux que d’être offerte en pâture à la barbarie…Pense à ces Pierre, à ces August dont je viens de te narrer la courte vie, pense à ces pommes qu’ils aimaient croquer, aux hirondelles qu’ils aimaient voir tournoyer sur leurs villages,  aux bouches vermeilles des filles qu’ils aimaient embrasser, et pense à ta mère qui, lorsqu’elle t’a tenue dans ses bras au bout de longs mois d’impatience, quand ton premier souffle de vie a été comme un premier matin du monde, a caressé ta peau douce de nouveau-né en t’offrant tendrement à l’univers. Pense que les hommes, comme dit le poète, sont faits pour s’entendre, pour se comprendre et pour s’aimer…

https://www.youtube.com/watch?v=2H6wYvXq7P4

En ce 11 novembre, moi, je pense à toi, et je t’interdis d’aller faire la guerre.

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2014/11/11/sonnet-du-poilu/

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Sonnet du Poilu

 

Oh rendez-moi nos Armistices,

Mes tombes blanches et mes flambeaux,

J’y écrirai nouveaux solstices

En champs de fleurs sous ces corbeaux.

 

Bien sûr il y eut Chemin des Dames,

Verdun Tranchées et lance-flammes.

Mais en ce jour combien d’enfants

S’égorgent sous cent métaux hurlants ?

 

C’est cette femme au beau sourire

Offerte aux chiens en leurs délires,

C’est ce Syrien encore imberbe,

 

Criant Jihad, mort au désert…

Sans paradis. Juste en enfer :

Dormeurs du val sans même une herbe.

 

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2014/05/07/les-mains-de-baptistin-une-nouvelle-en-memoire-aux-victimes-du-rwanda/

 

 

Sonnet du Poilu

 

 

 

Moissac, Monument aux morts, mars 2011
Moissac, Monument aux morts, mars 2011

Sonnet du Poilu

Oh rendez-moi nos Armistices,
Mes tombes blanches et mes flambeaux,
J’y écrirai nouveaux solstices
En champs de fleurs sous ces corbeaux.

Bien sûr il y eut Chemin des Dames,
Verdun Tranchées et lance-flammes.
Mais en ce jour combien d’enfants
S’égorgent sous cent métaux hurlants ?

C’est cette femme au beau sourire
Offerte aux chiens en leurs délires,
C’est ce Syrien encore imberbe,

Criant Jihad, mort au désert…
Sans paradis. Juste en enfer :
Dormeurs du val sans même une herbe.

Sabine Aussenac.

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