Duisbourg ma jolie ville en barque sur le Rhin…

« Le mai le joli mai en barque sur le Rhin… »
Elle tourne, la « Nana » de Niki de Saint-Phalle, inlassablement, au-dessus de sa fontaine, au centre de la plus grande rue piétonne de Duisbourg, la Königsstraße, observant de ses rondeurs bariolées la grande échelle dorée du centre commercial « Forum » s’élevant bien loin de ce temple de la consommation, contrastant presque brutalement avec les grisailles du temps rhénan et avec les suies recouvrant encore souvent la brique de cette grande ville industrielle que bien peu de Français connaissent… Le grand oiseau, dénommé Lifesaver est devenu au fil des ans l’attraction majeure d’une « promenade des fontaines » cheminant à travers la ville (« Die Brunnenmaile »), éclipsant presque de façon emblématique l’aigle du véritable blason de la ville…
Bien sûr, on se souvient du commissaire Schimanski qui avait fait les belles heures de la Cinq, héros récurrent de la célèbre série « Tatort » ; plus récemment, de cette « Love Parade » de sinistre mémoire, avec ces jeunes vies fauchées par la foule ; et ceux qui ont connu ce temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître avaient sans doute appris que Duisbourg était le plus grand port fluvial d’Europe (devenu aujourd’hui le premier port intérieur mondial) … Mais sans jamais, je suppose, avoir l’idée de partir en vacances ou en week-end pour visiter cette capitale de la sidérurgie plus réputée pour ses hauts-fourneaux que pour ses monuments ou sa gastronomie…
Cependant, gageons que nous ferons mentir les paroles de cette chanson parodique en appréhendant au fil du Rhin l’âme de cette superbe cité…
„Ja, dat is Duisburg – hier will einfach keiner hin dat is Duisburg – und dat macht auch keinen Sinn, Du musst schon hier geboren sein, um dat zu ertragen, allen Zugezogenen schlägt Duisburg auf’n Magen…“
(Oui, c’est Duisbourg – personne ne veut y aller, et cela n’a aucun sens… Tu dois être né ici pour pouvoir le supporter… Toutes les personnes qui vont y habiter sont prises de nausées…)

Car Duisbourg l’industrieuse, Duisbourg l’industrielle, Duisbourg, cœur de la mégalopole Rhin-Ruhr, jouxtant presque sa voisine plus policée et bien plus achalandée Düsseldorf, est en passe de devenir un nouveau Berlin, avec ses nouveaux quartiers branchés, ses scènes culturelles innovantes, ses musées à l’incroyable richesse et surtout avec la transition écologique de qualité qu’elle a su proposer, malgré la crise.
Bien sûr, les pisse-vinaigre vous rétorqueront d’un ton grinçant que la qualité de la vie ne fait pas tout, que certains projets architecturaux sont restés en friche, que les écoles peinent à recruter des enseignants, que les rues sont peuplées de personnes issues de la diversité (vous comprendrez que j’édulcore la façon qu’ont les contempteurs de migrants et de personnes des classes sociales défavorisées de dépeindre leurs peurs de l’Autre…) et de détenteurs du fameux « Hartz IV », l’aide sociale dispensée d’une main de fer par Angela… Mais les habitants eux-mêmes, soutenus par le fringant club de foot de la ville, s’engagent pour faire mentir les frileux…
C’est que Duisbourg, justement, grouille de vie, d’énergie, de beautés naturelles enfin redécouvertes, de tendances, et, bien sûr, de projets. Et si son avenir s’y dessine enfin de façon apaisée et joyeuse, son passé mérite, lui aussi, que l’on s’y attarde un instant. Car cette cité à la modernité flamboyante fut aussi traversée par les légions romaines et les Vikings avant de devenir, belle confluence entre Rhin et Ruhr, déjà convoitée en raison de sa situation stratégique, résidence seigneuriale, abritant même un synode impérial en 929, tandis que divers ordres religieux y implantaient couvents et hospices. Certes, les vestiges du passé y sont moins apparents qu’à Cologne ou à Trèves, mais il suffit de longer les remparts disséminés comme galets de mémoire, de la « Tour de Coblence » à la Place de Calais, sans oublier les latrines d’un couvent, extraordinairement bien conservées, pour imaginer sans peine la vie buissonnante des marchands et des marins qui firent de ce port un lieu d’échange si important que l’empereur Barberousse en fit en 1173 le théâtre de deux foires pour les commerçants flamands spécialisés dans les étoffes.
Il faut savoir oublier un peu le passé récent, tellement omniprésent au vu de l’histoire industrielle des deux derniers siècles, pour replonger dans l’histoire d’une ville où a aussi vécu Gerardus Mercator, ce grand mathématicien, géographe et cartographe, inventeur de la cartographie éponyme, puisqu’il avait accepté une chaire de cosmographie à Duisbourg : sa « projection Mercator » s’est ensuite imposée comme « le » planisphère standard dans le monde entier, de par sa précision, ses dix-huit « feuilles » permettant aux navigateurs une description in situ des contours de la terre… Quelle émotion, lorsque l’on visite le « Kultur- und Stadthistorisches Museum », de pénétrer au cœur de la « salle du trésor » et de toucher du regard l’âme de ce monde où les grandes découvertes battaient l’amble de la modernité à venir.
http://mercator-museum.net/mercator
Niché devant l’un des pans des remparts, le musée fait de chaque visiteur un voyageur du temps, permettant de passer en quelques encablures des anciens greniers à céréales aux aciéries, sans oublier les murmures des familles juives que nous rappelle aussi le très émouvant centre communautaire juif tout proche, ni les balbutiements de la démocratie renaissante… Car il suffit de se promener dans le « Jardin du Souvenir », qui s’étend non loin des quais, pour percevoir le souffle de l’Histoire qui entoure ce joyau architectural en forme d’étoile de David…
http://www.innenhafen-portal.de/standort/juedisches-gemeindezentrum.html
Ce parc, perspective mêlant engazonnements et bâtiments, imaginée par l’artiste plasticien israélien Dani Karavan – qui a aussi créé le mémorial du souvenir dédié à Walter Benjamin à Port-Bou et de nombreuses autres œuvres de plein air inspirées par la mémoire des lieux -, croise les vestiges mnésiques dans lesquels le cœur battant de Duisbourg caracole au rythme des blés et d’autres céréales, emblèmes de ce quartier que l’on dénommait le « panier à pain de la Ruhr » ( « Brotkorb des Ruhrgebiets »), ses lignes d’épure blanches comme autant de veines irriguant le présent de toutes les sèves ancestrales, à l’instar de cette rigole construite de conserve avec l’architecte Zvi Hecker, concepteur du centre communautaire juif, ruisselant telle eau neuve en direction de l’ancienne synagogue détruite lors de la Nuit de Cristal…
http://www.innenhafen-portal.de/standort/garten-der-erinnerung.html
Un autre parc, tout aussi fascinant, accueille le flâneur : le parc Emmanuel Kant, antre du Musée Lehmbruck, non loin duquel se dresse l’imposant musée DKM, temple de 5000 ans de traces civilisationnelles bigarrées et d’impressionnantes collections d’art moderne.
https://www.vogt-la.com/en/project/kant-park-duisburg
Cet écrin de verdure offre un havre de paix au beau milieu de l’agitation du quartier de Dell : en perpétuelle mutation depuis la transformation, en 1925, du parc privé d’un commerçant prospère, Theodor Böninger Jr, en un immense jardin public, en passant par l’ouverture, en 1964, de l’un des plus importants musées dédiés à la sculpture du monde, le Lehmbruck, jusqu’à la mise en perspective de l’abattage d’un grand nombre d’arbres décidé après des protestations houleuses, en 2017, sublimés en sculptures diverses dans l’exposition « KantparkStämme » (« Les souches du parc Kant »), ce parc expose au gré de ses allées des sculptures offertes aux éléments de grands noms comme Henry Moore, Meret Oppenheim, André Volten, Alf Lechner ou Toni Stadler.
Oui, les musées de Duisbourg gagnent à être connus, reconnus, phares culturels ayant remplacé les lumières incessantes de nombreuses aciéries. Le MKM, « Museum Küppersmühle für moderne Kunst », rivalise d’originalité avec le Lehmbruck dans son apparence extérieure, puisque l’immense nef de briques se dresse telle une forteresse entre bâtiments-souvenirs de la frénésie industrielle et quais, presque en miroir d’un autre géant de la ville neuve, le bâtiment des nouvelles archives régionales, avec ses façades aveugles pour préserver l’intégrité mémorielle, un peu plus en amont, sur l’autre rive du port intérieur.
http://www.museum-kueppersmuehle.de/

Monter les marches en colimaçon de l’escalier en bois menant aux différents étages est déjà une expérience en soi ; découvrir les foisonnantes collections d’art moderne et contemporain qui jalonnent les salles est un pur ravissement, même pour le béotien, puisqu’ici l’art est aussi hors-les-murs, avec parfois des toiles aux matériaux composites qui permettent d’en appréhender plus facilement le sens.
Et puis le MKM fait la part belle aux artistes en mouvement, comme avec l’exposition, en 2017, de l’inénarrable Erwin Wurm aux facéties multiples et absurdes.
Et les arts à Duisbourg bouillonnent d’ailleurs comme les eaux du Rhin, car la musique et la littérature ne sont pas en reste… Encore une fois, la ville se fait confluence, car c’est au cœur même de l’un des grands centres commerciaux se dressant non loin de la gare centrale, le « City Palais », que la salle de la « Philharmonische Mercatorhalle » accueille en son acoustique grandiose non seulement l’orchestre philharmonique de la ville, la « Duisburger Philharmoniker », mais aussi les maestros du monde entier pour ravir les oreilles aiguisées du public rhénan.
Et que dire de toutes les initiatives littéraires, qui brassent les mots bien au-delà des rives du Rhin, comme l’association littéraire duisbourgeoise, le « Verein für Literatur Duisburg », dont le thème 2017/2018 n’est autre que « Liberté, égalité, fraternité » ?!
Le franco-allemand est en effet très souvent à l’honneur dans cette ville jumelée à Calais depuis 1964, et dont l’association franco-allemande déborde d’activités culturelles :
Quant au « LiteraturBüro Ruhr », autre instance littéraire extrêmement active et renommée de la région, il appelle justement à une « Maison européenne de la littérature » qui serait sise en Rhénanie, car c’est bien là que vibre l’Europe enfin pacifiée…
http://www.literaturbuero-ruhr.de/index.php?id=36
Mais Duisbourg explose et expose aussi à l’air libre, au gré de l’imaginaire de l’architecte britannique Lord Norman Foster, qui a entièrement redessiné le port intérieur. Et c’est ici que Duisbourg la confluente réunit à la perfection son histoire et son avenir, lumineuse passerelle entre les échanges portuaires séculaires et cette nouvelle agora ouverte sur les liens de proximité et sur la culture. Les anciens bâtiments des docks, les silos, les moulins à céréales et les vestiges industriels ont ainsi été reconvertis en bureaux, en logements, en établissements de culture et de gastronomie jalonnant le bassin portuaire.
https://www.fosterandpartners.com/projects/duisburg-masterplan/
C’est là, dans ce nouveau quartier à proximité du centre-ville, que se croisent en chiasmes audacieux des habitants ravis et des « bobos » et autres hipsters décrivant cet endroit comme ayant ce que les Allemands nomment du « Flair », ce qui s’apparenterait à du « chien » … Certains vont jusqu’à évoquer une « Sylt-Atmo », en référence à l’atmosphère isloise faisant les beaux jours de la fameuse île de la mer du Nord, entre les cliquetis des mats des bateaux de plaisance, les docks de bois menant à des établissements trendy et les événements culturels transformant ces quais historiques en un mélange de Beaubourg et de l’île de Ré.
https://www.fosterandpartners.com/projects/duisburg-hafenforum/
Suivons-les, ces quais, et allons jusqu’au Schwanentor, la « Porte des cygnes », pour embarquer enfin sur sa Majesté le Rhin. Nous voilà aux portes du monde, à portée de navire de Rotterdam, Anvers, Hambourg, mais prêts aussi à entendre les échos des chants de la Lorelei et à déguster l’un de ces gouleyants vins rhénans… Duisbourg se fait carrefour des terres et des mers, et l’Histoire ne s’y est pas trompée, y arrimant tous ces échanges commerciaux, puis en permettant à l’industrie lourde de s’exporter facilement. Bien sûr ce n’est pas la Seine, dirait notre Barbara, mais quand l’immensité de la géographie maritime et fluviale croise ainsi les rumeurs du passé tout en se conjuguant à de nouvelles architectures futuristes, on a un plaisir infini à se sentir un maillon de cette chaîne en revenant au port après la promenade…
Les habitants de Duisbourg, eux, vont plus loin. Ils ont appris à ne plus voir les restes des carcasses rouillées qui parfois encore abîment le paysage et ne se souviennent plus vraiment de cette époque où l’on devait chaque matin balayer devant sa porte pour effacer les scories s’y étant déposées durant la nuit. Car ce qui frappe avant tout, lorsque l’on discute avec les Duisbourgeois, c’est leur fierté culturelle devant le superbe « Parc paysager de Duisbourg-Nord » : lorsqu’il a été question de remodeler l’ancienne friche industrielle, autrefois cœur en fusion de la cité, on a su intégrer et relier des signes existants de la fonction industrielle pour attribuer à l’ensemble une nouvelle syntaxe dans laquelle s’enchevêtrent îlots de végétation, voies ferroviaires, vestiges et land art. Cette ancienne cathédrale industrielle est ainsi devenue l’une des attractions majeures de la Rhénanie du Nord-Westphalie.
https://www.landschaftspark.de/rundweg-industriegeschichte/denkmal-huttenwerk/
Un autre parc ravit aussi petits et grands, autochtones et touristes, qui peuvent escalader à l’envi le « Tiger and Turtle », une sorte de grand-huit d’acier très impressionnant, installé au sommet d’un terril dans un espace vert aménagé autour d’une ancienne fonderie du quartier de Wanheim-Angerhausen. La nuit, la sculpture monumentale brille de mille feux et les visiteurs peuvent s’élever jusqu’à 13 m de haut au gré des volutes, dominant le paysage environnant de 48 m, se sentant comme des vigies scrutant les fleuves… Cette attraction-phare a été réalisée au printemps 2009 par la ville de Duisbourg, dans le cadre de l’opération « RUHR 2010 – Capitale européenne de la culture ». (Même si Essen avait représenté les 53 villes ayant postulé à ce titre, Duisbourg s’était aussi éminemment investie dans le projet.)
Et c’est empreints d’un enthousiasme écologique flamboyant que les habitants de Duisbourg évoqueront encore le domaine des six lacs, cette « Sechs-Seen-Platte » de 283 hectares, dont 25 kilomètres de promenades, un immense espace de détente où l’ont peur nager, pêcher, faire de la voile, et bien sûr randonner, comme tout Allemand qui se respecte ! Cet espace récréatif s’étend non loin du cœur de ville, à une portée de marche de l’émouvant « Waldfriedhof », le « Cimetière de la forêt » où l’on peut se recueillir, entouré d’arbres centenaires, devant les tombes de Lehmbruck et d’autres personnalités locales. Une nature luxuriante abreuve le promeneur qui soudain n’entend plus le vacarme de la cité, faisant silence devant le clapotis des vaguelettes ou respirant à pleins poumons un air rhénan devenu respirable et sain…
https://www.duisburg.de/wohnenleben/wasser/sechsseenplatte.php
On terminera cette aventure en s’aventurant encore dans un dernier parc duisbourgeois, le « Biegerhof », qui fait depuis 1961 le bonheur des habitants de ce quartier, racheté par la ville et richement boisé. Cet espace est devenu un domaine naturel protégé où un club équestre a aussi élu domicile et où l’on peut au fil des saisons admirer une faune et une flore variées.
Duisbourg la confluente allie ainsi nature et culture dans une harmonie rarement égalée, tout en confiant ses enfants à un avenir de qualité grâce à l’université de qualité de Duisbourg-Essen, dont le campus abrite moult instituts à la pointe de la recherche, logés dans de curieux bâtiments en formes de… boîtes à gâteaux !

https://www.uni-due.de/welcome-centre/fr/
Oui, à mes yeux, Duisbourg est un peu une arche de l’alliance, résiliente après la crise industrielle, accueillante envers de très nombreux migrants après avoir été terre nourricière de générations d’immigrés issus d’Italie, de Turquie et d’Europe de l’Est, mêlant arts anciens et nouveaux, paysages urbains et espaces paysagers, et cette union sacrée se retrouve lorsque l’on a le bonheur de découvrir deux monuments historiques qui se dressent à quelques encablures l’un de l’autre, la « Salvator Kirche » (l’église Saint-Sauveur) et la mairie.
Certes, le 13 mai 1943, le clocher de la plus ancienne église de la ville – qui se dressait depuis le quatorzième siècle à la place d’une ancienne église palatine et qui représentait l’un des plus marquants ensembles ecclésiaux du gothique tardif de la rive droite du Rhin – s’était effondré en flammes, lors d’un bombardement, sur l’église et la mairie, entraînant la destruction totale de l’église. Mais sa reconstruction, achevée en 1960, suivie par d’importants travaux de rénovation, permet aujourd’hui au visiteur d’admirer l’épitaphe de Mercator et surtout de fabuleux vitraux mis en lumière par divers artistes comme Jahnke ou Pohl, ainsi que le vitrail commémoratif érigé en l’honneur de l’ancienne synagogue d’après des esquisses de Naftali Bezem.
http://www.innenhafen-portal.de/standort/salvatorkirche.html

Mercator, encore et toujours, trône au-dessus du « Mercatorbrunnen », la « Fontaine de Mercator », depuis le jubilée du tricentenaire de son planisphère, en 1878, devant la mairie, tandis qu’un bas-relief d’un dieu aquatique et des statues de Charlemagne et de Guillaume Premier accueillent les administrés et les visiteurs du bâtiment néo-gothique. Mais c’est à l’intérieur que se découvre l’un des emblèmes de Duisbourg, rivalisant avec les imposants blasons de la salle des Illustres, sous la forme de ce « Paternoster », cet « ascenseur perpétuel » qui nécessite une certaine audace pour les aventureux citoyens de Duisbourg souhaitant sauter en marche dans cette drôle de machine à remonter le temps aux boiseries lustrées.

http://www.slate.fr/story/102493/sauver-paternoster-ascenseur
Voilà.
Nous sommes arrivés, ou peut-être pas, car nous reviendrons souvent, à l’instar de ces téméraires casse-cou empruntant le paternoster pour prendre l’Histoire en route…
Duisbourg, qui fait la nique à la grisaille de la Ruhr, Duisbourg, vieille dame de fer très droite encore avec sa collerette industrielle, mais qui peu à peu s’élance librement vers un avenir faisant la part belle à la nature et à l’écologie, Duisbourg où les soubresauts du passé se conjuguent aux audaces de la modernité au gré des musées et des arts, Duisbourg où cent nationalités s’égayent dans les jardins publics, au fil des rues piétonnes et dans les cours d’école, Duisbourg, cœur battant de l’Allemagne de toujours, de l’Allemagne d’aujourd’hui et de l’Europe, Duisbourg, « ville de l’eau et feu », comme le vante son office du tourisme, mais aussi ville de cette terre d’Europe et d’un air enfin libre et purifié, ville des quatre éléments en harmonie, nous tend les bras et continuera longtemps à tisser les fils du temps.
Quant aux statues du musée Lehmbruck, elles m’ont inspiré ce petit texte à écouter ici :
http://www.poesie-sabine-aussenac.com/cv/portfolios/et-la-pierre-respire-duisbourg-musee-lehmbruck-
Et la pierre respire
En colombes furtives apaisées de réel,
Les poitrines se galbent, élancées en plein ciel.
Tourterelles subtiles, telles oiselles endormies,
Elles frémissent en rêve, quand leur bronze sourit.
Émouvantes rondeurs de ces seins martelés,
Qui se donnent impudiques en leurs corps dévoilés.
Et la pierre respire, le burin la caresse,
Toute femme est lumière, la statue une messe.
Au musée endormi le visiteur frissonne,
Il découvre égaré les langueurs des Madones
Qui lui offrent ce sein comme au matin du monde,
Et la pierre s’éveille, jeune fille en printemps,
Sa douceur auréole une valse à mille temps.
Les tétins si mutins aux fatwas font la fronde.
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Mai
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains ?
Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment
Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
Guillaume Apollinaire, Rhénanes, Alcools, 1913
Merci à l’office de tourisme de Duisbourg qui m’a permis un incroyable séjour l’été dernier et m’a offert une extraordinaire visite guidée me faisant redécouvrir la ville de mon enfance, celle où je passais mes vacances chez mes grands-parents allemands. Merci à la si sympathique Inge Keusemann-Gruben et à notre guide si érudite, Astrid Hochrebe !
https://www.virtualmarket.itb-berlin.de/de/Inge-Keusemann-Gruben,a2289651