Devenons les passeurs de lumière
Pourquoi ne pas croire aux miracles ? Osons, osons, avec les chrétiens du monde entier, nous réjouir de cette fête où un prophète et se disant fils de Dieu ressuscita d’entre les morts. Croyants et impies, athées et religieux, toute foi confondue, réjouissons-nous de ce moment qui peut devenir inspirant.
La nature nous donne l’exemple. En ce printemps, tout n’est qu’explosion de vie et d’allégresse…Les journées qui rallongent après les grisailles de l’hiver, les lilas et les roses, les nuées de pétales dont le duvet volète d’arbre en arbre quand les merles s’époumonent…Des sous-bois aux jardins, notre terre palpite, tout n’est qu’éclosion et renouveau.
Osons, nous aussi, cette espérance pascale. Ne baissons pas les bras dans la nuit qui gronde, malgré nos douleurs, nos peines, nos angoisses. Oui, le monde est fou, entre les dictateurs et les diktats, entre les massacres des Innocents syriens et les naufrages de centaines de lycéens coréens, entre les incendies qui dévorent Valparaiso et les avions fantômes, entre les injustices, les maladies, les scandales. Et puis nous la tuons, notre planète, notre trésor, nous en vilipendons les moindres recoins de paradis pour en faire vil usage, aveugles devant le précipice qui, béant, guette une humanité toute entière.
Mais nos rites religieux peuvent nous aider, malgré nos différences, à regarder la vie différemment et à tenter d’autres expériences…Les juifs viennent de fêter Pessah, leurs offrandes commémorant une autre espérance, « L’an prochain à Jérusalem » et la rédemption de l’Exode. Les chrétiens, eux, se réjouiront dimanche en se saluant du traditionnel « Il est ressuscité ». Même si nous ne partageons pas ces idées et ces traditions, nous pouvons, dans le monde entier, nous associer à ces partages, et à ces ancrages dans la renaissance et l’avenir.
Le bébé luttant pour son premier souffle de vie, le « pneuma », nous donne l’exemple : jusqu’au sourire rayonnant des « Seigneurs », ces aïeuls emplis de grâce malgré leurs vies de tourmentes, comme les Germaine Tillon qui sont revenues d’entre les morts de la Shoah, ou emplis de sagesse et d’intelligence, comme les Michel Serres, les Jean d’Ormesson, l’Homme lutte pour rester debout et pour croire à cette vie qui le porte…
http://fr.wikipedia.org/wiki/Germaine_Tillion
Sachons, en cette veille de Pâques, reconnaître, nous aussi, le miracle de la vie. Il est là, partout, chez les puissants et les humbles, dans la larme de joie de la mère retrouvant son enfant sain et sauf après un naufrage en Corée, dans le tressautement de la paupière de « Schumi », dans l’annonce de la libération des journalistes en Syrie…
Jésus, disent les chrétiens, est sorti de son tombeau. Nos vies, si souvent, sont déjà de lugubres caveaux, lorsque nous étouffons sous la terre de nos soucis, lorsque le morne quotidien nous enterre vivants, lorsque peu à peu le silence se fait dans nos existences sans joie. Osons pousser les pierres, nous aussi, osons respirer enfin la vie qui est là, à nos côtés, cette vie que nous ne voyons plus, ne sentons plus, tant nous sommes engluées dans nos tristesses ou nos horreurs. Soyons la main tendue, le sourire offert, devenons les passeurs de lumière.
Il suffirait de peu pour que les femmes ne soient plus emmurées derrière les grilles de l’absurde, ni violées, éventrées, lapidées. Il suffirait de peu pour que la misère ne pousse plus des enfants innocents à se noyer en Méditerranées, pour que les frères ennemis du Moyen-Orient enterrent les siècles de guerre. Il suffirait de peu pour que nous arrêtions de souiller cette planète qui accueille nos passages et que nous transformons en poudrière et en enfer.
Nous ne pouvons rien contre le fatum, contre le destin qui fait chavirer les navires et trébucher les sportifs de haut niveau, aussi aguerris soient-ils. Mais nous, tous ensemble, nous, les frères et sœurs humains, nous devrions écouter l’espérance et commencer à nous relever, à sortir de nos tombeaux, et à partager nos espaces.
« Il est miraculeux qu’il reste la lumière. » Claude Vigée
