Discours de Monsieur Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, le 5 avril 2014
Je ne sais pas pourquoi, en les voyant, j’ai pensé à Daudet :
« M. le sous-préfet est en tournée. Cocher devant, laquais derrière, la calèche de la sous-préfecture l’emporte majestueusement au concours régional de la Combe-aux-Fées.
Pour cette journée mémorable, M. le sous-préfet a mis son bel habit brodé, son petit claque, sa culotte collante à bandes d’argent et son épée de gala à poignée de nacre… »
Pourtant, nous n’étions pas aux champs, mais au cœur de la Ville Rose : qui, en ce samedi 5 avril 2014, commémorait en grandes pompes la Bataille de Toulouse !
http://www.voixdumidi.fr/il-y-a-200-ans-la-bataille-de-toulouse-pour-sauver-lempire-25175.html
C’est qu’ils étaient galonnés, nos Grognards, tout autant que les sujets de Sa Gracieuse Majesté ou que les dizaines d’Ibères fiers comme Artaban et d’autres lusophones qui se prêtaient à cette reconstitution historique…Le Capitole en perdit presque son latin, tant c’était fête que de voir les épaulettes et les épées rivaliser de force avec les sabres et les médailles, qui, sous le soleil du printemps, illuminaient la Cour d’Honneur.
Un calendrier quelque peu maladroit, que la nouvelle municipalité aura j’espère à cœur de modifier, avait fait coïncider le Carnaval et cet événement historique bien peu, hélas, relayé par les médias, comme s’en plaignit l’un des responsables lors des beaux discours qui résonnèrent dans la Salle des Illustres. Il faut dire que les catholiques pratiquants doivent de toutes manières lever les yeux vers leur ciel, en voyant ce Carnaval qui jouxte quasiment la Semaine Sainte, faisant fi de toute logique chronologique…Mais ces derniers se rattrapèrent aussi, ce jour-là, les plus hardis d’entre eux ayant gratifié la Place du Capitole d’un ersatz de Manif pour tous, avec un ridicule « Jour de Colère » qui ne rassembla que trois vigiles et un tondu…
Bref. Alors que je ramenais tout juste mon geek de fiston de la préparation du « TGS » et de son propre rassemblement de cyberdéguisés, qui, eux, paradaient devant L’Imaginaire,
je trébuchai soudain sur l’Empire, posté devant notre beau Capitole, en un alignement de troupes venues de toute l’Europe pour rappeler le souvenir de cette journée mémorable, que la pacifiste que je suis résume brièvement :
La bataille de Toulouse s’était déroulée le dimanche de Pâques du 10 avril 1814 et avait opposé 42 000 soldats de l’Empereur Napoléon, commandés par le maréchal Soult, aux 52 000 soldats de la coalition anglo-hispano-portugaise dirigés par le Maréchal Arthur Wellesley Duc de Wellington. Les Anglais attaqueront Saint-Cyprien, mais seront arrêtés au niveau des futures allées Charles-de-Fitte. Les Écossais, eux, vont attaquer les Ponts-Jumeaux, mais se heurteront à une défense efficace, tandis que les Espagnols échouent aussi vers Matabiau et Jolimont…
L’armée anglaise arrive toutefois à rejoindre la route de Castres, contournant la ville par le nord, et attaque en donnant l’assaut vers la colline du Calvinet depuis les futurs quartiers du château de l’Hers et de Soupetard. Soult envoie le général Taupin, qui est tué à Jolimont, ce qui permet à Wellington d’occuper Jolimont.
L’Histoire porte un regard ambivalent sur cette bataille, car deux visions s’opposent dans son analyse…Les Britanniques y verront une victoire, puisque que Soult aura évacué la ville et qu’ils y entrent le 12 avril, acclamés par les royalistes ; mais les Français aussi en revendiquent la victoire, car la ville n’a justement pas été prise d’assaut le 10 avril 1814… En effet, l’armée de Soult, loin de capituler, peut même se retirer dans la nuit du 11 au 12 avril 1814 !
Ce double héritage est sans doute important et préfigure, à n’en pas douter, les émotions mêlées que suscite toujours notre rapport au passé. Car l’Europe est née d’alliances et de combats, les frères ennemis d’hier devenant les alliés de demain, au gré des méandres des défis et des tourmentes…
Voir ainsi, en ce beau printemps 2014, alors que l’Ukraine est à feu et à sang, alors que la Hongrie vire au Noir et que le FN se pavane dans moultes municipalités de l’hexagone, des hommes venus de plusieurs pays d’Europe parader pour la reconstitution de cette bataille et se prêter au jeu de l’Histoire m’a mis, je peux vous l’assurer, du baume au cœur. Car, comme l’a répété notre nouveau Maire dans son discours, nous avons appris de l’Histoire, et devons toujours garder en mémoire les belles visions de ses grands hommes : notre Europe, qui avait été mise à feu et à sang par l’Empereur, a su aujourd’hui trouver sa ligne directrice, ses alliances, ses espérances.
La reconstitution de la Bataille de Toulouse, en ce bicentenaire, s’est inscrite pour nous, Toulousains, dans les prémices des commémorations du centenaire de la Grande Guerre. Car comme l’a rappelé Jean-Luc Moudenc, cette année 2014 sera riche en rappels du passé…
Que la mémoire des hommes perdure. Et que la paix règne en nos cœurs.