Un conte…

 

 

Prémonition? En tous cas, comme une …première scénarisation (très lointaine) du livre de Houellebecq -que je n’ai pas lu…Et comme un terrible écho aux sombres desseins des contempteurs de liberté!

Première parution de ce texte en 2010:

http://www.oasisdesartistes.com/modules/newbbex/viewtopic.php?topic_id=94630&forum=10

A mes soeurs iraniennes et afghannes.

Un conte…Le réveil sonne. Oh non, pas déjà…De toutes façons, je ne dormais plus, l’appel du Muezzin m’avait déjà tirée de mon rêve.
Mais il faut se lever, et, bien sûr, commencer par la prière. Oh, ce n’est pas vraiment obligatoire, mais les enfants nous surveillent de près, et, les rares fois où j’ai essayé de couper à ce moment, Elisabeth, enfin Rachida -je me trompe encore souvent…- est allée aussitôt le raconter à l’Imam, qui m’a ensuite battue froid pendant deux bonnes semaines… Non, pas envie d’avoir de problèmes…C’est trop embêtant ensuite, ça retombe sur les notes des enfants…Il est aussi leur prof de religion à l’école, et leur prof principal…Si mon grand-père savait ça, il se retournerait dans sa tombe, lui qui avait tellement milité, un vrai Peppone, dans notre petit village où il était le plus grand « bouffeur de curés » que la terre ait jamais portée…
J’ouvre ensuite mon armoire, et regarde avec un petit pincement au cœur mes belles tenues bariolées d’avant…D’avant les « événements »…Oh, pas longtemps, juste un instant…Je ne peux pas me résoudre à les jeter, et puis, les donner au Secours catho… -oups, ma langue a encore fourché, au service d’aide sociale de la Mosquée ne changerait rien, personne ne pourrait plus les porter-…Je me souviens de ce petit haut, mon préféré…Oh, comme je me sentais belle est sexy dedans, un peu effrontée, prête à dévorer le monde, tout en étant dévorée du regard par les garçons que je croisais…Les larmes me montent aux yeux. Mais j’attrape ma burqa, et me contente de mettre mon soutien-gorge mauve, mon p’tit secret à moi…
Paul, enfin Ahmed, est déjà prêt à partir pour l’école, mais il ne m’embrasse plus, me demande juste de cet air un peu impérieux qui m’accompagnera aujourd’hui pour aller jusqu’au marché. Depuis que son père est parti au camp d’entraînement de Kaboul faire son rappel de service obligatoire, notre aîné prend sa tâche d’homme de la maison très au sérieux. Je le rassure. J’allume la télé, et tombe justement sur une rétrospective publicitaire des années 2010…Oui, je me souviens, c’est là que tout avait commencé, c’était l’époque de la pub « Zakia Hallal »…L’année du vote sur la burqa aussi, et puis tout était allé très vite, l’interdiction du monokini, l’obligation du burkini dans certaines piscines de banlieue, la généralisation du Hallal dans les cantines, et puis dans les Quick, les Mac Do, et puis ces pubs à la télé, au cinéma…
Je laisse le poste allumé pendant que je fais la vaisselle, de toutes façons, après, il y aura mon feuilleton préféré, celui qui est diffusé depuis Dubaï, j’aime bien, et puis, que faire d’autre de mes journées, maintenant que je ne peux plus ni enseigner, ni lire, puisque toutes mes lectures sont contrôlées par mes propres enfants… ? Et dire qu’à une époque, j’avais failli m’engager dans ce mouvement « Riposte laïque », avant de me dire que c’était excessif, rétrograde, non, j’avais décidé de faire confiance à nos gouvernants, et puis tout le monde avait tellement peur d’une guerre civile, de dérapages…
Somme toute, la révolution était venue de l’intérieur, si simplement, tout doucement…Lorsque le président de la république avait annoncé sa conversion, et la création de l’état religieux, il était trop tard, « ils » avaient tout muselé, tout préparé, la loi était de leur côté, et puis personne ne souhaitait d’effusion de sang. Je me souviens encore de la femme de notre ancien président, Carla, si belle, même âgée, encore si digne malgré sa canne, elle avait tenu à montrer l’exemple et s’était présentée à un meeting toute de noir vêtue, en burqa, main dans la main avec la femme de notre nouveau président.
Tout s’était fait naturellement, par étapes ; pour nous, les femmes, cela avait été extrêmement douloureux, mais nous n’avions aucune marge de manœuvre. Les interdictions s’étaient multipliées à la vitesse de l’éclair. Plus le droit de s’habiller « à l’occidentale» -mais ce terme avait-il encore un sens, puisque les différents pays d’Europe avaient tour à tour basculé vers l’islam ?-, interdiction d’aller seule au cinéma, de fréquenter les salles de sport, les stades, puis, sournoisement, la remise à l’honneur de ces « trois K » que nous pensions dévolus à cette période pétainiste dont nous avaient parlé nos grands-mères…Jusqu’aux hôpitaux, qui, dès la fin des années 90, lorsque circulait déjà ce petit « Guide du patient musulman », avaient peu à peu commencé à traiter les femmes différemment.
Ne parlons pas de l’école, de tout le système scolaire complètement noyauté par une refonte progressive des programmes…Elis, pardon Rachida n’avait jamais entendu parler de Voltaire ou de Rimbaud, d’ailleurs, elle n’avait pas eu le temps d’arriver jusqu’en terminale, la pauvre, quant à son frère, même s’il n’était qu’en primaire, il était déjà plus incollable en Sourates qu’en sciences…
Mais mon feuilleton va commencer…Je me sers un verre de thé à la menthe et quelques cornes de gazelles, tant pis pour mes kilos, et puis demain j’irai au hammam avec Anne et Françoise, enfin, avec Fatima et Aïcha, et on papotera comme au bon vieux temps, quand nous faisions nos soirées pyjamas en surfant sur meetic, avant de sortir danser ou de regarder de vieux épisodes de Desperate Houswifes…Tiens, encore la pub de « Zakia Hallal ». Décidément, les années 2010 ont la côté sur Muslim TV !!!!http://www.dailymotion.com/video/xaajfm_pub-zakia-halal-tv-france-tf1-m6_news

Sabine Aussenac.

Les 17 victimes de la barbarie conspuées à Toulouse

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Ce soir, dans ma Ville Rose, le sieur Dieudonné maintient son spectacle, et les autorités l’ont approuvé, malgré les événements tragiques de ces derniers jours, de ces journées où notre Pays des Lumières a été frappé en son cœur par une indicible barbarie.

Ce soir, au Zénith de Toulouse, les 17 victimes des attentats terroristes vont être assassinées une deuxième fois, par le pseudo spectacle d’un homme qui, depuis des années, conspue et la République et les juifs, qui, depuis des années, se moque des valeurs fondamentales de fraternité et d’égalité, pactise avec des dictateurs, se moque ouvertement des millions de morts de la Shoah, et qui a déjà été condamné plusieurs fois.

Ce soir, j’ai encore plus de tristesse et de gêne, en sachant que 17 personnes sont mortes dans des conditions atroces, épouvantables, ayant été abattues comme des chiens, avec des gestes rappelant ceux des criminels nazis, par des hommes habités par une haine définitive et totale de la République, commandités par des bourreaux sanguinaires, incultes, engagés dans une guerre contre une civilisation qu’ils espèrent éradiquer, comme ils éradiquent déjà toute liberté dans les contrées où ils sévissent, conspuant par là-même l’Islam, les valeurs sacrées du Coran et tous les musulmans.

Ce soir, dans ma Ville Rose, je me souviendrai que Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré, Michel, Bernard, Elsa, Moustapha sont morts debout, en scène, comme Molière, défendant les idées de notre République quand Dieudonné les roule dans la boue de ses infâmes quolibets. Les idées de la liberté, alors que le pseudo « humour » de ce prétendu comique ne s’en prend qu’à de mêmes cibles. Je me souviendrai de la barbarie de ces armes de guerre faisant exploser notre jeunesse et nos convictions, notre insouciance et nos rires.

Ce soir, dans ma Ville Rose, je me souviendrai que l’innocent Frédéric, qui veillait à la maintenance d’un journal, a été tué par les bouchers dont Dieudonné a souvent fait, dans ses spectacles, l’apologie.

Ce soir, dans ma Ville Rose, je me souviendrai que Ahmed, un musulman achevé, à terre, par un prétendu porteur de la parole d’Allah, tout comme Franck, son collègue policier, tout comme Clarissa, abattue, de dos, policière municipale, sont mort au service de notre République, les armes à la main, morts pour que nous puissions vivre libres, nous tous, citoyens de France. Ils sont morts sous les balles de ceux avec lesquels Dieudonné a pactisé en se rendant dans des pays où cette apologie du crime est ouvertement diffusée, tout comme il diffuse depuis des lustres une parole haineuse, incitant à la guerre civile et aux débordements.

Enfin, je me souviendrai tout particulièrement, dans ma Ville Rose, des quatre victimes dont nous ne connaissons pas encore le prénom, mortes simplement car elles faisaient des courses dans un hypermarché Casher et qui, comme l’écrit la Dépêche, « étaient sans doute juives ». Ne le seraient-elles pas, le problème reste le même : elles sont mortes, assassinées, par un individu ayant délibérément ciblé un symbole de la communauté juive pour y commettre ses crimes, tout comme un certain Mohamed Merha a froidement abattu, dans ma Ville Rose, en mars 2012, quatre enfants juifs et un rabbin, tirant une fillette de 8 ans par les cheveux avant de lui mettre une balle dans la tête. Dieudonné, ce prétendu humoriste que moi, Sabine Aussenac, simple professeur d’allemand et écrivain du dimanche, je considère comme un terroriste, a, depuis des années, fait l’apologie d’un antisémitisme primaire et violent, conspuant la Shoah et l’ensemble de la communauté juive.

 

Oui, ce soir, dans ma Ville Rose, 17 victimes du terrorisme vont mourir une deuxième fois.

Ce soir, je serai Charlie, je serai Ahmed, Franck, Clarissa, et je serai juive, moi qui ne le suis pas.

Dieudonné était déjà venu à Toulouse il y a quelques mois, j’avais écrit ce texte qui a été repris dans la Voix du Midi :

http://www.voixdumidi.fr/dieudonne-a-toulouse-tribune-libre-dune-toulousaine-revoltee-25908.html

 

« Toulousain, souviens-toi ! Souviens-toi de ce 19 août 1944, quand ta Ville Rose a été libérée du joug de l’Occupant nazi. Souviens-toi du ciel bleu et de ta France aux yeux de tourterelle, au sol semé de héros. Car ils s’étaient levés, les Forain-François Verdier, les Alain Savary, pour dire non à l’ogre brun, celui qui dévorait nos enfants juifs déportés vers les Camps.

Toulousain, souviens-toi ! Souviens-toi de ta ville qui, au fil des siècles, ouverte comme une paume aux souffles de la mer, a su, passerelle entre les peuples et les civilisations, se dresser contre le mal et les obscurantismes. Dame Carcasse et toutes les Esclarmonde ont lutté, depuis leurs remparts, contre les contempteurs de cathares, et tu étais là, toi, Toulousain, pour dire ce qui, alors, te semblait juste. Plus tard Jean Calas criera son innocence, et ta brique rose tremble encore de l’injustice et des procès.

 

 » Toulousain, ton histoire mûrit au soleil de la diversité… «    

Toulousain, souviens-toi ! Souviens-toi de ta culture, de l’audace et du chant doublement habitée ! Toi, dont la ville a accueilli la première Académie, l’Académie des Jeux floraux, dans cette terre d’Oc riche de nos troubadours et de l’inaliénable Aliénor. Toi que Garonne a bercé de ses ondulations de femme libre, toi qui sait aller, grâce à Riquet, des effluves océanes jusqu’aux garrigues aux cent cigales, le long du Canal aux eaux vertes que Pagnol a si bien chantées, toi dont l’histoire mûrit au soleil de la diversité, souviens-toi que tu es un homme libre.

Toulousain, souviens-toi ! Souviens-toi que l’on vient de loin saluer dans ta ville tes audaces, tes richesses, tes intelligences, quand les grands avions volent vers l’avenir et que le peuple est habile à ces travaux qui font les jours émerveillés…Toulousain, ta patrie c’est Airbus, c’est ce partage entre les nations, quand l’Europe s’unit pour oublier les armes, c’est cette ville arc-en-ciel, aux couleurs du partage, ce témoin qu’il ne tonnera plus, plus jamais.

 

 » Toulousain, souviens-toi que nous sommes des juifs toulousains depuis ce 19 mars 1962 «    

Toulousain, souviens-toi ! Souviens-toi qu’il y a deux ans un homme a tiré des enfants juifs et leur père comme des palombes s’envolant dans l’Autan, avant de faire éclater la tête d’une fillette aux boucles bondes qui s’appelait Myriam. Souviens-toi du soudain silence des harpes, quand notre Ville Rose devint blême à nouveau, blême de honte, noire de colère, quand nous fûmes des milliers à dire notre indignation et nos tristesses de voir que la paix avait abandonné à nouveau notre nid ! Souviens-toi que nous sommes tous des juifs toulousains depuis ce 19 mars 2012.

Toulousain, souviens-toi ! Souviens-toi de ta ville fière depuis des siècles, de toutes nos églises et de leurs angélus, des ouvriers d’Espagne accueillis en héros, de cette brique rouge qui sonne les révoltes, de Garonne qui gronde comme un peuple debout. Souviens-toi de cela, le 22 février, lorsque tu auras cette envie d’aller voir Dieudonné. »

 

http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2015/01/09/je-suis-pays-de-france-et-je-me-tiens-debout/

 

Je suis Pays de France,

 

et je me tiens debout.

 

 

Je suis la passerelle

 

entre peuples lointains,

 

un creuset des sourires,

 

un infini destin.

 

Je suis le garde-fou

 

contre l’intolérance,

 

ce grand phare qui brille,

 

un flambeau qui jaillit.

 

Je suis la vie qui danse

 

en immense rivière

 

de nos espoirs dressés.

 

 

 Je suis Pays de France,

 

et je me tiens debout.

 

 

Je suis l’enfant qui joue

 

à ses mille marelles,

 

regardant ces ballons

 

aux éclats d’arc-en-ciel.

 

Je suis l’aïeul qui tremble,

 

son regard ne faiblit

 

quand mémoire caresse

 

les fiertés de sa vie.

 

Je suis femme au beau ventre

 

palpitant d’espérance.

 

Tout enfant en son sein

 

sera nommé Français,

 

elle est la Marianne,

 

et elle nous tient la main.

 

 

Je suis Pays de France,

 

et je me tiens debout.

 

 

Tu as voulu salir

 

tous nos siècles de lutte,

 

croyant que de tes fers

 

tu ôterais le jour.

 

Tu as en vrai barbare

 

conspué l’innocence,

 

éventrant d’un seul geste

 

une nation de paix.

 

Mais nulle arme ne peut

 

gommer nos insolences,

 

nul canon ne saurait effacer

 

ces couleurs, ces dessins magnifiques,

 

ces libertés qui dansent,

 

et nul boucher ne fera de nos cœurs

 

des agneaux.

 

 

Je suis Pays de France,

 

et je me tiens debout.

 

 

Tu es ce porc ignoble qui

 

attend les cent vierges

 

en violant tant de femmes

 

dont tu voiles les corps.

 

Tu es coupeur de têtes,

 

tu es sabre levé, tu es balle qui tue,

 

mais tu ne comprends pas

 

que tout ce sang versé ne devient que lumière.

 

Tu attends paradis

 

mais iras en enfer,

 

car ton Dieu punira toute ta route impie.

 

 

Je suis Pays de France,

 

et je me tiens debout.

 

 

Je suis le poing levé,

 

quand de douleur intense

 

d’un pays tout entier le cœur

 

s’est arrêté.

 

Je suis la place immense,

 

un vaisseau de courage,

 

un grand galion qui vole,

 

en espoir rassemblé.

 

Je suis la dignité, le partage et l’audace,

 

je suis mille crayons

 

qui dessinent soleils,

 

je suis cette ironie au devoir d’insolence,

 

je suis million de pages,

 

et le feutre qui offre

 

ces immenses fous-rires,

 

je suis l’impertinence,

 

comme une encre jetée

 

pour amarrer demain.

 

 

Je suis Pays de France,

 

et je me tiens debout.

 

 

Dédié à Cabu, Wolinski, Charb, Frédéric, Ahmed, Franck, Elsa, Michel, Bernard, Honoré, Tignous, Moustapha, Clarissa, et aux victimes dont j’entends parler à l’heure où j’écris ce texte, dans l’épicerie casher…