2014, à la Georges Perec.

 

malala-nobel

Je me souviens de la liesse teutonne et de ce « Nous sommes le peuple », et j’ai aimé cela. L’Allemagne championne du monde, pacifiquement.

Je me souviens du sourire d’Hervé Gourdel. Et je refuse de me souvenir de celui de ses bourreaux.

Je me souviens de la tête baissée d’Oscar Pistorius.

Je me souviens du concert des lycéens de mon fils et des filles qui scandaient son prénom.

Je me souviens de mes hurlements de rire devant « Qu’est-ce-qu’on a fait au Bon Dieu ? »

Je me souviens des hurlements des proches des passagers de l’avion disparu de la Malaysian Airlines et de l’avion abattu en Ukraine.

Je me souviens du ridicule de ce scooter et de l’odeur rance de ces croissants. Et de « ce moment ».

Je me souviens de Oh Capitaine, mon Capitaine, et de mon émotion.

Je me souviens de Udo Jürgens, fringuant et attachant au soir de ses 80 ans, avant de disparaître quelques semaines plus tard.

Je me souviens du mot Zadiste et de ma colère devant la récupération des idéaux de certains, jusqu’à la mort de Rémy.

Je me souviens des dizaines de femmes mortes cette année sous les coups de leur compagnon, et de tous ces enfants tués aussi. Je me souviens de cet élève de mon collège, abattu d’une balle de gros calibre par son père, durant la pause déjeuner.

Je me souviens des yeux brillants de Malala qui recevait son Prix.

Je me souviens de ce premier paiement de la pension alimentaire attendue depuis 4 ans.

Je me souviens de Dieudonné, de ma colère et de sa connerie.

Je me souviens de mon premier prix à ce concours de nouvelles.

Je me souviens des sourires de mes petits sixièmes et de leur première chanson en allemand.

Je me souviens de notre inquiétude pour Schumi.

Je me souviens de ma propre chute fin août, et des apprentis plombiers qui m’ont secourue avec une échelle par la fenêtre. Cette fois j’avais mis les mains, je ne m’étais pas cassé le nez.

Je me souviens du dîner du CRIF et de ma rencontre avec Latifa, Manuel, Arié.

Je me souviens du tweet de Bernard Pivot et du coup de fil de Pierre Santini.

Je me souviens des épisodes de Fais pas ci fais pas ça, Profilages, Alice Nevers

Je me souviens que je suis montée à Lutèce et que j’ai marché sur les traces d’Alice Nevers. Je me comprends. Et je me souviens de mon sourire il y a quelques jours, en apprenant que…

Je me souviens de ma découverte des polars scandinaves.

Je me souviens de cette promenade dans Cordes sur Ciel presque déserte, et du Musée du Catharisme.

Je me souviens du Violon d’Ingres à Montauban, et des enfants courant nus dans le miroir d’eau du Capitole.

Je me souviens de mon oncle octogénaire expliquant la Résistance à mon fils, et je me souviens de la commémoration de Toulouse, la Résistante.

Je me souviens des ricanements de certains élèves regardant le Journal d’Anne Frank.

Je me souviens des cohortes de réfugiés syriens et des centaines de migrants morts en Mare Nostrum.

Je me souviens de mon invitation au Printemps des Poètes en Guadeloupe.

Je me souviens des mains de David Lively au festival de Piano aux Jacobins.

Je me souviens de 2014 et je vous souhaite un an neuf lumineux et tendre, impétueux et engagé, apaisé et serein.

https://www.youtube.com/watch?v=55HcPt_pcGc

 http://ateldec.chez.com/00002000/

Le Premier Damoiseau

Le  Premier Damoiseau 

Non, pas terrible, vous en conviendrez, ce titre. Hum, essayons encore… « Le Premier Homme » ? « Le Premier Monsieur » ?

En fait, c’est incroyable : impossible de trouver un terme correspondant à « Première Dame », première dame…au masculin.

Bon, vous connaissez, j’en suis certaine, le masculin de « debout dans la cuisine »…Mais si, souvenez-vous de la blague idiote de « assis devant la télé » ! Mais là, c’est plus compliqué, car, somme toute, cette difficulté syntaxique outrepasse les frontières de la vie privée et du logis…

Ne vous inquiétez pas, je ne vais clooseriser votre lecture, ni revenir sur ces sempiternelles frontières entre la vie privée et la vie publique, voire même sur le fameux « statut de la Première Dame »…Non, simplement, je souhaiterais attirer l’attention sur le côté terriblement désuet de toute la problématique, et, par extension, sur cette situation si désespérément frenchie…

Bon, posons-nous juste la question…dans l’autre sens. Imaginons une seconde l’inverse : notre belle France se serait, par je ne sais quel miracle, dotée d’UNE Présidente de la République…

Et donc, pensez-vous réellement qu’il eut fallu longtemps pérorer sur « le rôle du … » du quoi, déjà ? « Premier Damoiseau » ? « Premier Homme » ? « Premier Monsieur » ? Vous le sentez, là, le ridicule ? Vous en prenez conscience, de l’archaïsme de nos mentalités ?

Parce qu’il faut bien reconnaître que la question ne se serait même pas posée…Tout comme elle ne se pose pas, par exemple, de l’autre côté du Rhin, où le conjoint de l’auguste chancelière ne joue strictement aucun rôle en place publique…Même pas celui d’un Prince Consort, si ce n’est pour accompagner discrètement son Angie à l’opéra…

Ici, ah, ici, c’est une autre paire de manches –j’ai failli écrire autre chose, il s’en est fallu d’un cheveu…C’est qu’elle est couillue, notre belle France, en tous lieux, de tous temps, et jusque dans les ors de l’Élysée…Elle est dirigée de main de maître, oui, et on les entend, depuis ce jour fatidique où not’ Président déguisé en Daft Punk s’est fait livrer depuis la Mie Câline, ces contempteurs de femmes, qui voudraient d’un geste, d’un seul, évincer leur Première Dame, prétextant que de toutes manières elle ne joue qu’un rôle suranné de Bobonne en son Palais…Le Chef de l’État serait libre, et puis la Première Dame ne servirait que l’image, et puis de toutes manières le Président serait bien mieux seul, affichant un célibat, d’ailleurs n’aurons-nous pas un jour un Président homo, n’est-ce-pas, comme les Parisiens ont un maire gay, déjà ?-sic, entendu sur les ondes…

Non mais dites, les garçons, on aurait peut-être aussi notre mot à dire, non ?

Nous, les filles, les potentielles épouses de chef d’État, nous toutes, les Françaises, ouvrières, employées, cadres, artistes, actrices… Déjà, figurez-vous qu’on aimerait bien que le Président respecte les femmes, LA femme, et pas seulement pour la parité. Dire en son temps que Madame Trierweiler, qui a d’ailleurs toute ma sympathie, était « la femme de sa vie », alors même qu’il avait eu de merveilleux enfants avec sa Dame Blanche, c’était très moyen. Alors toute cette histoire, pensez…

Certes, c’est tendance. Il a fallu qu’il fasse son président libéré, qu’il prouve que même sans Mazarine tirée du placard lui aussi pouvait se la jouer Monika Gate. Admettons. La french touch, the gaudriole, le French Lover à l’Élysée. Dont acte.

À priori, libre à lui de vivre sa vie comme il l’entend. Le seul problème, justement, réside à mon sens dans l’IMAGE que toute cette histoire donne de la femme, des femmes, de ses femmes, de sa femme.

Qu’il n’ait jamais voulu se marier, soit. Qu’il ait volé la vedette à son ex-épouse elle-même en son temps candidate aux plus hautes fonctions de l’État, soit –même si déjà, je trouvais cette situation particulièrement inélégante, du niveau d’un téléfilm américain du genre « La vengeance aux deux visages »…Mais qu’il ose à présent ridiculiser sa compagne, et, par extension, faire de notre pays le dindon de la farce médiatique internationale me gêne un peu, au niveau de l’image de la Femme Française.

Nous méritons mieux. Et il me semble que les anciennes épouses de Présidents, les anciennes « Premières Dames », ont fort bien tenu leur rang, sans faillir, de la douce Yvonne à la belle Carla, en passant par Danielle l’engagée à Bernadette l’obstinée….Je ne sais pas si elles étaient là, comme le dit la presse, simplement pour jouer les potiches, mais je ne le pense pas. Elles ont secondé leur « Raymond », fidèles et présentes, dans les bons et les mauvais jours.

Elles étaient là, tout simplement. Comme la rayonnante Michelle Obama, qui a fêté hier ses cinquante ans. En grandes pompes. And so what ?

Vous auriez-voulu quoi ? Qu’elle aille se cacher pour souffler ses bougies ? Qu’elle pleure en cachette ?

Soyons sérieux. Messieurs, nous ne demandons qu’une chose : votre respect. Respectez la « Première Dame », et, bien entendu, cette demande s’adresse aussi au Président de la République. Il a fait venir une femme en son Palais, il aurait pu avoir la décence de la quitter avant que de s’afficher, en public ou en catimini, avec une autre.

Et surtout, messieurs, demandez-vous, sincèrement, quelle eut été votre réaction si UNE Présidente avait osé tromper ce « Premier Damoiseau » aussi ouvertement…J’entends déjà vos sifflets et quolibets, vos insultes, vos blâmes et vos mépris…Quid de la french touch ? Non, nous aurions eu droit à de terribles moqueries, à des bassesses, à des termes que je n’ose reproduire ici…

Et je n’espère que cela, messieurs. Qu’un jour, très, très prochainement, une femme vienne vivre et habiter à la tête du pays, afin de vous prouver que l’on peut gouverner en étant femme, et rester femme en gouvernant.

Pour aller plus loin :

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Sabine Aussenac.