Ses yeux violets, sa bouche ardente, son sourire à réveiller les morts.
Liz, ma Liz, pour moi tu seras toujours la plus passionnée des filles du Docteur March, la rebelle, l’indomptable. Tes colères et tes combats, tes amours, l’ultime retour vers ton Richard, tu étais Hollywood à toi toute seule.
J’ai su, en te regardant, que moi aussi, j’aimerais…
Oui, tu étais la quintessence de la femme, les empereurs à tes pieds, égérie de tous les toits brûlants, dominant même les géants.
Avec James Dean sur le tournage de « Giants »
J’ai grandi avec vous, mes monstres de l’Actor’s studio, et quand de ce côté de l’Atlantique, la télé nous montrait encore la série des « Gendarmes » (mais les Rois Maudits, aussi, c’est vrai), elle avait aussi la décence de nous présenter, aux heures de grande écoute et sans passer par des abonnements supplémentaires, tous les merveilleux films de Minelli et autres Capra. Petite fille encore, je savais déjà que tu étais, Liz, la vie, la vraie, malgré l’opacité de cet écran de cinéma et des rediffusions de l’ORTF. Tu m’as fait montré l’autre côté du miroir: merci.
Mon film préféré? The Sandpiper, entre mille : celui où tu incarnes cette femme, artiste peintre, qui vit librement dans les collines au-dessus de Big Sur, en Californie ; tu y élèves ton fils, en toute liberté, sans contraintes, et tu vas vivre une passion extrême avec le pasteur qui dirige l’internat où les autorités t’obligent à placer ton enfant.
Certes, cette pimbêche d’Eva-Marie Saint aura le dessus, avec ses cols fermés et ses twin sets. Mais tu as gagné, ma Liz : toi et Richard vous serez roulés dans le sable du Pacifique comme dans la célèbre scène de « Tant qu’il y aura des hommes », vous aurez aimé, vous aurez vécu.
Libres.
Tu as demandé que l’on prie pour toi sur Twitter. Ne t’inquiète pas, Liz : Saint-Pierre a déjà craqué pour ton regard violet : il t’a sans doute déroulé le tapis rouge.
(article publié le 23 mars 2011 sur le net, dans le défunt « Post » et dans le « Journal des lecteurs » de Sud-Ouest…
Enfant, déjà, je l’ai rêvée. Cette Amérique des séries télévisées et des dessins animés, qui offrait à la petite provinciale que j’étais tant d’imaginaires… Je me souviens avoir écrit dans une rédaction que l’un de mes souhaits était de rencontrer Walt Disney! Puis vinrent les innombrables films que la télévision des Seventies nous proposait, sans le filtre des chaînes payantes… J’ai grandi avec Capra et Minnelli, j’ai dansé avec Cyd Charisse, chanté avec Marilyn, chevauché avec John Wayne. Même avant Little Big Man, je savais que les Indiens n’étaient pas tous des arracheurs de scalp, car la Captive du désert m’avait montré les richesses d’une culture qui longtemps, elle aussi, me fit voyager…
Je l’avoue, je me sentais pionnière. Bien avant Laura Ingalls et ses tresses, je regardais déjà Les Monroe, une famille où les parents avaient disparu et où les cinq enfants se débrouillaient seuls dans l’Ouest américain. Mais les villes aussi me semblaient merveilleuses, des bourgades endormies comme Peyton Place aux rumeurs du Bronx ou de L.A.
La télévision m’avait enchantée, le cinéma passionnée, la littérature fit de moi une inconditionnelle. Mes seize ans eurent le goût des grands espaces et des gratte-ciels; A l’Est d’Éden, la jeune fille en fleur que j’étais perdit toutes ses illusions, et aujourd’hui encore je m’endors avec Paul, Nancy et d’autres contempteurs du temps.
En grandissant, j’avais constaté que si l’Amérique avait envahi nos quotidiens, des Cornflakes au Coca, en passant par l’ouverture des premiers MacDo -je me souviens encore du délicieux frisson éprouvé en mordant dans ce primo-burger; il me sembla alors être assise aux côtés de Fonzie de Happy Days…-, mon entourage, lui, était plutôt enclin à conspuer l’Oncle Sam… Car à mes côtés, au MacDo, se tenait mon premier époux, un cheminot communiste dont l’anti-impérialisme farouche annonçait celui que je retrouverai, mon CAPES en poche, dans tant de salles des profs dédiés au marxisme léninisme primaire…
Je n’en eus cure. Car mon Amérique à moi n’était pas seulement celle des vilains blancs et du KKK; j’avais aussi entendu Jane Fonda haranguer les boys au Vietnam, écouté Bobbie qui chantait dans le vent, et mon plus grand regret, à cette époque, était d’avoir raté Woodtsock de quelques années… Il me suffit d’écouter With a little help from my friends pour me revoir dans ma petite chambre d’hypokhâgneuse, buvant un thé au jasmin, croquant dans un Chamonix -bon, ok, tirant sur un pétard- et regardant les yeux brillants de Frédéric qui me parlait des communautés de Big Sur…
Tant d’autres moments américains ont jalonné ma vie qu’il serait difficile de les évoquer tous. Des rencontres, comme celles que je fis vers dix-huit ans, quand j’abordais les étudiants US sortant de la bibliothèque américaine de la rue du Taur, à Toulouse ; leurs yeux indescriptiblement bleus me rappelaient ceux de Paul Newman, leurs rires francs m’emportaient over the ocean, leur ouverture d’esprit me montrait que la vie était ailleurs, loin de nos frilosité hexagonales… Aujourd’hui encore, au gré des rencontres planétaires des réseaux sociaux, il m’arrive de trouver des perles, comme mon ami le cow boy jazzy Silvanus Slaughter ; écoutez, vous m’en direz des nouvelles…
Des films, comme The Sandpiper, qui, entre la liberté princière de cette artiste magistralement interprétée par Liz Taylor et ce pasteur tiraillé entre les conventions et ses désirs, a sans doute guidé toute ma vie de femme, puisque j’ai fini par épouser un pasteur (véreux !) avant d’oser devenir une artiste. Des livres, comme Autant en emporte le vent, dont les milliers de pages ont, elles aussi, façonné mes combats.
Puis vint le 11 septembre. L’horreur sans nom de l’indicible injustice. Et, très vite, les rires gras et les sourires fielleux des « ils l’ont bien cherché, ces Ricains! »
Mais pour moi, il n’y a pas de Ricains. Le conglomérat dont se gaussent ceux qui méprisent la Country, évoquant les bouseux du Middle West, encensant le jazz new yorkais, (comme c’est à la mode dans mon département, le Gers, avec son clivage socioculturel entre les bobos de Jazz in Marciac et les paysous de la Kountry de Mirande) me semble absurde, tout comme cet anti américanisme dont se targuent encore quelques Mélanchoniens, sans doute nostalgiques du Vietcong et des goulags…
J’ai toujours seize ans. Je suis encore capable de réciter les Etats américains, de rêver les neiges du Vermont et les grandes plaines du Wyoming, je pleure chaque fois que je revois la scène finale du Horsewhisperer, j’écoute CNN en boucle à chaque ouragan et j’attends ce grand type qui aurait l’humour et les muscles de Bruce Willis, la voix de Josh Groban et l’intelligence de Woody (NB: il pourrait aussi ressembler à Will Smith !!). Il m’offrirait mon premier vol transatlantique et me montrerait les Appalaches et le Bayou, avant de me faire danser dans un club de la cinquième avenue. Puis nous fêterions noël à NY.
Je suis Scarlett, for ever.
***
Independance Day
J’ai fait un rêve
D’une Amérique libre et grande
D’un peuple uni aux mille visages
Des Twins Towers ressuscitées
D’une Statue de la Liberté
Qui dévisage
Une nation toute redressée
J’ai rêvé les tribus Comanches
Et Sitting Bull en calumet
Des turquoises et de belles femmes blanches
Qui enlacent de fiers guerriers
J’ai descendu le vieux fleuve impassible
Et plongé dans de noirs bayous
Un très vieux noir se balance sur rocking chair
Et un gospel infini s’élève dans les airs
J’ai rêvé Sunset boulevard
Et croisé James Dean en Porsche intacte
Mes tramways se nommeront toujours désir
Et ma fièvre dans le sang ne s’apaisera pas
A l’est d’Eden je cueille raisins de ma colère
Il est grand temps de partager la terre
J’ai fait un rêve
De séquoias de Grand Esprit
Little big man part à Woodstock
La country a soudain oublié le Klan
Et Scarlett danse au gré du vent
La soul d’Aretha et d’Otis
Rejoint le rock du vieil Elvis
J’ai rêvé New York
Et un matin de noël blanc
Au-delà des arc-en-ciel Judy l’étoile est née lumière
A Harlem tout le monde s’appelle « Brother »
Nous venons tous d’Ellis Island
Et sommes de la même bannière
Mon Amérique à moi
A le parfum de rouges érables
Et des vagues de Big Sur
Des tipis et indiens vénérables
Y côtoient l’Oncle Tom libéré
C’est l’Amérique des engagés
Des Boys venus sauver vieille Europe
Des idéaux de fraternité
Mon Amérique à moi
Murmure à l’oreille des chevaux
Sur la route de Madison
C’est la voix tendre de Marilyn
Mêlée aux éclats noirs d’une trompette
J’ai fait un rêve
D’un Président qui aimerait
Les mille vies de ces naufrages
La barre il redresserait
Et son sourire aux métissages
Sa vie durant il donnerait.
***
My America is like a poemwhisperer
My America is like a rising sun
Twin Towers tempest and Walden woods
Desert gospels and Harlem as a temple
Oh give me the time of grace
Even frozen hearts can touch this marigold summer of love
My America is like a bright harvest
Gone with the dubious wind
Suzanne is singing sadly
And Johnny Cash feels hurt
But sandpipers are waiting for the mermaid of their dreams
My America is like a poemwhisperer
Tender is her night
Captain oh my Captain can you feel this dusty wonderland