Ce qui reste, ceux qui restent…
Il leur en faut, du courage, le jour, la nuit.
Oser regarder la lumière sans penser aux cent cris.
Se lever comme si de rien n’était, partir au travail, ou simplement tenter de regagner un lit dans l’obscurité verdâtre d’une chambre d’hôpital.
Il leur en faut, de la force, pour goûter à la vie quand la mort autour d’eux a fauché tant de rires.
Ce qui reste, un mois après le 13 décembre, ces hurlements atroces et l’odeur du sang frais, toutes ces mains tendues en l’ultime supplice, les regards implorants aussitôt voilés par le bruit des rafales.
Ceux qui restent le savent, l’oubli n’existe pas. Que l’on soit simplement rescapé, miraculé, l’intégrité du corps comme preuve tangible de cette chance inouïe, ou bien victime encore meurtrie, les chairs palpitantes de souffrance, le souvenir est là, grignotant la lumière, comme une nuit terrible, un seul gémissement.
Pourtant il le faudra, relever les tentures, entrouvrir les persiennes, pour jeter comme incrédule un regard au dehors.
Se laisser à nouveau emporter par la vie, réapprendre à marcher comme enfant qui vacille, goûter cette cerise qui orne les étals, et s’assoir en terrasse, comme si c’était normal…
L’oubli n’existe pas mais bien la résilience, Imre Kertész l’a dit un jour en conférence, qu’il fallait rire même après camps de la mort, parce qu’ainsi le Bien devient loi du plus fort.
Au fil des jours qui viennent la terreur passera, et tout ce cauchemar des odieux attentats.
Non, vous n’oublierez pas.
Mais vous serez debout, regardant la lumière, l’esprit neuf et sans haine, l’âme simple et guérie, conquérant l’avenir qui n’attend que vos joies, survivants de l’enfer redevenus VIVANTS.
La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler faim à satisfaire
Un cœur généreux
Une main tendue une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie la vie à se partager.
Paul Eluard