Conte de fées

Conte de fées

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Une fois, une seule fois peut-être, dirait Desnos dans son « Conte de fées », j’ai vu, sur ma ligne de TER Auch-Toulouse, empruntée quasi quotidiennement durant sept ans, un contrôleur noir.

J’imagine qu’en région parisienne, c’est différent, mais ici, dans le Sud-Ouest, mes propres statistiques sont formelles : cela ne m’est arrivé qu’une fois, j’en avais d’ailleurs parlé avec l’intéressé.

Jamais, en trente et un  ans de carrière, je n’ai eu eu de chef d’établissement noir ou arabe. Je dis « arabe » parce que « d’origine maghrébine », c’est plus long. Et puis les gens qui ont voté FN et qui me liront comprendront plus vite…

Donc jamais de principal ou de proviseur noir ou arabe pour me donner ma note administrative, me rappeler à l’ordre à cause de mes nombreuses absences ou pour me féliciter de mon dynamisme.

Je pourrais presque dire de même en ce qui concerne les collègues…J’en ai eus, des collègues, des centaines, avec mon statut de prof itinérante…Croyez-le ou pas : les profs noirs ou arabes croisés depuis l’obtention de mon CAPES, en 1984, se comptent…sur le doigt de la main ! Je ne peux même pas compter Fabrice, un ancien « pion » de Blaise-Pascal devenu, je crois, prof d’allemand ; il était antillais…Sérieusement, hormis quelques contractuels de math ou de techno, une collègue d’anglais, elle, certifiée –Samira, je t’embrasse !- et un collègue d’allemand très compétent –Rachid, Kuss !-, rien, nada, le désert des tartares…Les salles des profs sont d’une blancheur quasi immaculée…

Jamais mes enfants n’ont eu de pédiatre noir ou arabe. Jamais je n’ai consulté d’ORL, d’ophtalmo, de dermato, de gynéco…noir ou arabe. Jamais je n’ai eu de médecin traitant noir ou arabe. Une fois, mon fils a vu spécialiste iranien dans une clinique, et, une autre fois, j’ai moi-même consulté, à Auch, un rhumato d’origine libanaise. Mais jamais un toubib black ou rebeu n’a croisé ma route.

J’ai eu hélas affaire à de nombreux avocats et juges… Entre les huit longues années de mon divorce et le cauchemar de mon surendettement, sans oublier la longue procédure internationale pour récupérer quatre ans de pension alimentaire, j’en ai croisés, des hommes en robe, des jeunes, des vieux, des beaux, des moches, des sympas, des cons finis, des compétents, des imbéciles… Mais jamais, je vous l’assure, j’ai croisé d’avocat ou de juge arabe. Par contre, un avocat black, oui. – Il y a toujours des exceptions à une règle, n’est-ce pas ? (coucou, Hervé, si tu me lis… )

Je me creuse la tête pour me souvenir si j’ai déjà croisé la route d’un directeur de banque noir ou arabe…Non, j’en suis certaine. Pourtant, j’en ai éclusées, des agences, avec mes multiples déménagements…Ni à la BP, ni au Crédit Agricole, ni à la Banque Postale, ni à la BNP, je n’ai eu de directeur d’agence issu de l’immigration…

J’ai rarement eu l’occasion de fréquenter de grands hôtels, des thalassos, des restaurants très étoilés, mais, là aussi, je ne peux me rappeler d’un seul visage de couleur qui en aurait tenu les rênes…

Même les « petits Casino », que j’ai souvent arpentés à la recherche d’une bricole manquante, ou les néo « Casino Shop », relookés et moins chers, ne m’ont jamais, jamais présenté de « couple de gérants » blacks ou arabes…

Par contre, me revient en mémoire la cohorte fatiguée d’innombrables visages inconnus croisés dans des gares, des métros, des bâtiments publics…Souvent, ils poussaient des chariots ou tenaient des balais de leurs mains gantées non pas de chevreau, mais de latex rose, ilotes sans visages de notre société de pseudo mixité sociale.

Je me souviens aussi des rires et des sourires de mes copines caissières à Casino ou Atac, à Carrefour ou Vival, de nos complicités et papotages.

Dans les hôpitaux ou cliniques où j’ai pu trembler, seule ou avec mes enfants, j’ai souvent été réconfortée par le sourire simple et sincère d’un personnel venu refaire le lit, ou par une aide-soignante, qui, là, oui, étaient bien souvent noirs ou arabes…

Alors sans même évoquer la situation scandaleuse des médias, où Rachid Arhab et Harry Roselmack font mine de représenter leurs communautés, vous voyez, il me semble évident que, dans notre pays si fier de sa « mixité sociale », nul n’est besoin de « statistiques ethniques » pour être en colère quand un gouvernement prétendument socialiste enterre le CV anonyme comme il enterre le latin, l’allemand et les cathédrales.

http://www.liberation.fr/societe/2015/05/19/sans-emploi-le-cv-anonyme-abroge_1312633

Il est tard, je suis épuisée à cause d’une grève des bus dont aucun média national ne parle et qui pourtant paralyse depuis deux mois une ville de 500 000 habitants, je suis désespérée par le décret venant d’officialiser la réforme du collège, mais je voulais malgré tout pousser ma chansonnette pour dénoncer les scandaleuses inégalités qui règnent dans cette France que d’aucuns voudraient encore blanchir, et qui pourtant n’offre que peu de place à l’ascenseur social quand on est noir, ou arabe.

Et je ne vais même pas parler des femmes, pour une fois. Tiens, j’ai une idée : vous irez plutôt lire Free d’hommes …

http://www.amazon.fr/Free-dhommes-Sabine-Aussenac-ebook/dp/B00JZWH5RK

http://www.sudouest.fr/2013/11/30/free-d-hommes-1244971-2277.php

 

 

 

 

 

 

 

Ce n’est pas grand-chose, 40 euros…

Ce n’est pas grand-chose, 40 euros…

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Ce n’est pas grand-chose, 40 euros.

 Non, Monsieur Valls, ce n’est pas grand-chose, 40 euros. C’est le quart d’un manteau d’hiver, si on a un peu froid et que le nôtre est vraiment rapiécé de partout, même si on l’a soigneusement entretenu. C’est moins que le prix de la visite chez le spécialiste, vous savez, celui pour lequel on doit patienter six mois, et puis on ira à pied, ou en bus, même si on s’est cassé récemment le col du fémur, parce que la mutuelle ne prend pas en charge les taxis non conventionnés et puis qu’on ne va pas en plus revenir voir le docteur pour payer encore 23 euros et avoir cette autre prescription.

40 euros, ça nous fera un bon plein au LIDL ou chez Aldi, parce qu’on a pas vraiment la force de traverser la ville pour aller acheter les produits à un euro de chez Auchan, et puis si on habite à Paris, ce sera encore plus compliqué, parce que Franprix, ça reste rudement cher…40 euros, c’est ce qu’on dépensait, il y a longtemps, quand on allait en vacances, avec Ginette, ou avec Roger. On s’en payait, du bon temps, c’est vrai, Monsieur Valls, ce n’était pas grand-chose, 40 euros, enfin nous, on comptait en francs, et avec cette somme, qu’on dépensait en une belle journée d’été, on se faisait un petit gueuleton en bord de mer, quand on allait voir la mer, avant d’acheter des petits souvenirs pour les enfants, des bols avec le prénom, ou peut-être un collier de nacre…Avec 40 euros, en francs, donc, on faisait de belles courses, on pouvait acheter une jolie robe pour les dimanches, quand on était de communion, ou de la bonne nourriture, du gigot d’agneau, des fraises de pays, un bon petit vin chez le caviste…Si vous saviez, Monsieur Valls, les beaux dimanches qu’on avait, dans le temps…

Oui, Monsieur Valls, vous avez raison. 40 euros, ce n’est vraiment pas grand-chose…La voisine, elle ne les a même pas, cet argent-là, elle en rêve, quand elle fait la queue, le mardi, dans la petite salle du Secours Populaire, celle où les visages couperosés des SDF côtoient la dignité de tous ces petits vieux courbés, à la peau douce et parcheminée, qui se penchent au-dessus de leur caddy, dans la vieille odeur de robusta, le robusta qu’on boira dans les verres en pyrex récupérés à la brocante, le robusta servi par cette autre vieille dame qui, pour ne pas rester dans son appartement sans chauffage, vient aider à la distribution.

40 euros, on en rêve, nous aussi. Mais ce ne sera vraiment pas assez pour offrir des cadeaux de Noël aux petits-enfants, pensez, eux aussi ils en rêvent, l’aîné surtout, il avait tout pour réussir et ses parents se sont saignés pour lui payer une école très chère, mais malgré son diplôme il est livreur au Monoprix, et puis ils mettent du javel sur les poubelles, le gamin ne peut même pas récupérer les produits périmés, et puis la cadette elle est en apprentissage au village, elle aimerait bien aller vivre avec son copain, parce que les jeunes maintenant ils se mettent ensemble comme ça, mais vous savez, Monsieur Valls, c’est pas demain la veille qu’elle partira de chez nos enfants, parce qu’avec ce qu’elle gagne, la pôvrette, elle pourrait même pas passer son permis…

Mais merci quand même, Monsieur Valls, de penser à nous, parce que vous savez, on a encore toute notre tête, même Robert, mon copain de l’armée, avec qui je joue aux boules, ils disent qu’il a un début de Tzeimer, mais moi je parle avec lui et il me raconte comment c’est chez lui, maintenant que l’aide à domicile du Conseil Général vient pour faire le ménage, depuis que sa Colette a eu son attaque, et puis heureusement ils viennent aussi avec le repas, les gens de la Mairie, et je peux vous dire que mon poteau, c’est le seul repas chaud qu’il mange, parce que 40 euros, lui non plus il ne les a pas, avec sa retraite de peintre en bâtiment.

Alors voilà, Monsieur Valls. Je ne sais pas si je voterai encore une fois, je vis au jour le jour, je profite du soleil qui se couche sur le canal et j’écoute les enfants de la cité qui rient dans le parking, et ça me fait un peu de vie, et je me dis que peut-être eux ils en auront une de meilleure, de vie, mais c’est mal parti. Si Dieu me prête vie, me disait déjà ma ménine, ma mamie, au village, là-bas, dans les montagnes, je voudrais bien une chose, une seule : savoir que mes enfants et mes petits-enfants la verront encore, eux, la mer. Souvent.

 

http://www.franceinfo.fr/emission/noeud-emission-temporaire-pour-le-nid-source-713871/2012-2013/classes-moyennes-surendettees-pour-nous-c-est-ingerable

De heili heilo à Jobi Joba…

De heili heilo à Jobi Joba

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Tiens, c’est amusant, ce départ d’un ex prof d’allemand et l’arrivée d’un natif de Barcelona à Matignon, vous ne trouvez pas ?

J’y vois, moi, une excellente métaphore de la situation de l’enseignement de l’allemand dans notre belle France…

Oui, l’Espagne et l’enseignement de l’espagnol ont bien toujours le vent en poupe, comme l’anglais –what else ?- et les langues dites émergentes (car des parents d’élèves s’imaginent encore que leurs têtes blondes vont réussir à maîtriser le mandarin en quelques années, quand certains peinent à écrire leur propre nom -du vécu !!- et ne maîtrisent déjà plus l’écriture cursive – alors les idéogrammes, je vous laisse imaginer…)

Les classes de mes collègues hispanisants sont toujours remplies ; et c’est vrai que c’est sympa, cool, fun, d’apprendre cette langue latine dont les sonorités nous semblent si familières, et puis le soleil, la salsa, etc…Je vous épargne les clichés !

Nous, par contre, en allemand, c’est le désert des Tartares. Les profs d’allemand sont devenus des has been, véritables boloss de l’Éducation Nationale. Tiens, c’est simple, dans notre immense académie de Toulouse, à la rentrée 2014, AUCUN poste au « mouvement » ; dans certains départements, et pas seulement dans le Sud-Ouest, aucune école primaire ne propose l’enseignement de l’allemand ; j’ai personnellement un statut de remplaçante depuis des années, malgré ma réussite au CAPES en 1984…

Nos classes ressemblent à des rassemblements de clandestins sous quelque dictature…Nous sommes les disciples de la dernière chance, les résistants, nous sommes la mémoire d’un grand peuple qui, autrefois, existait : les élèves qui faisaient de l’allemand, les germanistes. Souvenez-vous : de cette époque où l’allemand était enseigné dès la sixième, et où les germanistes rayonnaient de leur réputation de « bons élèves »…De ces trente glorieuses des jumelages, de ces images d’archives d’Adenauer et du Général applaudis à Reims ou à Berlin, de votre petite « corres » si blonde et si délurée…

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Oui, hier, en voyant la valse de nos dirigeants, je n’ai pu m’empêcher d’y lire un symbole…

Pourtant, non, nos cours ne sont pas soporifiques comme un discours de notre ex Premier Ministre ! Je vous assure, les méthodes ont évolué depuis Rolf et Gisela, nous aussi, nous utilisons autre chose que des magnétos à bande, et nous savons même naviguer sur l’ENT ! Non, non et non, nous ne parlons pas des heures sur un ton monocorde, au contraire, nous faisons faire des activités aussi variées que celles de nos collègues d’espagnol, même si, c’est vrai, nos manuels –les livres, hein, pas Valls (elle était fastoche)- parlent de façon un peu répétitive de la chute du Mur, des immigrés de Berlin et des discours du Moustachu…

Pourtant, non, nous ne faisons pas aux élèves et à leurs parents des promesses que nous ne tiendrons pas, comme un certain ex prof d’allemand sus cité…Quand même des orthophonistes recommandent l’apprentissage de la langue de Goethe aux élèves en difficulté –pour l’ordre de la syntaxe, pour la logique de la langue…-, quand toutes les grandes entreprises et même PME recrutent à tout va des candidats germanistes, quand il suffit à un étudiant de franchir la ligne Maginot des préjugés, et surtout le Rhin, pour d’un claquement de doigts décrocher un CDI en terre teutonne, c’est du solide, et pas de la promesse électorale !

http://www.connexion-emploi.com/fr/offers

Mais bien sûr, l’Espagne attire le chaland, elle claque des doigts comme une danseuse de flamenco, et quand on voit notre nouveau Premier Ministre –que je salue respectueusement, et dont j’ai réellement apprécié le magnifique discours de tolérance et d’humanisme qu’il nous a tenu récemment dans la Ville Rose, lorsque j’ai eu la chance d’être conviée au dîner du CRIF organisé peu de temps avant la commémoration des meurtres de la Bête…-, on ne peut s’empêcher d’admirer son dynamisme…Oui, cet homme né de l’autre côté des Pyrénées a le sang bouillant des Ibères, oui, il va, je n’en doute pas un instant, mener sa barque avec une autre poigne, oui, il va se jeter dans l’arène, et c’est bien l’Espagne qui pointe un peu sa corne à Matignon, comme le chantait notre Claude.

Faisons amende honorable et reconnaissons à nos collègues hispanisants que leurs cours peuvent, de la même façon, attirer nos élèves. Mais je voudrais ce jour rétablir la vérité : nos cours d’allemand peuvent être aussi gouleyants qu’une chanson gitane, aussi intéressants qu’un voyage en Argentine, aussi riches de sens qu’une expo de Dali ! Nous avons les Prinzen, et puis les îles de la Baltique, les Alpes, et Berlin !!! L’allemand reste aussi la deuxième langue du marché international et d’internet…

Françaises, Français, ne jetez pas l’ancien Premier Ministre avec l’eau du Rhin !

Élève, si t’es malin, viens à Berlin ! Car comme le dit une affiche : Allemagnifique !

PS : Manuel, te quiero !

http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/tourisme-allemagne_b_3168676.html